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DE QUELQUES
PENSÉES NAVALES INCONNUES OU INSUFFISAMMENT CONNUES
Hervé COUTAU-BÉGARIE
Ce deuxième volume consacré à
l'histoire de la pensée navale obéit à la même logique que le premier.
Il rassemble des études très diverses, que ne relient ni l'époque, ni
le lieu, et qui traitent tant de tactique que de stratégie. Le but reste
de réunir des matériaux en vue d'une synthèse ultérieure, probablement
à longue échéance. Le chantier est immense, et les études réunies ici
ne constituent qu'un premier défrichement, dont on a d'ailleurs peine à
comprendre pourquoi il n'a pas été entrepris plus tôt. On peut néanmoins
distinguer deux grands groupes : celui des pensées navales que l'on
peut qualifier, faute de mieux, d'"informelles", intégrées
dans une pensée globale, donc souvent difficiles à identifier, et celui
des pensées navales structurées, conçues comme telles.
Les pensées navales
"informelles"
Au premier groupe, appartiennent les études
sur la pensée navale hellénistique, la pensée navale française dans la
première moitié du XVIIe siècle et, dans un genre différent, la pensée
navale vietnamienne. Chacune d'entre elles mérite d'être connue, et
chacune pose des questions spécifiques.
La pensée navale hellénistique
La pensée navale hellénistique s'inscrit
à la suite de la pensée navale athénienne qui avait été étudiée dans
le premier volume de cette série. L'évolution apparaît très nettement,
d'une pensée fondée sur l'intelligence stratégique et tactique, à une
conception beaucoup plus matérielle fondée sur la supériorité du nombre
et la puissance des armements. Doit-on y voir une préfiguration du
glissement du modèle britannique au modèle américain à l'époque
contemporaine ? L'idée est séduisante, mais les conditions de la
guerre navale ont tellement changé que toute comparaison de ce genre est nécessairement
impressionniste. Elle s'impose pourtant à l'esprit, de la même manière
que plusieurs auteurs ont établi une généalogie des thalassocraties qui
partirait d'Athènes pour arriver à l'Amérique triomphante1.
Un point essentiel doit tout de même être
souligné : de cette pensée navale hellénistique, nous n'avons plus
que des débris. La pensée navale athénienne pouvait se laisser cerner à
travers les discours d'orateurs, assez nombreux, les historiens comme
Thucydide ou Xénophon, qui connaissaient particulièrement bien la
question. Sur la période hellénistique, assez curieusement, nos sources
sont beaucoup plus lacunaires. La référence fondamentale est l'oeuvre de
Polybe, historien né vers 200 à Mégalopolis et mort dans sa cité vers
120. Il avait reçu une formation militaire assez poussée, mais surtout,
envoyé à Rome comme otage au lendemain de la troisième guerre de Macédoine,
il se lia avec Scipion Emilien, le futur vainqueur de Carthage, qui le prit
en amitié et l'emmena avec lui dans ses campagnes. Il en tira une expérience
extraordinaire qui se conjugait avec une érudition très étendue et,
surtout, "une vision historique d'une exceptionnelle ampleur,
s'exprimant dans une architecture mûrement pensée et des cadres
chronologiques précis" 2.
Malheureusement, nous n'avons intégralement conservé que cinq de ses
quarante livres, les autres n'étant connus que par des fragments ou par les
emprunts qu'ont faits des historiens postérieurs, notamment Tite-Live. En
dehors de Polybe, Diodore de Sicile, qui vécut à l'époque de César et
d'Auguste, a consacré vingt-trois livres à l'époque hellénistique, dont
seuls trois sont conservés. Pausanias n'est pas d'un grand secours,
Plutarque n'est pas sûr, les Histoires de Strabon sont elles aussi
presque entièrement perdues... la reconstitution à laquelle nous pouvons
procéder suggère que la pensée navale hellénistique a connu un certain développement,
mais nous ne pourrons jamais aller au-delà de ses grandes lignes. Cela se vérifiera
encore davantage avec la pensée navale romaine qui sera étudiée dans le
prochain volume.
Nous ne pouvons donc avoir qu'une vision très
incertaine et incomplète de cette pensée navale, dont il ne fait cependant
aucun doute qu'elle était structurée. On peut remarquer que Rhodes, dont
l'histoire suggère que ses stratèges politiques et militaires avaient des
doctrines mûrement pensées, n'a laissé de ce point de vue aucune trace écrite.
Il n'existe pratiquement aucune réflexion tactique qui nous soit parvenue,
mais deux ou trois allusions à la formation de convois suggèrent que la
protection du trafic était un réel souci, ce qui ne doit pas surprendre à
une époque où la piraterie était une occupation courante : le débat
entre les tenants des convois et ceux des routes patrouillées devait déjà
exister. Nous savons aussi que la tactique navale était extrêmement élaborée,
ainsi qu'en témoignent la panoplie très diversifiée des armes, la
complexité de certaines manoeuvres et la recherche de la liaison des armes3.
De la même manière, les historiens nous ont conservé le souvenir de
nombreux traités qui prouvent que toutes les catégories de désarmement
naval qui existent aujourd'hui (quantitatif, qualitatif, géographique,
fonctionnel) étaient déjà pratiquées4.
La méthode historique peut ainsi trouver dans l'Antiquité une confirmation
de la permanence, sinon des principes que les auteurs classiques, à la
suite de Mahan et Colomb, ont passionnément recherchés, au moins de
certaines préoccupations quant aux missions des forces navales.
