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LES
INSURRECTIONS DU NORD-EST DE L’INDE
Alain
Lamballe
Depuis
l’indépendance, le Nord-Est de l’Inde pose des problèmes de sécurité
graves qui ne revêtent toutefois pas l’importance des événements du
Cachemire. Le gouvernement fédéral a, au fil des ans, réorganisé la
carte administrative de cette région en tenant compte au mieux de la présence
de diverses ethnies, dont certaines, fort remuantes, réclament même
l’indépendance. En donnant à toutes les entités administratives le
statut d’États et non plus seulement de Territoires de l’Union, New
Delhi est allé aussi loin que possible dans la décentralisation et dans
l’octroi d’une réelle autonomie, dans le cadre, naturellement, de la
constitution. Le Nord-Est comprend désormais sept États : Arunachal
Pradesh, Assam, Manipur, Meghalaya, Mizoram, Nagaland, Tripura.
Caractéristiques
générales, physiques, économiques
et humaines
La région,
très excentrée par rapport au reste de l’Inde, recouvre une superficie
totale de 254 083 km2, c’est-à-dire presque la
moitié de la France. Elle est bordée au nord par le Bhoutan et la Chine,
à l’est par le Myanmar, à l’ouest et au sud par le Bangladesh. De
nombreux cours d’eau, essentiellement l’imposant fleuve Brahmapoutre et
ses affluents, la traversent. Ils provoquent occasionnellement de graves
inondations.
Les sept
États du Nord-Est de l’Inde comprennent près de 34 000 000
d’habitants. La densité de population est inférieure à la moitié de la
moyenne nationale. Le taux de scolarisation est l’un des plus élevés du
pays. À Shillong, la North-Eastern
Hills University dispense un enseignement supérieur de bonne qualité.
Les conditions de vie sont plutôt meilleures qu’ailleurs. Le revenu par
habitant dépasse la moyenne nationale mais les répartitions des richesses
demeurent très inégalitaires.
L’ancien
État de l’Assam regroupait, au moment de l’indépendance, la majeure
partie du Nord-Est mais il a été morcelé et dépossédé de ses
nombreuses anciennes prérogatives. La réorganisation de 1972 a réduit
son importance qui reste cependant notable pour deux raisons : il
demeure l’État le plus peuplé de la région (25 000 000
d’habitants) et constitue un point de passage obligé pour les relations
avec le reste de l’Inde (les liaisons routières et ferroviaires passent
obligatoirement par son territoire).
Le
Nord-Est constitue une véritable mosaïque ethnique dont de nombreuses
composantes possèdent des traits mongoloïdes. L’imbrication est telle
qu’il n’a pas été possible de créer des États homogènes du point de
vue ethnique.
La
colonisation a eu pour effet de convertir au christianisme de nombreuses
tribus. À l’époque coloniale, des Bengalais et des Népalais ont émigré
vers le Nord-Est de l’Inde, essentiellement pour travailler dans les
plantations britanniques. Des Gurkhas d’origine népalaise, démobilisés
sur place à la fin de la guerre contre les Japonais, s’y sont également
installés, notamment au Manipur.
Depuis
l’indépendance, des mouvements migratoires, tolérés voire encouragés
par l’Inde pour certains, par le Pakistan oriental puis par le Bangladesh
pour d’autres, se sont poursuivis. Il est vrai que le Nord-Est constitue
une zone démographique vide par rapport aux trop-pleins avoisinants. Ces
migrations ont concerné des Chakmas bouddhistes originaires des Chittagong
Hill Tracts (région de collines du Bangladesh proche du Myanmar),
partis vers le Mizoram et l’Arunachal Pradesh, mais bien davantage des
Bengalais, hindous et musulmans, venant des plaines. Suite à un accord
conclu entre l’Inde et le Bangladesh en 1999, des Chakmas sont rentrés
dans leur région d’origine. Le pourcentage de la population musulmane du
Nord-Est a considérablement augmenté. Il est actuellement de 28 %
dans l’État de l’Assam, c’est-à-dire presque deux fois et demi plus
que dans l’ensemble de l’Inde et désormais non négligeable dans
l’Arunachal Pradesh, ce qui est un fait relativement nouveau. Une émigration
hindoue, composée de Gurkhas, originaires du Népal, se poursuit à
destination du Sikkim, du Bhoutan et aussi du Nord-Est de l’Inde, surtout
en Assam et au Nagaland. Mais elle est également mal acceptée. Par
ailleurs, la proportion de chrétiens s’est accrue depuis l’indépendance
dans la partie orientale de l’Arunachal Pradesh. Les États du Nagaland,
du Mizoram et du Meghalaya restent aujourd’hui les plus christianisés
du Nord-Est (plus de 92 % de la population du Nagaland, quasiment tous
baptistes). La situation prévalant au Myanmar, pays avec lequel quatre des
sept États du Nord-Est possèdent une frontière, trouve tout naturellement
des prolongements dans cette région de l’Inde. Ainsi, les conversions de
chrétiens au bouddhisme, encouragées voire exigées par les militaires au
pouvoir à Rangoun, et les travaux forcés imposés aux minorités non
bouddhistes poussent des populations à quitter le nord du Myanmar pour se réfugier
en Inde. Ces mouvements migratoires contribuent à déstabiliser encore
davantage certains États du Nord-Est. Le brassage des populations
d’origines ethniques et de religions différentes se fait donc mal.
Aujourd’hui,
l’Assam et le Tripura sont à majorité hindoue avec une relativement
faible proportion de populations tribales. Dans les autres États, c’est
l’inverse, les groupes tribaux constituant l’essentiel du peuplement.
