La
vision grecque de la thalassocratie
Pour les Grecs - même ceux qui
appartenaient à une cité comme Sparte, réputée la moins
maritime de toute la Grèce - savoir que la mer était à
proximité faisait naître chez eux un sentiment de sécurité
leur assurant la possibilité du retour vers leur pays. Il
suffit de se souvenir que, dans l'Anabase (IV, 7, 2),
Xénophon nous raconte la joie des rescapés de l'expédition
des Dix Mille au moment où ils aperçoivent la mer et où ils
l'accueillent aux cris de : thalassa !
thalassa !
Hérodote (V, 49 et 50) rapporte
l'échec du tyran de Milet, quand celui-ci proposa au roi
de Sparte de participer à une expédition militaire loin à
l'intérieur de l'Asie mineure contre les Perses. A une question
du roi, le Milésien répondit qu'il faudrait s'écarter à une
distance très grande de la côte, à quoi le Spartiate irrité
le somma de quitter les lieux à l'instant, en ajoutant : "Tes
paroles n'ont rien qui puisse plaire aux Lacédémoniens,
puisque tu veux les entraîner à trois mois de distance de la
mer".
Il faut croire que bien peu
d'habitants de la Grèce ignoraient les choses de la mer et de
la navigation, puisque la destinée d'Ulysse est d'aller très
loin à l'intérieur des terres pour mourir là où "ayant
entre mes bras une rame polie... j'arrive chez des gens qui
ignorent la mer et vivant sans saler leurs aliments, n'ont pas
vu de navires aux joues de vermillon, ni de rames polies, qu'ils
prennent pour des pelles à grain..." (Odyssée, XXIII,
v. 265 et ss.).
Gustave Glotz, parlant de la
Grèce, a pu dire : "Pas de canton d'où l'on
n'aperçoive pas, en montant sur un sommet, une nappe d'eau
miroitant au soleil ; pas de point de la côte d'où l'on
ne distingue des terres qui semblent flotter sur l'horizon" 1.
W. Schüle a souligné le
caractère très particulier du bassin méditerranéen, et
surtout de sa partie orientale, si propice à la
navigation : "Etant donné que toutes les côtes
septentrionales de la Méditerranée, que ce soit dans le bassin
occidental ou dans le bassin oriental, sont bordées de hautes
montagnes et, compte-tenu de l'altitude assez grande de la
plupart des nombreuses îles, il ne reste que fort peu
d'étendue marine d'où on ne puisse voir au moins un sommet
élevé... De toutes les îles de la Méditerranée, il n'en
existe aucune d'où, avant de perdre de vue le point de départ,
on ne puisse apercevoir une terre ou une autre île présentant
ce même avantage..." 2
Les Grecs ont eu plusieurs noms
pour désigner la mer : thalassa, le plus usuel, un
très vieux mot d'origine méditerranéenne ; hals,
l'élément salé, d'une racine indo-européenne, désigne la
mer vue de la terre ; s'il s'agit du large, on précise pelagos
ou pontos, ce dernier signifiant plus particulièrement
"les chemins de la mer", voies de passage toujours
difficiles.
LA
VISION GRECQUE DE LA THALASSOCRATIE
La thalassocratie dans
l'Antiquité est l'exercice sans limitations et sans partage de
la puissance navale sur une région donnée. C'est la
définition que l'on peut tirer d'un passage de Démosthène
(Sur l'Halonnèse) écrit vers 343, à propos de la
tentative de Philippe de Macédoine de participer à la lutte
contre les pirates en mer Égée, lutte qu'Athènes menait seule
grâce à l'hégémonie de sa puissance navale :
il
veut que vous lui donniez toute liberté de naviguer
d'îles en îles, d'y mouiller sous prétexte de
surveiller les pirates, pour corrompre les
insulaires et les détacher de vous... Il faut
encore qu'il se fasse bien voir des autres
insulaires en escortant leurs vaisseaux de concert
avec les vôtres, désormais associés à eux dans
la surveillance de la mer.
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Demosthène, s'adressant aux
Athéniens, leur demande de refuser d'accorder à Philippe ce
droit d'intervention qui serait une limitation à la
thalassocratie athénienne.
Le mot thalassocratie
n'apparaît que tardivement avec Strabon (I, 3, 2) à propos "de
la puissance sur mer de Minos (qui) est sur toutes les
lèvres". Cet auteur écrivit sa Géographie
entre 29 et 7 avant J.-C. Cependant, le verbe thalassocrateô,
"dominer sur mer", ou le substantif thalassocratôr,
"celui qui domine sur mer", étaient déjà employés
par Hérodote (V, 38), Thucydide (VIII, 63), Xénophon (Helléniques,
I, 6, 2), Démosthène (Sur les forfaitures de l'ambassade,
123) et Polybe (I, 7). Ce sont des composés de thalatta
ou thalassa, "la mer" et de kratéô,
"être fort".