La pensée navale française
au XVIIe siècle
La pensée navale française dans la première
moitié du XVIIe siècle, avant la règne personnel de louis XIV est,
incontestablement, beaucoup moins élaborée. Après les premiers tâtonnements
du XVIe siècle, qui se produisent presque simultanément en France, en
Angleterre, en Espagne, au Portugal et en Italie5,
le début du XVIIe siècle voit la parution d'un véritable traité, en
Italie : l'Armata Navale de Pandoro Pandora, publié à Venise
en 1614. En France, la conjoncture politique est trop incertaine pour que la
réflexion puisse se développer dans des conditions favorables. La mer est
reléguée au second plan, priorité est donnée à l'ordre intérieur. Les
esquisses théoriques et pratiques du XVIe siècle ne sont donc guère
poursuivies. L'étude du contre-amiral Granier fait cependant apparaître
plusieurs aperçus qui portent en germe les développements ultérieurs :
des économistes et Isaac de Razilly fournissent l'embryon d'un cadre
doctrinal qui inspire l'oeuvre fondatrice du cardinal de Richelieu. Le père
Fournier réalise une première encyclopédie maritime, qui traite surtout
d'hydrographie et fort peu de tactique, mais annonce des travaux plus poussés
dont le modèle tactique sera l'oeuvre du Père Hoste, déjà étudié dans
le premier volume de la série.
La pensée navale en extrême-orient
La pensée navale vietnamienne appartient
naturellement à un cadre de pensée tout à fait différent. Le genre
dominant est ici celui de la chronique ou des annales. Et la tradition
attribue aux grands généraux la paternité des maximes ou des recettes
tactiques que l'on trouve, très dispersées, dans les vies des grands
hommes destinées à servir à l'édification des futurs gouvernants dans
lesquelles le "combat sur l'eau" occupe une place notable. Dès la
plus haute Antiquité, des relations maritimes existent entre le continent
et l'Asie du sud-est et la première attribution de l'Etat est la maîtrise
de l'eau, au moyen de digues et de canaux. C'est de la mer qu'est venu, à
plusieurs reprises, le salut contre les attaques chinoises. Le premier
combat naval se produit à Bach Dang en 939 : la flotte de Ngô Quyèn
détruit la flotte de l'amiral chinois Hoang Thao. Cette victoire marque le
début de l'indépendance du Viet Nam. Les guerres contre les Song, puis
contre les Mongols, sont ensuite ponctuées de batailles navales, qui
culminent avec la troisième bataille de Bach Dang en 1288 : cette
victoire décisive permet de faire échec à la plus dangereuse des attaques
chinoises. Ce n'est pas sans raison que l'empereur Koubilaï écrit à son
fils : "ne sous-estime jamais le Daï Vièt malgré sa petite
taille". La supériorité de la flotte vietnamienne se maintiendra
presque jusqu'à l'arrivée des Français : lorsqu'en 1784, le Siam
attaque le Viet Nam, la flotte de Nguyên Hué remporte une victoire éclatante
à Rach Gâm-Xoâi Mut6. Cette continuité
montre que la composante maritime de la stratégie était parfaitement perçue.
C'est la première fois que la pensée
navale vietnamienne reçoit quelque considération. Il faut espérer que
cette exploration de l'Extrême-Orient pourra être continuée.
La très riche et très ancienne pensée
navale chinoise doit faire l'objet d'une attention qui, pour l'instant,
manque. Aucune étude ne lui a été jamais été consacrée, semble t-il,
mais Jacques Dars, dans son livre fondamental7,
cite deux traités de défense maritime de l'époque Song, c'est-à-dire
entre le Xe et le XIVe siècle, le Dongnan fangshou bian, écrit par
Chen Ke, et le Xugong Zouyi, dont l'auteur n'est pas mentionné, mais
qui consacre un chapitre à "six propositions, article par article,
pour la défense des voies maritimes" ainsi que deux traités de l'époque
Ming, le Chouhai tubian de Zheng Ruozeng, paru en 1562, et le Haifang
tuji de Hu Zongxian, à peu près contemporain. Joseph Needham cite de
son côté le Dong zi yang kao publié par Zhang Xie en 16188.
Il est également question de nombreux ouvrages techniques sur les
constructions navales, les arsenaux, la navigation... qui doivent
certainement contenir des développements tactiques. Il y a là un immense
champ d'étude à prospecter, rendu difficile par le double obstacle de la
langue et de la localisation des textes dans une littérature immense.
Il y aurait aussi lieu de s'interroger sur
l'existence d'une pensée navale japonaise avant l'ère Meiji. On sait
aujourd'hui que le Japon n'a jamais été la thalassocratie de l'Extrême-Orient
avant l'époque contemporaine9. De 1639 à
1853, il s'est refermé sur lui-même. Mais à travers quelques références
éparses, on devine que certains auteurs ont tout de même parlé, au moins
incidemment, de tactique et peut-être de stratégie maritime. Yayashi
Tomonao (ou Shihei) écrit en 1786 les Kaikoku Heidan (causeries
militaires sur les nations maritimes). Dix ans plus tard, Ohara Sakingo,
indigné de l'inaction des autorités d'Hokkaido lors de l'incursion d'un
navire britannique, écrit une mise en garde contre la poussée russe, le Hokchi
Kigen (déclaration de danger au Nord). En 1841, Takashima Shûhan rédige
un mémoire sur la défense côtière, dans lequel il souligne la supériorité
de l'artillerie européenne. Il est suivi par Sakuma Shôzan, qui publie en
1842 Kaibô Hassaku (huit politiques pour la défense du front de
mer)10. Là aussi, ce champ d'étude est
complètement en friche.