Sur le
plan économique, le Nord-Est, non dénué d’intérêt, suscite des
convoitises. Il fournit, en effet, la moitié de la production nationale
de thé et le cinquième de la production de pétrole. Il dispose aussi
d’importantes ressources minérales et forestières. Par ailleurs, le
vaste potentiel, en matière d’hydroélectricité et d’irrigation, du
Brahmapoutre et de ses affluents reste inexploité.
De plus, les riches gisements de gaz découverts au Bangladesh se
prolongent dans certains États du Nord-Est, notamment au Tripura.
Ainsi,
une différentiation religieuse et culturelle s’ajoute à l’isolement géographique
de la région (reliée au reste du pays par un étroit couloir de 18 km
entre le Bangladesh et le Népal et de 40 km entre le Bangladesh et le
Bhoutan), aggravé par une insuffisance d’infrastructure routière et
ferroviaire. Le Nord-Est constitue vraiment une région à part au sein de
l’Union Indienne.
Insurrections
et mouvements divers
Des
insurrections significatives existent actuellement dans cinq États :
le Nagaland, le Manipur, le Tripura, l’Assam et
l’Arunachal Pradesh. Le calme règne en général dans les deux
autres États : Meghalaya et Mizoram. Presque partout, demeurent des
insatisfactions, dues parfois au tracé des frontières entre les provinces
mais le plus souvent à l’isolement des populations indigènes qui
s’estiment délaissées. Les causes des soulèvements ou des simples mécontentements
ont été ou sont multiples : crainte de perte d’identité puis
difficultés économiques au Nagaland, diversité ethnique au Tripura, au
Meghalaya et en Arunachal Pradesh, aliénation ethnique et problèmes économiques
en Assam, négligence économique au Mizoram. À ces facteurs, parmi
lesquels prédominent la peur d’être dominés par des non-autochtones et
les luttes tribales, s’ajoute la jeunesse de la population (par exemple,
67 % de la population du Nagaland a moins de 34 ans), attirée par les
extrémismes, lesquels alimentent tout naturellement la violence.
Les
mouvements militantistes apparaissent très morcelés. Même s’ils défendent
la même cause, ils s’opposent parfois. Les rebelles seraient au nombre de
3 000 au Nagaland, 2 000 au Manipur, 1 000 au Tripura et 2 000
en Assam.
Au
Nagaland, les chefs de la rébellion ont exagéré le danger représenté
par les gens des plaines qui déposséderaient les autochtones de leurs
terres. Au xixe et
même encore au xxe
siècle, les différentes tribus nagas se battaient entre elles. À certains
moments, les Kukis étaient considérés comme Nagas. Aujourd’hui,
l’une des factions issues de la scission du National
Socialist Council of Nagaland, celle qui porte le nom de
National Socialist Council of Nagaland - Isak Muivah Group (nscn
- im) ne les considère pas comme étant Nagas, contrairement à
l’autre faction, appelée National
Socialist Council of Nagaland – Khaplang
(nscn - k).
Le Naga
National Council, créé dès
avant l’indépendance, continue par ailleurs à exister.
Les Nagas apparaissent donc très divisés politiquement. Il est
vrai qu’ils sont aujourd’hui répartis en 35 tribus dont 17 seulement au
Nagaland, les autres se trouvant dans les provinces voisines du Manipur et
de l’Arunachal Pradesh ainsi qu’au Myanmar. Les guérilléros exigent,
depuis 1947, l’indépendance du Nagaland qui, selon eux, n’a jamais fait
partie de l’Inde.
Au
Manipur, où agit, en plus du National
Socialist Council of Nagaland, l’United
National Liberation Front - Meghen
(unlf - m), les forces de
l’ordre subissent des harcèlements permanents et tombent souvent dans des
embuscades.
Au
Tripura, deux mouvements insurrectionnels opérent : le National
Liberation Front of Tripura (nlft)
et l’All Tripura Tiger Force (attf).
Les Tripura Tribal National
Volunteers (tnv) semblent
avoir disparu. Les attentats augmentent (1268 morts dont 201 membres des
forces de l’ordre depuis avril 1993, 209 morts pour la seule année 1999).
En Assam,
où l’on dénombre 12 groupes militantistes armés qui s’opposent
parfois les uns aux autres, les actes terroristes ont augmenté d’intensité
depuis le début de l’année 2000. Les membres de l’United
Liberation Front of Asom (ulfa)
effectuent des enlèvements, commettent des attentats, notamment contre les
oléoducs et les trains, et tendent des embuscades contre les forces de
l’ordre. De plus, les Karbi
National Volunteers (knv)
ont déclenché une campagne de meurtres, avec pour objectif de chasser les
non tribaux de leur zone. Par ailleurs, les mouvements bodos, Bodo
Security Force (bsf) et Bodo
Tigers Liberation Front (btlf)
maintiennent une certaine pression sur le pouvoir politique. Très engagés
dans la défense de leur langue, ils veulent la création d’un État
autonome, voire indépendant, détaché de l’Assam, d’où seraient chassés
tous les non Bodos. Ces insurrections rendent le Nord-Est plus vulnérable
car elles menacent le maintien des relations routières et ferroviaires avec
le Bengale Occidental, donc le reste de l’Inde. Pour des raisons
politiques, les axes de communications du Bangladesh ne peuvent être
utilisés par l’Inde. Les autorités provinciales et nationales
accordent donc une attention particulière à l’évolution de la situation
en Assam.
En
Arunachal Pradesh, les deux districts orientaux, Tirap et Changlang,
connaissent des troubles répétitifs ; enlèvements et assassinats ne
sont pas rares. Le National Socialist
Council of Nagaland - Khaplang
(nscn - k)
y exerce une grande
influence. Il
accorde aussi une aide en matière d’instruction à divers groupes dont le
National Liberation Front of
Arunachal (nlfa).
Au
Mizoram, l’insurrection commencée en 1966 a été matée en 1986.
