“Cette guerre extraordinaire et inexplicable”. La dimension militaire des guerres de Vendée

Hervé Coutau-Bégarie et Charles Doré Graslin

On peut partir d’un constat initial difficilement réfutable, celui de la sous-estimation de la place des guerres de Vendée dans la pensée politique et stratégique contem­poraine. La Vendée, pour faire court, a été supplantée par la guérilla espagnole, comme on peut le voir à travers la théorie du partisan de Carl Schmitt : “La situation qui fournit le point de départ de nos réflexions sur le problème du partisan est la guerre de guérilla menée par le peuple espagnol de 1808 à 1813 contre les forces armées”[1].

Carl Schmitt justifie ainsi son choix : la guérilla espagnole est plus importante que la guerre de Vendée car “c’est la guerre qui vit pour la première fois un peuple (un peuple d’avant l’ère bourgeoise, industrielle et conventionnelle) affronter une armée régulière bien organisée, issue des expériences de la Révolution française, une armée moderne. Ce fait ouvrit de nouveaux espaces à la guerre, il fit se développer de nouveaux concepts stratégiques, il fut à l’origine d’une doctrine nouvelle de la guerre et de la politique”. Pour lui, “c’est bien cette régularité de l’État qui, tout comme celle de l’armée, est définie avec une précision nouvelle par Napoléon dans l’État français aussi bien que dans l’armée française. Les innombrables guerres des con­quérants blancs contre les Peaux-Rouges américains du xviie au xixe siècle, et aussi les méthodes par lesquelles les Riflemen de la guerre d’Indépendance combattaient l’armée régulière anglaise (1774-1783), ainsi que la guerre civile vendéenne entre Chouans et Jacobins (1793-1796) appartiennent toutes encore au stade prénapoléonien”[2].

Nous aurons à discuter cette appréciation de Carl Schmitt qui sous-estime la spécificité et la modernité de la guerre de Vendée. Pour l’instant, bornons-nous à constater que le degré de finesse théorique de Carl Schmitt n’est pas celui de la majorité des commentateurs. Chez le plus grand nombre, le discrédit qui frappe les guerres de Vendée s’explique par deux raisons principales ; d’une part, la Vendée est un soulèvement local alors que l’Espagne est un soulèvement national ; la Vendée n’a pas eu d’impact notable sur les guerres de la République, alors que la guerre d’Espagne a été un facteur décisif dans l’affaiblisse­ment de l’empire napoléonien. D’autre part, la Vendée est présentée comme un soulèvement réactionnaire par l’historiographie dominante, depuis Michelet, alors que l’Espagne est regardée comme un soulève­ment populaire pour l’indépendance. Ces deux images sont aussi cari­caturales l’une que l’autre. Les travaux récents montrent la complexité des deux conflits avec, dans les deux cas, des dimensions sociales complexes. Elles n’en restent pas moins largement enracinées dans les esprits.

Or, cette sous-estimation constitue une erreur de perspective fon­damentale : la Vendée est aussi importante au plan théorique et presque aussi importante au plan historique que la guérilla espagnole.

D’abord parce qu’elle la précède : Clausewitz, jeune professeur à la Kriegsakademie après le désastre de 1806-1807, commence très tôt à réfléchir sur les possibilités du Landsturm, c’est-à-dire sur une armée populaire qui harcèlerait l’armée impériale française. Il le fait à partir du cas vendéen avant d’avoir une connaissance précise de l’insurrec­tion espagnole : “l’exemple que nous venons de développer ici s’appuie sur l’histoire de la guerre de Vendée”[3].

Ensuite, parce qu’à la différence de l’Espagne, il s’agit, au moins après l’échec de l’Armée catholique et royale, d’un cas presque parfait de guérilla, sans intervention extérieure, sans grande guerre parallèle. Les Vendéens ont souvent attendu un secours anglais qui n’est jamais venu[4]. La seule tentative sérieuse a été celle de Quiberon en 1795, qui ne s’inscrit pas dans le cadre spatial de la guerre de Vendée, mais plutôt dans celui de la chouannerie. Les Vendéens ont dû se débrouiller à peu près seuls, ce qui rend leur résistance encore plus remarquable.

Enfin, parce que les guerres de Vendée, de 1793 à 1796, forment le prototype de ce que l’on appellera plus tard la guerre totale. L’ex­pression apparaît, pour la première fois, à cette époque, dans la bouche de Robespierre[5].

Les guerres de Vendée méritent donc d’être étudiées en elles-mêmes :

  • dans leur dimension régionale : c’est l’événement fondateur de la mémoire vendéenne. On a pu dire que la Vendée était le seul département devenu province. Une telle inversion n’a été rendue possible que par cette série de guerres qui ont radicalement différencié la Vendée militaire de toutes les autres parties du territoire français ;
  • dans leur dimension nationale : les guerres de Vendée cons­tituent un épisode particulièrement critique de la Révolu­tion. Probablement moins par le risque militaire qu’elle a pu représenter, qui n’a jamais été aussi grand que celui consti­tué par les armées coalisées menaçant les frontières de l’Est, que par sa dimension politique : le soulèvement de la Vendée a encore accentué la radicalisation de la Terreur (qui lui est de toute façon antérieure) et les guerres de Vendée restent, encore aujourd’hui, l’une des pièce les plus sombres et les plus accablantes du procès de la Révolution. On a pu le vérifier lors du bicentenaire, aux réactions hai­neuses qui ont accueilli le livre de Reynald Secher, Le Génocide franco-français. La Vendée-Vengé[6].
  • enfin dans leur dimension globale : les guerres de Vendée constituent, on l’a dit, un épisode décisif dans le passage de la petite guerre, liée à la grande guerre, à la guérilla décon­nectée de la grande guerre, ainsi que dans le processus idéo­logique qui va aboutir à la guerre totale. Il faut donc s’inter­roger sur la place de la Vendée dans l’histoire des stratégies alternatives qui vont de la guerre de partis aux guerres insurrectionnelles pour aboutir aux guerres révolutionnaires contemporaines et, finalement, aux conflits asymétriques actuels.