Il existe certainement une pensée navale
coréenne : le pays de l'amiral Yi Sun Sin a développé une marine qui
a remporté une série éclatante de victoires contre l'envahisseur japonais
au XVIe siècle. Le talent de l'amiral Yi en est la cause essentielle, mais
il est permis de penser qu'il avait auparavant développé sa réflexion à
partir d'une étude poussée de l'histoire.
Les pensées navales
constituées
Dans ce groupe, on peut distinguer trois
catégories : la pensée purement tactique représentée ici par Clerk,
la pensée navale stratégique en formation avec l'amiral Richild Grivel, et
la pensée stratégique navale architecturée : quatre études sont
consacrées à cette pensée stratégique navale "achevée", une
pour chacune des grandes puissances maritimes du XXe siècle, à l'exception
du Japon.
Les précurseurs
John Clerk of Eldin, honorable marchand écossais
qui s'est passionné pour la chose maritime et a essayé de surmonter le
blocage tactique engendré par le combat en ligne, est devenu le penseur du
XVIIIe siècle le plus connu, et presque le seul connu. Peut être faut-il y
voir une manifestation du syndrome de Polybe, c'est-à-dire de l'attention
accordée à la puissance dominante, aujourd'hui anglo-saxonne. Il est
constamment cité, ne serait-ce que parce qu'il n'y en a pas d'autres en
Grande-Bretagne. L'étude de Michel Depeyre nous rappelle qu'au XVIIIe siècle
la pensée navale est d'abord une invention française, dans la lignée du Père
Hoste. Plus qu'un fondateur, Clerk est d'abord un continuateur et un
adaptateur, ne serait-ce que par son impuissance à saisir la dimension
stratégique. Cela ne doit pas conduire à sous-évaluer l'importance de son
oeuvre, qui s'affranchit du formalisme français pour systématiser la
rupture de la ligne, innovation tactique capitale. Castex le juge ainsi :
"Clerk pense enfin "guerre" et non plus évolutions et
signaux. "Il gâte ces tendances par un grand parti pris et un esprit
de système qui lui fait n'examiner que les faits qui peuvent servir à démontrer
l'excellence de ses idées" 11.
Clerk se heurte à une large indifférence,
parfois teintée d'hostilité, de la part des marins, qui ont toujours
tendance à rejeter les ingérences extérieures. En même temps, Michel
Depeyre montre que l'audience de Clerk a été considérable à l'étranger
avec plusieurs traductions, notamment en Hollande, où l'on commence à
entrevoir une pensée navale, avec l'amiral de Winter ou Jan van Kinsbergen,
qui fera l'objet d'une étude dans le prochain volume.
Une prochaine direction d'étude devrait
s'intéresser à la pensée navale britannique au XIXe siècle, avant les frères
Colomb. On serait presque tenté de dire qu'elle n'existe pas, ou peu, à en
juger par le silence qui l'entoure : de Clerk à Colomb, aucun auteur
n'est jamais cité. Le débat naval a pourtant existé en Grande-Bretagne,
notamment lors de l'apparition de la vapeur et des déclarations alarmistes
qui ont suivi, et l'on peut relever, ici et là, quelques auteurs qui ont eu
des préoccupations au moins tactiques : le captain John Ross, auteur
de A Treatise on Navigation by Steam paru en 1823 : l'amiral
Ekins, qui publie Naval Battles en 1824 ; George Biddlecombe,
auteur d'un ouvrage de référence, Naval Tactics and Sailing Trials
(1850) ; le général Sir Howard Douglas, rénovateur de l'artillerie,
qui publie, après A Treatise on Naval Gunnery (1855) un livre moins
étroitement technique, Naval Warfare under Steam (1857). On a même
assisté à l'émergence d'écoles "hérétiques", qui s'éloignaient
du concept traditionnel de maîtrise des mers pour accorder la priorité à
la défense côtière ou la guerre aux commerces : la Brick and
Mortar School et la Cruiser School sont au mieux mentionnées en
passant, sans aucune indication sur leurs auteurs ou leurs idées. Il y a là
une lacune qu'il faudrait combler.
L'amiral Richild Grivel, fils de l'amiral
Jean Grivel dont les considérations maritimes ont été publiées
dans le premier volume de cette série, marque un tournant vers la deuxième
catégorie, vers l'émergence d'une pensée pour la première fois stratégique.
Il rompt avec l'obsession du matériel qui caractérise ses nombreux prédécesseurs
du XIXe siècle, qui essaient de définir de nouvelles tactiques dans un
environnement technique en constant bouleversement. l'opuscule du lieutenant
de vaisseau John Colomb sur la protection du commerce britannique est certes
paru deux ans avant, mais le propos de Grivel est incomparablement plus
vaste et son livre peut être regardé comme le premier traité contemporain
de stratégie navale.
Etienne Taillemite relève qu'il marque
aussi le début d'une évolution de la pensée navale française qui sera
poursuivie par les travaux historiques de l'amiral Jurien de la Gravière,
puis par les idées de l'amiral Aube, avant de finir dans les excès et les
déformations de la Jeune Ecole. La relecture de l'ensemble de ce courant,
très divers, rassemblé sous une appellation unique, est maintenant bien
entamée et le nom d'aube n'est plus automatiquement associé à une
conception foncièrement fausse de la stratégie maritime. La Jeune Ecole
sera abordée dans le troisième volume de la série.
Le même travail reste à faire pour les prédécesseurs
de Grivel, qui ne sont guère connus que par les annotations pour le moins
sommaires de Castex dans La liaison des armes sur mer.
