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HISTOIRE
ET STRATÉGIE DANS LA PENSÉE NAVALE AMÉRICAINE
Bruno Colson
Le stratège pense
l'action dans la durée et compare avec le passé. Jomini et
Clausewitz ont commencé leur oeuvre stratégique par une étude
des campagnes de la Révolution et de l'Empire. Jusqu'en 1914, la
pensée militaire considère l'histoire comme un outil
indispensable. "Gagné par l'optimisme du positivisme
triomphant, on pose en axiome que les "vérités éternelles"
de la guerre peuvent être découvertes et prouvées par l'analyse
et la critique historique, comme le sont les lois de la nature par
l'observation, l'expérience et l'induction"1.
Cette étude voudrait examiner
comment l'histoire a été ainsi utilisée dans la pensée navale américaine.
Au moment où celle-ci est apparue, dans les années 1880, les progrès
technologiques étaient déjà très rapides et cette tendance n'a
fait que s'accentuer depuis. Philip A. Crowl, professeur au Naval
War College, estime que la pensée navale américaine a été
partagée depuis ses origines entre deux courants, l'un mettant
l'accent sur l'instruction en matière de "quincaillerie"
technologique, l'autre prônant une éducation plus générale aux
problèmes stratégiques, fondée sur l'histoire2.
Le dilemme ne semble pas être uniquement américain puisque
l'amiral Castex avait déjà souligné l'opposition en France entre
une école matérielle et une école historique3.
Chez Crowl plus que chez Castex, la stratégie est explicitement liée
à l'histoire, comme s'il était impossible d'enseigner la première
sans recourir à la seconde.
Stephen B. Luce ou
l'histoire indispensable
Lorsque le capitaine Stephen B.
Luce demanda en 1877 au secrétaire à la Marine de créer une école
pour former les officiers "aux plus hautes tâches de leur
profession", il proposa de leur apprendre les "règles
de l'art de la guerre" en liaison étroite avec l'histoire
navale4. Il fallait entreprendre une
"étude philosophique de l'histoire navale",
examiner les grandes batailles navales avec un oeil critique pour
distinguer quand les règles de la guerre avaient été observées
et quand elles avaient été négligées5.
Or, l'étude des batailles du temps de la marine à voiles semblait
tout à fait inutile à la plupart des autorités de l'US Navy 6.
L'approche américaine de la guerre consistait plutôt à miser sur
la technologie et sur l'application des nouvelles inventions à des
fins pratiques. Luce réussit cependant à ce que fût créé, le 6
octobre 1884, le Naval War College.
Pour éviter le technicisme et créer
une pensée navale digne de ce nom, Luce considérait l'histoire
comme essentielle. C'était le seul moyen d'étudier la stratégie7.
Avec la connaissance de l'histoire, les officiers pourraient
concevoir des généralités sur la nature des forces navales et
ainsi nourrir petit à petit une véritable pensée professionnelle.
Il fallait pour cela être capable d'identifier les matériaux
historiques propices à l'analyse et au raisonnement. Luce prônait
une vision très large de l'histoire et soulignait que des écrivains
anciens comme Thucydide offraient encore des idées intéressantes même
pour une société techniquement avancée8.
Il attirait l'attention sur le père Paul Hoste qui, le premier,
avait écrit un traité sur la guerre navale9.
Il suggérait que l'examen de l'histoire, pour être profitable, fût
entrepris par ceux qui avaient une parfaite connaissance des
pratiques modernes et des aspects théoriques de l'art de la guerre.
A partir de l'étude détaillée des cas d'histoire navale, de
nouvelles généralités sur les questions navales pourraient, par
induction, être établies. Ensuite, par raisonnement déductif, ces
généralités pourraient être utilisées comme guides pour les cas
particuliers présents et à venir. Luce croyait fermement aux
"leçons de l'histoire". Il aimait citer l'aphorisme de
Bolingbroke : "L'histoire, c'est la philosophie enseignée
par l'exemple" 10.
Les idées de Luce s'implantèrent
au Naval War College par l'enseignement qu'il y dispensa.
Mais Luce savait qu'il ne resterait pas longtemps directeur et il
avait besoin d'un historien pour donner les cours. Il trouva le
capitaine Alfred Thayer Mahan, le seul officier qui puisse répondre
à cette qualification, par la publication d'un ouvrage sur
certaines opérations maritimes de la guerre de Sécession11.
Alfred T. Mahan ou
la stratégie déduite de l'histoire
A la base de l'histoire par Mahan,
il y eut peut-être la lecture d'un article sur "l'étude
scientifique de l'histoire navale", publié en 1874 par un
historien britannique, le professeur John K. Laughton12.
Les lettres de Mahan à Luce révèlent la genèse de son travail
sur le matériau historique. Mahan se demandait comment faire de
celui-ci un outil instructif pour le futur et espérait détecter
des analogies13. Il avait déjà
appris dans la Peninsular War écrite par l'Anglais Napier,
à discerner les relations de cause et d'effet14.
L'Histoire de Rome de Mommsen lui avait fait découvrir
combien l'issue des guerres puniques aurait pu être différente si
Hannibal avait envahi l'Italie par la mer. Il avait ainsi pressenti
l'importance de la puissance maritime. Il avait lu une histoire de
la marine française par le lieutenant Lapeyrouse-Bonfils et il
avait apprécié sa "manière philosophique de résumer les
causes et les effets dans l'histoire générale liée aux affaires
maritimes" 15.
L'histoire de Colbert par Martin attira son attention sur les liens
entre le commerce et la prospérité nationale, ce qui contribua à
lui faire concevoir la puissance maritime dans son sens le plus
large16. Enfin la lecture de Jomini
fournit à Mahan sa méthode pour rechercher les "principes
de la guerre" dans l'histoire17.