Cependant, dans la partie nord, agit encore, mais de manière très
sporadique, la Hmar People’s
Convention (hpc), créée
en novembre 1994 (les Hmars sont ethniquement apparentés aux Mizos).
Si les
insurrections ont perdu, pour la plupart, leur fondement idéologique,
elles se criminalisent. Elles se caractérisent, à la fois, par une
fragmentation entre factions diverses mais aussi, ce qui peut paraître
contradictoire, par des regroupements. De plus, elles se régionalisent en
agissant souvent de concert dans l’ensemble du Nord-Est et de moins en
moins de manière isolée, malgré des jalousies et des suspicions toujours
présentes. Il n’est pas toujours évident d’obtenir une image claire de
la situation.
Connexions
étrangères
Depuis
longtemps les insurrections du Nord-Est se sont internationalisées mais le
phénomène s’amplifie. Les mouvements sécessionnistes renforcent leurs
liens réciproques de part et d’autre des frontières. Ainsi l’Indo-Burma
Revolutionary Front (ibrf),
créé le 22 mai 1990, regroupe notamment l’United
Liberation Front of Asom, agissant en Assam et l’United
National Liberation Front - Meghen (unlf
- m) du Manipur. L’armée indépendante kachin aide, depuis le
Myanmar, les Nagas et reçoit elle-même des appuis en provenance de
l’Arunachal Pradesh. Certains mouvements entretiennent des relations avec
les Liberation Tigers of Tamil Ealam
(ltte) qui opérent avec une
redoutable efficacité au Sri Lanka pour obtenir l’indépendance des régions
tamoules.
Ces concertations internationales portent sur les stratégies à développer,
mais aussi sur le ravitaillement en armes et munitions. Ainsi, le marché
noir de Thaïlande ravitaille diverses rébellions, dont celles du Nord-Est
de l’Inde, notamment en fusils m 16,
ak 56 et grenades
chinoises. Le Myanmar et le Bangladesh constituent des plaques tournantes
pour le trafic d’armes, sans que les gouvernements de ces pays y soient mêlés.
Le commerce de drogues a aussi fait son apparition de part et d’autre des
frontières. Il engendre un “blanchiment” de l’argent.
Plusieurs
insurrections ont été ouvertement aidées par des gouvernements étrangers.
Ainsi, les combattants nagas et mizos disposaient de bases arrières au
Pakistan oriental qui fournissait armes et munitions. Après la naissance du
Bangladesh, ils se sont repliés au Myanmar, les Mizos plus précisément
dans l’Arakan où ils furent aidés par l’Arakan
National Liberation Front et le parti communiste. Le chef des insurgés
mizos s’exila ensuite au Pakistan.
Les
militants des divers mouvements sécessionnistes, aujourd’hui privés de
l’appui des gouvernements birman et bangladais, n’éprouvent cependant
aucune difficulté à se mettre à l’abri des forces de l’ordre
indiennes, en franchissant des frontières très perméables et
impossibles à surveiller totalement. Ainsi le National
Socialist Council of Nagaland - Isak Muivah Group (nscn
- im) a établi une base arrière dans les Somra
Hill Tracts, au Myanmar.
Selon de
nombreux analystes, les services de renseignement pakistanais resteraient très
actifs dans la région, en s’appuyant sans doute sur des organisations non
officielles au Népal, au Bangladesh et au Myanmar, avec ou non la complicité
de la Chine. Ils interviendraient en faveur de plusieurs mouvements de résistance
dont le National Socialist Council of
Nagaland - Isak Muivah Group (nscn
- im). Pendant le conflit indo-pakistanais de Kargil, au Cachemire,
au cours de l’été 1999, l’United
Liberation Front of Asom (ulfa)
a pris fait et cause pour le Pakistan. Par ailleurs, une aide financière
pakistanaise aurait été accordée, il y a quelques années, pour la
construction d’une base aérienne dans le nord du Myanmar.
La Chine,
de son côté, a aidé certains mouvements sécessionnistes du Nord-Est,
en organisant des camps d’instruction dans ses provinces limitrophes
(Yunnan, Tibet) et/ou en envoyant des armes directement ou par l’intermédiaire
des groupes minoritaires du Myanmar, en rébellion contre Rangoun ou via
le Bhoutan. Des dirigeants de mouvements insurrectionnels y ont séjourné,
comme le chef du Mizo National Front
de novembre 1970 à février 1971, divers groupes mizos, alors réfugiés
dans les collines de l’Arakan, en 1972 et des groupes nagas. Toute aide
matérielle semble avoir cessé depuis 1972, Pékin ayant constaté que les
populations christianisées se montraient peu réceptives à l’idéologie
communiste. Il se peut toutefois que des groupes rebelles, dont certains
affichent une orientation socialiste, prennent encore de temps à autre
des contacts avec les Chinois, notamment au Bhoutan.
Ce pays,
dont la politique étrangère est assurée par l’Inde, possède peu de
moyens de surveiller ses frontières, ce qui permet aux rebelles de l’United
Liberation Front of Asom (ulfa)
et des mouvements bodos de l’Assam de s’y replier et même d’y
installer des bases. L’Inde elle-même rencontre des difficultés pour
contrôler les passages transfrontaliers dans ces zones quelque peu
difficiles d’accès, même si, parfois, elle s’accorde un droit de
poursuite et d’intervention en territoire bhoutanais. Pékin exerce peut-être
aussi, au Bhoutan, une discrète surveillance sur le trafic de drogues,
voire agit avec une certaine connivence.
L’influence
chinoise reste prépondérante au Myanmar, notamment dans le nord (qui possède
une longue frontière avec l’Inde), dans les États kachin et chan où une
route a été construite pour désenclaver la province du Yunnan, en lui
donnant un accès à la mer sur la côte de l’Arakan. D’une certaine
manière, la Chine encercle l’Inde par des routes qu’elle a construites,
non seulement dans le nord du Myanmar mais aussi dans le nord du Pakistan,
deux pays actuellement contrôlés par des militaires.