Bouet-Willaumez est le seul qui ait laissé quelque souvenir avec ses Batailles
de terre et de mer (1855). Gueydon, Pagel, Lewal, Gougeard, Cordes, Dislère...
ne sont plus que des noms. Castex distinguait parmi eux l'école cinématique
de l'école militaire, des catégories que l'on pourrait sans doute raffiner
quelque peu12.
La pensée navale
britannique
Le survol d'Eric Grove sur la pensée
navale britannique contemporaine, depuis ses fondateurs les frères Colomb,
montre le paradoxe qui caractérise la pensée de la puissance navale
dominante. La pensée navale britannique est très riche. bien que surclassée
par Mahan, l'oeuvre de Philip Colomb est d'une grande importance et l'oubli
qui a frappé Naval Warfare pendant plusieurs décennies13
est immérité, ne serait-ce que parce que c'est lui qui a ouvert la
controverse, parfois furieuse, sur la "fleet in being".
Corbett est peut-être le plus grand de tous les penseurs navals du XXe siècle,
encore que Castex ait, lui aussi, des titres à présenter. Son
continuateur, l'amiral Richmond, a émis des vues toujours originales et
souvent pénétrantes, même si Castex les qualifiait dédaigneusement de "assez
curieuses et pittoresques" 14.
Mais il est surprenant de constater à quel point tous ces auteurs ont
finalement travaillé de manière isolée, en marge de l'enseignement et des
doctrines officiels, si l'on excepte la période durant laquelle Corbett a
été associé à l'oeuvre rénovatrice de l'amiral Fisher15.
La même indifférence avait déjà été notée pour leur illustre prédécesseur
Clerk. La Sea supremacy britannique n'aimait visiblement pas les
interrogations métaphysiques, ou même simplement stratégiques. Faut-il y
voir une simple manifestation de l'esprit pratique dont on crédite souvent
les Britanniques ? Faut-il plutôt mettre en cause une hégémonie qui
n'incite jamais aux interrogations et aux révisions ? Ou n'y a-t-il
pas aussi un certain conformisme du corps des officiers, qui étouffe toute
velléité de réflexion indépendante ? La question n'a pour l'instant
pas de réponse assurée.
Les auteurs cités dans l'article d'Eric
Grove ne sont que les plus marquants. Il y aurait lieu de se pencher sur des
auteurs considérés comme étant de second plan et à ce titre négligés,
souvent à tort. Ils sont extrêmement nombreux. Fred Jane, fondateur de
l'annuaire des flottes de combat qui porte aujourd'hui son nom, avait lui
aussi des idées stratégiques, originales et vigoureuses, qu'il a résumées
dans un livre au titre expressif : Heresies of Sea Power, paru
en 1906. Cet ouvrage, effectivement hétérodoxe, mérite une lecture
attentive, qui sera proposée dans l'un des prochains volumes de cette série.
Il faudrait également s'intéresser à
l'amiral Sir Reginald Custance, directeur du renseignement de la Marine de
1899 à 190216, mais aussi chef de file de
l'école de la Guerre à outrance, écrivain prolifique (Naval
Policy, sous le pseudonyme de Barfleur, 1907 ; War at Sea,
1919, consacré à l'Antiquité ; A Study of War, 1924...) et
nullement négligeable, puisque c'est lui qui a, le premier, opéré la
distinction fondamentale entre la méthode historique et la méthode matérielle
qui sera reprise plus tard par Castex. Ou à l'amiral Sir Cyprian Bridge
dont The Art of Naval Warfare (1907) dessine un schéma plus
conventionnel que celui de Corbett, mais plus nuancé que celui de Mahan. Très
tôt, des auteurs ont porté leur attention vers les opérations combinées,
ce qui n'était pas sans mérite, à une époque où elles n'avaient aucun
crédit. C.E. Callwell, vite éclipsé par Mahan et Mackinder, mérite d'être
regardé comme l'un des fondateurs de la géostratégie avec The Effect
of Maritime Command on Land Campaigns since Waterloo (1897) et Military
Operations and Maritime Preponderance : their Relations and
Interdependence (1905). Le brigadier-général des Royal Marines
Georges Aston publie en 1911 des Letters on Amphibious Wars, dans
lequel l'étude d'expériences récentes, de la guerre civile chilienne
(1891) à la guerre russo-japonaise (1904-1905), sert de support à des réflexions
générales17. Trois ans plus tard
(bizarrement, il est devenu colonel entretemps), il élargit et systématise
son propos dans un livre, dont le titre est remarquable Sea, Land and Air
Strategy. Ces pionniers mériteraient d'être redécouverts.
En dessous de ces auteurs, théoriciens ou
analystes, il existe un grand nombre de vulgarisateurs et de propagandistes
qui mériteraient d'être examinés, dès lors qu'ils ont contribué, de
manière souvent décisive, à former l'opinion, notamment lors des Navy
Scares, manipulées par l'Amirauté, contre la menace d'invasion française,
puis contre la montée de la marine allemande, dans un but budgétaire évident.
Cette immense littérature reste aujourd'hui peu connue. Donald Schurman,
dans son livre sur la pensée navale britannique de 1867 à 1914, a très
justement souligné le rôle pionnier de Sir John Laughton, fondateur de la
Navy Records Society18. Lord Brassey fonde,
à la fin du XIXe siècle, un annuaire : le Naval Annual, qui présente
des articles de haut niveau : même si les questions techniques
accaparent la plus grande partie de ces gros volumes, la tactique et la
stratégie ne sont pas absentes. Pendant des décennies, James R. Thursfield,
fellow du Jesus College d'Oxford, et surtout correspondant naval du Times,
exerce une grande influence. Mais il faudrait aussi citer des auteurs
complètement oubliés, comme Alan Burgoyne ou Percival Hislam avant 1914,
Bernard Acworth, R. Bacon et F.E. McMurtrie, John Creswell, F.J.C. Hearnshaw,
Gerard Fiennes, Charles Domville-Fife... avant 1940, contribuent à
entretenir le débat autour des questions maritimes.
