Chapitre I. Fabrication et conservation de la poudre

I – Les composants de la poudre :

La poudre est composée de 3 éléments :

–        le souffre.

–        le charbon.

–        le salpêtre.

1 – Les qualités des éléments de la poudre :

Le souffre provenait essentiellement du sud de l’Italie , no­tamment de la région de Naples  et de celle de l’Etna . Saint-Rémy  précise qu’il existait une petite production en Provence  mais que celui-ci était bien trop gras pour servir à la fabrication de la pou­dre à canon, le qualifiant même « de peste de la poudre 1. » Pour le purifier, on lui ajoutait de l’huile ou de l’alun puis on le faisait bouillir.

Pour le second élément, le charbon provenait de la combus­tion du bois mais pas de n’importe quelle espèce. Après avoir uti­lisé le saule, le coudrier ou l’aulne, le bois de bourdaine leurs avait été préféré 2. Cet arbuste de 3 à 4 mètres de haut étant une espèce courante dans les forêts d’Europe occidentale (notamment dans la Brie  et en Lorraine ), l’approvisionnement ne devait, en théorie, poser aucun problème particulier. Pour être coupé, le bois devait avoir deux ou trois ans d’âge. Cette opération avait lieu avant le mois de mai, lorsque le tronc était chargé de sève, afin d’éviter la formation de nœuds. Perrinet d’Orval  préconisait plutôt l’utilisa-tion des branches que celle du tronc [1]. Après en avoir reti­rer l’écorce, le bois était brûlé pour obtenir ce charbon indispensa­ble à la fabrication de la poudre. L’humidité en étant la pire en­nemie, les braises n’étaient pas éteintes avec de l’eau mais étouf­fées.

Afin de protéger la fabrication de la poudre, le roi dut à plusieurs reprises réglementer la coupe et la vente du bois de bourdaine. Un arrêt du 11 janvier 1689 imposait aux adjudicatai­res des coupes de bois, de le séparer des autres bois, moyennant 2 sols par livre pour en avoir fait le tri [2]. Cette incitation financière fut apparemment insuffisante, un nouvel arrêt du conseil du roi du 7 mai 1709 exigeant de nouveau cette séparation lors des cou­pes [3]. Non seulement les adjudicataires ne l’appliquaient pas, ren­dant l’approvisionnement en bois de bourdaine plus compliqué, mais certains en profitaient pour le vendre jusqu’à 13 fois son prix réel. Les maîtres et officiers des eaux et forêts encouraient pour­tant une amende de 3.000 livres tournois. L’autre problème pour le fermier des poudres était l’utilisation de cette matière première par les vanniers, apparemment en assez grande quantité. Non seulement ils représentaient une concurrence pour la ferme, mais en plus ils avaient tendance à ne pas se soucier de l’âge de l’arbuste, les coupant souvent très jeunes, empêchant leur régéné­ration et menaçant l’espèce dans certaines forêts. En conséquence, l’arrêt leur interdisait d’en utiliser sous peine de devoir payer 300 livres d’amende.

Le troisième élément, le plus important et sujet de nom­breux mémoires et rapports, était le salpêtre. Selon Surirey de Saint-Rémy  [4], il en existait trois sortes.

Celui des Indes provenait essentiellement de la vallée du Gange , plus particulièrement des régions de son embouchure sur le golfe du Bengale . Il était considéré parmi les meilleurs au monde, à tel point qu’il ne nécessitait qu’une seule cuite pour le raffiner au lieu de trois pour le salpêtre français. Un mémoire de 1724 [5] demandait même d’imiter les Hollandais en utilisant exclu­sivement du salpêtre indien car « les hollandois dont la poudre sans contredit vaut mieux que la nostre n’en employent pas d’autre ».

Le salpêtre de houssage se trouvait sur les murs des caves, des celliers, des granges,…, bref dans des lieux sombres, la lumière et l’air ne favorisant pas sa constitution. L’endroit devait être hu­mide pour favoriser la putréfaction mais toutefois à l’abri de la pluie et des inondations pour éviter de laver les murs et les sols et de faire ainsi disparaître la précieuse matière. L’urine en favori­sant aussi la production, les salpêtriers orientaient souvent leurs recherches dans les écuries ou les étables, « voire même dans les lieux où les hommes rendent ordinairement leurs urines [6]. Dans le meilleur des cas, il suffisait de gratter le mur pour récupérer le salpêtre mais le plus souvent il fallait emporter les plâtras et les gravats à l’atelier, surtout après la démolition d’un bâtiment.

La troisième sorte provenait du sol, souvent pour les mê­mes raisons que celles citées précédemment. Selon Siemienowicz  [7], les champs de bataille étaient également d’excellents lieux de re­cherche, surtout si les combats avaient été meurtriers et que les cadavres avaient été enterrés dans des fosses communes. La Valachie  et la Podolie , terres d’affrontements entre les Polonais et les Tatars, étaient apparemment réputées [8].

Pour savoir si le sol contenait du salpêtre, trois méthodes étaient envisageables [9] :

–        en goûtant la terre, celle-ci devait avoir un goût salé et pi­coter la langue ;

–        pour ceux qui n’avaient pas confiance en leur sens gusta­tif, on pouvait jeter de la terre dans le feu, la présence de salpêtre étant révélée par de petites étincelles claires et luisantes ;

–        pour la troisième méthode, il fallait creuser un trou dans le sol, y introduire un fer rougi et le recouvrir de terre. Une fois le fer refroidi, il suffisait de le déterrer et d’observer la présence ou non de tâches blanchâtres, révélatrices de la présence de salpêtre.

Si cette matière était bien connue pour ses propriétés, les scientifiques maîtrisaient mal sa constitution, les connaissances étant uniquement dues aux observations.

« Le salpêtre ne commence à devenir sensible dans ces terres et pierres, qu’au bout d’un certain temps, tout à fait indéterminé et qu’il est pourtant très essentiel de connoître et d’abréger si possi­ble [10]. »

S’ils souhaitaient tant connaître cette durée, c’est qu’ils es­péraient en fabriquer artificiellement, en réunissant les condi­tions les plus favorables à cette reproduction. D’après leurs pre­mières conclusions, « en mêlant fumiers, litière d’animaux, plantes et terres calcaires, marneuses et limoneuses, en faisant des murs de 7 à 8 pieds de haut, arrosés d’urine régulièrement », on pouvait es­pérer obtenir une bonne récolte en peu de temps. Nous ignorons qu’elles furent les suites données à ces propositions. Ces réflexions poursuivaient deux buts :

–        augmenter et maîtriser la production de salpêtre, et donc assurer le travail des ateliers ;

–        éviter les éternels conflits entre les particuliers et les sal­pêtriers.

Hélas, comme le rappelle un mémoire de la ferme des pou­dres en 1758, ce ne fut jamais le cas pour notre période.

« Si il étoit possible de pourvoir aux besoins et à la défense de l’Etat par d’autres moyens, il est certain que les particuliers ne souffriroient aucunes incommodités de la part des salpêtriers mais comme le seul moyen est de récolter tout le salpêtre que la nature peut produire dans le Royaume, cette charge est inévitable [11]. »

Ce n’était pas la première fois que l’on essayait de soulager les particuliers de la si impopulaire récolte du salpêtre.

2 – Une récolte conflictuelle du salpêtre :

En 1635, François Sabathier  avait proposé d’en produire avec les boues et vidanges des basses fosses de la ville de Paris [12]. Cette méthode ayant soi-disant l’avantage d’augmenter la produc­tion, le roi lui confia l’exclusivité de la recherche du salpêtre et de la fabrication des poudres, interdisant aux salpêtriers non pourvus de commission, d’exercer leur profession sous peine de devoir payer 3.000 livres d’amende et de voir leurs ateliers détruits. Cette précipitation du roi à confier à une seule personne la récolte du salpêtre peut sembler curieuse même si elle était censée soulager ses sujets. Sabathier s’empressa d’appliquer l’ordonnance à la let­tre, faisant effectivement détruire plusieurs établissements, afin d’éviter toute concurrence. Malheureusement, le nouvel adjudica­taire des poudres fut incapable dans le même temps de mettre en application ses propositions et, dès l’année suivante, Louis XIII  autorisa de nouveau les salpêtriers à reprendre leur travail. Si le roi avait été si sensible au projet de Sabathier , c’est que la récolte posait de nombreux problèmes, et ce fut le cas tout au long de no­tre période.

L’une des obligations faite aux particuliers, surtout aux maçons, était de donner les gravats et autres terres issus des dé­molitions aux salpêtriers afin de favoriser leur travail. Le statut des membres de cette profession à Paris, en 1665 [13], laisse à penser que cela n’était pas tout le temps le cas. Des personnes étant inté­ressées par les pierres provenant de ces destructions, certains par­ticuliers préféraient les vendre plutôt que de les livrer aux ate­liers, ce qui n’était pas la seule difficulté pour cette profession.

Peu de gens appréciant la venue des salpêtriers dont le passage était souvent synonyme de dégradations, les refus de les laisser entrer étaient nombreux. En 1689, alors que le royaume avait cruellement besoin de salpêtre, Louvois  adressa une lettre à tous les intendants leur demandant d’en favoriser la récolte en remédiant à ces abus.