Mahan entreprit d'examiner l'influence de la puissance maritime sur
l'histoire entre 1660 et 1783. La première date était celle de la
restauration des Stuarts en Angleterre, qui fut suivie d'un
renouveau de la puissance maritime britannique. La seconde coïncidait
avec la fin de la guerre d'Indépendance américaine. Il ne
s'agissait pas d'une simple chronique mais d'une détection des
principes. C'est dans le domaine de la stratégie que "les
enseignements de l'histoire ont une valeur plus évidente et plus
permanente, parce que les conditions restent plus stables" 18.
Mahan entendait par stratégie toutes les décisions qui devaient être
prises avant le "contact", un mot qui selon lui
marquait bien la distinction entre la tactique et la stratégie. Si
certains considéraient l'histoire comme inutile, pensait Mahan,
c'est qu'ils ne se préoccupaient que de la tactique. Celle-ci dépendait
beaucoup plus de l'évolution des armements. Pourtant, la
connaissance des batailles du passé pouvait aussi aider le marin
dans ce domaine, car les principes de la stratégie s'appliquaient
également à l'utilisation tactique des navires et des armes
modernes19.
Comme chez Jomini et Clausewitz,
l'oeuvre théorique de Mahan suivit son oeuvre historique. Dans Naval
Strategy publié en 1911, Mahan rappelle qu'il a lu l'histoire
à la lumière de "principes clairement exprimés", ceux
de Jomini. Pour lui, la stratégie navale se fonde sur les liens étroits
qui existent entre les principes et les enseignements de l'histoire.
"Les uns et les autres ne donnent qu'une éducation
partielle, l'ensemble des deux la donne parfaite. Des deux,
l'histoire, étudiée seule, vaut mieux que l'étude de principes
abstraits ; car l'histoire étant un récit d'actions, peut
nous apprendre la pratique" 20.
Pour Mahan, étudier la stratégie nécessitait d'étudier
l'histoire. Celle-ci fournissait "le matériau brut"
d'où il fallait tirer les "leçons" et les "conclusions
de travail" 21.
L'histoire devait avoir une place centrale dans la formation des
officiers. Pendant le temps de paix ceux-ci devaient l'étudier ;
ils en avaient le temps22.
L'histoire avait aussi ceci d'essentiel qu'elle apprenait les qualités
nécessaires au commandement. Mahan a écrit de nombreuses
biographies de marins, dont bien sûr celle de Nelson23.
Et pourtant les officiers de marine américains acceptaient
difficilement d'"aller à l'école" pour étudier l'art de
la guerre24.
les limites d'une
approche purement historique
L'approche de Mahan avait ses
limites. Les "leçons de l'histoire" pouvaient différer
d'un interprète à l'autre. Ce fut le cas avec Theodore Roosevelt,
à propos de la guerre anglo-américaine de 1812. Le futur président
avait fait oeuvre d'historien naval avant Mahan25.
Les deux auteurs étaient d'accord pour dire qu'une marine plus
forte aurait été plus avantageuse pour les Etats-Unis, mais dans
le détail des considérations purement navales, les conclusions étaient
différentes. Mahan n'admettait pas que les duels en haute mer
avaient été décisifs. Les corsaires n'avaient été d'aucune
utilité. Ils n'avaient fait que priver la marine régulière de
marins compétents. Mahan et Roosevelt étaient aussi en désaccord
quant aux stratégies utilisées dans la guerre sur les lacs26.
Ceci n'empêcha pas Roosevelt, dans son message présidentiel au
Congrès de 1906, de renvoyer à l'ouvrage de Mahan pour illustrer
ce qui pouvait arriver si l'Amérique ne se dotait pas d'une
puissance navale suffisante27.
L'histoire était encore utilisée à des fins stratégiques, au
niveau de l'acquisition des moyens cette fois.
Mahan était certainement trop
absorbé par le passé, ce qui l'a souvent empêché de percevoir
les tendances nouvelles dans la guerre navale. Il avait découvert
que la "guerre de course" n'avait jamais été décisive
et il en conclut qu'elle ne le serait jamais. Le potentiel du
sous-marin dans ce type d'action lui échappa complètement28.
Il surestima le rôle des cuirassés (battleships), en
particulier leur capacité à déterminer l'issue d'un conflit dans
une "bataille décisive". En dépit de la qualité de ses
travaux et de la justesse de ses perceptions géostratégiques,
Mahan a incarné un certain excès de l'approche purement historique
des problèmes stratégiques. Plutôt que de fournir des "leçons"
ou des "principes", l'histoire doit permettre de penser
l'avenir avec nuances, profondeur et souplesse29.
En soi, le recours à l'histoire ne
suscitait pas de contestations. A la fin du XIXe siècle, tous les
analystes navals employaient des exemples historiques. Le lieutenant
Washington Irving Chambers était un des officiers les plus
"technicistes" de sa génération et pourtant il
encourageait la création d'un département d'histoire permanent au Naval
War College. Le commandant William Wirt Kimball, partisan d'une
plus grande utilisation des torpilles, contesta le jugement de Mahan
sur son propre terrain, en recourant à une analogie historique :
il compara le cuirassé aux galères et le torpilleur aux vaisseaux
à voiles apparus au XVIe siècle. Ce n'était donc pas tant les méthodes
de Mahan que ses conclusions qui suscitaient l'opposition30.
En mai 1893, Mahan fut rappelé au service en mer, contre sa volonté.
La chaire d'Histoire navale ne serait plus occupée pendant soixante
ans31.
L'après-Mahan :
retour du technicisme
Sous Henry C. Taylor, l'esprit de
Luce et de Mahan se prolongea quelque temps au Naval War College.