La Chine
n’a pas reconnu l’annexion du Sikkim, tout proche du Nord-Est, par
l’Inde en 1975, bien qu’elle ne revendique pas la possession de cet
ancien royaume. Pékin ne reconnaît pas non plus l’appartenance de
l’Arunachal Pradesh à l’Union Indienne et demande la restitution de
tout ou partie de cette province, estimant qu’elle lui appartient. C’est
d’ailleurs dans cette région, appelée alors North-East
Frontier Agency (nefa),
que les troupes chinoises avaient, lors de la guerre sino-indienne de 1962,
bousculé les forces indiennes et pénétré profondément vers la vallée
du Brahmapoutre. En ne reconnaissant pas le tracé actuel des frontières,
la Chine maintient donc des revendications dans la partie nord-est de
l’Himalaya. Le moment venu, elle utilisera les éléments qui lui sont
favorables, y compris ceux qui se réclament encore du maoïsme, comme les
mouvements insurrectionnels du Népal, pays impliqué dans l’évolution du
Nord-Est à cause de l’émigration gurkha. Outre son soutien idéologique
à des groupes sympathisants en Asie du Sud ou au Myanmar tout proche, la
Chine assure sa présence dans certaines bases d’écoute des îles
birmanes Coco, Haingyi et Mergui, au large des côtes de l’Arakan, d’où
elle surveille les essais de missiles indiens dans l’Océan Indien. Les
gages que la Chine possède au Myanmar pourraient être utilisés, le cas échéant,
à sa guise, contre l’Inde, si elle décidait de réactiver une attitude
agressive. Mais, pour l’heure, elle agit avec prudence, en prenant tout
son temps, selon ses habitudes. Le danger, pour l’Inde, n’est que latent
mais il existe.
Par
ailleurs, grâce à la connivence d’organisations non gouvernementales,
certains mouvements sécessionnistes ont pu faire entendre leurs
revendications auprès des organismes des Nations Unies s’occupant des
droits de l’homme, à Genève. Il en a été ainsi, notamment de l’United
Liberation Front of Asom (ulfa)
et du National Socialist Council of
Nagaland - Isak Muivah Group (nscn
- im).
Forces de l’ordre et
lutte
contre les rébellions
L’armée
de terre ne possède qu’un seul régiment, d’infanterie, dans le
Nord-Est (dans le sens britannique du terme, c’est-à-dire qu’il
s’agit d’une unité de tradition et d’instruction). Ce dernier, créé
à l’époque coloniale, porte le nom d’Assam
Regiment. Il recrute en Assam mais aussi dans les États voisins. Ses 13 bataillons
(contre 3 au moment de l’indépendance), qui sont des unités opérationnelles,
tiennent garnison, au même titre que les autres formations régulières de
l’armée indienne, dans l’ensemble du pays, y compris dans le Nord-Est.
Il existe en fait depuis l’indépendance un second régiment
d’infanterie recrutant dans le Nord-Est, le Naga
Regiment, avec seulement 2 bataillons, mais il est jumelé avec le Kumaon
Regiment qui recrute dans la partie occidentale de l’Uttar Pradesh,
dans le nord de l’Inde.
Le faible
recrutement dans cette région, pour l’infanterie comme pour les autres
armes de l’armée de terre, ne signifie pas que la présence militaire y
soit négligeable. En fait, deux corps d’armée stationnent dans le
Nord-Est : le iiie
corps d’armée avec pc à
Dimapur, au Nagaland, et le ive
corps d’armée dont le pc
se trouve à Tezpur, en Assam. De plus, le XXXIIIe corps d’armée
stationne à proximité, son pc
étant à Siliguri au Bengale. Ces trois corps d’armée constituent
le commandement Est (Eastern Command),
basé à Calcutta. À certains moments, 6 divisions d’infanterie ont été
impliquées simultanément pour maintenir l’ordre dans cette région,
auxquelles s’ajoutaient des effectifs paramilitaires presque équivalents.
Les
forces paramilitaires mises sur pied dans le Nord-Est comprennent
essentiellement les Assam Rifles
et les Manipur Rifles. Les Assam
Rifles, placées sous les ordres d’un général de corps d’armée détaché
de l’armée de terre, mettent actuellement sur pied 18 bataillons. Cette
force recrute dans les sept États du Nord-Est, y compris, à l’occasion,
des Gurkhas originaires de la région, voire d’anciens insurgés repentis.
Comme tous les États de l’Inde, ceux du Nord-Est disposent aussi d’une
police armée (armed police, qui
s’apparente à nos unités de gendarmerie mobile et à nos compagnies républicaines
de sécurité). L’Indian reserve
Battalion, une unité de police dépendant du pouvoir fédéral, se
trouve par ailleurs très souvent, entièrement ou partiellement, dans le
Nord-Est.
Des
forces d’autodéfense (Village
Volunteer Force vvf)
ont aussi été constituées pour la protection de villages au Nagaland et
au Mizoram (bien que, dans ce dernier État, l’insurrection soit
officiellement terminée).
Certaines
unités de l’armée régulière et des forces paramilitaires suivent une
instruction spécialisée à l’école de contre-insurrection et de combat
dans la jungle (counter-insurgency
and jungle warfare school), désormais installée à Wairengte, au
Mizoram.
Les
organismes de renseignement ne font pas preuve d’efficacité. Les équipes
sur le terrain doivent rendre compte à l’échelon supérieur de leur
propre hiérarchie avant d’informer le chef militaire sur le terrain. De
plus, les divers organismes communiquent peu entre eux. Ainsi la police,
pourtant au contact des populations, ne fournit pratiquement pas
d’information aux forces paramilitaires et militaires.