Comme la noblesse et les officiers du Roy, et de judicature, ont empesché les selpêtriers de votre département d’aller prendre du selpêtre chez eux, Sa Majesté m’a commandé de vous faire sça­voir que son intention est que vous teniez la main à ce qu’ils puis­sent en aller chercher partout où il y en aura en observant ce qui est prescrit par les anciennes ordonnances [14]. »

Déjà alerté par le ministre, l’intendant de Bourgogne  avait rendu une ordonnance deux mois plus tôt [15]. Reconnaissant que les difficultés faites aux salpêtriers par les habitants mettaient en péril la production de salpêtre, celle-ci réaffirmait les droits et les devoirs de chacun. Les ouvriers devaient pouvoir fouiller les mai­sons, granges, caves, celliers, écuries, bergeries, étables… à l’exception des cloîtres et des maisons religieuses pour ne pas troubler la prière de leurs occupants. En revanche, les dépendan­ces devaient être accessibles. En échange, les salpêtriers se trou­vaient dans l’obligation de rétablir les sols, mais cette mesure n’était pas un cadeau fait aux particuliers. Si un local s’était ré­vélé riche en salpêtre, il devait être conservé en l’état. Pour cela, les terres prélevées devaient être remplacées par d’autres tout aussi propices à sa régénération. Ne souhaitant pas les voir reve­nir, les propriétaires avaient déjà tendance à tout faire pour ren­dre leurs sols impropres à cette production, alors si le rétablisse­ment était laissé à leur discrétion, il n’y avait plus aucun espoir d’y faire une bonne récolte. Comme il était difficile de prouver qu’une personne avait empêché le renouvellement du salpêtre, l’ordonnance du duc du Maine  [16] du 31 juillet 1701 précisait que la production ne devait jamais être plus faible qu’à la récolte précé­dente [17].

Cette ordonnance rappelait également qu’à l’exception des bâtiments cités précédemment, aucun local ne devait être fermé aux salpêtriers. Pour certains bâtiments, il était néanmoins indis­pensable de fixer quelques règles de fonctionnement. Les halles publiques ne pouvaient être visitées les jours de marché pour des raisons évidentes d’hygiène. Afin d’éviter l’effondrement du bâti­ment, les salpêtriers ne pouvaient creuser à plus de sept pouces de profondeur et à moins de deux pieds et demi des poteaux. Pour les manufactures, le cas était un peu différent. Celles-ci ne bénéfi­ciaient d’aucune exemption mais la récolte ne devait pas en gêner le fonctionnement. Une telle imprécision était forcément source de futurs litiges. Quant aux bâtiments militaires (fortifications, ma­gasins…), les salpêtriers ne pouvaient y travailler qu’accompagnés d’un officier. Venait ensuite la liste des peines :

–        pour s’être opposé à une visite d’un salpêtrier : 100 livres d’amende plus 5 livres par jour de retard ;

–        pour avoir empêché la régénération des terres : 500 livres d’amende ;

–        pour avoir frappé un salpêtrier : 300 livres d’amende.

Les dégradations des salpêtriers étaient également souvent cause de litiges. L’édit royal de janvier 1634 confirme ce compor­tement pour le moins contestable :

Nostre intention a toujours esté de soulager nos sujets en toutes occasions, qui reçoivent une grande vexation par ceux qui sont commis à la recherche et amas de salpestres, lesquels abusans du pouvoir à eux donnés, se font faire ouverture, et entrent inso­lemment dans toutes les maisons des particuliers et à telles heures qu’il leur plaist, remüent et renversent tout ce qu’ils trouvent dans les dites maisons, les lits et autres meubles, mesmes les bleds et gerbes estans dans les granges, sous prêtexte de chercher les dits salpestres, à la grande perte de nos dits sujets [18]. »

En 1708, le propriétaire d’une écurie réclama une indemni­sation pour les dégâts provoqués par la visite d’un salpêtrier. Mal­gré sa bonne foi, il n’obtint pas réparation, l’ouvrier n’étant pas tenu de le faire [19]. En 1759, la visite des salpêtriers provoqua les plaintes de l’entrepreneur de l’hôpital militaire de Perpignan , le­quel craignait que la récolte ne provoquât des dégâts dans sa cave et gâtât son vin. Il demanda à ce que cela soit constaté avant et après la visite [20]. Le commissaire général des poudres et salpêtres refusa, arguant que le travail en serait beaucoup trop retardé mais sa réponse nous apprend que ce genre de problème arrivait souvent, surtout dans les régions de vignoble. De toutes façons, il était inutile d’en constater les conséquences sur le vin celles-ci étant apparemment bien connues. Sa conclusion résume bien le dilemme posé par la récolte du salpêtre.

Si pour enlever les terres salpêtrées et établir leurs ateliers, les salpêtriers attendoient que les caves, celliers, granges, écuries et autres lieux convenables fussent vuides, ils ne feroient jamais de salpêtre [21]. »

Malgré les multiples recommandations des secrétaires d’Etat à la guerre afin de protéger les salpêtriers, des intendants prirent parfois la défense des habitants, à l’image de celui de Lor­rain e en 1692. Dans son ordonnance, très semblable à celle des autres provinces, les salles basses, les chambres et les cuisines étaient protégées car il n’avait pas pensé que « l’intention du Roy étoit d’empescher les propriétaires d’avoir du pavé ou des plan­chers [22] », preuve que les dégradations commises étaient importan­tes. A en croire cette lettre, certains salpêtriers profitaient de la situation pour exempter certains particuliers moyennant rétribu­tion, pratique totalement illégale. Celle-ci est avérée par un article du bail de Grandchamp  en 1690.

« Les selpêtriers qui seront convaincus d’avoir receu de l’argent, pour se dispenser de recueillir le selpestre dans les lieux où ils se trouveront seront punis exemplairement [23]. »

Ce métier n’était pas sans risque. Si certaines personnes re­fusaient simplement de leur ouvrir la porte, d’autres étaient plus violentes. Le 30 juillet 1707, deux journaliers de l’atelier d’un sal­pêtrier d’Angers  vinrent chez un boulanger. Après avoir constaté la présence de salpêtre, ils y retournèrent l’après-midi pour le ré­colter. Arrivés devant la maison, ils constatèrent que les voisins s’étaient rassemblés dans la rue et alors qu’ils tentaient de ren­trer, le boulanger attrapa l’un d’eux par le col, le jeta à terre, « ap­puyé les genoux sur son estomac et le maltraita avec beaucoup de violence ». Vu l’hostilité ambiante, son camarade ne put venir à son secours. Enfin, le journalier put sortir et là, il perdit connaissance et fut ramené chez lui [24]. Nous ignorons les suites qui furent don­nées à cette affaire, mais nous savons que ce ne fut pas un cas isolé car dans le bail de Claude Durié , de 1684, le roi prenait les salpêtriers sous sa protection et sauvegarde, interdisant formel­lement de les frapper eux ou leur famille [25].

Une ordonnance du duc du Maine  du 31 juillet 1701, exi­geant des particuliers qu’ils ouvrent leur maison, fait aussi allu­sion à ces violences.

« Il arrive journellement que les propriétaires ou locataires des maisons, caves, granges, estables, colombiers, et autres basti­mens, refusent l’entrée d’iceux auxdits selpêtriers, les empêchent de prendre les terres, plastres, gravois et autres matières dont ils ont besoin, et même battent et maltraitent les dits selpêtriers et leurs gens, sans qu’ils en puissent avoir aucune raison, ce qui causeroit la ruine entière de la confection des selpêtres, s’il n’y estoit donné ordre [26]. »

Et cette ordonnance n’était pas la première.

L’arrêt du 10 décembre 1669 [27] interdisait déjà que l’on s’oppose à la recherche du salpêtre. La déclaration du 30 septem­bre 1677 [28] en reprenait les termes, fixant une amende collective de 3.000 livres tournois pour les échevins ne respectant pas la loi. L’arrêt royal du 21 octobre 1702, celui du 9 septembre 1718, du 20 décembre 1755, du 20 avril 1757 ou du 14 février 1758 [29] n’eurent pas plus de succès comme en témoigne un mémoire de la ferme des poudres en 1758.

« Les salpêtriers sont exposés à des contestations continuelles sur la recherche, l’enlèvement, la lessive des terres salpêtrées et sur les remplacements nécessaires par d’autres terres propres à la régé­nération pour les perpétuer (…). Les particuliers employent tous les moyens qu’ils peuvent imaginer dans la seule vüe de s’exempter du travail des salpêtriers, d’un autre côté ceux qui font démolir des maisons et autres édifices leur contestent le droit qu’ils ont d’enlever les pierres et matières salpêtrées qui peuvent se trouver dans les démolitions ou s’ils ne s’y opposent pas, ce n’est qu’à prix d’argent, ou en exigeant de les remplacer par des matériaux neufs [30]. »

Malgré toutes ces difficultés, les récoltes purent tout de même avoir lieu permettant de faire fonctionner les ateliers.