Cela fait beaucoup de directions de recherche. Heureusement, le bicentenaire a stimulé les historiens et on ne compte plus les contribu­tions majeures qui ont renouvelé, parfois en profondeur, notre connais­sance des guerres de Vendée : citons simplement, parmi d’autres et selon des orientations très différentes, celles de Reynald Secher[7], déjà cité, de Jean-Clément Martin[8] ou d’Alain Gérard[9], très récemment celle de Jacques Hussenet[10]. Il faudrait y ajouter les œuvres majeures sur des régions limitrophes (Roger Dupuy sur la Bretagne, Claude Petitfrère sur l’Anjou…) et d’autres travaux trop nombreux pour être cités ici, moins globaux, mais pas nécessairement moins importants : là comme ailleurs, la part des érudits locaux est grande, trop peu connue.

Mais il n’est pas exagéré de dire que ce renouvellement n’a que modérément affecté la dimension militaire, pourtant fondamentale comme dans toute guerre. On s’est davantage intéressé aux ressorts politiques et idéologiques du bilan démographique et à la dimension sociale qu’au déroulement des opérations militaires dont, pourtant, tout a découlé. On peut y voir une manifestation, parmi beaucoup d’autres, en dehors d’un cercle étroit de spécialistes, du désintérêt des historiens des nouvelles générations pour l’histoire militaire, dédaigneusement considérée comme liée à l’histoire positiviste et événementielle de la première moitié du xxe siècle et donc dépassée. Probablement y a-t-il aussi une dimension spécifique liée à la répugnance de l’historio­graphie dominante à l’égard d’une sale guerre, guerre civile et guerre totale, dans laquelle les républicains n’ont pas souvent le beau rôle. On a pu contester l’application du mot génocide à la Vendée, suggérée par Reynald Secher[11], mais Gracchus Babeuf ne disait pas autre chose quand il forgeait, dès cette époque, le terme de “populicide”[12]. Bien évidement, la coexistence de ce populicide-génocide avec la célébration des droits de l’Homme peut poser problème. L’historiographie doit pourtant dépasser de telles querelles, d’essence idéologique.

La présente enquête n’a pas pour but de rouvrir le débat sur les finalités et les implications politiques ou philosophiques des guerres de Vendée. Elle entend s’en tenir au strict domaine de l’histoire militaire, qui est probablement celui qui attend les révisions les plus importantes. Certes, les historiens militaires n’ont pas été totalement passifs et on peut citer quelques contributions importantes qui sont venues sérieuse­ment rafraîchir les connaissances héritées de Savary ou de Gabory. On songe bien sûr ici aux multiples contributions de Simone Loidreau, dont plusieurs sont reprises ici, ou, plus récemment, de Pierre Gréau, aux articles très importants de Xavier du Boisrouvray ou du médecin général Adrien Carré, ici repris. Ou encore aux travaux novateurs de l’un de nos plus brillants historiens militaires, Bernard Peschot, dont le chef-d’œuvre sur la chouannerie en Anjou[13] ne fait que plus cruelle­ment encore ressortir le manque d’une synthèse équivalente sur la Vendée. Ce volume a pour but d’accumuler des matériaux en vue d’une synthèse qui reste à construire.

En effet, l’histoire érudite du xixe siècle, représentée par les sommes monumentales de Crétineau-Joly, de Gabory, de Chassin, avait, pour simplifier, une charge idéologique forte (Crétineau-Joly écrit l’histoire vue par les Blancs, Chassin l’histoire vue par les Bleus), mais un cadre stratégique faible : elle raconte ce qui s’est passé avec un grand luxe de détails et d’érudition qui en fait une référence encore indispensable[14]. Mais il n’y a pas véritablement d’approche stratégique, avec un essai de compréhension et d’interprétation de ce qui fait la spécificité du soulèvement vendéen, à savoir la persistance d’une résistance normalement condamnée à un échec rapide (que l’on songe à la réaction initiale des chefs que les paysans viennent chercher jusque sous leur lit).

Pourtant les éléments existent dès le xixe siècle. On doit citer les écrits du général de La Boéssière[15], du chef de bataillon Roguet[16], de Le Mière de Corvey[17], mais aussi les grands noms de la pensée mili­taire : si Clausewitz a peu écrit sur la Vendée[18], si Jomini s’y est montré assez peu attentif dans ses études-fleuves[19], il existe au moins un auteur qui a écrit un Précis des guerres de Vendée, c’est tout simplement Napoléon durant son exil à Saint-Helène[20]. Ouvrage incroyablement méconnu, comme la plupart des écrits militaires de l’Empereur, pourtant facilement accessible et d’une grande perspicacité.

Au xxe siècle, on ne trouve guère l’équivalent. Le dernier histo­rien militaire “global” des guerres de Vendée est Henri de Malleray, officier breveté, dont Les Cinq Vendées, terminé en 1914, ne sera publié qu’en 1924 à cause de la guerre[21]. C’est un livre précis et donc précieux, mais très factuel. Après lui le désintérêt s’installe, puis s’accentue, avec seulement des développements, plus ou moins sub­stantiels, plus ou moins précis, dans des ouvrages généraux. Un regain d’intérêt se manifeste au sein de l’enseignement militaire supérieur dans les années 1950, dans le cadre de l’étude de la guerre subversive[22]. Il retombe après la fin de la guerre d’Algérie. L’histoire militaire est marginalisée par la nouvelle histoire, centrée sur les déterminismes économiques et sociaux.