Au
Mizoram, les mouvements sécessionnistes ont été mis hors d’état de
nuire par une conjonction de facteurs. Les tensions au Pakistan oriental au
début des années 70, qui ont abouti la naissance, fin 1971, du Bangladesh,
ont privé les guérilleros de zones de repli. Le rôle positif joué par
les églises a grandement facilité le retour à la paix. Enfin, la
politique de regroupement des villages, qui a concerné 80 % de la
population entre le début de l’insurrection en 1966 et sa fin en 1986, a
porté ses fruits.
Au
Nagaland, le plus ancien mouvement sécessionniste de l’Inde, actif depuis
le départ des Britanniques, poursuit ses revendications. Monté en
puissance en 1954, il a néanmoins perdu une partie de son influence.
Les
mouvements sécessionnistes coopèrent à travers les frontières. Les
forces de l’ordre indiennes et birmanes coordonnent aussi, mais de façon
sporadique, leurs efforts contre les rébellions. Ainsi, en avril-mai 1995,
une importante opération militaire conjointe, indo-birmane, a été
conduite contre des éléments de l’United
Liberation Front of Asom (ulfa),
d’une autre organisation militante assamaise, du National
Socialist Council of Nagaland (nscn)
et d’un mouvement sécessionniste du Manipur. La nature dictatoriale du régime
en place à Rangoun empêche l’adoption d’une stratégie anti-guérilla
commune.
De façon
globale, les efforts déployés sur le plan militaire pour venir à bout des
diverses rébellions restent sans résultats notables.
Difficultés pour trouver
des solutions politiques, économiques et sociales
L’impossibilité
d’un règlement militaire conduit à rechercher une solution politique, économique
et sociale mais les obstacles pour y parvenir demeurent considérables. Dans
le même esprit que la législation de l’époque coloniale, qui avait empêché
les us et coutumes des plaines de l’Assam et du Bengale ainsi que du reste
du pays de se répandre dans les zones des collines, peuplées de tribus, la
Constitution indienne a reconnu la spécificité culturelle du Nord-Est
(cinquième et sixième annexes) et
contribué ainsi à le maintenir quelque peu isolé du reste du pays. Elle a
aussi entériné la protection des propriétés accordée à l’époque
coloniale aux populations des collines, en interdisant notamment aux non
autochtones la possession de terres. Cette réglementation porte le nom
d’Inner Line Regulations, selon
lesquelles les droits des populations locales sont préservés, au delà
d’une certaine ligne, contre les appétits des gens des plaines. Cette législation
s’apparente à celle qui s’applique au Jammu et Cachemire. Elle est
parfois controversée dans la mesure où elle contribue à maintenir les
populations tribales à l’écart de la vie nationale, ou tout au moins des
influences prépondérantes dans le pays.
Il est
vrai que cette région n’a jamais fait partie des grands empires
unificateurs maurya, gupta et mogol. Seuls les Britanniques l’avaient amenée
dans le giron de l’Inde, tout en favorisant sa christianisation.
Le
pouvoir central a nommé et nomme encore comme gouverneurs des États du
Nord-Est d’anciens militaires ou d’anciens policiers, montrant ainsi
qu’il accorde une grande attention aux problèmes sécuritaires. La
fonction de gouverneur, peu importante en temps normal, le devient en cas de
crise grave, lorsque le parlement local est dissous et le gouvernement local
renvoyé ; dans ce cas, le gouverneur assure les pleins pouvoirs au nom
du gouvernement central. Un ancien général a été gouverneur au Manipur ;
un autre l’est actuellement en Assam. Le Manipur, quant à lui, a
maintenant un ancien policier comme gouverneur. Il arrive que les États
manifestent leur désapprobation de recevoir comme gouverneur un ancien militaire
ou ancien policier. Ainsi, au cours de l’été 2000, le Tripura s’est
opposé à la nomination d’un général de corps d’armée à la retraite ;
le pouvoir fédéral a préféré reculer plutôt que d’imposer son choix.
La création,
en 1957, d’un corps de fonctionnaires particulier, l’Indian
Frontier Administrative Service, avait permis de former des serviteurs
de l’État, efficaces, connaissant bien le terrain et appréciés des
populations. Après sa dissolution, l’Indian
Administrative Service, à la fin des années 1960, reconnaissait
cependant la nécessité de spécialiser les fonctionnaires en les affectant
pendant la majeure partie de leur carrière dans un seul et même État (indépendamment
de quelques périodes passées au niveau fédéral). Ainsi, les provinces
les plus turbulentes, c’est-à-dire le Jammu et Cachemire et les États du
Nord-Est (à l’exception de l’Arunachal Pradesh, considéré dans ce
domaine comme un Territoire de l’Union) disposent, malgré tout, d’un
corps de hauts fonctionaires compétents. Il semble, cependant, que le
niveau de connaissance du Nord-Est ait globalement baissé dans
l’administration. Il existe au niveau fédéral, au sein du ministère de
l’intérieur, un “joint
secretary” (haut fonctionnaire assimilable à un directeur de
l’administration française) pour cette région de l’Inde. Les pouvoirs
publics font parfois preuve de carence. Ainsi, par manque
d’infrastructures techniques, la radio touche seulement une faible
partie de la population. De ce fait, les populations écoutent surtout les
émissions venant du Bangladesh et du Myanmar. La télévision est presque
totalement absente. La presse écrite subit, souvent, la pression des
mouvements révolutionnaires et affiche une grande prudence, en pratiquant
une auto-censure pour éviter toutes représailles. Certains journaux, à la
solde des insurgés ou influencés par des idées pacifistes, vont même
jusqu’à critiquer les représentants de l’ordre établi lorsqu’ils réussissent,
sans bafouer les droits de l’homme, dans leurs opérations de lutte
anti-terroriste. Une telle insuffisance des moyens d’information nuit à
la création et au maintien d’un véritable esprit national.