Si thalassocratie n'apparaît
que dans les deux dernières décennies du Ier
siècle avant J.-C., c'est que cette expression répond à un
besoin de Strabon pour définir les conséquences d'une bataille
navale décisive permettant au vainqueur d'accéder à la
maîtrise absolue de la mer. Dès lors, on ne peut s'empêcher
de penser que Strabon avait en tête la victoire de la flotte
d'Octave sur celle d'Antoine à Actium en 31 avant J.-C. quand
il forgea ce mot, d'autant plus que l'admiration du géographe
pour Rome était inséparable de celle qu'il éprouvait pour le
futur Auguste.
Des auteurs anciens ont établi
une liste chronologique de thalassocraties, plus ou moins
mythiques, de l'Antiquité qu'on retrouve dans Diodore (VII,
11) ; cette liste débute avec la thalassocratie minoenne
et se continue par celle des Mycéniens, celle des Lydiens,
celle des Phocéens, etc. La critique moderne est partagée à
propos de ces thalassocraties et surtout à propos de celle de
Minos que C. G. Starr nie ; quant à la Phrygie, il
semble qu'il faille l'écarter, car c'est un pays éminemment
continental voué à l'agriculture et à l'élevage sur le
plateau anatolien avec une courte façade maritime. Pour les
Phocéens, leur renommée de navigateurs et colonisateurs des
côtes de la méditerranée occidentale fut peut-être la raison
pour laquelle leur cité fut considérée, à tort, comme une
thalassocratie (Hérodote, I, 163, Thucydide I, 13 ; III,
104) ; ils fondèrent Marseille en 600 et, plus tard,
Élée, après être entrés en concurrence avec les Étrusques
et les Puniques qui les vainquirent sur mer à Aléria (Alalia)
en 540. On a crédité les Phocéens d'une tentative
d'établissement à Tartessos (Hérodote I, 163), que la
critique moderne refuse.
Samos a aussi pu passer pour
une thalassocratie sous Polycrate, entre 533 et 510, bien
qu'elle fût éphémère ; auparavant, vers 704, en guerre
contre Milet, elle avait fait construire une petite escadre de
navires à Corinthe (Hérodote III, 39-60 ; Thucydide I,
13). Samos fonda des colonies en Propontide (mer de Marmara) et
fut présente à Naucratis ; elle eut des intérêts en
Sicile et en Italie. En 630, un navigateur samien fit le voyage
d'Ibérie et en rapporta un chargement d'argent d'une valeur
exceptionnelle (Hérodote, IV, 152 ; II, 135) ; ce
dernier événement frappa l'imagination et renforça l'idée
que Samos avait été une thalassocratie au VIIe
siècle.
Diodore (XV, 78, 4) rapporte le
discours d'Epaminondas le Béotien s'adressant à ses
concitoyens réunis en assemblée et les exhortant à tout faire
pour établir l'hégémonie sur mer de la Béotie :
au
cours de cette harangue qu'il méditait depuis
longtemps, il s'efforça de leur démontrer que
cette entreprise était possible et utile ; il
allégua en particulier qu'il est facile d'acquérir
la maîtrise de la mer quand on est la plus grande
puissance sur terre.
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Epaminondas prononça
ce discours au lendemain de Leuctres (371) qui vit les
Béotiens triompher de Sparte et s'emparer de
l'hégémonie en Grèce. La flotte béotienne, forte de
cent trières, n'obtint jamais la maîtrise de la mer en
Égée car Athènes veillait. Les ambitions
d'Épaminondas ne pouvaient avoir qu'un résultat
éphémère, car la Béotie, qui n'avait, une courte
façade maritime donnant sur l'Euripe, donc
stratégiquement indéfendable, ne possédait aucune
tradition maritime, uniquement tournée qu'elle était
vers l'agriculture et l'élevage3.
Il faudra attendre le Ve
siècle, aux alentours des guerres médiques, pour que
naisse à Athènes, grâce à Thémistocle, un premier
embryon de pensée navale débouchant sur le concept de
puissance navale et d'hégémonie sur mer, qui va
devenir le modèle de la thalassocratie dans le monde
antique. Un texte de Thucydide (II, 62) rapporte le
discours de Périclès en butte aux critiques des
Athéniens qui se plaignent des malheurs de la guerre du
Péloponnèse qui, en 429, dure déjà depuis deux
ans :
Vous
croyez n'imposer votre loi qu'à vos
alliés, mais je vous déclare, moi, que sur
les deux éléments qui s'offrent à l'usage
des hommes, c'est-à-dire la terre et la
mer, il en est un dans lequel vous êtes les
maîtres absolus partout, aussi bien dans
les limites où s'exerce actuellement votre
contrôle, qu'au-delà, si l'envie vous en
prend. Étant donné la flotte dont vous
disposez, ni le roi de Perse, ni aucune
cité aujourd'hui existante n'est en état
de faire obstacle sur mer à vos
entreprises.
|
|
L'Assemblée
fut convaincue et le peuple d'Athènes abandonna
toute intention de conclure la paix avec Sparte.