Il en résulte un décalage croissant avec les travaux historiques partiels fondés sur des sources d’archives, qui apportent quantité d’élé­ments nouveaux. Même pour les Vendéens, qui n’étaient pas aussi désorganisés qu’on l’a dit, les sources existent, comme le montre Pierre Gréau[23]. Évidemment, elles peuvent être contradictoires : le soulève­ment de 1815 aurait mobilisé 10 000 hommes d’après un rapport, 25 000 d’après un autre. Il y a encore d’énormes gisements à explorer. Mais il faut aussi reprendre les travaux des grands érudits du xixe siècle, insuffisamment sollicités, du point de vue militaire, et les mémo­rialistes, dont Alain Gérard a montré l’importance. Il en a trouvé 76, il y en a probablement d’autres qui attendent leur inventeur. Parmi eux, on trouve beaucoup de généraux, dont certains ont livré très tôt leur version : Poirier de Beauvais, Turreau, Westermann, Kléber… Toutes ces sources doivent être recoupées, comparées, intégrées dans un cadre théorique, stratégique et tactique.

De ce vaste programme, la présente introduction ne peut présen­ter qu’une esquisse, autour de deux axes : la place des guerres de Vendée dans la généalogie de la stratégie et la réinterprétation des acquis historiographiques dans un cadre stratégique structuré.

LES GUERRES DE VENDéE DANS LA GéNéALOGIE
DE LA STRATéGIE

La stratégie militaire classique est dominée, au moins dans sa version occidentale portée à son point de perfection théorique par Clausewitz, par le modèle (ou le spectre) de la bataille décisive, c’est-à-dire la recherche du dénouement de la guerre par une action d’ensem­ble aboutissant à la destruction ou la désorganisation de l’ennemi, rendu incapable de continuer le combat. C’est ce que Clausewitz appel­le la stratégie d’anéantissement, réservée aux armées régulières, suffi­samment équipées, armées et entraînées pour exécuter des manœuvres stratégiques et mettre en œuvre des tactiques élaborées dans une con­frontation d’ensemble. Les combattants irréguliers ont rarement cette possibilité, par manque d’entrainement des exécutants et de formation des chefs à l’exécution des manœuvres savantes, par manque de moyens en armements et en logistique leur permettant de soutenir des campagnes prolongées loin de leurs bases, face à un adversaire régu­lier. Au-delà de leurs formes diverses, les stratégies irrégulières ou alternatives ont en commun d’être des stratégies d’usure, qui cherchent à obtenir un résultat par l’accumulation dans la durée de petites actions susceptibles de fatiguer et de démoraliser l’adversaire. Ces stratégies alternatives peuvent être regroupées autour de deux grands groupes, la petite guerre et la guérilla.

La petite guerre est une expression apparue, en tout cas popula­risée, au xviiie siècle[24]. Mais elle renvoie à une réalité connue dès les premiers temps de la guerre, avec des appellations diverses : guerre d’embuscades à Rome, guerre des vélites à Byzance, guerre guerréante ou guerroyante au Moyen Âge, guerre de partis à partir du xvie siècle[25]… Cette petite guerre est menée par des combattants réguliers, pourvus d’une commission de l’autorité souveraine à défaut d’être toujours en uniforme ; leurs opérations s’inscrivent dans le cadre de la grande guerre, de la stratégie classique, en complément et non en opposition à celle-ci.

Elle a souvent mauvaise réputation, car les partis, opérant sur les arrières de l’ennemi et donc obligés de vivre sur le pays et livrés à eux-mêmes, s’adonnent volontiers au pillage. Mais, progressivement, à l’époque moderne, ils sont de mieux en mieux contrôlés par le com­mandement militaire, de sorte que la guerre de partis des xvie et xviie siècles devient la petite guerre, étroitement intégrée dans la manœuvre d’ensemble, au xviiie siècle. Turenne, durant la deuxième moitié du xviie siècle, reconnaît l’intérêt de la guerre de partis dans le cadre général des opérations. L’essor de ce type de guerre est lié à l’augmen­tation des effectifs et donc à l’importance accrue des communications et du ravitaillement qui multiplie les possibilités de coup de main, de harcèlement des convois et des détachements isolés.

Cette petite guerre se décline selon deux modèles :

–        l’école orientale et montée : c’est celle des Tatars lituaniens, des Slavons croates et hongrois utilisés par l’empire Habsbourg contre les Turcs, puis contre les Français dans la guerre de Succession d’Au­triche (1741-1748). Les Hongrois seront à l’origine du modèle parfait de cavalerie légère : les hussards, qui seront progressivement introduits dans toutes les armées européennes.

–        l’école montagnarde et piétonne est caractéristique de l’Euro­pe occidentale. Elle se développe au xviie siècle, d’abord à partir de troupes spéciales pour opérer dans les milieux montagneux : l’illustra­tion la plus parfaite en est les Miquelets qui combattent dans les Pyré­nées, de la guerre de Trente Ans (1618-1648) à la guerre de Succession d’Espagne (1701-1714). On peut également y rattacher les partisans suédois qui jouent un rôle important dans la grande guerre du Nord (1705-1721). Dans un autre genre, on voit apparaître des compagnies franches issues des régiments de ligne, qui se spécialisent dans la traque des combattants irréguliers qui perturbent les opérations de l’armée dans certaines régions, par exemple les Chenapans (dérivés de l’alle­mand schnapans, buveurs de schnaps) durant la guerre de la Ligue d’Augsbourg.

Cette petite guerre est d’une efficacité considérable, trop long­temps sous-estimée : elle représente l’ordinaire de la guerre, quand la bataille décisive en est l’extraordinaire. Elle est théorisée à partir du milieu du xviiie siècle par des auteurs, d’abord français : La Croix, Grandmaison, La Roche…puis de tous les pays d’Europe : le roi de Prusse Frédéric II, le Hongrois Jeney, le Suédois Carl Funk (qui signe son livre JF…).

On peut se poser la question de la diffusion de cette littérature : s’il est facile d’identifier ceux qui écrivent, il est beaucoup plus difficile de connaître les lecteurs et de savoir ce qu’ils ont pu tirer de leurs lectures. Bernard Peschot a relevé la parenté entre les prescrip­tions de Grandmaison et de La Roche et les instructions sur la pacifi­cation édictées par Hoche en 1795[26]. Mais il se demande, avec raison, si cette identité résulte d’une filiation, Hoche ayant lu les auteurs de la généra­tion précédente, ou si elle découle du simple bon sens.