Taylor partageait les mêmes vues à propos de l'histoire et il
allait jouer un rôle important dans le développement de
l'institution. Il croyait qu'une situation historique analogue à
une situation présente pouvait prescrire le comportement adéquat,
ou du moins éclairer le choix en montrant le succès ou l'échec de
la mesure prise dans le passé32.
Mais il n'y aurait plus de nouveaux travaux sur l'histoire et la
stratégie : on se contenterait de répéter l'enseignement de
Mahan. Celui-ci n'a pas eu de véritable successeur, alors qu'il
avait débroussaillé un terrain considérable, susceptible de
fonder une science de la stratégie navale33.
Le contexte général était celui d'un progrès technique
incessant. Luce et Mahan avaient réagi contre l'étroitesse
d'esprit qu'entraînait la fascination pour la
"quincaillerie" et ce débat entre écoles matérielle et
historique avait stimulé la pensée navale, mais, une fois ces
fortes personnalités éloignées, le Naval War College
retomba sous la coupe du technicisme. Après 1900, on y étudia
moins la stratégie et davantage les systèmes d'armes et la
tactique34. La moindre attention
portée à l'histoire entraînait un moindre intérêt pour la stratégie :
les deux aspects étaient liés. Il y eut une perte d'originalité
et de flexibilité dans la pensée, une éclipse quasi totale des études
stratégiques35. Celles-ci
s'identifièrent de plus en plus aux "jeux de guerre" (war
games), introduits dès les années 1890 par William McCarty
Little36.
Après 1900, les Luce, Mahan et
Taylor se préoccupent toujours du War College et y
retournent parfois pour une conférence, mais ils représentent
l'ancienne génération. Le véritable travail d'administration, de
programmation et d'enseignement est confié à des officiers plus
jeunes comme William L. Rodgers, Dudley W. Knox et William S. Sims.
Ils ont été les étudiants de Mahan et partagent ses idées de
base sur la nature de la guerre et le rôle de la Navy, mais
ils sont beaucoup moins concernés par les grands problèmes de
stratégie et plus préoccupés par les questions immédiates
touchant l'efficacité au combat de la marine. Le programme des
cours devient plus technique. Henry C. Taylor se plaint que désormais,
"si une forme de navire ou quelque ingénieuse invention en
matière d'armement est prise en considération et jugée être en
soi un formidable engin de guerre, elle est tout simplement adoptée,
sans référence à aucun système tactique" 37.
Le manque de renouvellement dans
les études de stratégie et d'histoire eut pour résultat que
l'enseignement de Mahan fut répété sans être adapté aux
nouvelles conditions imposées par le progrès des armements. Le
retour des technicistes empêchaient ainsi, paradoxalement, de réaliser
la meilleure adaptation possible à la technologie nouvelle.
Pourtant le programme des lectures avait été élargi : en
1910, il incluait, parmi une centaine d'ouvrages, ceux de Darrieus,
Daveluy, Corbett, Moltke, Wilkinson et Clausewitz38.
Ce dernier a été répandu plus tôt dans la Navy que dans
l'Army, où il ne sera vraiment pris en considération qu'après
1918. Grâce à Mahan et aussi au caractère nécessairement mondial
de toute stratégie maritime, la marine avait développé une réflexion
plus large que l'armée. Le Naval War College réfléchissait
davantage sur les liens entre la politique et la stratégie. En
1910, le commodore F. K. Hill, chef du War College Planning Staff,
suggéra la création d'un conseil de défense nationale pour
permettre de deviser des plans de guerre en fonction de la
politique. L'amiral George Dewey, président du General Board
de la marine, répondit que, si les chefs militaires devaient
comprendre la politique de leur pays, leur tâche était simplement
de battre complètement l'ennemi, puisqu'ils étaient des
"instruments de guerre" et que l'objectif de toute guerre
était de défaire l'ennemi39.
Cette fois, le découragement gagna les derniers étudiants de Mahan
et les avocats des considérations de pure tactique et d'entraînement
l'emportèrent40.
L'histoire et la
stratégie réduites aux jeux de guerre
L'histoire était utilisée dans
les jeux de guerre où chaque adversaire potentiel était représenté
par une couleur. En 1912, une guerre contre la Grande-Bretagne (RED)
était encore envisagée et les scénarios s'inspiraient de la
guerre de Sept Ans et de celle de l'Indépendance. L'US Navy
avait toujours un complexe d'infériorité face à la flotte
britannique, en grande partie à cause de Mahan qui avait trop exalté
celle-ci41. La Première Guerre
mondiale n'apporta aucune modification spectaculaire au programme du
Naval War College. En 1922, un groupe présidé par le secrétaire-adjoint
à la Marine Theodore Roosevelt, Jr. recommanda la création d'un département
d'histoire, mais il ne fut pas écouté42.
Les jeux de guerre témoignaient de
la fascination pour la "bataille décisive". La bataille
du Jutland avait été le seul grand engagement de la dernière
guerre : elle fut étudiée et simulée dans ses moindres détails43.
Mais elle n'avait pas apporté de résultats décisifs. Le modèle développé
à Newport était plutôt celui de Trafalgar. Selon l'expression de
Michael Vlahos, "la recherche de la bataille sur les tables
de jeux de guerre à Newport entre les deux guerres consistait en
une quête spirituelle de l'US Navy pour un Trafalgar américain" 44.
C'était la quintessence de l'héritage de Mahan, mais réduite et
retirée de son contexte. Mahan et Luce, en effet, avaient beaucoup
plus en tête lorsqu'ils avaient introduit l'étude de l'histoire au
Naval War College 45.
Le futur amiral Spruance passa six
années au Naval War College entre 1926 et 1938, comme
étudiant puis comme enseignant, et il a déclaré y avoir élargi
ses connaissances en matière de relations internationales,
d'histoire navale et de stratégie46.
