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EditorialA l'heure du Golfe Hervé Coutau-Bégarie
Ce
numéro paraît au moment où se déroule la guerre la plus violente que le
monde ait connu depuis la guerre de Corée. Il ne s’agit plus d’un
conflit "périphérique" dès lors qu’il a fallu mobiliser des
moyens formidables pour affronter un pays de 17 millions d’habitants. La
moitié des effectifs américains stationnés en Europe a été expédiée
en Arabie Saoudite, et cela n’a pas suffi : il a fallu faire appel aux
moyens stationnés sur le territoire même des États-Unis.
On peut estimer que les États-Unis
à moins d’une mobilisation de grande ampleur sont absolument hors d’état
de soutenir actuellement des opérations de guerre sur un autre théâtre. La
guerre a commencé par la bataille aérienne. La coalition a conquis la maîtrise
de l’air et s’efforce par un bombardement stratégique d’affaiblir le
potentiel irakien. Mais l’enseignement de la seconde guerre mondiale est là
pour nous suggérer que la maîtrise de l’air n’a jamais suffi à
assurer à elle seule la victoire. Après les communiqués triomphants des
premiers jours, les commentateurs en sont progressivement venus à reconnaître
que la guerre risquait d’être longue et difficile. A la bataille aérienne
va donc succéder la bataille aéroterrestre pour reconquérir le Koweït. La
puissance maritime reste en arrière plan. L’Irak ne dispose pas d’une
flotte capable de menacer la formidable armada de la coalition alliée. Les
engagements sur mer se sont limités pour l’instant à la destruction de
quelques patrouilleurs irakiens et d’avions qui avaient imprudemment tenté
de s’approcher des navires alliés en position avancée : le 24 janvier, 2
avions irakiens sans doute porteurs de missiles anti-surface
ont ainsi été abattus. Mais cet arrière-plan
maritime est constamment présent : les Américains ont mobilisé 7 porte-avions
sur 14 disponibles, l’aviation embarquée participe directement et
intensivement aux attaques aériennes contre l’Irak et les cuirassés et
croiseurs sous-marins
ont lancé les attaques massives par missiles Tomahawk contre
le territoire irakien. Les
leçons d’un tel engagement seront sans doute multiples : l’utilisation
des missiles de croisière est une "première", les raids massifs
de l’aviation embarquée dans une région désertique sont eux aussi
nouveaux. La première crise de l’après-guerre
froide, qui a dégénéré en première guerre de l’après-guerre
froide devra être l’objet d’un examen attentif. Stratégique
y consacrera un numéro
complet dès que les informations recueillies le permettront. Il y a quelque
paradoxe dans la médiatisation forcenée de cette guerre alors que les
informations dont on dispose sont en réalité très fragmentaires : on sait
que des raids sont lancés quotidiennement, que des Patriot détruisent en
vol des Scud, et c’est à peu près tout d’un point de vue militaire. On
ne doit pas s’en étonner, ni même le regretter, dès lors que le secret
est la condition de base de la sûreté des opérations militaires. Mais il
faut avoir conscience de cette situation pour comprendre le caractère
souvent spéculatif, sinon hasardeux, des commentaires dont nous sommes
abreuvés. Dans
l’immédiat, il est imprudent de vouloir tirer autre chose que des
enseignements très généraux de la guerre en cours. Le présent numéro,
qui avait été conçu avant le déclenchement de la crise, n’a donc pas
cherché à intégrer artificiellement des données qui pour l’instant
restent peu fiables. Fidèle à l’esprit de la revue il a préféré
mettre l’accent sur des problèmes théoriques et à long terme. Ont été
privilégiés ici
les problèmes généraux
et les approches nationales, auxquels on a ajouté l’étude de deux théâtres
d’opérations maritimes, l’un remarquable par sa spécificité,
l’autre situé en arrière plan d’une actualité tragique. Un prochain
numéro (3/91) consacré à la géostratégie contiendra plusieurs études
sur d’autres théâtres. La pensée navale fera l’objet d’un dossier
de la Fondation à paraître en mars prochain. Les problèmes théoriques
seront approfondis dans une livraison entièrement consacrée à la stratégie
théorique. Ce numéro ne fait donc qu’ouvrir un chantier qui se
poursuivra au cours des prochains mois.
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