3 – Le raffinage du salpêtre :

Une fois récolté, le salpêtre devait être raffiné afin d’en re­tirer le sel et les matières grasses [31]. Les plâtras et les gravats étaient concassés, tamisés puis conduits aux cuviers. Ces ton­neaux percés dans le fond étaient généralement regroupés en trois bandes de huit. La première était remplie de 2 boisseaux de cen­dre et des terres à raffiner, puis un ouvrier versait environ 10 demi-queues d’eau. Sous le cuvier, des récipients, appelés recet­tes, permettaient de récupérer cette eau désormais chargée de sel et de salpêtre (environ 8 demi-queues par cuvier). Ce premier fil­trage prenait environ 24 heures. Le liquide récupéré était ensuite versé dans un cuvier de la seconde bande rempli de cendre. Selon le même principe que pour la première bande, l’ouvrier obtenait environ 6 demi-queues par cuvier qu’il reversait de nouveau dans un cuvier de la troisième bande rempli d’un boisseau de cendre. Les 4 demi-queues récupérées étaient une dernière fois versées dans un cuvier de la première bande, préalablement vidé de sa terre et chargé de 3 boisseaux de cendre. Les 2 demi-queues obte­nues pouvaient être portées vers la chaudière.

Pendant ce temps, 6 demi-queues d’eau étaient versées dans chaque cuvier de la seconde bande, opération appelée le la­vage. La recette devait ensuite passer dans les cuviers de la troi­sième, de la première et enfin de la seconde bande, à son tour remplie de 3 boisseaux de cendre avant de pouvoir porter le li­quide vers la chaudière. L’opération était renouvelée à l’identique à partie des cuviers de la 3ème bande.

Après ces quatre décantations, le liquide récolté était porté à ébullition dans 15 pintes d’eau pendant 24 heures afin de disso­cier le sel du salpêtre. Une fois l’écume retirée, on laissait reposer pour permettre aux impuretés et au sel de se déposer au fond de la cuve. Le salpêtre était versé dans des bassins puis recouvert, et laissé ainsi 4 jours pour s’égoutter et se cristalliser.

Le sel récupéré posait des problèmes à la ferme des gabel­les. Selon les termes des baux, les salpêtriers devaient le submer­ger, c’est-à-dire le jeter dans la rivière sous le contrôle des gabe­lous [32]. Pour encourager cette pratique, et éviter un commerce illi­cite, ils devaient en échange recevoir 2 sols par livre détruite. Grâce à ce système, le commerce du sel n’était pas désorganisé et, ni la ferme, ni les salpêtriers n’étaient lésés. Pour éviter les dissi­mulations, la production de sel était évaluée à partir de celle du salpêtre en considérant que 100 livres de salpêtre devaient rendre 10 livres de sel. Pour les années 1688 et 1689, l’indemnisation se monta à 37.000 livres tournois [33]. Le principal risque pour la ferme des gabelles était la quantité produite au-delà de l’évaluation. Pour encourager les salpêtriers à la déclarer, celle-ci était payée 3 sols par livre.

Malgré ces précautions, la contrebande du sel semble avoir été une pratique courante chez les salpêtriers, certains refusant même de laisser entrer les commis de la ferme. Les arrêts du conseil du roi [34] n’eurent guère d’efficacité d’autant que le fermier n’avait pas une confiance immodérée en ses propres commis, « tou­jours les premiers pour quelques légères rétributions d’user de connivence avec le salpêtrier ». Pour lutter contre ces fraudes, l’adjudicataire avait été obligé de confier la destruction du sel à des particuliers. Un tel marché avait été passé pour le Languedoc  et le Roussillon  mais, lorsqu’en 1710 le responsable mourut, l’accord ne fut pas reconduit. Deux ans plus tard, la ferme put constater son erreur. En 1710, 200.000 livres avaient été détruites alors qu’en 1712 les commis n’en avaient submergé que 50.000 livres. Même en tenant compte de la réduction de la production de salpêtre dans les dernières années de la guerre de succession d’Espagne , la fraude était estimée à près de 100.000 livres par an [35]. Malheureusement, notre documentation ne nous permet pas de savoir dans quelles mesures ces problèmes subsistèrent pour le reste de notre période.

Une fois débarrassé de son sel, le salpêtre était dit de pre­mière cuite, mais il était encore trop gras pour être utilisé tel quel. Il subissait donc une seconde cuite puis était versé dans des bassins et laissé ainsi pendant cinq jours pour congeler. Une der­nière cuite permettait de le purifier totalement.

Le raffinage étant long, certains inventeurs proposèrent des méthodes plus rapides à l’image de celle de Julien, en 1754. Ce dernier proposa un système permettant de ne raffiner le salpêtre qu’une seule fois, grâce à une seule cuite de 2 heures. Soutenues par Belle-Isle  [36] et Bélidor  [37], des épreuves furent réalisées à l’arsenal de Paris mais celles-ci ne s’avérèrent pas concluantes. La cuite dura en fait 36 heures, et au bout de trois jours, le salpêtre était toujours aussi impropre à la consommation. Le comte d’Eu  ne blâma pas cette démarche mais exprima son scepticisme à l’égard de ces inventeurs.

« Il est naturel d’écouter ceux qui se présentent en présentant l’avantage du service de Votre Majesté, mais l’on découvre assez ordinairement qu’il n’y a rien de moins sûr que leurs secrets [38]. »

Un bon salpêtre devait être blanc, légèrement salé et s’enflammer promptement. Pour s’en assurer, on mettait le feu à un échantillon posé sur une planchette de chêne. Si une flamme jaillissait, le salpêtre était bon. S’il bouillonnait, il était trop gras et s’il pétillait, il n’était pas assez dessalé [39]. Une fois parfaitement raffiné, il pouvait être conduit au moulin.

II – La fabrication de la poudre  :

1 – Les étapes de la fabrication :

La composition de la poudre dépendait de son utilisation future. La poudre ordinaire, utilisée dans l’armée, était composée de 75% de salpêtre, de 12,5% de souffre et de 12,5% de charbon [40]. Si le grain était plus fin, elle était appelée poudre fine ou poudre à giboyer, et destinée aux particuliers. Le chevalier d’Antoni  donne une autre composition, moins chargée en salpêtre (71,16%) [41] mais dont ne fait pas mention Surirey de Saint-Rémy  car celle-ci avait probablement été abandonnée avant la fin du XVIIe siècle. Dans le bail du 24 juin 1684 [42], il était stipulé que la poudre livrée par le fermier devait être composée de 75% de salpêtre. Cette composition resta en vigueur tout au long de notre période mais le sujet ne fut jamais clos. En 1756, Perrinet d’Orval  fit des expé­riences au moulin d’Essonne  dont Gribeauval  fut chargé de dres­ser les procès verbaux [43]. Deux compositions retinrent son atten­tion, toutes deux beaucoup plus riches en salpêtre (80%). La pre­mière, comprenant 15% de charbon et 5% de souffre, s’avéra meil­leure que la poudre ordinaire pour les tirs à faible charge. La se­conde était particulièrement curieuse puisque le souffre en était totalement absent. Elle fut jugée satisfaisante, mais uniquement pour les fortes charges. Malgré ces recherches, la fabrication ordi­naire ne semble pas avoir été modifiée.

Le mélange était mis dans un mortier, le plus souvent en bois ou parfois en cuivre, d’une capacité variant selon les époques mais en moyenne de 16 livres au XVIIe siècle puis de 20 livres au XVIIIe siècle. La poudre était battue pendant 24 heures à raison de 3.500 coups de pilon par heure. Plus cette opération était longue, plus la poudre était de bonne qualité. Pour éviter l’échauffement, et donc les risques d’explosion, un peu d’eau était rajoutée toutes les quatre heures. Après avoir été retirée des mor­tiers, elle était grainée puis tamisée. La partie restante, appelée poussier ou pulvérin, était remise dans les mortiers pour une douzaine d’heures. L’humidité étant la pire ennemie de la poudre, celle-ci était séchée au soleil en été ou dans un four en hiver. Après le séchage, elle était de nouveau tamisée puis mise dans des barils de 100 ou 200 livres [44]. Le chevalier d’Antoni  recommandait de bien la laisser refroidir avant de la conditionner car, sous l’action de la chaleur, le souffre pouvait se liquéfier, scellant les grains entre eux, et transformant la poudre en une pâte peu utili­sable [45]. D’une qualité supérieure, la poudre fine était passée dans un lissoir afin de donner un aspect bien rond aux grains. Cette machine était tout simplement composée de tonneaux attachés entre eux et tournant à l’aide du moulin.

2 – Les moulins à poudre :

Tous les moulins n’avaient pas la même capacité de produc­tion. Avec 63 pilons, le moulin d’Essonne , au sud de Paris, était le plus important du royaume, le seul capable de produire 300.000 livres de poudre par an. Cependant, la qualité d’un tel établisse­ment ne se mesurait pas qu’à son nombre de mortiers et à la capa­cité de ceux-ci. Avant tout, un moulin à poudre devait être bien situé, c’est-à-dire sur une rivière ou sur un fleuve au débit suffi­sant tout au long de l’année et permettant l’acheminement de la poudre vers les arsenaux. A ce titre, l’un des plus beaux était celui de Toulouse  [46]. Situé au nord-ouest de la ville, sur une île au milieu de la Garonne , cet établissement ne risquait pas de manquer d’eau. Grâce au fleuve, le transport des poudres et du salpêtre était grandement facilité. Saint-Jean d’Angély jouissait également d’une excellente réputation [47] car, grâce à la Boutonne  sur laquelle était situé le moulin, il était facile de transporter sa production vers l’arsenal de Rochefort , via la Charente . Cet établissement avait également la grande chance de recevoir le fameux salpêtre des Indes, si réputé auprès des fabricants de poudre.