La petite guerre connaît un déclin relatif à la fin du xviiie siècle, avant même la Révolution. Guibert, dans ses œuvres célèbres, lues dans toute l’Europe, se montre très critique vis-à-vis de ce genre de guerre qui conduit à l’allongement des opérations. Il préfère un nouveau style fondé sur la recherche d’une décision plus rapide. C’est l’annonce de ce que fera Napoléon. Durant les campagnes de la Grande Armée jus­qu’en 1809, le rythme de progression des armées françaises est si rapide que la petite guerre n’a plus guère de sens. Elle ne reviendra sur le devant de la scène qu’à la fin de l’Empire en 1812, dans le contexte particulier de campagne de Russie, dominée par l’immensité de l’espace russe et la tradition des raids de cosaques, et de la campagne d’Allemagne en 1813, avec une armée française privée de cavalerie et donc incapable d’exploiter ses succès tactiques. Mais surtout, le relais sera dorénavant pris par la guérilla.

Celle-ci constitue le deuxième versant des stratégies alternatives, celui mené par des combattants irréguliers. On va parler de guerre de partisans ou, à partir de la guerre d’Espagne, de guérilla, désormais bien distincte de la petite guerre. La guerre de partisans ou guérilla n’est pas une annexe de la grande guerre. Elle peut être menée parallè­lement à cette dernière, comme ce sera le cas en Espagne de 1808 à 1813. Mais, le plus souvent, elle remplace la grande guerre, impossible à mener, avec deux cas de figure :

–    la guérilla succède à la grande guerre : c’est le cas de Vendée à la fin de 1793, après l’échec et la destruction de l’Armée catholique et royale qui interdit aux Vendéens de recourir plus longtemps à une stratégie (presque) classique.

–    la guérilla est acceptée d’emblée, sans plan préalable, sous forme de réaction spontanée des masses paysannes contre un ennemi trop puissant pour être affronté en terrain découvert et dans ses fiefs urbains. C’est le cas de la chouannerie, soulèvement spontané qui ne résulte aucunement d’un complot. Les travaux récents des historiens ont confirmé que le complot de La Rouerie, en 1791, avaient été très surestimés[27]. La concomitance du soulèvement dans l’Ouest de la France ne doit pas inciter à conclure à l’existence d’un complot, comme le soutenait l’historiographie républicaine du xixe siècle jus­qu’à Chassin. La quasi simultanéité des soulèvements découle très naturellement du refus de la levée en masse décidée par la loi du 20 février 1793 et dont le tirage au sort devait avoir lieu le 12 mars. La nouvelle a été connue dans les communes le 2 mars, entraînant le début de l’agitation dans les jours qui suivaient. Il n’y a pas de coordination au sommet.

La spécificité vendéenne réside, non pas dans le soulèvement, mais bien dans sa durée. À partir de 1792, l’Europe a été en guerre de manière à peu près continue et cette guerre a très vite pris une tournure que nous appellerions aujourd’hui idéologique ou totale, avec de multi­ples insurrections populaires. Or, en dehors du cas très particulier de l’Espagne, dans lequel la guérilla n’a pu se maintenir que grâce à la présence parallèle d’un corps expéditionnaire britannique qui occupait le principal des armées françaises, ranimait les énergies espagnoles et éventuellement fournissait des armes, tous ces soulèvements ont connu des échecs rapides[28]. Cela a été le cas de la guerre des paysans en Flandre en 1798, de la révolte du Nidwald (Suisse) en 1798[29], des sou­lèvements allemands en 1809 (Dörnberg en Westphalie, Schill en Prusse). Le Tyrol, sous la conduite d’Andreas Hofer en 1809-1810, a duré un peu plus longtemps en profitant du caractère montagneux du pays et de la complicité de l’administration autrichienne, mais il n’a jamais représenté une menace majeure[30].

Il y a eu, à la fin de l’empire, des appels à la guerre nationale, sur le modèle de la guérilla espagnole. Le cas le plus connu est celui de Landsturm prussien en 1813, dans lequel les nationalistes conduits par Scharnhorst et Gneisenau plaçaient beaucoup d’espoir. Mais les élites se sont très vite effrayées de ses potentialités révolutionnaires et si le roi a bien signé l’ordonnance, il l’a presque immédiatement annulée par des mesures interprétatives qui lui ôtaient toute portée[31]. Le Landsturm n’a joué aucun rôle opérationnel notable. Napoléon a tenté de retourner l’idée à son profit lors de l’invasion de la France en 1814, en accordant de véritables lettres de marque à des corsaires terrestres, mais l’initia­tive n’a eu que peu d’écho : les partis ainsi constitués ont été peu nombreux et n’ont pu influer sur le cours des opérations.

La Vendée constitue donc bien, sinon une anomalie, du moins une rupture dans l’histoire des stratégies irrégulières. Il y a eu avant elle des guérillas, mais au moins en Europe à l’époque moderne, elles n’ont jamais concerné que des régions isolées et des populations peu nombreuses. Elles ont pu représenter des gênes sérieuses, comme dans le cas des Camisards des Cévennes, durant la guerre de Succession d’Espagne[32], elles n’ont jamais constitué de menace comparable à ce qu’a pu représenter la Vendée pour la Convention, menace à la fois militaire et politique, comme le souligne le général Delmas[33]. La guerre de Vendée constitue bien le point le départ des guerres d’insurrection qui vont se développer aux xixe et xxe siècles et déboucher, sous l’impact de l’idéologie, sur la guerre révolutionnaire.

pourquoi la Vendée ?