Nous retrouvons
la même idée exprimée dans le discours
qu'Alcibiade adressa aux Athéniens en 415 avant
l'expédition de Sicile (Thucydide, VI,
17) :
On
nous parle de ces ennemis que nous
laisserions derrière nous en nous
embarquant. Mais nos pères les
avaient aussi contre eux au moment
où, par dessus le marché, ils
faisaient la guerre aux Mèdes et
c'est dans ces conditions que, forts
de leur seule supériorité sur mer,
ils ont fondé un empire.
|
|
Plus
tard, à l'époque où Philippe de
Macédoine commence à inquiéter
Athènes par ses menées impérialistes
et par la création d'une flotte de
guerre macédonienne, dans un passage du
Contre Androtion (12-16),
Démosthène (384-322) cite les
circonstances où la marine a
réellement sauvé la cité et aussi où
l'absence de marine lui a fait courir
les plus grands périls :
Ces
hommes, la tradition vous
l'a sans doute appris,
avaient abandonné leur
cité et s'étaient
enfermés dans
Salamine ; mais ils
possédaient une marine,
grâce à laquelle,
vainqueurs sur mer, ils
sauvèrent leurs biens
propres ainsi que leur
patrie, en même temps
qu'ils procurèrent aux
autres Grecs d'inestimables
bienfaits... combien
d'autres avantages ont
résulté pour l'État du
bon entretien de la
flotte... De son mauvais
entretien, au contraire, que
de malheurs ont résulté.
|
|
Demosthène
répondait par ce plaidoyer
politique à un discours
d'Isocrate (436-338), intitulé Sur
la Paix, dans lequel cet
orateur ne voyait de salut que
dans la paix et le repli sur soi
et condamnait violemment la
politique d'armement naval de
son adversaire politique et,
surtout, son objectif
final : l'hégémonie
athénienne sur les mers. Ce
discours Sur la paix,
composé au moment où Athènes
se trouvait confrontée à la
rébellion des cités de sa
confédération, après qu'elle
eut abusé de son droit et
indisposé ses alliés (357),
est une propagande pacifiste
contre l'impérialisme athénien
dans son expression la plus
vigoureuse : la puissance
navale. Isocrate, thalassophobe
politique mitigé d'idéologie,
va plus loin :
Vous
jugez que la
tyrannie est cruelle
et nuisible non
seulement aux
autres, mais à ceux
qui
l'exercent ; et
vous regardez
l'empire de la mer
comme le plus grand
des biens, lui qui,
par les actes qu'il
fait subir ou
exécuter, ne
diffère en rien du
pouvoir monarchique
(Sur la Paix,
115).
|
|
Il
reprend la même
accusation dans un autre
de ses discours, Sur
l'échange, 64 :
J'attaque
la
domination
qui pèse
sur les
Grecs et
l'empire de
la mer, et
je démontre
que cet
empire, ni
par ce qu'on
fait, ni par
ce qu'on
subit, ne
diffère en
rien de la
tyrannie. Je
rappelle
aussi ce
dont cet
empire a
été cause
pour notre
cité, pour
les
Lacédémoniens
et pour le
reste du
monde.
|
|
Dans
l'Aréopagitique,
7, Isocrate
revient sur
l'idée que
posséder
l'empire de la
mer est une
chose néfaste
pour une cité
et il prend
comme exemple
celui de Sparte
et du
comportement des
Lacédémoniens :
quand
ils
eurent
pris
plus
d'orgueil
qu'il
ne
fallait...
ils
tombèrent
dans
les
mêmes
périls
que
nous.
|
|
En
somme,
Isocrate
a joué
le rôle
du
rhéteur
politique
quelque
peu
idéologue,
peu au
fait des
réalités
et
surtout
adversaire
de
Démosthène.
A dire
vrai, il
pensait
qu'il
fallait
à tout
prix
s'élever
contre
les
luttes
intestines
entre
Grecs et
faire de
toutes
les
cités
une
seule
force
terrestre
et
navale
qui
vaincrait
les
Perses ;
Isocrate
était
un
patriote
grec
s'opposant
à
Démosthène,
patriote
athénien.
Le
souhait
d'Isocrate
fut
réalisé
par
Alexandre.
LES
CONDITIONS
DE LA
THALASSOCRATIE
Pour
aborder
l'analyse
des
thalassocraties
antiques,
on a
trop à
l'esprit
les
structures
des
thalassocraties
modernes,
et, en
particulier,
celle de
l'Angleterre
qui eut
l'avantage
de durer
plusieurs
siècles
en
évoluant
et qui
servit
de
référence
au cours
de
l'histoire.