D'après le très sévère amiral Ernest J. King, Chef des opérations
navales pendant la Deuxième Guerre mondiale, Spruance était le
plus intellectuel des officiers de sa génération47.
Les cours offrant très peu d'histoire et de stratégie, c'est par
lui-même qu'il a dû parfaire ses connaissances dans ces domaines,
en empruntant des ouvrages de la bibliothèque48.
La "bibliographie professionnelle" diffusée à partir de
1928 par le War College pour tous les bâtiments et toutes
les bases de la flotte, comptait des ouvrages d'histoire et de stratégie.
On y trouvait, sous la rubrique "commandement", la vie de
Nelson par Mahan, la biographie du général sudiste "Stonewall"
Jackson par G. F. R. Henderson, les Great Captains Unveiled
de Liddell Hart, le Bismarck et le Napoléon d'Emil
Ludwig, sous la rubrique "stratégie" les oeuvres de
Clausewitz, Mahan et Foch. La liste des lectures obligatoires au Naval
War College en 1935 était plus étoffée. En plus des ouvrages
susmentionnés, elle incluait les ouvrages des penseurs navals européens :
Corbett, Richmond, Castex49. Les
officiers étaient donc incités à développer par eux-mêmes leurs
connaissances historiques et leur jugement stratégique.
L'histoire apparaissait
occasionnellement dans les "thèses" imposées aux
officiers. Il s'agissait en fait d'essais sur quatre matières :
le commandement, la stratégie, la tactique et la politique. Il
fallait choisir entre un certain nombre de thèmes proposés. Les thèses
de tactique de l'année 1925 permettaient ainsi de traiter de
l'emploi tactique des forces aériennes, des destroyers ou des
canons de gros calibre, ou bien d'analyser une grande bataille du
passé : Trafalgar, les îles Falkland, Tsushima ou le Jutland50.
Dans les sujets de politique, les étudiants pouvaient développer
"les bases historiques de la stratégie navale américaine".
Mais ces thèses n'offraient guère d'originalité ni d'analyse en
profondeur. Il ne s'agissait que d'un assemblage d'idées toutes
faites, de clichés, de citations. Les officiers n'avaient tout
simplement pas le temps de faire mieux. La "formule" de
Clausewitz sur la guerre continuation de la politique était la référence
obligée : la Navy se considérait comme le premier
instrument de la politique nationale, dans la dissuasion comme dans
l'action51.
Grâce aux "jeux de
guerre", le Naval War College prépara les futurs
amiraux du Pacifique à faire face à de multiples situations :
la plupart de celles-ci furent prévues et, comme l'a dit l'amiral
Nimitz en 1960, seules les attaques de kamikazes constituèrent une
véritable surprise tactique pendant la Deuxième Guerre mondiale52.
Des aspects essentiels avaient cependant été négligés, comme
l'emploi du porte-avions et des sous-marins, la logistique, la
guerre amphibie. Une certaine adhésion rigide aux idées de Mahan
concernant les cuirassés, instruments de la bataille décisive, était
à l'origine de ces négligences. On ne peut pas cependant mettre
celles-ci sur le dos d'une approche prisonnière de l'histoire.
D'abord, celle-ci n'était plus envisagée avec la largeur de vues
de Mahan. Ensuite, l'approche prédominante était celle du
technicisme et cela n'a pas mieux aidé à percevoir l'utilisation
future du porte-avions et du sous-marin.
L'histoire négligée :
l'amiral Halsey À Leyte (1944)
En octobre 1944, avant l'invasion
de l'île de Leyte, le commandant en chef de la flotte américaine
du Pacifique, l'amiral Nimitz, précisa à l'amiral William F.
Halsey, chef de la IIIème Flotte, que "si l'opportunité se
présentait ou pouvait être créée de détruire une portion
majeure de la flotte ennemie, une telle destruction deviendrait
la tâche première"53. Fidèle
à Mahan, Nimitz recherchait sa "bataille décisive". Or
les Japonais comptaient aussi détruire la flotte adverse, pendant
qu'elle serait occupée à protéger le débarquement des troupes.
Le 22 octobre, l'amiral Ozawa fut chargé d'attaquer par le nord,
pour attirer la IIIème Flotte de Halsey, tandis que les amiraux
Nishimura et Shima se chargeraient de la VIIème Flotte américaine
et que l'amiral Kurita détruirait la flotte d'invasion, privée de
protection. Le matin du 24 octobre, les flottes de Kurita et de
Nishimura furent repérées et attaquées. En fin d'après-midi, la
force d'Ozawa fut localisée au nord. Sous les coups de l'aviation
américaine, Kurita commença un mouvement de repli et Halsey,
estimant ce dernier suffisamment affaibli pour ne plus causer
d'inquiétude, dirigea toute sa flotte de bataille vers le nord,
afin de détruire les porte-avions d'Ozawa54.
Il persista dans sa décision, même lorsqu'il apprit que Kurita
faisait demi-tour et fonçait vers le golfe de Leyte, lieu du débarquement
américain.
Le mouvement de Halsey vers le nord
fut très lent parce que l'US Navy ne manoeuvrait pas aussi
bien la nuit. Cette poursuite correspondait aux prescriptions de
Mahan en pareil cas, mais elle découvrait d'autant plus la force
amphibie et les porte-avions d'escorte dans le golfe de Leyte. Le
matin du 25 octobre, ils furent surpris par Kurita, dont la force
comprenait encore quatre cuirassés. Les quelques destroyers américains
et les avions d'escorte se sacrifièrent et firent finalement croire
à Kurita qu'il avait affaire au gros de la flotte. A neuf heures
onze du matin, Kurita perdit patience et fit machine arrière. Au
nord, Halsey avait détruit les quatre porte-avions d'Ozawa, mais
leurs ponts étaient quasiment vides : leur destruction ne
valait pas les risques encourus. Sur les injonctions de Nimitz, il
consentit finalement à diviser sa flotte et il dépêcha l'amiral
Lee pour intercepter Kurita. Mais celui-ci put s'échapper sans être
inquiété.