Débat que la guerre elle-même
n'interrompt pas. Simplement, le commander Russell Grenfell devient T124
pour publier Sea Power (1940), livre lucide et perspicace à défaut
d'être profond. Brian Tunstall, historien prolixe et gendre de Corbett,
propose en 1942 un premier bilan de la World War at Sea, qui se
signale par une appréciation lucide de l'impact de l'avion (ce qui n'est
pas si fréquent ; Brodie et Rosinski seront un peu en retrait) et une
analyse fouillée des conceptions allemandes (qui emprunte beaucoup à
Rosinski). Il le prolonge deux ans plus tard par Ocean Power Wins. Et
c'est en pleine guerre que Herbert Rosinski (d'origine allemande !)
publie son éblouissante série d'articles dans le Brassey's Naval Annual.
Eric Grove a prolongé son étude jusqu'à
l'époque actuelle. Des auteurs comme Sir Peter Gretton, Lawrence Martin,
James Cable reçoivent ainsi droit de cité. N'oublions pas non plus Eric
Grove lui-même, auteur d'un ouvrage de tout premier ordre sur la politique
navale britannique depuis 194519 et d'un
essai brillant sur l'avenir de la puissance maritime20
et éditeur de Corbett, qui retrouve enfin la place qui lui est due. Il faut
particulièrement souligner l'apport décisif de Sir James Cable, qui a, le
premier, attiré l'attention sur la dimension politique des flottes, avec
son livre classique Gunboat Diplomacy, paru en 1969 et régulièrement
réédité depuis, ainsi que son récent essai Navies in War and Peace.
Sa contribution à la stratégie, dans un sens plus classique, n'est pas
mince non plus, comme en témoignent notamment ses recueils d'articles, dont
un échantillon devrait prochainement être publié en français. Il est,
incontestablement, le plus important des auteurs contemporains.
La pensée navale allemande
Le capitaine de vaisseau Dr Werner Rahn,
chef du Service historique de la Marine allemande, se situe sur un registre
différent : il étudie la réflexion stratégique dans la marine
allemande de 1914 à 1945. Ce travail d'état-major se construit dans un
contexte très difficile : après l'échec de 14-18 et l'anéantissement
de la puissance maritime allemande, tout est à reconstruire sur de
nouvelles bases. L'effort théorique alors consenti prend des formes très
diverses : l'amiral Raeder met l'accent sur la guerre des croiseurs,
tandis que l'amiral Wegener développe une réflexion que l'on qualifierait
aujourd'hui de géostratégique. Le problème est que la solution la plus
adaptée au cas allemand, celle de l'emploi intensif de l'arme sous-marine,
prônée dans les années 30 par le capitaine de vaisseau Karl Doenitz, ne
s'imposera que trop tard pour produire des résultats décisifs. Au fond
comme le note le commandant Rahn, l'Allemagne s'est trouvée dans deux
situations inverses, la condamnant à la même impuissance : en
1914-1918, elle avait l'instrument naval, mais pas la position géographique
lui permettant de l'utiliser ; en 1939-1945, elle a disposé de la
position géographique, mais n'avait plus l'instrument naval pour en tirer
parti.
Cette réflexion à usage interne se double
d'une pensée "ouverte", qui s'exprime dans des livres ou dans des
revues, dont la plus célèbre est la Marine Rundschau. Celle-ci est
déjà partiellement connue par les analyses de Carl-Axel Gemzell21
et surtout de Herbert Rosinski22. Ces dernières
devant faire prochainement l'objet d'une édition française dans le cadre
du présent programme. Au lendemain de la guerre, le problème essentiel est
évidemment celui de la conduite des opérations navales durant la grande
guerre. Tirpitz et l'amiral Scheer publient des plaidoyers en forme de mémoires
tandis que l'amiral Valois, vieil adversaire de Tirpitz, se livre à une
attaque en règle. Les suites de ce débat23
apparaîtront encore dans le grand livre du capitaine de vaisseau (bientôt
amiral) Otto Groos, Seekriegslehren im Lichte des Weltkriege, paru en
1928 : Otto Groos a subi l'influence des théories de Corbett et il est
très conscient du caractère insuffisant de la recherche de la bataille décisive.
En même temps, il est désireux de ne rien écrire qui pourrait passer pour
une critique de l'amiral Tirpitz, qui l'a préfacé. D'où les ambiguités
qui entâchent constamment son livre, et qui sont à l'origine de jugements
assez contradictoires : pour Castex, il n'est qu'une pâle imitation de
Corbett24, tandis qu'un commentateur récent
y voit un mélange de Wegener et de Castex25.
Le vice-amiral Wolfgang Wegener n'a pas cet
embarras. partant d'une analyse géographique, présentée en détail par le
commandant Rahn, il va s'efforcer ensuite de l'imposer, et pour cela de la
faire connaître dans le public. Son mémoire se transforme en livre, Der
Seestrategie des Weltkriege, publié en 1929. Il reçoit un certain écho
dans la marine allemande, mais se heurte surtout à une large incompréhension,
dont témoigne le scepticisme exprimé par l'amiral Castex en France26.