Il faut
donc ne
pas
tenir
compte
de ces
connaissances
et
tenter,
sans
jugement
préétabli,
en
utilisant
les
textes
anciens,
malheureusement
peu
nombreux
et peu
informés
sur le
sujet,
de
définir
les
éléments
constitutifs
des
thalassocraties
antiques
comme si
ce
phénomène
ne
s'était
manifesté
qu'à
ces
époques.
Aux
alentours
des
années
500
avant
J.-C.,
les
conditions
favorables
à la
naissance
des
thalassocraties
étaient
présentes
en
plusieurs
points
du
bassin
oriental
de la
Méditerranée.
Ces
conditions
étaient
le
résultat
de la
convergence
d'éléments
politique,
géographique,
économique
et
militaire
qui
présidaient
à la
naissance
et
assuraient
l'existence
et la
durée
d'une
thalassocratie.
L'élément
politique
Les
thalassocraties
antiques
sont
nées
aussi
bien
dans des
cités
de
régime
démocratique
qui
semblait
le plus
favorable
comme à
Athènes
vers
470/460,
que dans
d'autres
cités
gouvernées
d'abord
par une
tyrannie
éclairée
et
ensuite
par une
oligarchie
tempérée
comme à
Corinthe,
vers le
début
du VIe
siècle.
Le cas
de
Rhodes
est
particulier
car, à
la tête
de la
cité,
dès le
début
du IVe
siècle,
il y
avait
une
"aristocratie
de la
mer"
stable
composée
de
riches
négociants,
de
banquiers
et
sûrement
d'armateurs
qui
exerça
le
pouvoir
jusqu'à
la fin
de
l'ère.
Quant à
la
thalassocratie
de
Samos,
si
éphémère
(530/522),
elle fut
l'œuvre
d'un
tyran,
Polycrate,
qu'Hérodote
qualifie
de thalassocratôr
(III,
122) ;
le tyran
avait
auparavant
chassé
une
oligarchie
terrienne
adversaire
de toute
activité
commerciale
maritime.
Ces
gouvernements
favorisèrent,
plus ou
moins
suivant
les
cités
et les
époques,
l'activité
économique ;
dans le
cas
particulier
de
Rhodes,
c'est
grâce
à son
gouvernement
que la
richesse
fut
assurée
à la
classe
dirigeante
tandis
que la
paix
sociale
régnait
grâce
à une
forme de
"paternalisme",
toutes
deux
conséquences
de la
vigueur
du
commerce
par mer4.
La
politique
extérieure
d'Athènes,
dès
470,
hésita
entre
l'impérialisme
armé,
reposant
sur la
maîtrise
de la
mer et
sur la
ligue de
Délos,
et
l'impérialisme
pacifique
de
Périclès ;
par la
suite,
avec la
montée
de la
Macédoine,
Athènes
se
replia
sur la
défensive,
toujours
appuyée
sur sa
flotte.
Celle
de
Rhodes
fut
pragmatique
et
mercantiliste ;
sa
prééminence
a tenu
à sa
structure
sociale
et à
son
habileté
diplomatique
(Strabon,
XIV, 11,
5 et 9).
Corinthe
eut une
politique
mercantiliste
semblable
à celle
de
Rhodes.
Il lui
fallait
garder
libre
l'accès
aux mers
italiennes
en
luttant
contre
la
concurrence
de
Corcyre,
son
infidèle
colonie,
qui
commandait
cette
route ;
ce fut
pratiquement
son seul
objectif.
La
politique
extérieure
de
Polycrate
de Samos
fut de
s'opposer
à
l'intrusion
des
Perses
dans le
monde
hellénique.
Il
voulait
créer
un état
maritime
appuyé
sur les
îles et
s'interposant
entre
les
Barbares
et la
Grèce
continentale.
L'élément
géographique
Il
est
avéré
que
l'insularité
est une
situation
géographique
très
favorable
à la
naissance
d'une
thalassocratie
et c'est
le cas
de
Rhodes,
relais
du
trafic
maritime
le long
des
côtes
d'Asie
mineure;
stratégiquement
parlant,
c'est
grâce,
en
partie,
à son
insularité
qu'elle
a pu
résister
à
Demétrios.
C'est
d'ailleurs
une
"île"
que
Thémistocle
et
Cimon,
en 480,
ont
voulu
faire de
l'ensemble
d'Athènes
et du
Pirée
en
bâtissant
les
Longs
Murs,
l'isolant
entièrement
du reste
de
l'Attique
en cas
d'invasion
de
celle-ci.
.
Corinthe
a pu
profiter
de sa
situation
exceptionnelle
sur
l'isthme,
lequel
donne
accès,
vers
l'ouest,
au golfe
de
Corinthe
et, de
là,
vers la
Sicile
(Syracuse)
et la
Grande
Grèce ;
vers
l'est,
au golfe
Saronique
et à la
mer
Égée ;
une voie
de
portage
et par
la suite
un diolkos
relièrent
les deux
golfes.