Par le nombre de navires engagés,
le golfe de Leyte fut le théâtre de la plus grande bataille navale
de l'histoire. L'invasion des Philippines fut un succès pour les Américains,
mais elle avait frôlé le désastre. Avec leur immense flotte, ils
auraient dû être capables de garder le golfe de Leyte, de battre
Kurita et d'avoir encore assez de forces pour repousser Ozawa.
Halsey aurait pu diviser ses forces ou, mieux encore, par une
utilisation judicieuse des lignes intérieures, frapper d'abord
beaucoup plus vite Ozawa et se retourner ensuite contre Kurita55.
Mais Halsey était imprégné du grand principe de Mahan selon
lequel il ne faut jamais diviser la flotte (Don't divide the
Fleet) 56. Il a justifié
sa décision par sa conformité aux principes de concentration,
d'initiative, d'offensive, de poursuite et de destruction de
l'ennemi. Tout ceci avait été répété inlassablement au Naval
War College pendant des générations. La conduite de Halsey à
Leyte est un exemple parfait de l'application mauvaise, parce que ne
tenant pas compte des circonstances, d'un principe valide mais dont
la nature ne requiert pas qu'il soit observé indépendamment du
contexte. D'après Bernard Brodie, Halsey aurait agi avec plus de
perspicacité s'il avait eu une meilleure formation historique :
"Il
est tentant de se dire que si l'amiral Halsey avait lu
et relu les campagnes de Nelson et de ses collègues
dans les guerres de 1793-1815 (une matière accessible
dans Mahan), il aurait pu être un peu plus sceptique
quant à la doctrine "ne pas diviser la
flotte" qui l'a induit en erreur au golfe de
Leyte" 57.
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Le Naval War College a
continué d'enseigner les principes déduits de l'histoire par Mahan,
mais il avait perdu de vue l'histoire elle-même58.
Retour momentané
de l'histoire et nouvelle école matérielle
En 1947, le Naval War College
entendit revenir à ses conceptions d'origine, celles de Luce et de
Mahan. L'amiral Spruance, devenu président de l'institution, élargit
le programme des cours et invita notamment des historiens
professionnels à donner des conférences. En 1953 fut établie une
chaire d'histoire, destinée à être occupée par un civil, l'Ernest
J. King Chair of Maritime History 59.
La même année, le contre-amiral Arthur A. Ageton réaffirma la
validité des leçons de l'histoire. Jomini avait incité Mahan à
étudier l'histoire navale pour découvrir les principes éternels
de la guerre. Ceux-ci étaient le fruit d'une étude attentive des
essais et erreurs des guerres passées60.
Le retour à l'histoire comme matériau de travail et de réflexion
en stratégie semblait bien amorcé. En 1966, sous la présidence de
l'amiral John T. Hayward, fut créée l'Alfred Thayer Mahan Chair
of Maritime Strategy. L'évolution de la théorie stratégique
fut davantage étudiée. Le résultat ne fut cependant pas celui qui
avait été espéré aux lendemains de la Deuxième Guerre mondiale.
Le programme d'études avait été surchargé plutôt qu'élargi.
L'histoire n'avait pas retrouvé la place que lui avaient dévolue
Luce et Mahan61.
La pensée stratégique américaine
fut effectivement dominée, dans les années 1950 et 1960, par la
nouvelle école matérielle des nuclear strategists, incarnée
par un Herman Kahn ou un Robert S. McNamara. Un certain nombre de
penseurs navals, cependant, préservèrent la flamme de l'école
historique. Insistant sur la continuité comme l'avait fait Mahan,
ils s'appuyaient sur Clausewitz et même sur Thémistocle pour
souligner les fonctions traditionnelles de la stratégie maritime.
Sans faire vraiment oeuvre originale, ils maintenaient l'attention
sur la maîtrise des mers, le blocus, les opérations amphibies, la
diplomatie navale, soit un certain nombre de stratégies qui
fournirent des alternatives au déterminisme nucléaire, une fois
que celui-ci se révéla inadéquat à la fin des années 196062.
Ces "stratèges historiques" n'étaient pas des officiers
d'active ni des conseillers politiques au moment où ils écrivaient.
Mais, en tant qu'officiers à la retraite, professeurs d'université
et écrivains professionnels, ils enseignaient dans les écoles de
guerre, participaient aux travaux de certains think tanks et
alimentaient la discussion dans les périodiques des forces armées.
Il y avait parmi eux les amiraux John D. Hayes et Henry E. Eccles,
Bernard Brodie et Herbert Rosinski. Ils eurent peu d'impact sur les
choix politico-stratégiques jusqu'à ce que la guerre du Vietnam révèle
les inadéquations de la stratégie nucléaire matérielle et de sa
théorie de l'escalade mesurée63.
L'amiral John D. Hayer dut président
de l'American Military Institute et publia un essai
bibliographique et une liste commentée des trente-six articles de
Stephen B. Luce64. Henry E. Eccles
publia en 1965, sous le titre de Military Concepts and Philosophy,
ses leçons données au Naval War College de 1956 à 1963.
L'ouvrage est d'une grande profondeur et appelle les officiers de l'US
Navy à dépasser les connaissances techniques et l'analyse
scientifique : il faut viser la "grandeur" et avoir
la "foi". Alfred T. Mahan est toujours de bon conseil pour
orienter la réflexion spécifique à la marine65.