Le
Nord-Est est tout à fait normalement représenté à la chambre basse fédérale,
la Lok Sabha, le nombre de ses députés étant conforme à son poids démographique
dans l’ensemble de l’Inde (environ 4 %).
L’existence
de rébellions réduit le rôle des États de la région et accroît au
contraire celui du gouvernement central. L’octroi du statut d’État de
plein droit se trouve, d’une certaine manière, atténué par l’omniprésence
des institutions fédérales, en premier lieu de l’armée de terre car les
forces de police locales ne peuvent assurer qu’une fonction secondaire
dans la lutte contre les insurgés. Les visites de hautes autorités et de
hauts fonctionnaires de l’administration centrale restent cependant rares.
Les négociations,
qui ont lieu de temps à autre avec les mouvements sécessionnistes, se
font, le plus souvent, à l’extérieur de la zone, à New Delhi, voire
à l’étranger. Ces entretiens se déroulent entre des représentants du
gouvernement central et des insurgés, sans participation des gouvernements
provinciaux, qui restent, bien souvent, ignorants de la teneur des
pourparlers. Ainsi, des discussions devaient avoir lieu avec les rebelles
nagas en février 2000 à La Haye, aux Pays-Bas mais l’arrestation en Thaïlande
de Isak Muivah, chef du National
Socialist Council of Nagaland - Isak Muivah Group (nscn-im)
et la tentative d’assassinat du ministre en chef de la province les ont
compromises. Le cessez-le-feu conclu avec cette organisation en août 1997
demeure fragile.
Des
arrangements locaux, sans véritables fondements juridiques, peuvent aussi
se conclure, sur le terrain, directement, entre forces de l’ordre et
insurgés, pour une période plus ou moins longue. Parfois, ce sont des
formations politiques locales qui s’entendent avec les guérilleros pour
conquérir le pouvoir lors des élections. Lorsqu’elles réussissent,
elles se trouvent alors à la merci des responsables de l’insurrection.
Les mouvements sécessionnistes ont ainsi infiltré certains gouvernements
provinciaux.
Une telle
situation a existé en Arunachal Pradesh dont le nouveau ministre en chef a
obtenu, en janvier 1999, son poste avec l’appui du National
Socialist Council of Nagaland – Khaplang
(nscn-k).
En Assam, le parti au pouvoir et la principale organisation
militante, l’United Liberation
Front of Asom (ulfa),
partagent les mêmes origines dans un mouvement estudiantin des années 70.
Des liens personnels subsistent entre les dirigeants gouvernementaux et
les chefs rebelles, ce qui influence la situation politique locale. L’United
Liberation Front of Asom (ulfa)
donne parfois l’impression d’exercer le véritable pouvoir en sous-main.
Au Nagaland, une collusion existe entre politiciens, trafiquants de
drogue, entrepreneurs et insurgés. Au Tripura, des liens se sont tissés
entre les partis politiques et les groupes extrémistes. Ainsi, le National
Liberation Front of Tripura (nlft)
entretient d’étroites relations avec le Congrès (I) tandis que l’All
Tripura Tiger Force (attf)
s’aligne sur le Front de gauche.
Un état
de non-droit s’installe donc, au gré des circonstances, les
administrations provinciales et locales, partiellement infiltrées,
abandonnant peu à peu leur autorité ou au contraire en abusant. Le légal
et l’illégal cohabitent, sans véritable contrôle. Il en résulte le développement
d’un pouvoir et d’une économie parallèles avec tout ce que cela
implique : concussions et prévarications
de politiciens et de fonctionnaires, rançons versées aux groupes
rebelles par certaines firmes industrielles en échange d’une garantie de
ne pas subir d’actes terroristes, contrebande, trafic de drogues et
d’armes. Des mouvements insurrectionnels protègent, en obtenant
d’importants profits, des activités interdites, par exemple
l’exploitation effrénée et dévastatrice des forêts par certains
dirigeants et notables. Cet argent acquis facilement, par ponction des
finances de l’État ou à partir de fonds privés, alimente les caisses
des mouvements insurrectionnels, en tout premier lieu de l’United
Liberation Front of Asom (ulfa),
qui gère même certains pans de l’économie dont des minoteries. Les
organisations sécessionnistes n’ont ainsi aucune difficulté pour se
procurer des armes modernes et pour recruter des jeunes, très souvent au chômage.
Ceux-ci acceptent facilement de rejoindre leurs rangs combattants, car de
substantielles rémunérations leur sont offertes, en fait supérieures aux
salaires perçus par les membres des forces de l’ordre. La motivation des
militaires, paramilitaires et policiers en souffre. La politique menée en
Assam à l’égard des membres de l’United
Liberation Front of Asom (ulfa)
qui se rendent aux forces de l’ordre paraît outrancière et sans doute même
contre-productive. Chaque militant qui se rend avec une arme reçoit une
somme d’argent considérable selon les normes indiennes. Il n’est
nullement inquiété par la justice, fait profiter des fruits de sa
reddition quelques bureaucrates protecteurs véreux et, de façon plus préoccupante
encore, les combattants rebelles. Cette communauté de “repentis”
poursuit donc ainsi la lutte d’une autre manière tout en
s’enrichissant. Elle porte même un nom, le Surrendered
United Liberation Front of Asom (sulfa),
qui agit en marge de la légalité. La région Nord-Est vit dans une quasi
anarchie administrative.