Cependant
cette
situation
n'est
favorable
que si
Corcyre,
colonie
corinthienne
qui fit
défection
presque
dès sa
fondation,
ne
menace
pas le
commerce
de
Corinthe
dont
elle est
la
concurrente
en
Adriatique.
D'autre
part, en
temps de
guerre,
une
escadre
ennemie
basée
à
l'entrée
du golfe
de
Corinthe
peut en
bloquer
l'accès ;
c'est ce
qu'Athènes
fit dans
la
guerre
du
Péloponnèse
avec son
escadre
de
Naupacte.
En
outre,
l'accès
au golfe
Saronique
est
soumis
au
contrôle
des
forces
athéniennes
du
Pirée.
L'élément
économique
Il
va de
soi que
la
thalassocratie
vit par
et pour
le
commerce
maritime
sous
toutes
ses
formes :
exportation,
importation,
et
transit
grâce
à un
réseau
où
entrent
les
comptoirs
grecs et
étrangers
de tout
le
bassin
méditerranéen.
La
thalassocratie
rhodienne
est un
modèle
du genre
car,
grâce
à sa
politique
globale,
elle a
rassemblé
les
formes
les plus
évoluées
du
commerce
maritime
de
l'Antiquité,
dans
lesquelles
son
système
bancaire
et son
rôle de
comptoir
de
règlement
international
ont
été
prééminents.
Rostovtseff
affirme
néanmoins,
à
propos
de
Rhodes, "qu'à
l'époque
hellénistique
on ne
connut
rien de
comparable
à
l'hégémonie
maritime
athénienne
(thalassocratie)...
avec
l'aide
d'autres
puissances,
Rhodes
s'efforça
de
maintenir
l'ordre
sur mer
et de
réprimer
la
piraterie,
mais
elle ne
visa
jamais
à une
quelconque
domination
politique
et
commerciale" 5.
L'activité
économique
de
Corinthe
débuta
tôt,
environ
un
siècle
après
qu'elle
eut
fondé
ses
colonies
de
Corcyre
et de
Syracuse,
c'est-à-dire
vers
650. La
concurrence
de
Corcyre
sur les
routes
de
l'ouest
rendit
difficile
l'expansion
de son
commerce
vers la
Sicile,
la
Grande
Grèce
et
l'Adriatique,
tandis
que ses
relations
avec
l'Égée
et le
Proche
Orient
s'amenuisèrent
au point
que
Corinthe
cessa de
les
assurer
vers la
fin du
VIe
siècle ;
toutefois,
elle
était
présente
à
Naucratis.
Quant
à
Athènes,
sa
victoire
de
Salamine,
en 480,
lui
permit
de
s'imposer
et de
régner
en
maîtresse
sur la
mer, ce
qui lui
permit
d'étendre
son
commerce
maritime
naissant
dans
toutes
les
directions
depuis
le Pont
Euxin
jusqu'à
l'Adriatique ;
tout
cela fut
l'œuvre
de
Thémistocle.
Les
visées
impérialistes
d'Athènes
donnèrent
une
impulsion
significative
au
commerce
maritime
dès
462 ;
l'Athénien
du Ve
siècle
pouvait
affirmer
que tout
ce qui
dans le
monde
est
réputé
bon se
trouve
à
portée
de lui
grâce
à la
maîtrise
de la
mer :
"Sans
rien
tirer de
la
terre,
je me
procure
tout par
mer"
(Pseudo
Xénophon,
République
des
Athéniens,
II,
7, 12).
Après
la
bataille
navale
d'Amorgos,
Athènes
perdit
définitivement
la
prépondérance
maritime,
mais
continua
à être
une
place de
commerce
qui
rivalisait
avec
Rhodes,
Délos
et
Corinthe.
Samos,
avant
que
Polycrate
n'y
fasse
régner
sa
tyrannie,
ne
possédant
pas de
territoire
sur le
continent
pour y
commercer
avec
l'intérieur,
se
tourna
résolument
vers la
mer et
le
commerce
maritime.
Elle
exportait
les
productions
de ses
ateliers
de
céramique
et de
bronziers
et, en
retour,
recevait
des
céréales
et du
bois
pour la
construction
navale.
Les
Samiens
eurent
des
colonies
en mer
de
Marmara
et un
comptoir
à
Naucratis ;
ils
avaient
des
relations
avec la
Sicile
et la
Campanie.
Avec
la
tyrannie,
le
dynamisme
commercial
de
Samos,
alimenté
par son
industrie
et son
artisanat
et servi
par une
nombreuse
flotte
marchande,
triompha
du
conservatisme
des
oligarques ;
une
flotte
de
guerre
fut
créée ;
elle
n'eut
que peu
de
succès,
mais fit
de la
piraterie
en
s'attaquant
indistinctement
à tous
les
navires
dont les
chargements
étaient
pillés.