Eccles est un des amiraux américains qui ont le plus médité sur
la stratégie. Il a insisté pour que les progrès dans les systèmes
d'armes puissent influencer celle-ci mais ne la déterminent
pas66. Pour faire saisir les corrélations
éternelles entre la politique, la stratégie, l'économie, la
logistique et la tactique, Henry Eccles renvoyait à la lecture de
l'histoire67. Il reconnaissait
qu'en dehors de sa propre expérience, il devait la plupart de ses
idées sur la stratégie à Clausewitz, Mahan, Liddell Hart, Michael
Howard, Bernard Brodie et surtout Robert Rosinski68.
Celui-ci était né en Allemagne et avait été professeur à l'Ecole
d'état-major de la Kriegsmarine, avant de fuir la persécution
nazie en 1936. Il avait ensuite vécu en Angleterre et aux
Etats-Unis, où il avait enseigné au Naval War College 69.
réapprendre la
stratégie par l'histoire
Lorsque, le 30 juin 1972, le
vice-amiral Stansfield Turner assuma la présidence du Naval War
College, il inaugura un nouveau programme de cours qui, dans son
esprit, représentait un retour aux grandes traditions de
l'institution, "à la contribution stratégique et historique
d'hommes tels que Mahan" :
"En
premier lieu, dit l'amiral Turner, nous allons aborder
l'étude de la stratégie par des cas historiques plutôt
que par les relations internationales ou la science
politique. Nos cours se sont, jusqu'ici, concentrés
trop exclusivement sur la brève période dans la stratégie
militaire qui s'est écoulée depuis la Deuxième Guerre
mondiale. La domination de cette période par seulement
deux puissances mondiales apparaîtra vraisemblablement
à l'avenir comme une aberration temporaire. La tendance
actuelle vers un monde multipolaire semble le confirmer.
L'étude d'exemples historiques devrait nous permettre
de voir les problèmes et les tendances du moment à
travers la perspective plus large des éléments
fondamentaux de la stratégie. Approcher les problèmes
actuels par une étude du passé est un moyen de nous
assurer que nous ne sommes pas enfermés à l'intérieur
des limites de notre propre expérience. Nous ne nous
intéresserons pas à l'histoire comme chronologie, mais
en fonction de sa pertinence et de son application à
aujourd'hui et à demain 70."
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Le retour à une
perspective historique était visible dans la première
lecture imposée : la Guerre du Péloponnèse de
Thucydide. Stansfield Turner y voyait d'importantes leçons
à glaner. Une nation démocratique avait envoyé une expédition
au-delà des mers et avait guerroyé sur une terre étrangère
pour s'apercevoir ensuite qu'il y avait chez elle très peu
de soutien pour cette entreprise. Cette guerre avait vu
aussi l'affrontement entre une puissance maritime et une
puissance continentale71.
En dehors de Thucydide et de ce qui était appelé "le
prototype classique : Athènes contre Sparte", les
lectures requises pour le cours Strategy and Policy
concernaient la théorie stratégique (Clausewitz et Corbett),
les guerres napoléoniennes, Metternich, Bismarck et les
guerres mondiales72.
En 1984, John B. Hattendorf,
professeur d'histoire navale au War College, réaffirme
la fidélité à la conception de l'amiral Luce : le
processus de la compréhension historique est un élément
clé dans le développement de la pensée navale73.
L'histoire permet d'éviter le dogmatisme d'un côté et la
simplification outrancière de l'autre. Luce voulait que
l'officier naval perçoive le processus de l'activité
humaine dans toute sa complexité :
"Les
leçons ne sont pas des préceptes didactiques
directs ou des instructions codifiées pour
l'action. Une bonne connaissance de l'histoire
de toute situation et de tout problème naval
illumine la nature de ceux-ci et constitue dès
lors une aide dans la prise de décision. La
connaissance de l'histoire renforce notre compréhension
du présent et suggère des lignes de conduite
pour le futur74."
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|
Appliquée aux
marines, l'étude de l'histoire implique, selon le
professeur Hattendorf, un processus complexe :
il faut d'abord décrire ce qui s'est passé, puis
l'analyser, le comparer et le contraster aux idées
théoriques fondamentales, l'examiner en relation
avec d'autres expériences similaires et puis
affiner la théorie fondamentale en fonction des généralisations
qui auront émergé. En fin de compte, on pourra
utiliser les généralisations comme des lignes de
conduite dans la planification opérationnelle, l'établissement
de procédures opérationnelles et le passage à
l'action75. C'est
le processus que Luce avait à l'esprit pour que se
crée une littérature théorique navale. John B.
Hattendorf souligne combien la théorie est toujours
essentielle pour la Navy. La mission du Naval
War College est d'être la matrice de la théorie,
le centre de la recherche intellectuelle originale
et de la réflexion en profondeur de la marine des
Etats-Unis76.
Le retour à
l'approche historique de Luce et de Mahan a suscité
un renouveau de la théorie stratégique navale.
Cela s'est fait en parallèle avec le regain d'intérêt
de l'armée de terre pour l'"art opérationnel".
La fin des années 1970 a vu un renouveau des modes
de guerre conventionnels dans les forces armées américaines.
Le projet Sea Strike Strategy, développé
par l'amiral Thomas B. Hayward en 1977-78, et le Seaplan
2000 entendaient réagir contre la conception de
l'administration Carter, trop focalisée sur le
front central de l'OTAN, et voulaient aussi réaffirmer
le rôle stratégique traditionnel de la marine, tel
qu'il avait été pensé par Mahan77.