L’Ouest n’est pas seul à avoir protégé des prêtres réfractaires, à avoir refusé l’assignat et les levées d’hommes. Il y a les Vendée temporaires ou avortées du Sancerrois, du Cambrésis, de la Corrèze, du Cantal, du Velay et de la Lozère sans oublier les camps de Jalès”[34]. Les soulèvements ont commencé dès 1791 en Bretagne avec la conspiration du marquis de La Rouerie, en 1792 encore en Bretagne avec la révolte de Nedelec, dans le Sud-Est avec le camp de Jalès. Soulèvements à tous égards prématurés et mal préparés, conduits par des chefs qui ne savent pas garder le secret et sont donc facilement réprimés. Les choses vraiment sérieuses commencent en 1793, après l’exécution du roi et la levée en masse qui occasionnent des soulève­ments un peu partout.

Il y a des révoltes urbaines, comme celle de Lyon le 29 mai 1793, d’emblée condamnée à l’échec du fait du désaccord entre la direction politique, dominée par les fédéralistes-républicains et le com­mandement militaire qu’il a bien fallu confier à des officiers royalistes, les seuls disponibles. Le général Précy fera ce qu’il pourra, mais toujours sous la surveillance soupçonneuse de la commune de Lyon, de sorte qu’il sera condamné à attendre l’assaut final ordonné par la Con­vention après l’ultimatum du 8 août[35]. Les opérations seront brèves, les combats prenant fin le 8 octobre ; deux mois seulement pour réduire l’insurrection de la deuxième ville de France. Les soulèvements dans les régions frontalières, dans le Nord ou en Alsace, sont facilement étouffés, du fait de la présence de l’armée régulière qui ne peut tolérer des désordres sur ses arrières immédiats alors qu’elle est en guerre. Mais il y a aussi de multiples soulèvements dans l’intérieur du pays : tous seront rapidement réduits[36]. Seule la Vendée géographique se transformera en véritable guerre. Cette spécificité vendéenne a toujours intrigué et l’explication commune a voulu y voir la preuve d’une irré­ductible spécificité. La guerre devait et ne pouvait se développer que dans cet environnement particulièrement propice. Ce genre d’explica­tion déterministe résiste difficilement à l’analyse.

Spécificité géographique

La Vendée était-elle inévitable ? C’était l’avis du général Dumouriez, qui aurait écrit dans son journal, dès 1791, que c’était dans cette région là qu’il fallait conduire une guerre civile. Les chefs républicains se sont volontiers abrités derrière cette excuse commode pour justifier leurs échecs, notamment le général Turreau dans ses Mémoires[37]. Kléber reprend cette idée d’un terrain favorable aux insurgés[38], comme du côté de ces derniers, Poirier de Beauvais[39].

On ne peut nier ce caractère favorable du terrain, plus accessible à des combattants locaux habitués à y évoluer qu’à une armée régulière plus lourde et issue de régions très différentes[40]. Joue aussi l’insuffi­sance du réseau routier, qui limite fortement la mobilité d’une armée[41]. Reste à savoir s’il y a vraiment là un facteur spécifiquement vendéen. Jean-Marc Lafon a mis en garde, à propos de la guérilla espagnole, contre les fausses évidences géographiques[42]. Son constat est large­ment transposable à la Vendée, comme le signalait déjà Clausewitz :

La Vendée, c’est-à-dire cette partie du Poitou et de l’Anjou qui a mené la fameuse guerre de Vendée et qui ne compte que quelques centaines de milles carrés, n’est qu’une région vallonnée et boisée loin de compter parmi ces montagnes inaccessibles[43].

Il n’y a pas de montagne, particulièrement favorable à la guérilla. La forêt est certes présente en Vendée, mais comme dans beaucoup de régions de France. Le bocage vendéen n’est pas plus serré que le bocage normand. Le marais est évidemment favorable à la guérilla, mais si le marais nantais sera le terrain d’élection de la guérilla de Charette, le marais poitevin, au sud de la Vendée militaire, ne se mon­trera pas favorable à l’insurrection : rebelle à toute autorité, il accueil­lera les réfugiés de tous bords, d’abord les républicains en fuite lors du soulèvement, puis les Vendéens après leur écrasement. Mais il ne combattra pas aux côtés de ces derniers[44]. Quant à l’insuffisance du réseau routier, elle n’est nullement une spécificité vendéenne.

Spécificité sociologique

Les historiens récents, notamment Roger Dupuy et Jean-Clément Martin, ont très fortement réagi contre l’idée d’une spécificité de la population vendéenne. Elle était loin de constituer un bloc homogène hostile d’emblée à la Révolution. Il y avait plusieurs noyaux protes­tants, par exemple à Mouchamps, qui se sont ralliés aux idées nou­velles, tout comme les élites urbaines, imprégnées des idées des Lumières. Les nobles ont participé, comme ailleurs, à l’achat des biens nationaux. Même l’exécution du roi, si elle suscite une réelle émotion, ne détermine pas le soulèvement.

La question religieuse continue à susciter la controverse : pour Jean-Clément Martin, par exemple, “l’originalité de la Vendée ne se trouve pas non plus dans la ruralité religieuse… La sensibilité religieuse paysanne imprégnée de superstitions et de dévotions paraît identique dans le Nord, en Bretagne, dans le Massif central et en Vendée”[45]. Cette négation, quelque peu méprisante à l’égard de la religion populaire, est contestée par l’historiographie “blanche” : le médecin général Carré voit une correspondance entre le rejet du protestantisme au xvie siècle et celui de la Révolution deux siècles plus tard[46], Marcel Lidove souligne le renouveau religieux suscité par les missions de saint Louis-Marie Grignon de Montfort[47]. Au moins doit-on constater l’adéquation presque parfaite entre le refus de la constitution civile du clergé et l’insurrection : le bocage et le marais sont massivement réfractaires, alors que la plaine et le Sud-Vendée reconnaissent les prêtres constitutionnels. D’où le caractère “compact” du pays insurgé, à la différence de ce qui se passera ailleurs dans l’Ouest, avec des “poches” républicaines qui gêneront l’union des paysans révoltés et faciliteront la contre-offensive républicaine. Pour paraphraser une formule célèbre, la Vendée militaire est un bloc, qui sera d’autant plus difficile à réduire.