Tous les établissements n’avaient pas une telle réputation à commencer par celui de Pont-de-Buis . Considéré comme le mou­lin à poudre de Brest , il était en fait situé à une quarantaine de kilomètres au sud de la ville, près de Chateaulin . Malheureuse­ment, la fabrique n’avait pas été établie sur l’Aulne , mais sur un étang situé non loin de là, relié à la rivière par un canal. Non seu­lement ce système exigeait plus d’entretien mais en été le niveau de l’eau était régulièrement trop bas pour pouvoir poursuivre une activité quelconque. Ce moulin avait aussi la particularité d’être divisé en deux bâtiments, l’un de 26 mortiers et l’autre de 16. En théorie, cette disposition paraissait excellente en cas d’accidents mais les deux locaux avaient été construits si près l’un de l’autre que si l’un explosait, l’autre ne pouvait être que détruit. En 1759, le moulin était dans un tel état qu’il fut projeté de le reconstruire un peu plus loin [48].

Le problème de l’eau n’était pas propre à l’établissement breton, le moulin de Saint-Médard , près de Bordeaux , était confronté aux mêmes difficultés, à tel point qu’une seule des deux batteries de 20 mortiers pouvait fonctionner l’été, et encore! Plus grave, le débit très irrégulier de la rivière ralentissait considéra­blement le rythme des pilons et remettait en cause la qualité de la poudre. De plus, Saint-Médard  était situé à 3 lieues de Bordeaux , d’où la nécessité d’organiser des convois de poudre, opération tou­jours délicate [49]. Ces difficultés pouvaient aussi provenir d’un mau­vais entretien des berges en amont du moulin. En 1759, le fermier Jacques Meusnier  se plaignit de la négligence de certains rive­rains, d’autant que cela concernait son plus gros moulin, celui d’Essonne . La terre, en s’effondrant dans la rivière d’Etampes , l’avait à certains endroits rétrécie et, plus grave encore, avait divi­sée son cours en plusieurs bras, réduisant son débit au niveau du moulin. L’activité de celui-ci étant menacée, le roi exigea, par un arrêt du 26 juin 1759, que les propriétaires rétablissent les berges à leurs frais. Si ces derniers n’obtempéraient pas dans les huit jours, le fermier était autorisé à réaliser les travaux, les proprié­taires étant tenus de le rembourser [50].

Le moulin ne devait pas non plus être situé trop près d’une ville en raison des risques d’explosion. Ce fut le cas en novembre 1727, à Verdun  [51]. Un incendie s’y déclara, provoquant une explo­sion qui causa de grands dommages dans la ville. L’occasion était trop belle de reconstruire un nouveau moulin hors de la ville pour la laisser passer. Il restait à trouver l’emplacement. Le site de Belleville , proposé par des officiers d’artillerie fut rapidement re­jeté, sans que nous en connaissions les raisons. Belle-Isle , gouver­neur des trois évêchés, proposa le moulin de Charny  à 5 kilomè­tres au nord de Verdun . Les bâtiments existaient déjà et la Meuse  assurait un débit suffisant ainsi qu’une voie de communication particulièrement pratique. Le site avait toutes les qualités mais il était la propriété de l’évêque de Verdun, lequel l’affermait pour un montant de 500 livres tournois. Le coût de l’indemnisation fit abandonner ce projet.

Le site retenu fut finalement celui de Belleray , à 4 kilomè­tres au sud de Verdun . Le terrain, situé au bord de la Meuse , pré­sentait des avantages identiques à ceux de Charny  et de plus était de peu de valeur car “il ne produisait que des cailloux”. Les tra­vaux furent estimés entre 20 et 21.000 livres. L’adjudicataire des poudres devait payer l’équivalent des travaux de la réparation de l’ancien moulin, soit un peu plus de 6.000 livres, le roi versant les 14 ou 15.000 livres restantes. Comme souvent, le montant définitif dépassa le devis mais cette fois la construction coûta quatre fois plus chère (77.554 livres tournois). Rien que l’aménagement du terrain avait nécessité plus de 13.000 livres tournois et les bâti­ments du moulin environ 48.000 livres tournois. Le reste de la dépense avait servi aux logements des ouvriers, au corps de garde, au grenoir, à la raffinerie et au mur d’enceinte, indispensable dans ce genre d’établissement.

Pourtant, dès son achèvement en 1732, des rapports firent état de défauts de construction. Ainsi, le corps de garde était situé bien trop près des moulins.

Des soldats qui fument, qui vont et viennent pendant le jour et la nuit, et sont à portée d’entrer dans les différentes usines peuvent occasionner des accidents, voller mesme des poudres, et autres matières sans que l’on s’en aperçoive [52]. »

Le problème des vols par les soldats était bien réel. En 1709, Chamillart  avait adressé une circulaire à tous les intendants des places du Nord pour exiger qu’ils mettent fin à ce trafic appa­remment très répandu. Le secrétaire d’État à la guerre demandait que les coupables soient emprisonnés, laissant aux intendants le soin de fixer la peine [53]. Ces vols avaient également lieu dans les équipages mais la généralisation de la gargousse et surtout de la cartouche au XVIIIe siècle avait permis de les réduire un peu.

Le risque des accidents n’était pas non plus imaginaire comme le rappelle une lettre de Pelletier  [54] lors de sa tournée d’inspection au moulin de Maromme .

Les batteries des deux moulins estoient très bien construi­tes, battant avec exactitude, et composées de manière à éviter les accidents qui n’arrivent que trop souvent dans les mouvements de la plus grande part de moulins à poudre du Royaume [55]. »

Pelletier  n’exagérait en rien la fréquence de ces accidents. Pour la seule année 1705, il y en avait eu 11 touchant 9 moulins différents, la plupart dus naturellement à des incendies [56]. Le 24 avril 1705, 150 livres de poudre furent ainsi détruites au moulin de Maromme  et, 15 jours plus tard, un second incendie en détrui­sit encore 140 livres. Dans ce cas, les pertes avaient été mineures mais elles pouvaient être plus importantes, comme à Colmar  le 24 janvier, lorsqu’un incendie ravagea le grenoir, détruisant 11.668 livres de poudre. Quatre mois après, une tempête endommagea le moulin entraînant de nouveau la perte de 1.050 livres. De par leur situation au bord d’un cours d’eau, l’autre menace pour les mou­lins était celle des inondations. Ce fut le cas à Fenestrelles  en 1705 ou à Toulouse  en 1712.

Lors de la concession du bail de la ferme des poudres et salpêtres à Antoine de la Porte en 1716, le roi lui accorda 8.000 livres tournois pour réparer les moulins de Pont-de-Buis , de Ma­romm e et de Lyon , lesquels avaient brûlé [57]. Cette somme était loin de couvrir le coût des dégâts mais il s’agissait là d’une avance, le roi s’engageant à verser aux fermiers 18.000 livres tournois par an, soit 162.000 livres pour la durée du bail, pour faire face à ce type de dépenses. Le montant de cette indemnisation, bien supé­rieure à ce que devait coûter la réfection des trois moulins, confirme la fréquence des incidents dans les fabriques de poudre. Nous pourrions en multiplier les exemples mais les plus specta­culaires qui nous soient parvenus se produisirent à Essonne  en 1745 et 1754.

Le 5 juillet 1745, pour une raison indéterminée, une explo­sion pulvérisa les moulins, tuant 22 personnes et endommageant les bâtiments environnants, notamment ceux de la commanderie Saint-Jean de l’Isle et du chapitre Saint-Spire [58]. Les dégâts furent estimés à au moins 50.000 écus, somme colossale, mais il s’agissait de la plus grande fabrique du royaume. La plupart des habitants d’Essonne  et de Corbeil  ne demandèrent aucune indemnisation, probablement parce qu’ils pensaient qu’ils n’obtiendraient pas gain de cause et non, comme le précise l’arrêt, parce qu’ils étaient “plus portés à plaindre le sort de l’entrepreneur des poudres, qu’occupés au dessein de l’aggraver.”

Le commandeur de Saint Jean n’eut pas la même réaction et exigea du fermier qu’il remboursa les dégâts. Rien n’obligeait les fermiers à le faire mais un règlement du 14 mai 1688 précisait qu’aucun moulin ne pouvait disposer d’un magasin à poudre d’une capacité de 1.000 milles livres afin d’éviter des accidents aux rive­rains. Or, celui d’Essonne  pouvait en contenir 40.000. Le fermier ne pouvait pas faire autrement. Il n’avait aucun intérêt à conser­ver des stocks dans ses moulins mais il ne pouvait en sortir les poudres destinées à l’armée qu’après le passage des officiers d’artillerie. Le Parlement de Paris ne lui accorda aucune circons­tance atténuante, le condamnant à payer les réparations, soit 14.871 livres 5 sols 3 deniers Le commissaire des poudres et salpê­tres, Vivant Micault , fit appel à la justice du roi, arguant qu’il n’était plus possible d’appliquer les conditions du marché avec de telles condamnations. Conscient qu’il ne s’agissait pas là d’un chantage mais d’une réelle menace, le roi cassa l’arrêt du Parle­ment de Paris le 11 juin 1748.