La plupart des observateurs estiment que le Reich n'a pas les moyens
d'obtenir l'élargissement de sa base géographique prôné par Wegener. D'où
le retour à la guerre au commerce dans les années 30, avec les tendances
"New Blue-Water School" exprimées par le commandant Hugo
Waldeyer-Hartz en 1936, ou Ernst-Wilhelm Kruse en 193827,
au moment précis où le IIIe Reich se lance dans la reconstitution d'une
flotte océanique avec le plan Z : celui-ci est conçu pour donner à
la Kriegsmarine les moyens de disputer à la Royal Navy la maîtrise
de la mer, à partir de la fin des années 40, tandis que Waldeyer-Hartz et
Kruse, conscients de l'impossibilité de mener une guerre contre
l'Angleterre, définissent une stratégie mieux adaptée à une puissance
semi-océanique (halbozeanische) comme l'Allemagne. Ce discours
alternatif reste donc marginal, de même que passe à peu près inaperçu le
livre fondateur du capitaine de vaisseau Doenitz, Die U-Boote Waffe,
paru juste avant le déclenchement de la guerre et qui contient une
formulation très explicite de la tactique des meutes que le même Doenitz
mettra en application durant la bataille de l'Atlantique. Personne ou
presque n'y prête alors attention, le danger sous-marin étant alors
unanimement sous-évalué28. Le réveil
sera brutal.
Durant la guerre, la pensée navale est évidemment
reléguée en arrière-plan : il ne s'agit plus de penser la guerre,
mais de la faire. Des études continuent cependant à paraître, tant en
stratégie (Herbert Rosinski accorde beaucoup d'importance à l'amiral von
Assmann, pour un article paru en 1943 dans Nauticus) qu'en géopolitique.
Michel Korinman a récemment retracé avec éclat l'itinéraire de la géopolitique
allemande, dont la composante maritime est tout à fait essentielle29.
L'un des maîtres-livres du général-docteur Haushofer (1924), s'intitule Geopolitik
des Pazifischen Ozeans, complété en 1937 par une synthèse qui, encore
aujourd'hui, reste sans équivalent, Weltmeere und Weltmachte.
Plusieurs de ses disciples consacrent des monographies à plusieurs mers,
celle de Hummel et Siewert sur la Méditerranée étant exemplaire. En 1944,
en pleine débacle du Reich, Ernst Wolgast consacre un essai magnifique au
problème de la thalassocratie, Seemacht und Seegeltung, comparant
Athènes et la Grande-Bretagne30, Wolgast
est juriste de formation, tout comme l'est Carl Schmitt qui publie, quelques
années après, un petit essai, Land und Meer. Toute cette pensée géopolitique
sera évoquée dans un prochain volume de cette série.
En même temps, il faudrait aborder la pensée
navale de l'Allemagne contemporaine. Celle-ci est dominée par deux grands
noms : l'amiral Alfred Wegener, fils du précédent, et l'amiral
Friedrich Ruge. Ils systématisent un certain nombre d'apports allemands, en
particulier la distinction entre la Seemacht et la Seegeltung, l'insistance
sur la position géographique... Cette pensée tient une place honorable
dans les débats contemporains, même si une méconnaissance de plus en plus
généralisée de la langue allemande limite considérablement son
rayonnement31.
La pensée navale américaine
Le même constat ne peut être fait à
propos de la pensée navale américaine étudiée par Bruno Colson. La Pax
americana a pour corollaire logique un retentissement sans égal de la pensée
navale américaine, Mahan étant de très loin le stratège naval le plus
connu, même s'il n'est pas toujours lu32.
Les moyens dont dispose l'US Navy favorisent la réédition régulière
de ses oeuvres principales, ainsi que l'édition de ses papiers privés qui
apportent d'intéressants éclairages. La pensée étudiée par Bruno Colson
est, comme dans le cas allemand, la pensée officielle, telle qu'elle
s'exprime notamment par le Naval War College de Newport. Celui-ci a la
chance de disposer d'un encadrement abondant et de premier ordre :
Bruno Colson cite les amiraux Hayes, Eccles et Turner. Il mentionne également
deux des plus importants stratèges contemporains : Bernard Brodie et
Herbert Rosinski qui feront l'objet d'études spécifiques dans les
prochains volumes. Celles-ci permettront aussi d'évoquer des auteurs moins
connus, Fletcher Pratt, commentateur consciencieux de la deuxième guerre
mondiale : Alexander Kiralfy, l'un des pionniers de l'approche
culturaliste en stratégie avec ses analyses lumineuses (et complètement
incomprises) de la stratégie navale japonaise ; ou Hector Bywater,
journaliste très connu et perspicace...
Au-delà des divergences inévitables, on
retrouve un paradigme unique, qui est celui du mahanisme triomphant. Bernard
Brodie, lui-même, n'hésite pas à qualifier sa propre oeuvre de simple
mise à jour des théories de Mahan33, ce
qui est sans aucun doute exagéré, car Sea Power in the Machine Age
(1941) et A Guide to Naval Strategy (1943-suivi par plusieurs rééditions)34
révèlent un stratège naval d'une réelle originalité, et s'écartant,
souvent sans trop l'avouer, de la stricte orthodoxie telle qu'elle peut être
incarnée par le commandant Puleston, auteur d'une biographie dévote du maître
et d'un essai sur The Sea Power in the World War 2, orthodoxe jusqu'à
la servilité35. Il y aurait lieu donc de
distinguer entre un mahanisme dogmatique et un mahanisme plus évolutif.