Sous l'administration Reagan, nettement plus
favorable à la marine, ces réflexions aboutissent
à la formulation de la Maritime Strategy par
le secrétaire à la Marine John Lehman et l'amiral
James Watkins, Chief of Naval Operations. Son
successeur, l'amiral Carlisle A. H. Trost, a insisté
sur les composantes traditionnelles de la stratégie
maritime américaine78.
Les oeuvres de Mahan constituent toujours la première
lecture des amiraux, comme en témoigne une enquête
de la revue Proceedings 79.
Tirant les
conclusions de la guerre du Golfe pour les forces
armées américaines, le colonel Harry G. Summers a
souligné le rôle du renouveau doctrinal. Le Seaplan
2000, en réorientant la marine vers
l'offensive, a permis la projection de la puissance
et l'action rapide des groupes de bataille centrés
sur les porte-avions et les cuirassés. Au Naval
War College, la présidence de Stansfield Turner
a redonné un nouveau souffle à la pensée stratégique
et ceci a contribué à la victoire dans le Golfe80.
En conclusion, la
place de l'histoire dans la pensée navale américaine
a connu des fluctuations liées au retour périodique
du technicisme et de l'école matérielle.
L'histoire et la stratégie ont toujours été, sous
ce rapport, étroitement liées. Lorsque l'intérêt
pour l'histoire baissait, la pensée stratégique en
souffrait. Le Naval War College n'a cessé de
promouvoir une conception historico-stratégique de
la pensée navale au sein d'une marine américaine
souvent tentée par le repli sur la technologie. Le
fondateur du Naval War College, l'amiral
Luce, avait posé le problème en ces termes et il
avait engagé Alfred T. Mahan pour combattre la
tendance techniciste et élargir la formation des
officiers. Depuis la guerre du Vietnam, les forces
armées des Etats-Unis ont entamé un vaste effort
de réflexion et celui-ci a abouti à revaloriser
les approches traditionnelles, basées sur
l'histoire. Celle-ci apparaît bien comme un élément
indispensable dans la formation aux "plus
hautes tâches" de la profession militaire.
Notes:
1
Lucien
Poirier, "Introduction à une lecture de
Colin", postface à Jean Colin, Les
transformations de la guerre, Paris, Economica,
1989, p. 280.
2
Philip
A. Crowl, "Education versus Training at the
Naval War College : 1884-1972", Naval
War College Review, vol. XXVI, 3, 1973, p. 2.
3
Henri
Darrieus et Bernard Estival, "Darrieus et la
renaissance d'une pensée maritime en France avant
la Première Guerre mondiale", L'évolution
de la pensée navale, sous la dir. d'Hervé
Coutau-Bégarie, Paris, FEDN, 1990, pp. 93-94.
4
Albert
Gleaves, Life and Letters of Rear Admiral Stephen
B. Luce, U.S. Navy, Founder of the Naval War College,New
York-Londres, G.P. Putnam's Sons, 1925, p. 169.
5
Ibid,
p. 171.
6
Ibid,
p. 172.
7
Philip
A. Crowl, art. cit., p. 4.
8
John
B. Hattendorf, "Luce's Idea of the Naval War
College", Naval War College Review, vol.
XXXVII, 5, 1984, p. 38 .
9
John
D. Hayes, "The Writings of Stephen B.
Luce", Military Affairs, vol. XIX, 4,
1955, p. 194. Sur Paul Hoste, voir Michel Depeyre,
"Le père Paul Hoste, fondateur de la pensée
navale moderne", L'évolution ..., pp.
57-77.
10
Ronald
Spector, Professors of War. The Naval War College
and the Development of the Naval Profession,
Newport, Rhode Island, Naval War College Press,
1977, p. 17.
11
Philip
A. Crowl, art. cit., p. 4. Mahan avait écrit
The Gulf and Inland Waters, New York, Charles
Scribner's Sons, 1883.
12
Barry
M. Gough, The Influence of History on Mahan,
sous la direction de John B. Hattendorf, Newport,
R.I., Naval War College Press, 1991, p. 15.
13
Lettre
de Mahan à Luce, 22 janvier 1886, citée par Albert
Gleaves, op. cit., pp. 312-314.
14
W.
D. Puleston, Mahan : The Life and Work of Captain
Alfred Thaver Mahan, New Haven, Yale University
Press, 1939, p. 69.
15
Ibid,
pp. 70 et 74-75.
16
Alfred
T. Mahan, From Sail to Steam : Recollections of
Naval Life, New York, Harper and Brothers, 1907,
p. 282.
17
Voir
notre étude sur "Jomini, Mahan et les origines
de la stratégie maritime américaine", L'évolution
..., pp. 135-151.
18
Alfred
T. Mahan, The Influence of Sea Power upon History,
1660-1783, 15ème éd., Boston, Little, Brown,
1898, p. 7.
19
Ibid,
pp. 8-9.
20
Alfred
T. Mahan, Stratégie navale. Rapprochements et
différences avec les principes et l'application de
ces principes à la guerre sur terre, Conférences
faites à l'Ecole de la Marine, Newport, R.I., entre
les années 1887 et 1911, traduit de l'américain
par C. R., Paris, Fournier, 1923, p. 23.
21
Alfred
T. Mahan, From Sail ..., p. 282.
22
Alfred
T. Mahan, "The Practical Character of the Naval
War College. An Address delivered at the Opening of
the Annual Session, September 6, 1892", Proceedings
of the United States Naval Institute, vol. XIX,
2, 1893, p. 165.
23
Alfred
T. Mahan, The Life of Nelson. The Embodiment of
the Sea Power of Great Britain, 2ème éd.,
revue, 2 vol., Boston, Little, Brown and Co., 1900.
Voir la liste complète des oeuvres de Mahan dans
John B. et Lynn C. Hattendorf, A Bibliography of
the Works of Alfred Thayer Mahan, Newport, R.I.,
Naval War College Press, 1986.