Six ans plus tard, le moulin d’Essonne  bénéficia d’une in­novation : une meule de pierre pour rendre la poudre plus fine. Ce système fonctionnant au moulin de Bruxelles , un ouvrier flamand fit spécialement le déplacement pour l’installer. Un jour, ce der­nier dut s’absenter un court instant, laissant seul son interprète. Celui-ci voulant détacher un peu de matière, prit une plaque de cuivre avec un manche de fer. Le contact avec la pierre provoqua une étincelle qui enflamma la poudre et provoqua une explosion. L’interprète, gravement brûlé au visage et aux jambes, eut la main fracassée et le pouce emporté. Le souffle pulvérisa la toiture dont les éléments retombèrent à 30 toises de là, les murs furent fendus en deux endroits et, naturellement aucune porte ou fenêtre ne résista. Seule la nouvelle machine n’avait pas trop souffert [59]. Cet accident provoqué par un geste maladroit rappelait que la manipulation de la poudre était toujours délicate et quelle devait être confiée à des spécialistes.

Ce personnel des moulins était relativement limité en nom­bre et se composait en général [60] :

–        d’un maître poudrier à 40 livres par mois, chargé de veil­ler au bon fonctionnement des différentes opérations de fabrica­tion.

–        d’un tonnelier à 30 livres par mois chargé de la fabrication des barils et des chapes.

–        d’un garde magasin à 25 livres par mois.

–        d’au moins deux ouvriers à 24 livres par mois mais leur nombre pouvait fortement varier selon l’activité de l’établissement. D’après l’inspection de 1759, le moulin de Ma­romm e employait dix ouvriers. Les salaires y étaient un peu plus élevés que dans les autres établissements (de 5 à 10 livres par mois selon les emplois), sans que nous ayons d’explications à ce sujet [61].

En tous cas, il n’existe aucune trace dans les documents d’une différence de la qualité du travail dans les différents mou­lins, ce qui ne signifie pas que la poudre ait toujours été d’excellente qualité.

3 – L’évolution de la qualité de la poudre :

La qualité des poudres ne fut pas toujours très bonne, soit par incompétence, soit par escroquerie. Sur ce point, un mémoire anonyme de 1724 est sans ménagement pour la ferme des poudres.

La fabrique des poudres de guerre est très négligée et il s’y commet plusieurs abus par les commis que la compagnie y employe, lesquels n’ont pas la capacité, ny les lumières nécessaires pour per­fectionner cet ouvrage qui est des plus importants et de la dernière conséquence pour la guerre [62]. »

Parmi les fraudes, trois revenaient plus fréquemment :

–        le salpêtre utilisé n’était que deux cuites au lieu de trois. Par ce moyen, le salpêtrier limitait le déchet évalué à 30% pour une troisième cuite et pouvait donc le vendre moins cher au fer­mier, lequel n’était pas dupe. La graisse contenue dans ce salpêtre réduisait terriblement la qualité de la poudre.

–        le second reproche était dû plus à la négligence qu’à la malhonnêteté. La poudre n’était pas séchée assez longtemps et pas assez tamisée.

–        enfin, les barils de 200 livres n’étaient pas toujours du poids escompté. Il était fréquent d’en trouver de 193 à 197 livres voire même de 184 livres seulement.

Ce document n’est pas exhaustif car il existait d’autres malversations. Le fermier devant radouber les anciennes poudres, il lui arrivait parfois de les mélanger avec les nouvelles et de ven­dre celles-ci comme si elles étaient totalement neuves. Chapelet  fut accusé pour de telles pratiques.

Les problèmes semblent avoir été particulièrement sensi­bles au lendemain de la guerre de Hollande , à tel point qu’un rè­glement fut passé le 4 avril 1686 pour éprouver désormais les poudres après leur fabrication [63].

Sa Majesté ayant esté informée que les poudres qui ont esté livrées dans les magasins et ses places pendant les cinq ou six der­nières années n’étoient pas de la bonté et de la qualité requises pour que l’on put tirer le service nécessaire pour la conservation et main­tien de ses places, et la défense de l’Etat, elle auroit donné ses or­dres pour faire examiner et reconnoistre d’où pouvoit procéder cette défectuosité [64]. »

Le règlement distinguait trois causes principales :

–        le salpêtre était trop gras et trop salé, donc probablement d’une ou deux cuites seulement.

–        le charbon utilisé n’était pas de bois de bourdaine mais de saule, ce dernier étant d’une qualité inférieure.

–        pour gagner du temps et augmenter la production, la pou­dre n’était battue qu’une douzaine d’heures au lieu de 24.

Le règlement interdisait désormais de telles pratiques mais imposait surtout des épreuves aux fermiers. Celles-ci devaient être réalisées dans les moulins par les officiers d’artillerie avec de pe­tits mortiers de bronze, appelés des mortiers à éprouver la poudre. Leur chambre contenait une très faible charge de poudre (4 on­ces) [65]. Leur calibre était en revanche très important puisque les mortiers devaient tirer des projectiles de 60 livres. Pour qu’une poudre soit acceptée, le boulet devait être projeté à au moins 55 toises (107 mètres).

Dans sa volonté d’améliorer la qualité des poudres, le secré­taire d’Etat à la guerre, sans doute sur le conseil des officiers d’artillerie, avait fixé la limite beaucoup trop haut. Les premières épreuves démontrèrent qu’aucune poudre ou presque ne pourrait propulser un boulet à une telle distance. Le 18 septembre 1686, l’épreuve fut modifiée [66]. Au lieu d’être chargé à 2 onces, le mortier l’était désormais à 3 onces et la portée était réduite de 5 toises (environ 10 mètres). Malgré cet allégement, les tests n’étaient pas une simple formalité.

Les résultats nous sont rarement parvenus mais nous dis­posons de ceux de Metz  en 1690 [67]. Sur 25 tirs, seuls 6 dépassèrent la limite prévue, le plus long atteignant 56 toises. Le plus surpre­nant est que 6 tirs n’avaient pas dépassé les 40 toises (78 mètres), le plus faible projetant son boulet à seulement 37 toises (72 mè­tres). Malheureusement, nous ignorons quelle fut la part des pou­dres acceptées car il est peu probable que les trois quarts qui n’avaient pas réussi les épreuves aient été refusées. Une lettre de Barbezieux  à Vigny  [68] laisse même à penser que les règlements étaient loin d’être suivi scrupuleusement.

L’on m’a dit que l’on éprouvait point en Flandre  les poudres que les entrepreneurs y fournissaient, je vous prie de donner ordre à ce que l’on en use pas de même de celles que l’on y enverra cette année [69]. »

Aussi surprenant que cela puisse paraître, neuf ans après le règlement imposant les épreuves, celles-ci n’étaient même pas réalisées dans l’un des départements d’artillerie les plus impor­tants du royaume. Le contexte explique cette “négligence”. La guerre de la ligue d’Augsbourg  avait éclaté et la France manquait de poudre. Certains officiers jugèrent plus judicieux d’accepter les poudres quelle que soit leur qualité. De toutes façons, il est évi­dent que dans les départements où elles eurent lieu, les résultats ne furent pas toujours suivis.

En revanche, si ce règlement ne mit pas fin à la fraude, il favorisa globalement l’amélioration de la poudre à tel point qu’à la fin des années 1730, Maritz  [70] demanda de modifier les épreuves pour le canon. La poudre étant plus puissante que par le passé, les fortes charges faisaient terriblement souffrir les bouches à feu. Curieusement, le règlement de 1686 ne fut pas modifié avant la seconde moitié du XVIIIe siècle. En 1752, Vallière  (le fils) [71] ju­geait même une réforme nécessaire.

Il ne pâroit pas qu’il puisse y avoir d’inconvénient à chan­ger l’ordonnance du 18 septembre 1686 qui règle l’épreuve des pou­dres, puisqu’il est aussy généralement reconnu que toutes celles qui se fabriquent actuellement dans le Royaume, portent leur globe bien au-delà de la distance prescrite de la dite ordonnance [72]

En effet, les mortiers à éprouver la poudre envoyaient dé­sormais aisément leurs projectiles, non plus à 50 toises mais à 86 ou 87 toises (environ 169 mètres)!

III – Une conservation problématique :

1 – Le conditionnement des poudres :

 

Une fois fabriquée, la poudre était conditionnée de façon différente selon sa destination. Au sud de la Loire , elle était mise dans des barils de 100 livres pour limiter les difficultés du trans­port, notamment lors des campagnes militaires. Elle était en effet destinée à des provinces au relief accidenté comme le Dauphiné , la Provence , le Roussillon  ou la Guyenne . La poudre étant portée par des mulets, il était hors de question de les surcharger. Au nord de la Loire, les théâtres d’opérations étant moins montagneux (mal­gré les Ardennes ou la Forêt Noire) les barils étaient de 200 livres, enchâssés dans des chapes de bois.