Mais, même dans le marais et le bocage, le rejet des prêtres intrus, s’il occasionne des troubles et divise les communautés, ne conduit pas au soulèvement. C’est vraiment la levée en masse qui occasionne, en Vendée comme ailleurs, l’insurrection.

Celle-ci commence, on l’a dit, dans les premiers jours de mars, avec des troubles en de nombreux endroits. Le tournant se situe, en Vendée le 13 mars, avec l’entrée en action de Cathelineau, de d’Elbée et de Stofflet. Le lendemain, c’est le tour de Charette, de Sapinaud et de Royrand. Mais les mêmes phénomènes s’observent ailleurs. Le 20 mars, une dizaine de départements de l’ouest sont en état d’insur­rection :

  • à peu près entièrement : Morbihan, Loire-Inférieure, Vendée, Deux-Sèvres, Mayenne-et-Loire (Maine-et-Loire).
  • partiellement : Finistère, Côtes-du-Nord, Ille-et-Vilaine, Mayenne, Sarthe.

Spécificité militaire

Pourquoi le soulèvement va-t-il réussir en Vendée et échouer ailleurs ? Tout simplement à cause de la différence dans l’enchaine­ment des événements initiaux au nord et au sud de la Loire, comme le souligne Bernard Peschot[48].

Au nord de la Loire, la révolte des campagnes n’est pas unanime, particulièrement en Bretagne : “En mars 1793, la révolte se heurte, du moins au nord de la Loire, à une résistance locale active et organisée qui fragmente, refoule et isole les attroupements d’insurgés… Les « cocardes blanches » se heurtent à des « bastions bleus » et même à des contre-attaques patriotes conduites non seulement par des gardes nationales urbaines mais aussi par des milices rurales”[49]. La répres­sion est immédiate et efficace : dans le Finistère, le général Canclaux, qui dispose des troupes de Brest[50], écrase les insurgés au pont de Kerguidu, près de Morlaix, le 23 mars ; en Ille-et-Vilaine, le général Beysser forme une colonne mobile à partir du 39e régiment d’infanterie et de la garde nationale de Rennes, qu’il amalgame. Il reprend le contrôle de Redon, rétablissant les communications entre Rennes et Nantes, puis écrase les foyers insurgés procédant à une répression ciblée, mais spectaculaire, qui inspire, selon ses propres termes, “une terreur salutaire”[51]. Avant tout le monde, il a compris les règles de la contre-insurrection, notamment l’exigence d’agir très vite, pour ne pas laisser la révolte s’étendre et s’organiser. Les moyens mis en œuvre ne sont pas très considérables : la colonne, forte au départ de 1 200 hom­mes, ne compte plus, au final, que 236 hommes et 2 canons[52], car il a fallu laisser des garnisons dans les villes et bourgs repris. Dès lors, les paysans révoltés sont incapables de se réunir pour constituer des bandes suffisantes pour affronter les gardes nationales. La seule solution sera une micro-guérilla rurale qui ne s’attaque pas aux villes et qui se dérobe devant les affrontements de quelque ampleur. C’est la naissance, à des rythmes divers selon les lieux, de la chouannerie.

Au sud de la Loire, le scénario est radicalement différent, avec la défaite des gardes nationales, battues le 16 mars par Stofflet à la Butte des Hommes, près de Coron, et surtout de l’armée du général Marcé, battue le 19 mars à La Guérinière, près de Saint-Vincent Sterlanges[53]. Cette bataille, dite du Pont-Charrault, n’est pas si considérable d’un point de vue matériel : l’armée de Marcé ne comptait guère que 2 à 3 000 hommes. Mais son impact psychologique est immense, encore accru par la coïncidence avec la défaite de Neerwinden, survenue le même jour, qui ouvre le territoire à l’invasion : la nouvelle de la dispersion de cette armée par des paysans paraît incroyable. Barère, à la Convention, parle de trahison. Marcé sera arrêté, condamné et guillo­tiné en septembre. Il n’a pas trahi, mais a commis des erreurs inexcu­sables, surtout de la part d’un militaire qui s’était frotté, vingt ans auparavant, à la crochetta corse : il a été surpris par l’embuscade faute d’éclaireurs et sa troupe, récemment constituée avec des gardes nationales peu entraînées, s’est vite débandée. Les paysans n’étaient pas mieux organisés, mais ils étaient encadrés par d’anciens officiers : Sapinaud, Baudry d’Asson, les Béjarry, Royrand ; ils avaient peu d’armes à feu, mais le combat s’est déroulé presque au corps à corps. Certains avaient l’expérience de la milice[54]. Reynald Secher note que “dès la naissance de l’insurrection, le 10 mars 1793, on constate un double mouvement : d’une part, la reconstitution de véritables unités militaires par des soldats déjà entraînés (la division du Loroux-Bottereau compte 40 cavaliers, 15 dragons, 60 chasseurs à pied), d’autre part, une instruction militaire pour tous les autres hommes”[55].

La bataille du Pont-Charrault constitue un tournant. Les bandes paysannes s’organisent et occupent plusieurs villes. Le 4 avril, une structure militaire se met en place, avec la formation des :

  • armée du Poitou et du Centre, qui se dote d’un conseil militaire et élabore un règlement ;
  • armée d’Anjou, avec d’Elbée, Bonchamps, Cathelineau ;
  • Charette opérant de son côté, dans le marais.

première Vendée

Avant d’essayer de dégager les enseignements stratégiques des guerres de Vendée, il est nécessaire d’en retracer le déroulement chro­nologique, qui n’est pas simple. Napoléon soulignait déjà l’ampleur du conflit avec ses 17 batailles et 221 combats. A priori, cette histoire devrait être bien connue, à en juger par l’énorme littérature qui n’a cessé de proliférer depuis le début du xixe siècle[56]. Les ouvrages et articles se comptent par milliers. Ils ne devraient pas laisser beaucoup d’aspects dans l’ombre. On est néanmoins surpris de voir le désaccord qui persiste entre les historiens les plus renommés sur des données de base que l’on pourrait supposer parfaitement connues. Même une bataille aussi connue que celle d’Entrammes est placée par certains auteurs le 26 octobre, par d’autres le lendemain. Ce n’est que très récemment, par une comparaison systématique des sources, que Pierre Gréau a définitivement levé l’incertitude[57]. Certains livres accordent beaucoup d’importance à telle bataille qui est carrément ignorée par d’autres. Nous sommes encore loin de disposer d’une histoire événe­mentielle définitive des guerres de Vendée. Le survol qui suit ne peut donc avoir d’autre ambition que de rappeler une trame générale.