Le
gouvernement central exprime, par ailleurs, la nécessité de mettre en
valeur le Nord-Est. La victoire contre les insurrections repose en effet,
pour une large part, sur une amélioration des conditions de vie. Pour mieux
coordonner les activités économiques des États du Nord-Est, tous de
taille modeste par rapport à la moyenne indienne, un North-Eastern
Council (nec) a été créé
en août 1972, auquel a aussi été rattaché l’État du Sikkim le 8 mai
1998. Mais cette institution ne dispose pas assez d’autorité. Une
certaine priorité est accordée au développement de l’infrastructure,
notamment pour les routes et voies d’eau, ces dernières ayant été très
utilisées avant l’indépendance. En réalité, les administrations dépensent
beaucoup d’argent pour la mise en valeur mais une partie importante des
fonds accordés n’atteint pas la population à cause de la corruption.
Celle-ci paraît encore plus généralisée que dans le reste de l’Inde.
De ce fait, les populations réagissent avec incrédulité à tous les nouveaux
projets de développement. En revanche, bureaucrates et entrepreneurs se réjouissent
de l’arrivée de fonds gouvernementaux dont ils peuvent tirer profit à
titre personnel. Plus grave est le financement indirect accordé, lors de
travaux, aux insurgés, par des procédés douteux. Malgré ces anomalies,
la société de consommation commence à faire son apparition.
L’ouverture
des frontières, le développement des échanges avec le Myanmar et le
Bangladesh, permettraient sans doute d’accélérer les progrès économiques.
Elles n’iraient pas nécessairement à l’encontre de la sécurité. Mais
le pouvoir hésite. Cependant, les populations peuvent circuler librement
jusqu’à une distance de 20 km au-delà de la frontière
indo-birmane, les Birmans ayant la même possibilité en territoire indien.
La construction d’un gazoduc entre le Tripura et le reste de l’Inde, via
le Bangladesh, est envisagée avec l’aide d’une société américaine,
Unocal.
*
* *
De manière
générale, les pays occidentaux montrent peu d’intérêt pour cette région
excentrique de l’Inde, pourtant très christianisée, peut-être parce que
certains mouvements sécessionnistes ont épousé, un certain moment,
l’idéologie communiste. Toutefois, ils se sentent concernés par le
trafic de drogue. Les pays du Sud-Est Asiatique affichent, tout
naturellement étant donné leur proximité géographique, leurs préoccupations
à l’égard de la pérennité des mouvements sécessionnistes et de la
lenteur de la normalisation. Ils ont connu ou connaissent, eux aussi, des
insurrections du même type. À vrai dire, ces rébellions internes à
caractère indépendantiste se retrouvent sur tous les continents.
Malgré
l’expérience accumulée sur le terrain depuis des décennies par les
forces de l’ordre, l’insécurité demeure dans maints endroits du
Nord-Est de l’Inde. L’administration, les services de renseignement et
les forces de l’ordre sont pourtant omniprésents. Il faut pour les
non-Indiens et même pour les Indiens une autorisation spéciale pour pénétrer
dans cette région. Les contacts avec les ressortissants étrangers sont étroitement
surveillés.
La
situation perdure parce qu’existe une collusion de type mafieux entre les
politiciens, les hommes d’affaires et les insurgés. La connivence entre
partis au pouvoir et insurrections ou mouvements dissidents se retrouve
ailleurs en Inde. Mais elle atteint dans le Nord-Est des proportions inquiétantes.
Les organisations religieuses, elles-mêmes, qui préféreraient se tenir
à l’écart des conflits, se trouvent parfois impliquées de force, en étant
contraintes, sous la menace, de payer un "impôt" aux militants sécessionnistes.
La confusion continue de régner dans cette région indienne et les efforts
déployés pour supprimer les rébellions connaissent de nombreux échecs.
L’espoir toutefois demeure car, au Punjab et même dans un État du
Nord-Est, au Mizoram, les insurrections ont été vaincues. Elles peuvent
aussi l’être ailleurs, même si les politiques employées dans ces deux
États, décriées par certains pour cause de violation des droits de
l’homme et déplacement forcé de populations, peuvent aujourd’hui
difficilement être appliquées sans changement. Le Terrorist
And Disruptive Activities (Prevention) Act (tada),
promulgué en 1985, a été abrogé en 1995. Le vote d’une loi plus générale
et mieux adaptée, le Criminal Law
Amendment (cla), poutant
largement inspiré par les législations occidentales, rencontre
l’opposition de mouvements libéraux et pacifistes. L’absence d’un
arsenal juridique satisfaisant gêne la lutte contre le terrorisme.
Sur le
plan international, l’Inde, dotée d’institutions laïques mais
majoritairement hindoue, court le risque d’être accusée de mener, dans
le Nord-Est, une lutte contre la chrétienté au même titre qu’elle est
accusée de se battre contre l’islam au Cachemire. En réalité, même si
l’on ne peut faire abstraction des religions auxquelles se réfèrent les
diverses rébellions du Nord-Ouest et du Nord-Est de l’Asie du Sud, les
conflits en cours débordent le cadre strictement confessionnel.
Entités
administratives du Nord-Est
Dates
|
Entités
administratives
|
Observations
|
1866
|
Création,
au sein de l’Assam, du Naga
Hills District.
|
|
15
août 1947
|
Le
Nord-Est est alors divisé en 4 entités : Assam, Manipur,
Tripura et North-East
Frontier Agency (nefa).
|
|
1947
|
Le
Manipur devient un territoire de l’Union Indienne.
|
|
1949
|
Création
de l’État du Tripura, qui était auparavant une principauté.
|
Capitale :
Agartala
Superficie : 10 486 km2
Population : 2 700 000
|
1er
décembre 1957
|
La
division Tuensang est détachée de la North-East
Frontier Agency (nefa)
d’alors et placée sous le contrôle direct du gouverneur de
l’Assam, sous le nom de Naga
Hills and Tuensang Area (nhta).
|
|
1er
décembre 1963
|
Création
de l’État du Nagaland.
|
Capitale :
Kohima
Superficie : 15 579 km2
Population : 1 220 000
|
1971
|
Promulgation
du North-Eastern Areas (reorganization)
Act et du Government of
the Union Territories (amendment) Act
|
|
21
janvier 1972
|
Création
de l’État actuel de l’Assam.