Les barils et les chapes étant à la charge du fermier des poudres, celui-ci était souvent tenté de faire des économies, soit sur la qualité du bois, soit sur son épaisseur. La fraude était d’autant plus aisée que personne dans l’artillerie n’en connaissait exactement les dimensions, à commencer par le directeur général de l’artillerie. Vallière  reconnaissait ne pas savoir « précisément quelle est l’épaisseur que l’on donne aujourd’hui aux douves des barils et chapes des poudres [73] ».

Une chose est certaine, les douves étaient souvent trop minces. Selon un mémoire rédigé à ce sujet en 1730 [74], les merrains utilisés n’avaient que 6 lignes d’épaisseur au lieu de 7, et les dou­ves étaient donc réduites à 2 lignes d’épaisseur au lieu de 4 ou 5. Par mesure d’économie, les tonneliers utilisaient parfois l’aubier, lequel avait souvent tendance à pourrir, rendant le tonneau po­reux. Le problème n’était pas nouveau. Dix ans auparavant, un mémoire avait été rédigé, stigmatisant ces pratiques sans qu’il y eut la moindre réaction. Ces malversations pouvaient conduire à des mésaventures comme celle qui arriva à un convoi de poudre en 1720.

Organisé à Lille , celui-ci devait se rendre à Dunkerque . Les barils étant dans les chapes, il avait été impossible d’en vérifier l’étanchéité. Le convoi se dirigea vers Ypres , mais les routes de Flandre  firent tellement souffrir le chargement que la poudre commença à se répandre sur la chaussée. En l’apprenant, le gou­verneur d’Ypres refusa le passage dans sa ville et fit préparer un chemin pour contourner la cité [75]. Il n’était pas le seul à craindre les convois de poudre. Lors de la guerre de succession d’Espagne , le port de Gênes  fut souvent utilisé pour débarquer les renforts destinés au Milanais . En 1702, toute la poudre y fut débarquée en même temps, entraînant une belle panique dans la ville.

« On a envoyé ces poudres (…) en si grande quantité que cela a donné l’épouvante à toutte la ville, et on peut compter qu’une au­tre fois, on en permetttra point l’entrée [76]. »

L’artillerie avait également des soucis avec le stockage de ses poudres. Dans les magasins, les barils étaient placés dans des chapes et entassés (on disait à l’époque engerbés) sur 5 ou 6 rangs de hauteur mais il arrivait que l’on aille jusqu’à 12 rangs en raison du manque de place. Ce fut le cas à Perpignan  en 1701 où d’Andigné , effrayé par l’état des magasins à poudre, alerta Cha­millar t.

« Les magasins sont presque plains jusques à la voûte (…). Il seroit fort nécessaire de faire, Monseigneur, un magasin à poudre à la ville de Perpignan , car il n’est pas possible que la quantité que nous en avons, puisse contenir dans ceux qui y sont sans se gâter parce que les barils sont à 10 ou 12 de hauteur, et comme ils sont fort simples, cela les fait crever [77]. »

Vauban  puis Bélidor  considéraient que 5 ou 6 rangs de haut étaient déjà trop importants et qu’il ne fallait pas engerber au-delà de 3 [78], mais cette mesure, si elle avait été appliquée, aurait nécessité le doublement du nombre des magasins. Pour pouvoir entasser les barils jusqu’à 10 ou 12 de haut, certains officiers décidaient de les sortir des chapes. Un débat à ce sujet était d’ailleurs ouvert dans l’artillerie.

Les partisans des chapes affirmaient qu’elles seules souf­fraient sous le poids et qu’il fallait qu’elles commencent à s’effondrer pour que les barils soient touchés à leur tour, ce qui, selon eux, n’arrivait pas souvent [79]. Leurs opposants répondaient que les chapes ne faisaient que masquer les dégâts des barils qui supportaient tout de même le poids des rangées supérieures. Sous la pression, les cercles cédaient et les douves s’écartaient, laissant échapper la poudre. Pour cette raison, lors du radoub de 200 000 livres de poudre à Douai  en 1720, les officiers d’artillerie eurent la mauvaise surprise de trouver sous les chapes un pied de poudre (environ 36 centimètres) répandu sur le plancher [80].

Avant le système des chapes, la poudre était mise dans des sacs puis placée dans des barils mais cette méthode avait été abandonnée car les sacs de chanvre prenaient l’humidité et gâ­taient la poudre. En 1767, certains proposèrent de revenir à cette ancienne pratique à condition de veiller à bien sécher les sacs avant leur utilisation [81]. Ce système donnait toute satisfaction mais c’était la négligence des artilleurs qui, selon ses partisans, avait conduit à cet abandon. Son autre avantage était le coût bien moins important d’un sac (15 à 20 sols) par rapport à une chape (40 sols). Enfin, le transport en montagne s’en trouvait grande­ment facilité. Pour défendre son opinion, l’auteur du mémoire af­firmait qu’en 1762, lors d’un radoub au magasin de Caen , un baril fermé depuis 40 ans avait été ouvert et que la poudre qu’il conte­nait était parfaitement utilisable, voire meilleure que les poudres les plus récentes, car elle avait été mise dans des sacs.

2 – Des magasins à poudre souvent inadaptés :

Au-delà de ces avis contradictoires, tous étaient d’accord pour reconnaître que la cause principale de la dégradation de la poudre était l’état des magasins, à commencer par celui de Caen , où un radoub était nécessaire tous les deux ans. Ceux de Bergues  n’étaient pas meilleurs.

« Il n’y a à Bergues  que de petits magasins qui sont très mauvais et qui d’ailleurs ne suffisent pas pour serrer les munitions et attirails d’artillerie [82]

« Le mémoire du comte de Thomassin  [83], de 1752, était édi­fiant [84]. Selon lui, les tours et les portes, toujours trop humides, ne devaient pas servir de magasins à poudre or cela était fréquem­ment le cas. En 1764, rien que pour les six places de la direction de La Fère , quatre avaient des magasins situés dans ce genre de lieux [85]. Même une ville comme Strasbourg , disposant pourtant de magasins aménagés dans les nouveaux bastions, connaissait ce genre de problèmes et depuis longtemps. En 1690, Louvois  avait déjà interdit d’utiliser le souterrain de la porte de Pierre car on ne devait « se servir des lieux humides pour resserrer de la poudre que dans une extrême nécessité [86]. » Vœux pieux tant le royaume man­quait de magasins. Sept ans plus tard, 10 000 livres de poudre y étaient encore entreposées, même si ce souterrain pouvait en contenir 15.000 [87]. Ces lieux n’étaient pas les seuls à poser des pro­blèmes.

« L’on observe encore que les magasins à poudre, ou autres bâtiments à cet usage ne sont pas tous parfaitement en bon état, il manque aux uns des planches, aux autres des portes, des fenêtres et des contrevents, à d’autres sont des pièces de bois bruttes et sinueu­ses qui servent de chantier [88]» 

Non seulement ces conditions pouvaient entraîner l’humidité du magasin mais même l’état des planchers pouvait compromettre l’équilibre de certains empilements de barils. Le mur offrait parfois un appui salutaire qui n’empêchait toutefois pas certaines chutes. Plus curieux, il arrivait à certains barils de… flotter. Entre 1703 et 1706, le magasin d’Hesdin  fut inondé à deux reprises. Les poudres étaient tellement gâtées que le fermier re­fusa de les radouber si on ne lui accordait pas au moins 10% de déchet, ce qui, compte tenu des circonstances, fut obtenu sans pro­blème [89]. Dans ce cas, au moins connaissait-on l’état réel des pou­dres car il arrivait parfois que des magasins ne soient pas ouverts pendant plusieurs années comme au château de Lichtenberg . Cer­tes, la place n’était pas d’une importance majeure mais, en 1706, les trois quarts des poudres, soit 9.600 livres, étaient hors d’usage. Le garde-magasin, âgé de 85 ans, n’avait pas ouvert la salle depuis quatre ans [90] !

La situation des bâtiments pouvait aussi poser des problè­mes. A Bapaume , le magasin (pouvant contenir 70.000 livres de poudre) était contigu à un terrain où certains habitants venaient s’exercer au tir à l’arc. Selon Saint-Périer  [91], ces derniers n’hésitaient pas à y boire et à y fumer, faisant courir un risque évident au contenu du bâtiment. Plus grave, les 6 magasins de Perpignan  étaient tellement proches les uns des autres que si la foudre venait par malheur à en frapper un, tous les autres étaient irrémédiablement condamnés. Le plus petit ne contenait que 9.000 livres mais le plus grand en renfermait 50.000 [92].

Pour Thomassin , la construction de grands magasins était une erreur car ils étaient trop exposés et difficiles à gérer. En cas de siège, il est aisé d’imaginer l’effet que pouvait produire une seule bombe tombant sur un bâtiment contenant 150.000 livres de poudre. En 1691, la ville de Nice  avait dû se rendre à Catinat  après que deux magasins à poudre de 80.000 livres et de 20.000 livres aient sauté. La description des lieux après l’explosion laissée par le maréchal est saisissante.