L'élément
militaire
Quand
on
étudie
les
diverses
thalassocraties
nées au
cours
des
âges,
on se
rend
compte
qu'aucune
n'est
semblable
à
l'autre,
mais que
toutes
ont en
commun,
à des
degrés
divers,
des
fondements
garants
de leur
puissance
dont un
est
essentiel,
à
savoir,
une
force
navale
toujours
prête
à
remplir
toutes
les
missions
sur mer.
Thucydide
confirme
ce point
de
vue :
Les
peuples
qui
entretinrent
des
flottes
purent,
malgré
tout,
acquérir
une
puissance
appréciable.
Grâce
à
elles,
ils
s'assurèrent
des
revenus
et
étendirent
leur
domination
sur
des
terres
étrangères.
Ils
s'attaquaient
aux
îles
et
s'en
rendaient
maîtres,
surtout
quand
leur
propre
territoire
ne
leur
suffisait
pas
(I,
15).
Après
Salamine,
la
marine
athénienne
devint
l'élément
indispensable
de la
politique
navale
offensive
de la
cité6 ;
elle
était
constituée
d'une
flotte
homogène
d'environ
200
trières
et
d'unités
de
moindre
importance,
montées
par des
équipages
athéniens
dans
leur
plus
grande
majorité.
Les
escadres
faisaient
des
sorties
pendant
huit
mois de
l'année
où
elles
étaient
soumises
à des
exercices
tactiques
d'attaque
à
l'éperon
et à
des
évolutions.
Les
escadres
des
cités
alliées
relevaient
d'un
commandement
unique
athénien
assuré
par un
stratège
responsable
des
opérations.
Aucune
marine
grecque
ne
pouvait
rivaliser
avec les
escadres
athéniennes,
même
pas
celles
de
Corcyre
ou de
Corinthe
qui
bénéficiaient
de plus
d'ancienneté,
mais qui
avaient
conservé
une
conception
"terrestre"
du
combat
naval,
c'est-à-dire
une
lutte
entre
soldats
de
marine
à
partir
des
ponts
telle
que l'a
décrite
Thucydide
à la
bataille
de
Sybota
entre
Corcyréens
et
Corinthiens
en
433 :
Des
deux
côtés,
les
tillacs
des
navires
étaient
chargés
d'hoplites,
d'archers
et
de
lanceurs
de
javelots.
Les
deux
adversaires
qui
manquaient
d'expérience,
s'en
tenaient
à
l'ancienne
tactique.
Ce
fut
une
bataille
acharnée
mais
sans
art.
On
eut
dit
plutôt
un
combat
d'infanterie...
On
n'essayait
pas
de
faire
la
percée
et
on
apportait
au
combat
plus
de
cœur
que
de
science...
(
I,
49)
Vers
433, à
la
veille
de cette
guerre,
Athènes
et son
empire
ont
acquis,
grâce
à
Périclès,
un
prestige
reconnu
par
toutes
les
cités
grecques ;
ils
disposent
au
début
du
conflit,
en 431,
de 300
trières
et plus
tard de
400.
Comme
le fera
plus
tard
Rhodes
pour la
protection
de tout
le
commerce
maritime
international,
Athènes
fera la
guerre
à la
piraterie
pour la
protection
du sien
propre.
En
vérité,
Athènes
a connu
la forme
la plus
accomplie
de la
vraie
thalassocratie
impérialiste
qui
resta
une
réalité
indiscutable
entre
470/460
et le
début
de
l'époque
hellénistique
avec la
défaite
d'Amorgos
en 322.
En
revanche,
Rhodes
représente
une
conception
particulièrement
originale
de la
thalassocratie,
où la
marine
de
guerre
possède
un rôle
essentiel,
mais
subordonné
aux
impératifs
mercantilistes
de la
cité ;
elle
n'est
pas
l'instrument
d'un
impériaIisme
politique,
puisque
Rhodes
ne
cherche
pas à
s'imposer
par une
domination
par les
armes :
elle
mène
une
politique
empirique.
Cette
conception
de la
thalassocratie
avait
des
racines
qu'il
faut
chercher
dans les
cités
maritimes
syro-phéniciennes7.
L'organisation
et la
structure
de la
marine
rhodienne
ont
été
considérées
comme
exceptionnelles
dans
l'Antiquité ;
cette
marine
était
permanente
et ses
unités
commandées
exclusivement
par des
citoyens
devenus,
par
vocation,
des
officiers
de
marine
professionnels ;
quant
aux
équipages
composés
presque
uniquement
de
citoyens,
ils
étaient
également
des
professionnels.