Cette distinction n'est d'ailleurs pas limitée à quelques écrivains, elle
se retrouve dans les grandes discussions stratégiques : au lendemain
de la première guerre mondiale, la controverse entre l'amiral Sims et le
secrétaire à la Marine Daniels n'est pas simplement une querelle de
personnes, elle traduit un désaccord sur des choix stratégiques
fondamentaux. Le livre de Tracy Barrett Kittredge, Naval Lessons of the
Great War (1921) doit être relu dans cette perspective.
Il y a lieu de la même manière de réexaminer
des débats plus récents, jusqu'aux discussions passionnées sur la
Maritime Strategy, dont on cerne mieux aujourd'hui les antécédents36.
L'étonnante liberté de pensée et de plume dont jouissent les officiers de
marine américains favorise l'ouverture de la discussion et l'expression
d'un éventail d'opinions très large.
La pensée navale française
sous la IVe République
L'étude de François Géré sur la pensée
navale sous la IVe République se rapproche de celle de Werner Rahn sur la réflexion
allemande à double titre. D'une part, comme lui, il met l'accent sur les
travaux, sinon officiels, du moins émanant d'officiers en activité, qui
s'intéressent moins à la théorie stratégique qu'à la définition du
statut et des missions de la marine. D'autre part, la situation de la marine
française après 1945 n'est pas sans analogies avec celle de la Kriegsmarine
au lendemain de la défaite de 1918 : non seulement la marine n'a eu
qu'une faible part dans la victoire, mais en outre, elle est tenue en
suspicion du fait de ses opinions politiques, avouées ou supposées, et de
sa compromission avec le régime de Vichy. L'amiral Nomy, chef d'état-major
général, n'obtiendra sa cinquième étoile qu'à la fin de son très long
(1951-1960) commandement. Aucune revue navale ne sera effectuée jusqu'en
1958. La marine doit donc se battre pour justifier, sinon son existence, du
moins son rang.
L'examen des archives révèle le caractère
complexe de ses motivations. Le Conseil supérieur de la Marine se soucie de
ne pas rater le tournant des armes nouvelles, avec notamment la question du
porte-avions, dont la gestation est très difficile. Un objectif prioritaire
est, comme le souligne François Géré, de faire en sorte que la Marine
tienne sa place au sein du commandement naval intégré. Mais en même
temps, il faut accorder une importance particulière aux missions outre-mer,
avec l'Indochine qui absorbe très vite une part importante des moyens, et
l'on retrouve aussi certaines préoccupations d'avant-guerre, notamment
l'obsession de rester toujours devant la marine italienne. Les conférences
de l'amiral Lepotier, disciple de l'amiral Castex, insistent sur le caractère
mondial de la stratégie et donc, par là, sur la place que doit tenir la
marine dans la politique française de défense. L'amiral Barjot, qui avait
été avant-guerre l'un des défenseurs les plus clairvoyants du
porte-avions, persiste dans cette voie, tandis que les sous-mariniers
commencent à prendre conscience des possibilités qu'offre la propulsion
nucléaire à leur arme auparavant reléguée au second plan.
François Géré montre l'étendue de ces
préoccupations et la diversité des opinions qui sont exprimées. La pensée
navale française au lendemain de la seconde guerre mondiale redevient assez
vite active. Mais elle ne retrouve pas pour autant le rang prééminent qui
fut le sien au début du siècle et qui s'était maintenu durant
l'entre-deux guerres grâce au rayonnement de l'amiral Castex. La production
à usage "externe" est désormais très limitée. On ne peut guère
noter qu'un livre de synthèse de l'amiral Lepotier37,
une présentation de la politique navale par l'amiral Barjot38
et in fine un essai de prospective destiné à un large public par
l'amiral de Belot39. C'est très peu, et même
s'il s'agit d'un phénomène général (la période est pauvre en oeuvres
majeures dans tous les pays), il n'en reste pas moins vrai que la pensée
navale française ne figure plus désormais parmi les références obligées.
Même en Amérique latine, où son rayonnement était traditionnellement
grand, elle est désormais supplantée par
la pensée navale américaine qui va régner sans partage. Les choses ne
s'amélioreront guère dans les années 60, dès lors que le très important
effort théorique qui accompagne la constitution de la force de frappe
restera confidentiel et ne donnera lieu qu'à de très rares publications,
comme on le verra dans un prochain volume.
*
* *
Les études réunies ici n'ont donc le plus souvent
qu'un caractère provisoire. Elles sont autant de rapports de fouilles, qui
rendent compte de l'ouverture de chantiers dans des gisements peu ou pas
explorés. Les prochains volumes continueront à explorer des strates
successives jusqu'à ce qu'il soit possible d'esquisser une vue d'ensemble.
Sont actuellement en préparation un volume semblable aux deux premiers et
un volume consacré à la pensée géopolitique navale. En même temps, la
prochaine parution des traductions françaises de Corbett et de Rosinski
permettra d'accéder directement à deux classiques dont la lecture est
indispensable, si l'on veut parvenir à une compréhension de ce que
pourrait être une théorie stratégique maritime. Mais avant d'esquisser
celle-ci, il faudra continuer à accumuler des matériaux, dans un travail
qui se rapproche pour l'instant plus de l'archéologie que de l'histoire. Il
y a encore beaucoup de terrae incognitae.
Notes:
1
Par exemple, Clark
Reynolds, Command of the Sea. The History and Strategy of Maritime
Empires, New York, Morrow, 1974.
2
Edouard Will, Histoire
politique du monde hellénistique, Nancy, 1967, tome II, p. 485. Will
estime que "l'oeuvre historique de Polybe est, avec celle de Thucydide,
la plus remarquable que nous ait léguée l'Antiquité".