24
Albert
Gleaves, op. cit., p. 173.
25
Theodore
Roosevelt, The Naval War of 1812 ..., New
York, Putnam, 1883.
26
Michael
T. Corgan, "Mahan and Theodore Roosevelt : The
Assessment of Influence", Naval War College
Review, vol. XXXIII, 6, 1980, pp. 90-93.
27
Ibid,
p. 93 ; Alfred T. Mahan, Sea Power in Its
Relations to the War of 1812, 2 vol., Boston,
Little, Brown, 1905.
28
R.
A. Bowling, "The Negative Influence of Mahan on
Anti-Submarine Warfare", RUSI Journal of the
Royal United Services Institute for Defence Studies,
vol. CXXII, 4, 1977, pp. 52-59.
29
Ken
Booth, "History or Logic as Approaches to
Strategy", RUSI Journal of the Royal United
Services Institute for Defence Studies, vol.
CXVII, 3, 1972, pp. 38-39.
30
Ronald
Spector, op. cit., p. 45.
31
Philip
A. Crowl, art. cit., pp. 4-5.
32
Ibid,
p. 18.
33
Bernard
Brodie, "Strategy as a Science", World
Politics, vol. I, 4, 1949, p. 485.
34
Clark
G. Reynolds, Command of the Sea. The History and
Strategy of Maritime Empires, New York, Morrow,
1974, pp. 402-403.
35
Philip
A. Crowl, op. cit., p. 5.
36
Ronald
Spector, art. cit., pp. 74-77.
37
Ibid,
pp. 112-113.
38
Ibid,
p. 117.
39
Ibid,
p. 110.
40
Ibid,
p. 111.
41
Michael
Vlahos, The Blue Sword : The Naval War College
and the American Mission 1919-1941, Newport,
Naval War College Press, 1980, p. 101.
42
Ronald
Spector, op. cit., pp. 144-145.
43
Philip
A. Crowl, art. cit., p. 6.
44
Michael
Vlahos, op. cit., p. 149.
45
Philip
A. Crowl, art. cit., p. 6.
46
Thomas
B. Buell, "Admiral Raymond A. Spruance and the
Naval War College. Part I - Preparing for World War
II", Naval War College Review, vol.
XXIII, 7, 1971, p.33.
47
Ibid.,
p. 32.
48
Ibid,
p. 48.
49
Michael
Vlahos, op. cit., pp. 72-73.
50
Ibid,
p. 75.
51
Ibid,
p. 77.
52
Philip
A. Crowl, art. cit., p. 6.
53
Samuel
Eliot Morison, History of U.S. Naval Operations
in World War II, vol. XII : Leyte, June
1944-January 1945, Londres, Oxford University
Press, 1958, p. 58; souligné dans le texte.
54
Russell
F. Weigley, The American Way of War : A History
of United States Military Strategy and Policy,
New York-Londres, Macmillan, 1973, pp. 302-303.
55
Ibid,
p. 304.
56
Bernard
Brodie, "The Battle for Leyte Gulf", Virginia
Quarterly Review, vol. XXIII, 3, 1947, p. 459.
57
Bernard
Brodie, "Strategy as a Science", World
Politics, vol. I, 4, 1949, p. 470.
58
George
H. Quester, "Mahan and Americain Naval Thought
Since 1914", The Influence of History,
pp. 181-190.
59
Philip
A. Crowl, art. cit., p. 7.
60
Arthur
A. Ageton, "Are the Lessons of History No
Longer Valid ?", Military Review, vol.
XXXII, 11, 1953, pp. 40-50.
61
Philip
A. Crowl, art. cit., pp. 7-8.
62
Clark
G. Reynolds, op. cit., pp. 548-549.
63
Ibid,
pp. 550-551.
64
John
D. Hayes, art. cit., pp. 187-196.
65
Henry
E. Eccles, Military Concepts and Philosophy,
New Brunswick, N.J. Rutgers University Press, 1965,
pp. 286-288.
66
Henry
E. Eccles, "Strategy - The Theory and
Application", Naval War College Review,
vol. XXXII, 3, 1979, p. 16 (souligné dans le
texte).
67
Ibid,
pp. 17-18.
68
Ibid,
p. 21. L'amiral Eccles a également publié Military
in a Free Society, Newport, R.I., Naval War
College Press, 1979.
69
Des
articles spécifiques seront consacrés à Bernard
Brodie et Herbert Rosinski dans les tomes III et IV
de L'évolution de la pensée navale.
70
Stansfield
Turner, "Convocation Address", Naval
War College Review, vol. XXV, 2, 1972, p. 4.
71
Idem
72
US
Naval War College 1972-1973, "The Report of the
President", Naval War College Review,
vol. XXVI, 2, 1973, pp. 38-41.
73
John
B. Hattendorf, art. cit., p. 39.
74
Idem.
75
Ibid,
p. 40. John B. Hattendorf reprend ici les
conceptions de l'amiral Henry E. Eccles, Military
Concepts, pp. 21-28.
76
John
B. Hattendorf, art. cit., p. 42.
77
John
B. Hattendorf, "The Evolution of the Maritime
Strategy : 1977 to 1987", Naval War College
Review, vol. XLI, 3, 1988, pp. 8-11.
78
Olivier
Sevaistre, "La stratégie maritime des
Etats-Unis", Stratégique, n° 48, 4,
1990, pp. 146-152.
79
"The
Navy's Reading List", Proceedings of the US
Naval Institute, vol. CXVII, 1, janvier 1991, p.
115.
80
Harry
G. Summers, Jr., "Leadership in Adversity. From
Vietnam to Victory in the Gulf", Military
Review, vol. LXXI, 5, 1991, p. 6.
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