Cette
organisation
devait
comprendre
une
sorte
d'état-major
général
où se
préparaient
les
opérations
et le
personnel
des
arsenaux
a dû se
composer
de
spécialistes
de la
construction
navale,
de
l'artillerie
mécanique
et de
l'armement.
En
effet,
Rhodes
était
réputée
pour la
qualité
des
armes
qu'elles
fournissait.
C'est un
amiral
rhodien
qui
inventa
une arme
utilisant
le feu,
le pyrphoros8.
Il
a
existé
à
Rhodes
une
institution
semblable
à la
triérarchie
athénienne
qui
organisait
la
construction
des
navires
de
guerre,
probablement
sous la
forme de
"programmes"
pour le
financement
desquels
on
faisait
appel
aux
riches
citoyens
(hommes
d'affaires,
banquiers,
armateurs) ;
ainsi la
puissance
navale
était-elle
liée
directement
à la
prospérité
financière
et
commerciale
de
Rhodes.
La
construction
et
l'équipement
des
navires
relevaient
de
chantiers
et
d'arsenaux
d'État
dans
lesquels
existait
un
système
de
sécurité
qui en
interdisait
l'accès
aux
personnes
non
autorisées.
La
marine
rhodienne,
dans
toutes
les
guerres
où elle
a été
engagée,
en 201,
contre
la
Macédoine,
en
191/190,
alliée
à Rome
contre
la
Syrie,
s'est
toujours
comportée
avec
courage
et
efficacité ;
sa
tactique
s'est
inspirée
de la
tactique
de la
marine
athénienne
(percée
de la
ligne
adverse
et
attaque
à
l'éperon)
à
laquelle
elle a
ajouté
l'artillerie
mécanique,
l'arme
du feu,
et les
petites
unités
très
manœuvrantes
gênant
l'adversaire.
Les
opérations
de la
marine
rhodienne
dirigées
contre
les
pirates
et
contre
la
Crète
ont
été
très
nombreuses
et
souvent
couronnées
de
succès ;
il
s'agissait
pour
Rhodes
de
maintenir
la
liberté
de
navigation
et du
commerce
international
dont
elle
tirait
d'immenses
profits.
On
ne
possède
aucun
texte ou
document
ancien
ayant
trait à
la
marine
rhodienne,
si ce
n'est
Polybe,
qui
donne la
trace de
deux
autres
historiens
rhodiens
dont on
a perdu
les œuvres
(Polybe,
III,
14).
Connaissant
l'excellente
organisation
et les
succès
de cette
marine,
on peut
être
sûr
qu'il y
a eu une
pensée
navale,
fondement
de cette
politique
rhodienne
si
particulière ;
malheureusement
nous
n'en
avons
aucune
trace,
si elle
a été
exprimée.
On
ne sait
pas
grand
chose de
la
marine
corinthienne,
sauf ce
que nous
en dit
Thucydide,
et on ne
possède
rien sur
son
organisation
en deux
flottes,
l'une
sur le
golfe de
Corinthe
et
l'autre
sur le
golfe
Saronique,
avec
possibilité
de
passer
de l'un
à
l'autre
par le diolkos.
on peut
souligner
que les
Corinthiens
n'ont
pas
beaucoup
brillé
sur mer
depuis
leur
premier
échec
contre
Corcyre
en 650,
suivi
d'un
second
en
433 ;
ils
montrèrent
peu de
combativité
à
Salamine,
où il
fallut
les
contraindre
à
participer
à la
lutte.
L'esprit
mercantile
de
Corinthe
la
détournait
de la
guerre.
Samos
avait
été
une
puissance
navale
de
faible
importance
en 704
quand
elle fit
construire
par
Corinthe
une
petite
escadre
que
Thucydide
(I, 13)
dit
avoir
été
composée
de
trières
(?)
qu'elle
utilisa
contre
Mégare.
Hérodote
(III,
39) nous
renseigne
sur les
forces
navales
de
Polycrate
dès sa
prise de
pouvoir
en 533.
Il eut
d'abord
une
flotte
de cent
navires
de
guerre
à 50
rames
(pentécontores),
avec
laquelle
il
conquit
nombre
d'îles
de
l'Égée
et
beaucoup
de
villes
du
continent.
Cette
flotte
déjà
redoutable
fut
renforcée
par une
escadre
de 40
trières
avec
laquelle
il put
établir
le
blocus
de la
côte en
face et
agrandir
son
domaine ;
les
cités
maritimes
de Milet
et de
Lesbos
furent
vaincues
au cours
de
batailles
navales
pour
lesquelles
on ne
possède
pas de
documents.
Polycrate
commanda
pour un
temps la
mer
Égée
et se
livra à
la
piraterie
plus
qu'à la
guerre
de
course,
car il
s'attaquait
à tous
les
navires,
amis,
ennemis
ou
neutres.