3
Cf Jean Pagès, "les
armes navales de l'Antiquité et leur emploi tactique", marins et océans
II, 1991, qui décrit des armes de choc (éperon) mais aussi de jet ou
d'abordage extrêmement diverses, à compléter par Jean Pagès, "La
liaison des armes dans l'Antiquité", marins et océans III,
1992.
4
Cf Jean Pagès, "le désarmement
naval dans l'Antiquité", à paraître.
5
Ils seront présentés
dans le tome III de la présente série.
6
L'histoire de la marine
vietnamienne est résumée dans Lé Dinh Tong, "La marine viet-namienne
avant l'arrivée des Français", Marins et océans III, 1992.
7
Jacques Dars, La marine
chinoise du Xe siècle au XVe siècle, CFHM-Economica, 1992, p. 18.
8
Joseph Needham, La
tradition scientifique chinoise, Hermann, 1974, p. 181.
9
Cf Hervé Coutau-Bégarie,
Géostratégie du Pacifique, IFRI-Economica, 1987, appendice sur
"l'influence de la puissance maritime sur l'histoire de l'Extrême-Orient".
10
Tous ces auteurs sont cités
par Jean Esmein, dans l'avant-propos de Un demi plus. Etudes sur la défense
du Japon hier et aujourd'hui, FEDN, 1983.
11
Note manuscrite, antérieure
à 1914.
12
Un auteur anglais a de son
côté rassemblé les partisans du choc sous le nom de "chaos school".
C.I. Hamilton "The Royal Navy, la Royale and the Militarisation of
Naval 1840-1870 Warfare", Journal of Strategic Studies, juin
1983.
13
Après la troisième édition
parue en 1899, il faudra attendre 1990 pour voir une nouvelle édition dans
la série des classics of Sea Power avec une introduction par Barry
Gough.
14
Amiral Castex, Théories
stratégiques, I, 2e éd., Editions maritimes et coloniales, 1937, p.
62.
15
Fisher lui-même, "practical
sailor", était plein de dédain pour Philip Colomb, "book sailor",
D.M. Schurman, The Education of a Navy. The Development of British Naval
Strategic Thought, Londres, Cassel, 1965, ch. 5.
16
Cf Matthew Allen, "Rear
Admiral Reginald Custance Director of Naval Intelligence 1899-1902", Mariner's
Mirror, février 1992.
17
Notons qu'il cite,
sans nom d'auteur, un livre de 1759 Conjunct Expeditions.
18
D.M. Schurman, op. cit.,
ch. V.
19
Eric Grove, Vanguard to
Trident, Londres, Bodley Head, 1987.
20
Eric Grove, The Future
of Sea Power, Londres, Routledge, 1990.
21
Carl-Axel Gemzell, Conflict,
Organization and Innovation. German Strategic Naval Planning 1888-1940,
Lund, Scandinavian University Books, 1973.
22
Deux chapitres de son
recueil Le développement de la pensée navale sont consacrés à la
stratégie navale allemande. On peut le compléter par Brian Tunstall, World
War at Sea, Londres, Secker, Warburg, 1942.
23
Bien présenté dans Keith
W. Bird, "The Origins and Role of German Naval History in the Inter War
Period 1918-1939", Naval War College Review, mars-avril 1970.
24
Amiral Castex, op. cit.,
p. 61.
25
Holger H. Herwig,
introduction à la traduction anglaise du livre de Wegener dans les "Classics
of Sea Power", The Naval Strategy of the Word War, Annapolis,
Naval Institute Press, 1989, p. XXXVIII.
26
Amiral Castex, op. cit.,
p. 61.
27
Sa Neuzeitliche
Seekriegsfuhrung est préfacée par Wegener.
28
Cf Arthur J. Marder, From
Scapa Flow to Oran, Oxford University Press, 1974.
29
Michel Korinman, Quand
l'Allemagne pensait le monde, Fayard, 1989.
30
Wolgast poursuit sa réflexion
après la guerre, notamment avec Seemacht als Staats - und Gestaltlehre,
1961. Cette plaquette sera traduite dans l'un des prochains volumes.
31
Il n'a cependant pas
disparu. L'article fondamental de Wagener sur la théorie de la stratégie
navale à l'âge atomique, paru en 1968 dans la Marine Rundschau, est
traduit dans les U.S. Naval Institute Proceedings en 1972. L'un des
livres de Ruge est même traduit en français : Puissance maritime
et sécurité, Presses de la Cité, 1969.
32
Le centenaire de la
parution de The influence of Sea Power upon History a été célébré
par un colloque dont les actes viennent d'être publiés. John B. Hattendorf
(ed), The Influence of History on Mahan, Newport, Naval War College,
1991. On y trouve notamment plusieurs études sur l'influence de Mahan en
Allemagne, au Japon, en Amérique latine... La France est absente, une fois
de plus.
33
Bernard Brodie, La
guerre nucléaire, Stock, 1965, p. 10.
34
La troisième édition a
été traduite en français, La stratégie navale et son application dans
la guerre de 1939-1945, Payot, 1947.
35
W.D. Puleston, La Sea
Power dans la seconde guerre mondiale, Payot, 1949.
36
Michael Palmer, Origins
of The Maritime Strategy, Newport, Naval War College Press, 1988.
37
Amiral Lepotier, La
guerre moderne dans les trois dimensions, Grandes Editions françaises,
1948.
38
Amiral Barjot, Vers la
marine de l'âge atomique, Amiot-Dumont, 1954.
39
Contre-amiral de Belot, la
mer dans un conflit futur, Payot, 1958.
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