Après la bataille du Pont-Charrault et l’organisation des armées vendéennes, les opérations initiales sont presque partout favorables aux insurgés. Les troupes républicaines de Berruyer sont défaites à Che­millé par d’Elbée et Cathelineau, le 11 avril ; celles de Quétineau par Henri de La Rochejaquelein aux Aubiers, le 13 avril ; celles de Gau­villiers à Beaupréau, le 22 avril ; celle de Boisguyon par Charette à Legé, le 30 avril, dans la bataille des Moulins. Ces succès aboutissent à l’union des armées du Centre et d’Anjou qui forment l’Armée catho­lique et royale le 30 avril, mais sans commandement unifié.

Les Vendéens passent alors au stade supérieur en attaquant les villes : ils s’emparent de Bressuire le 2 mai[58] ; de Thouars le 5 mai[59] ; de Fontenay (chef-lieu du département) le 25 mai, après un premier échec le 16 ; enfin de Saumur le 9 juin. Cette dernière prise est une immense victoire, qui livre aux Vendéens d’énormes approvisionne­ments, 15 000 fusils, 50 canons, 11 000 prisonniers et semble leur ouvrir la route de Paris, plus aucune force sérieuse ne les séparant de la capitale. Henri de La Rochejaquelein, quelque peu dépassé par l’ampleur de ce succès, y voit la main de Dieu.

Toutes ces victoires renforcent la dynamique vendéenne et inci­tent les insurgés à structurer davantage leur mouvement. Le 30 mai, un Conseil supérieur est créé à Châtillon-sur-Sèvre pour administrer les territoires conquis. L’armée est réorganisée en trois branches :

  • Grande Armée catholique et royale d’Anjou et du Haut-Poitou, commandée par Cathelineau ;
  • Armée catholique et royale du Centre, commandée par Royrand ;
  • Armée de Retz et du Bas-Poitou, qui n’existe guère que sur le papier en raison de l’individualisme des Maraichins et des rivalités entre chefs : Joly, Lyrot, Charette.

Le 12 juin, après l’éclatante victoire de Saumur, l’édifice est couronné par la désignation d’un généralissime. C’est Cathelineau qui est choisi. Napoléon, qui s’y connaissait, lui rend un hommage flatteur à Sainte-Hélène : “Celui-ci avait reçu de la nature la première qualité d’un homme de guerre, l’inspiration de ne jamais laisser se reposer ni les vainqueurs, ni les vaincus”[60]. Il fera preuve d’une grande intelli­gence tactique, recourant volontiers aux stratagèmes : le 22 mars 1793, à Chalonnes, il fait allumer des feux de bivouacs nombreux pour faire croire à une armée plus forte qu’elle ne l’est  en réalité ; le mois sui­vant, sur la route de Chemillé, il dispose de faux canons pour retarder l’armée républicaine.

Durant cette première phase de la guerre de Vendée, les Ven­déens auraient pris, au dire de Kléber, “environ 80 000 fusils et près de 200 pièces de canon”[61].

Comment expliquer de tels succès ? La vision classique, large­ment colportée par l’historiographie républicaine, met en avant la fai­blesse des effectifs stationnés dans la 12e région militaire au début de l’insurrection[62]. C’était ce qu’affirmait déjà Napoléon : “À cette épo­que (début 1793), les forces républicaines, disséminées dans toute la Vendée, n’allaient pas au-delà de 15 000 hommes”[63]. Mais, comme le souligne Pierre Gréau, aux troupes de ligne, majoritairement disposées sur le littoral pour faire face à d’éventuelles incursions anglaises, il fallait ajouter les gardes nationales qui s’étaient constituées un peu partout depuis 1791[64]. C’est cette garde nationale qui avait écrasé le soulèvement de Châtillon-Bressuire en août 1792, au combat du Moulin-Cornet le 24 août. Le souvenir en était assez cuisant pour que les populations de la région restent passives au début du soulèvement et ne le rejoignent qu’après ses premiers succès. La garde nationale avait encore dispersé plusieurs émeutes et attroupements au début de 1793, notamment une émeute à La Callière le 24 février et le soulèvement d’une douzaine de communes du nord des Sables d’Olonne à partir du 2 mars

Durant la phase initiale, marquée par la série de victoires ven­déennes que nous venons d’évoquer, on trouve quand même des géné­raux républicains qui résistent :

  • Boulard tient la côte : après avoir repoussé l’attaque des insurgés contre les Sables d’Olonne le 24 mars, il contre-attaque le 8 avril avec une colonne mobile. Il occupe Challans, capitale du marais breton, le 12, sans que les chefs maraichins puissent s’y opposer. Charette est battu à Saint-Gervais le 17[65]. Boulard reprend Machecoul le 22 avril, Noirmoutier est reprise le 27 avril par une opération amphi­bie. Les insurgés sont coupés du littoral.
  • Westermann, aidé il est vrai par le souvenir de l’année précédente, tient la région de Bressuire ;
  • Chalbos, pourtant battu à La Châtaigneraie le 13 mai, repousse d’Elbée à Fontenay le 16 mai, mais il n’exploite pas son succès, permettant le retour offensif des Vendéens le 25.

Surtout, la phase initiale de la guerre révèle déjà la faiblesse stratégique des Vendéens, incapables de consolider leurs conquêtes : Thouars est réoccupée par les républicains le 7 mai ; Fontenay est évacuée par les Vendéens le 28 mai (ou le 30, selon certains) ; le raid sur Angers, occupée sans résistance le 17 juin (la ville a été évacuée par les républicains dès le 13), est sans lendemain ; Saumur est réoccupée par les républicains le 26 juin.