Sa
stratégie
était
de
s'opposer
à
l'accès
des
Perses
à la
mer et
d'isoler
les
cités
grecques
assujetties.
C'est
pourquoi
il se
trouva
une
alliée
en
s'entendant
avec
l'Égypte.
En 526,
les
Perses
se
préparant
à
attaquer
l'Égypte,
Polycrate
prit
peur et
mit à
leur
disposition
une
escadre
de 40
trières
qui, en
cours de
route,
se
révolta
et
vainquit
le reste
des
forces
navales
samiennes ;
Samos
fut
attaquée
sans
succès
et les
révoltés
allèrent
à
Sparte
pour
demander
du
secours.
Une
expédition
conjointe
de
Sparte
et de
Corinthe
tenta de
s'emparer
en vain
de
Samos,
mais dut
y
renoncer.
Ce sont
les
Perses
qui
eurent
raison
de
Polycrate
en 522.
*
* *
Grâce
à ce
rapide
coup d'œil
sur les
thalassocraties
antiques,
ou
soi-disant
telles,
on a pu
constater
qu'elles
ne
différaient
pas des
thalassocraties
modernes
par la
nature
de leurs
éléments
constitutifs :
politique,
géographique,
économique,
militaire,
mais par
le
degré
de
ceux-ci.
Dans le
monde
antique,
il n'y
eut pas
de
révolution
industrielle
comme
celle du
XVIIIe
siècle
en
Europe ;
c'est
grâce
à cette
révolution
que,
dans le
modèle
que fut
la
thalassocratie
anglaise,
tous ces
éléments
furent
portés
au
niveau
optimal,
à son
apogée,
et on
peut
affirmer
qu'elle
représente
la plus
évoluée
et la
plus
élaborée
de
l'histoire
maritime,
les
autres,
antiques
ou
modernes,
n'étant
que des
ébauches
maladroites.
Rostovtseff
refusait
de voir
dans
Rhodes
une
thalassocratie
parce
que,
malgré
sa
prééminence
dans le
commerce
maritime,
elle
existait
dans un
monde
hellénistique
où le
commerce
et
l'industrie
étaient
décentralisés
et
qu'elle
n'employait
pas sa
puissante
marine
à se
créer
un
empire
mais la
réservait
à la
lutte
contre
la
piraterie ;
ce sont
les
éléments
économiques
et
militaires
détournés
qui sont
en cause
dans ce
refus.
Corinthe
ne
présente
pas, par
la
faiblesse
de sa
marine
et une
situation
géographiquement
difficile
en temps
de
guerre,
malgré
sa
richesse
économique,
toutes
les
garanties
nécessaires
à une
vraie
thalassocratie.
Quant
à
Polycrate
de Samos
et à
son
éphémère
hégémonie,
malgré
l'intérêt
stratégique
de sa
tentative,
ce fut
plus un
aventurier
qu'un
tyran
éclairé.
Seule
Athènes
représente,
dans
l'Antiquité,
l'unique
vraie
thalassocratie ;
elle
dura
près de
trois
quarts
de
siècle
et eut
pour
objectif
stratégique
de
conserver
à la
cité la
maîtrise
de la
mer à
tout
prix et
pour
objectif
tactique
de
rendre
la
flotte
efficacement
offensive.
Notes:
1
Gustave
Glotz, Histoire
grecque,
tome
1,
des
origines
aux
guerres
médiques,
Paris,
PUF,
1948, p.
4.
2
W.
Schüle,
"Navegacion
primitiva
y
visibilidad
de la
tierra
en el
Mediterraneo",
XIe
Congreso
Nacional
de
Arqueologia,
Mérida,
1968,
p. 461
cité
dans
Jean
Pagès,
"Naissance
de la
navigation
en
Méditerranée",
Marins
et
Océans I,
1991,
pp. 9-37.
3
Gustave
Glotz, op.
cit.,
pp. 100
et ss.
4
C.
Préaux,
Le
monde
hellénistique,
La
Grèce
et
l'Orient
(323-146
av.
J.-C.), tome
2,
Paris,
PUF,
1988,
pp. 489
et ss.
5
M.
I.
Rostovtseff,
Histoire
économique
et
sociale
du monde
hellénistique,
Paris,
Laffont,
1989,
pp. 914
et ss.
6
Jean
Pagès,
"La
pensée
navale
athénienne",
dans l'évolution
de la
pensée
navale,
Paris,
CFHM-FEDN,
1990,
"Géostratégie
maritime
d'Athènes",
dans La
lutte
pour
l'empire
de la
mer, Paris,
ISC-Économica,
1995.
7
Jean
Pagès,
"Rhodes,
une
thalassocratie
non
hégémonique
et
orientalisante",
à
paraître.
8
Jean
Pagès,
"Les
armes
navales
dans
l'Antiquité",
Marins
et
Océans
II,
1991-3.