C’est un objet horrible que ce chasteau, tous les logemens sont ruinez, c’est un débris général mêlés de morts où l’infection commence à estre fort grande (…). L’on ne peut pas oster de l’esprit de Monsieur le comte de Frossac  et de beaucoup d’officiers que ce malheur leur est arrivé par une trahison, nous autres avons veu sensiblement que c’est l’effet de nos bombes [93]. »

Comparés aux magasins des principales places fortes fran­çaises, ceux de Nice  étaient tout petits. Sur les sept que comp­taient la ville et la citadelle de Strasbourg , le plus exigu, celui de l’hôpital royal, pouvait contenir 112.800 livres. Quatre avaient une capacité de 122.400 livres et il était possible d’en entreposer 165.600 dans celui d’un bastion et jusqu’à 259.200 livres dans le magasin neuf. Même si ce dernier faisait parti des plus grands du royaume, il en existait de plus vastes comme les deux de Neuf-Brisach , pouvant contenir chacun 300.000 livres ou les trois de Metz  avec une capacité de 500.000 livres chacun [94]. Or, Thomassin  considérait qu’il ne fallait pas dépasser les 139.000 livres.

Il proposait même un nouveau modèle, capable de résister aux bombes car protégé par une maçonnerie de ciment et une ter­rasse en terre [95]. Les finances ne permettant pas d’engager de grandes dépenses[96], ce projet fur écarté et d’Angervilliers  proposa d’établir des entresols dans les magasins existants. L’idée du se­crétaire d’État à la guerre ne trouva guère d’écho auprès des offi­ciers d’artillerie, ces derniers craignant une fragilisation excessive des bâtiments.

Un autre élément devait contribuer au bon état des pou­dres : leur radoub assuré par l’entrepreneur des poudres et salpê­tres. Son marché lui imposait une certaine quantité à remettre en état, celle-ci pouvant évoluer selon les circonstances. Le radoub pouvait être de deux ordres :

–        soit, il s’agissait de ressécher les poudres, c’est-à-dire les sortir des barils et en ôter l’humidité, souvent inévitable après un séjour dans les magasins. L’opération était relativement simple et ne coûtait pas grand chose, si ce n’est le prix de la main-d’œuvre.

–        soit, il fallait rebattre la poudre. Dans ce cas, la qualité de celle-ci s’étant nettement détériorée, il fallait la ramener dans un moulin, la remettre dans un mortier et la rebattre en réintrodui­sant du salpêtre neuf. Par souci d’économie, il arrivait que la poudre soit battue très peu de temps et mélangée avec de nouvelles poudres à l’aspect plus présentable. Les fermiers les plus malhon­nêtes profitaient de ce mélange pour assurer leurs livraisons de poudres neuves.

 

Malgré ces pratiques condamnables et souvent dénoncées, le roi se contenta tout au long de notre période de ce système d’approvisionnement confié à la ferme des poudres et salpêtres.

1 Surirey de Saint-Rémy  Pierre, Mémoires d’artillerie, Paris, 3ème édition, 1745, tome II, p.310.

2 Le bois de nerprun (ou prunier noir), de la même famille que le bois de bourdaine, était également utilisé.

[1] Perrinet d’Orval , Traité des feux d’artifice pour le spectacle et pour la guerre, Berne, 1750.

[2] S.H.A.T., fonds artillerie 4w571, arrêt du conseil du roi portant obligation aux adjudicataires des ventes du bois de séparer le bois de bourdaine, le 11 janvier 1689.

[3] S.H.A.T., fonds artillerie 4w571, arrêt du conseil du roi, du 7 mai 1709.

[4] Pierre Surirey de Saint-Remy, officier d’artillerie, écrivit Les mémoires d’artillerie en 1697. Ouvrage de référence pour tout artilleur, il fut réédité à deux reprises.

[5] S.H.A.T., fonds artillerie 4w578, mémoire anonyme de 1724 sur les poudres.

[6] Siemienowicz  Casimir, Grand art d’artillerie, Amsterdam, 1651, p.87.

[7] Casimir Siemienowicz  fut lieutenant-général de l’artillerie du roi de Pologne.

[8] Siemienowicz  Casimir, Op. cit.., p.87.

[9] Perrinet d’Orval , Traité des feux d’artifice pour le spectacle et pour la guerre, Berne, 1750.

Siemienowicz  Casimir, Op. cit.., p.87.

[10] A.N., H-1 1447, mémoire de l’académie des sciences (1778).

[11] S.H.A.T., fonds artillerie 4w580, mémoire de la ferme des poudres sur le salpêtre (1758).

[12] A.N., AD VI 16, Ordonnance du Roy sur le faict et règlement des poudres et salpestres de France, le 8 octobre 1640, à Saint-Germain en Laye .

[13] A.N., AD VI 16, Statuts arrestés entre les salpestriers du Roy establis en la ville de Paris, pour la confection des salpestres de France, pour le service de Sa Majesté, le 1er janvier 1665, articles VII et VIII.

[14] S.H.A.T., fonds artillerie 4w579, lettre de Louvois  aux intendants, le 30 octobre 1690, à Versailles .

[15] A.N., G-7 1296, Ordonnance de l’intendant de Bourgogne  sur le règlement de la récolte du salpêtre, le 1er septembre 1690.

[16] Louis-Auguste de Bourbon, duc du Maine (1670-1736), fils légitimé de Louis XIV et de la marquise de Montespan , fit l’apprentissage des armes lors de la guerre de la ligue d’Augsbourg . Nommé grand-maître de l’artillerie en 1694, il tenta, sans grands succès, d’exercer le plus possible sa charge.

[17] S.H.A.T., fonds artillerie 4w579, Ordonnance du duc du Maine  portant injonction à toutes personnes d’ouvrir ou faire ouvrir aux salpetriers les maisons, caves, selliers, bergeries, écuries, granges; colombiers, magasins et autres lieux, pour y prendre les terres qui s’y trouveront propres à faire salpestres, le 31 juillet 1701, à Versailles .

[18] A.N., AD VI 16, Édit du Roy pour la fourniture des arsenaux et magasins de son artillerie, de deux cens cinquante milliers de salpêtre, en janvier 1634, à Saint-Germain en Laye .

[19] A.N., G-7 1297.

[20] S.H.A.T., fonds artillerie 4w580, lettre de La Chapelle, le 25 septembre 1759, à Perpignan .

[21] S.H.A.T., fonds artillerie 4w580, lettre du commissaire général des poudres et salpetres, en1759.

[22] S.H.A.T., série A-1 1157, lettre de l’intendant de Lorraine , le 20 juin 1692, à Metz .

[23] A.N., AD VI 16, Bail de la ferme générale du droit royal de la fabrique, vente et débit des poudres et salpestres de France fait par le Roy à Grandchamp , le 26 août 1690, à Versailles , article XIII, p.6.

[24] A.N., G-7 1297.

[25] A.N., AD VI 16, Bail de la ferme générale du droit royal de la fabrique, vente et débit des poudres et salpestres de France fait par le Roy à Claude Durié, le 24 juin 1684, à Versailles , p.11.

[26] S.H.A.T., fonds artillerie 4w579, Ordonnance du duc du Maine  portant injonction à toutes personnes d’ouvrir ou faire ouvrir aux salpetriers les maisons, caves, selliers, bergeries, écuries, granges, colombiers, magasins et autres lieux, pour y prendre les terres qui s’y trouveront propres à faire salpestres, le 31 juillet 1701, à Versailles .

[27] A.N., G-7 1296, Arrêt du conseil du roi interdisant de s’opposer à la recherche du salpêtre, le 10 décembre 1669.

[28] A.N., G-7 1297, Déclaration royale sur la recherche du salpêtre, le 30 septembre 1677.

[29] Tous ces arrêts du conseil du roi proviennent du fonds artillerie 4w580.

[30] S.H.A.T., fonds artillerie 4w580, mémoire de la ferme des poudres sur le salpêtre (1758).

[31] Surirey de Saint-Rémy  Pierre, Op. cit.., tome II, p.310. – Toutes les descriptions du raffinage du salpêtre sont tirées de cet ouvrage.

[32] A.N., AD VI 16, Bail de la ferme générale du droit royal de la fabrique, vente et débit des poudres et salpestres de France fait par le Roy à Claude Durié, le 24 juin 1684, à Versailles .

[33] Surirey de Saint-Rémy  Pierre, Op. cit.., tome II, titre X.

[34] A.N., AD VI 16, arrêt du conseil du 2 mars 1700.

[35] S.H.A.T., fonds artillerie 4w662, marché passé avec le sieur Fides  pour le dépérissement du sel des salpêtres dans le Languedoc  et le Roussillon .

[36] Charles-Louis Auguste Fouquet de Belle-Isle  (1684-1761), petit-fils du surintendant des finances de Louis XIV, fut nommé gouverneur des trois évêchés. Il devint maréchal de France en 1741. Ambassadeur exceptionnel en Allemagne , il fut rappelé en France au début de la guerre de succession d’Autriche. Il participa à la campagne du Danube et s’empara de Prague avant d’assister à l’élection impériale et d’être nommé chevalier de la toison d’or. Il dut repartir pour la Bohême afin d’assurer la retraite de l’armée prise au piège à Prague. Duc et pair en 1748, académicien en 1756, il fut nommé secrétaire d’Etat à la guerre en 1757.