|
Capitale :
Dispur
Superficie : 78 438 km2
Population : 24 800 000, État le plus peuplé
du Nord-Est
|
21
janvier 1972
|
Le
district des Mizo Hills
est détaché de l’Assam pour former un territoire de
l’Union Indienne, appelé Mizoram.
|
|
21
janvier 1972
|
Création
de l’État du Meghalaya.
|
Capitale :
Shillong
Superficie : 22 429 km2
Population : 1 750 000
|
21
janvier 1972
|
Le
Manipur devient un État à part entière.
|
Capitale :
Imphal
Superficie : 22 327 km2
Population : 1 850 000
|
août
1972
|
Création
du North-Eastern Council, rassemblant à des fins économiques les
sept États du Nord-Est.
|
|
1975
|
La
North-East Frontier Agency
(nefa) devient un
territoire de l’Union Indienne.
|
|
30
juin 1986
|
Le
Mizoram devient un État à part entière.
|
Capitale :
Aizawl
Superficie : 21 081 km2
Population : 640 000
|
20
février 1987
|
La
North-East Frontier Agency (nefa)
devient un État à part entière sous le nom d’Arunachal
Pradesh.
|
Capitale :
Itanagar
Superficie : 83 743 km2,
plus grand État du Nord-Est
Population : 870 000
|
8
mai 1998
|
Rattachement
du Sikkim au North-Eastern
Council.
|
|
Principaux
événements concernant les rébellions
du Nord-Est de l’Inde
Dates
|
Événements
|
Observations
|
2
février 1946
|
Création
du Naga National Council
(nnc).
|
|
20
janvier 1947
|
Demande
d’indépendance des Nagas.
|
|
14
août 1947
|
Déclaration
d’indépendance des Nagas.
|
Un
jour avant l’indépendance de l’Inde
|
1er
mars 1966
|
Début
de l’insurrection mizo par le Mizo
National Front (mnf).
|
Le
Mizo National Front a une branche armée, la
Mizo National Army
|
11
novembre 1975
|
|
Un
mouvement dissident va cependant poursuivre la lutte pour
l’indépendance.
|
juillet
1976
|
Signature
d’un accord entre le gouvernement central et le Mizo
National Front.
|
|
31
janvier 1980
|
Désaccord
au sein du Naga National
Council. Le National
Socialist Council of Nagaland (nscn)
est créé.
|
|
30
juin 1986
|
Fin
de l’insurrection mizo avec la signature d’un accord entre le
gouvernement central et le Mizo
National Front
|
|
mai
1988
|
Scission
du National Socialist
Council of Nagaland (nscn)en
deux groupes : le National
Socialist Council of Nagaland - Isak Muivah Group (nscn
- im) et le National
Socialist Council of Nagaland - Khaplang
(nscn - k)
|
|
1990
|
Mort
du leader nationaliste naga Phizo.
Le Naga National Council
(nnc)
se scinde alors en deux groupes : le Naga
National Council - Adino (nnc
- a), du nom de la fille de Phizo
et le Naga National Council
- Khodao Yanthan (nnc
- k). Khodao Yanthan
a, depuis, rejoint le National
Socialist Council of Nagaland - Isak Muivah Group (nscn
- im)
|
Phizo,
né en 1900, vivait en exil à Londres
|
août
1997
|
Accord
de cessez-le-feu au Nagaland
|
|
Organisations
militantistes existant ou ayant existé
Arunachal
Pradesh
All
Liberation Tigers of Arunachal Pradesh (altap)
Arunachal
Dragon Federation
(adf)
Liberation
Tigers of Arunachal
(lta)
National
Liberation Front of Arunachal
(nlfa)
Patriotic
Revolutionary Army of Arunachal (praa)
United
Liberation Army of Arunachal
(ulaa)
United
Liberation Movement of Arunachal Pradesh
(ulma)
United
Liberation Volunteers of Arunachal Pradesh
(ulva)
United
Peoples’ Volunteers of Arunachal Pradesh
(upva)
Assam
All
Bodo Students’ Union (absu)
Bodo
Liberation Army (bla)
Bodo
Security Force (bsf)
Bodo
Tigers Liberation Front (btlf)
Bodo
Volunteer Force (bvf)
Coordination
Committee for Bodoland Movement (ccbm)
Karbi
National Volunteers
(knv)
National
Democratic Front of Bodoland (ndfb)
Plains
Tribals Council of Assam (ptca)
United
Liberation Front of Assam
(ulfa)
Manipur
People’s
Liberation Army (pla)
People’s
Revolutionary Party of Kangleipak (prepak)
Revolutionary
People’s Front (rpf)
United
National Liberation Front (unlf)
Meghalaya
Achick
Liberation Matgrik Army (alma)
Hynniewtrep
Achik Liberation Council (halc)
Mizoram
Hmar
People’s Convention (hpc)
Mizo
National Army (mna)
Mizo
National Front (mnf)
Mizo
Zirlal Pawl (mzp),
organisation d’étudiants
Nagaland
Naga
Federal Government
(nfg)
Naga
Home Guards (nhg)
Naga
National Council (Adino) (ncc-a)
Naga
National Council (Khadao)
(ncc-k)
Naga
National Democratic Party
(nndp)
National
Socialist Council of Nagaland (Isak Muivah Group) (nscn
- im)
National
Socialist Council of Nagaland (Khaplang) (nscn
- k)
People’s
Militia of Nagaland (pmn)
Tripura
All
Tripura Tribal/Tiger Force (attf)
National
Liberation Front of Tripura (nlft)
Tribal
Students Federation (tsf)
Tripura
National Volunteers
(tnv)
Tripura
Upajati Juba Samiti (tujs)
|