[37] Bernard Forest de Belidor  (1696-1761), professeur de mathématique à l’école de La Fère  de 1720 à 1741, fut l’auteur de nombreux ouvrages sur l’artillerie et le génie. Il fit de nombreuses expériences sur l’effet de la poudre appliqué au tir des bouches à feu et aux mines.

[38] A.N., M 1017, lettre du comte d’Eu  (1754).

[39] S.H.A.T., série A-1 3467, mémoire sur le salpêtre, de 1753.

[40] Surirey de Saint-Rémy  Pierre, Op. cit.., tome II.

[41] Papacino Antoni Alessandro, chevalier d’ , Essai sur la poudre, Amsterdam, 1763, p.11.

[42] A.N., AD VI 16, « Bail de la ferme générale du droit royal de la fabrique, vente et débit des poudres et salpestres de France fait par le Roy à Claude Durié », le 24 juin 1684, à Versailles , article XIV, p.13.

[43] S.H.A.T., fonds artillerie 4w590, « épreuves des poudres composées par M. Perrinet d’Orval , le 14 février 1756, à Essonne  ».

[44] Surirey de Saint-Rémy  Pierre, Op. cit.., 1745, tome II.

[45] Antoni Alessandro Papacino, chevalier d’ , Op. cit.., p.53.

[46] S.H.A.T., fonds artillerie 4w803, dossier sur le moulin de Toulouse .

[47] S.H.A.T., fonds artillerie 4w804, dossier sur le moulin de Saint-Jean d’Angély .

[48] S.H.A.T., fonds artillerie 4w804, dossier sur le moulin de Pont-de-Buis .

[49] S.H.A.T., fonds artillerie 4w803, dossier sur le moulin de Saint-Médard .

[50] A.N., AD VI 16, arrêt du conseil d’Etat du roi ordonnant aux propriétaires riverains de la rivière d’Etampes  d’en réparer les berges, le 26 juin 1759, à Versailles .

[51] S.H.A.T., fonds artillerie 4w804, dossier sur la construction du moulin de Belleray , en 1732.

[52] S.H.A.T., fonds artillerie 4w804, lettre de Micault  de Courbeton, en 1732.

[53] S.H.A.T., série A-1 2490, lettre de Chamillart , le 18 mai 1709.

[54] Michel-Laurent, chevalier Pelletier , commissaire provincial en 1732, participa aux sièges de Kehl  (1733) et de Philisbourg  (1734). Lieutenant-général d’artillerie en 1741, il suivit l’armée française en Bohème où il fut blessé. Après avoir servi sur le Rhin  et en Flandre , il termina la guerre avec le grade de maréchal de camp. En 1758, il reçut le commandement de l’artillerie de l’armée de Soubise. Présent à Sundershausen  et à Minden , il fut nommé lieutenant-général des armées du roi en 1760.

[55] S.H.A.T., fonds artillerie 4w804, rapport d’inspection de Pelletier , en 1759.

[56] A.N., G-7 1297, évaluation des pertes dues aux incendies pour l’année 1705.

[57] A.N., AD VI 16, « résultat du conseil du Roy contenant les conditions du bail d’Antoine de la Porte », le 24 mars 1716.

[58] A.N., AD VI 16, « arrêt du conseil du Roy du 11 juin 1748, concernant l’incendie général arrivé aux moulins à poudre d’Essonne , près Corbeil  », le 5 juillet 1745.

[59] S.H.A.T., fonds artillerie 4w804, dossier concernant le moulin d’Essonne .

[60] S.H.A.T., fonds artillerie 4w803, personnel du moulin de Saint-Médard , en 1759.

[61] S.H.A.T., fonds artillerie 4w804, personnel du moulin de Maromme , en 1759.

[62] S.H.A.T., fonds artillerie 4w578, mémoire anonyme sur la ferme des poudres et salpêtres, en 1724.

[63] Ce règlement fut peut être également pris pour mettre en difficulté le fermier des poudres et pouvoir ainsi dénoncer le bail. Cf chapitre 14.

[64] S.H.A.T., fonds artillerie 4w590, règlement pour les épreuves des poudres, le 4 avril 1686, à Versailles .

[65] Pour l’épreuve, le mortier était chargée de 2 onces de poudre (61 grammes).

[66] S.H.A.T., fonds artillerie 4w590, règlement pour les épreuves des poudres, le 18 septembre 1686, à Versailles .

[67] S.H.A.T., série A-1 972, résultats des épreuves réalisées à Metz , en 1690.

[68] Jean-Baptiste de Vigny  (1645-1707) fut nommé lieutenant-colonel du nouveau régiment des bombardiers (1684), puis lieutenant-général d’artillerie quatre ans plus tard. Il dirigea l’artillerie aux sièges de Mons et de Namur, mais il fut blessé devant Charleroi. Brigadier en 1690, il dirigea l’artillerie en Flandre  à la veille de la guerre de succession d’Autriche et fut nommé maréchal de camp.

[69] S.H.A.T., série A-1 1401, lettre de Barbézieux à Vigny , le 8 mars 1697.

[70] Jean II Maritz  (1711-1790), fils de l’inventeur de la machine à forer les canons, fut l’un des fondeurs les plus célèbres de Son temps. Il réorganisa les forges travaillant pour la Marine puis les fonderies espagnoles.

[71] Joseph-Florent de Vallière  (1717-1776), succéda à son père, Jean-Florent de Vallière , comme directeur général de l’artillerie en 1747 puis fut nommé lieutenant-général des armées du Roi l’année suivante. Il s’opposa de toutes ses forces aux réformes de Gribeauval .

[72] S.H.A.T., fonds artillerie 4w590, lettre de Joseph-Florent de Vallière , le 17 décembre 1758.

[73] S.H.A.T., fonds artillerie 4w658, lettre de Jean-Florent de Vallière , le 18 mars 1730, à Paris.

[74] S.H.A.T., fonds artillerie 4w658, mémoire de d’Aboville , vers 1730.

[75] S.HA.T., fonds artillerie 4w658, mémoire de Le Cerf (1720).

[76] S.H.A.T., série A-1 1585, lettre de Monsieur de Louveciennes , le 16 mai 1702, à Gênes .

[77] S.H.A.T., série A-1 1522, lettre de d’Andigné , le 21 février 1701, à Perpignan .

[78] S.H.A.T., fonds artillerie 4w807, lettre du comte de Thomassin , le 19 janvier 1752, au Havre de Grâce .

[79] S.H.A.T., fonds artillerie 4w807, lettre du comte de Thomassin , le 19 janvier 1752, au Havre de Grâce.

[80] S.H.A.T., fonds artillerie 4w658, mémoire de Le Cerf .

[81] S.H.A.T., fonds artillerie 4w658, mémoire du sieur Thirrion  (1767).

[82] S.H.A.T., fonds artillerie 4H10, lettre de Saint-Périer , le 23 janvier 1750, à Bergues .

[83] Etienne-Jean Thomassin , capitaine des ouvriers en 1731, brigadier en 1748, il devint maréchal de camp en 1762.

[84] S.H.A.T., fonds artillerie 4w807, mémoire du comte de Thomassin , le 19 janvier 1752, au Havre-de-Grâce .

[85] S.H.A.T., fonds artillerie 4w807, état des magasins à poudre en 1764.

[86] S.H.A.T., série A-1 980; lettre de Louvois , le 28 septembre 1690, à Marly .

[87] S.H.A.T., série A-1 1427, inventaire général d’artillerie (1697).

[88] S.H.A.T., fonds artillerie 4w807, mémoire du comte de Thomassin , le 19 janvier 1752, au Havre-de-Grâce .

[89] S.H.A.T., série A-1 1990.

[90] S.H.A.T., série A-1 1990.

[91] César Joachim, marquis de Saint-Périer  (1662-1749) participa, à tous les grands sièges et à toutes les grandes batailles de la guerre de la ligue d’Augsbourg . Envoyé en Italie  en 1701, il devint lieutenant-général d’artillerie deux ans plus tard . Après le repli des armées françaises de la péninsule, il rejoignit l’Espagne  où la maladie du commandant de l’artillerie, M.Rigollot, lui permit de faire la preuve de ses talents. En remerciement, il succéda à La Frézelière à la tête des départements d’Alsace , du duché et du comté de Bourgogne  en 1711. Devenu maréchal de camp en 1719, il quitta cette direction pour celle de Flandre , du Hainaut , de Picardie  et d’Artois  en 1726. Commandeur de l’ordre de Saint-Louis, il termina sa brillante carrière en Flandre.

[92] S.H.A.T., série A-1 1522, lettre de d’Andigné , le 21 février 1701, à Perpignan .

[93] S.H.A.T., série A-1 1079, lettre de Catinat , le 5 avril 1691, à Nice .

[94] S.H.A.T., fonds artillerie 4w807, état des magasins à poudre en 1764.

[95] S.H.A.T., fonds artillerie 4w807, mémoire du comte de Thomassin , le 19 janvier 1752, au Havre-de-Grâce .

[96] A titre d’exemple, le magasin à poudre de Condé , construit en 1738, avait coûté 22.000 livres tournois. S.H.A.T., fonds artillerie 4w807.

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