Les armées républicaines vont bénéficier de renforts réguliers. Les premiers interviennent dès avril avec 12 bataillons parisiens, 15 compagnies de canonniers et la légion germanique… Certes, leur quali­té est douteuse, c’est aussi un moyen pour les autorités parisiennes de se débarrasser des fédérés du 10 août 1792, devenus bien encombrants. Bon nombre de volontaires à 500 livres (montant de leur prime) s’éva­porent pendant le trajet. Néanmoins, quelques-uns arrivent, suivis, en mai, par de nouveaux renforts envoyés après la prise de Fontenay.

Le tournant va se situer durant l’été, avec le décret du 23 août qui envoie en Vendée l’Armée de Mayence, bien commandée et entraî­née[66]. Elle comprend, entre autres, deux bataillons de tirailleurs qui seront précieux contre les Vendéens, les Chasseurs de Cassel (ou Kas­tel) et la Légion des Francs. En novembre, deux colonnes de l’Armée du Nord, là aussi composées de soldats aguerris, seront encore envoyées.

Il en résulte une très forte croissance des effectifs républicains. On ne peut en donner que des estimations, en raison de l’écart constant entre les effectifs théoriques et les effectifs réellement disponibles. Claudy Valin propose les ordres de grandeur suivants :

  • printemps 1793 : 9 à 17 000 hommes ;
  • 15 août 1793 : 20 à 30 000 hommes, représentant 38 ba­taillons ;
  • 30 octobre 1793 : 40 à 70 000 hommes, représentant 71 ba­taillons ;
  • 30 janvier 1794 : 55 à 98 000 hommes, représentant 98 ba­taillons[67].

Face à un tel déferlement patriotique, l’initiative va progressi­vement changer de camp.

Après Saumur, le commandement vendéen ne peut que constater l’impossibilité de marcher sur Paris en raison de la désorganisation de l’armée. Il décide d’attaquer Nantes pour disposer d’un port et relier la Vendée à la Bretagne. C’est une décision stratégiquement correcte, qui recueille un assentiment général. Charette lui-même accepte d’apporter son concours. Chassin y voit pourtant une erreur politique majeure, au moment où les Girondins étaient mis hors-la-loi à Paris. Ce fut une “faute capitale des catholiques-royalistes d’avoir attaqué Nantes au moment où cette ville s’engageait dans la coalition contre la Monta­gne”[68]. C’est l’exemple de reconstruction a posteriori. Les Vendéens ne pouvaient avoir de connaissance précise du jeu politique parisien et il est plus que douteux qu’ils eussent pu tirer un réel profit de l’affron­tement entre Girondins et Montagnards.

La ville de Nantes n’est pas mieux défendue que Saumur, mais le commandement républicain y est plus résolu, avec les généraux Can­claux et Beysser et le maire Baco de La Chapelle. L’attaque vendéenne se déclenche le 29 juin au matin. L’avancée est rapide malgré la résistance des défenseurs. Les Vendéens pénètrent jusqu’à la place des Agriculteurs (aujourd’hui place Viarmes), mais le prince de Talmont commet une erreur majeure en fermant aux républicains la voie de retraite que le plan initial laissait ouverte[69] ; c’est condamner les répu­blicains à une résistance désespérée. Le tournant de la bataille survient en fin de matinée, avec la blessure de Cathelineau abattu par un tireur isolé (il mourra le 14 juillet). Les Vendéens, démoralisés, se retirent.

Au sud, l’Armée du Centre enregistre un échec comparable, avec la première bataille de Luçon, le 28 juin, perdue à cause d’une trop lon­gue marche d’approche, du manque de renseignements sur le dispositif ennemi (on n’a pas envoyé de reconnaissance) et du manque de muni­tions. Malgré la fuite de leur chef, le général Sandoz, les républicains se défendent bien, une utilisation judicieuse de leur cavalerie entraîne la déroute des Vendéens[70].

L’initiative change alors de camp et les républicains montent une offensive contre la Vendée. Elle s’ouvre par une victoire à Châtillon le 3 juillet, mais elle est mise en échec dès le 5 juillet à la bataille du Mont-Gaillard : le général Westermann est battu, laissant 5 000 morts et blessés sur le terrain. Les républicains n’en repartent pas moins à l’assaut, sous le commandement du général Santerre. Mais celui-ci est battu à Vihiers le 18 juillet. L’armée républicaine est déstabilisée par les intrigues parisiennes, avec la destitution de tous les officiers ci-devant nobles, remplacés par des incapables comme Rossignol et Santerre.

En face, d’Elbée est nommé généralissime le 19. Sapinaud de La Verrie est tué le 25 juillet lors d’une incursion républicaine[71], il est remplacé à la tête de l’Armée du Centre par Lescure.

Les Vendéens font une nouvelle tentative contre Luçon le 30 juillet. La deuxième bataille de Luçon est une défaite, avec 2 500 morts contre 100 chez les républicains. Le commandement vendéen s’obstine néanmoins, avec une dernière tentative le 14 août. Tout le monde y participe, même Charette. L’armée ainsi réunie compte 40 000 hommes, dont beaucoup ne sont pas armés. Cette troisième bataille de Luçon est encore un échec, particulièrement coûteux, avec 5 000 morts contre 100 chez les républicains. La défaite est imputable au manque de coordination entre les chefs vendéens (un seul prisonnier à l’aile droite), au manque de munitions et à l’incapacité des paysans vendéens d’affronter une armée régulière en plaine. Elle aura des conséquences stratégiques majeures. Fontenay est définitivement reprise par les répu­blicains le 16 août. Surtout, la mésentente s’installe au sein du com­mandement vendéen : Charette fera désormais cavalier seul[72].

En exécution du décret du 1er août de la Convention sur la destruction de la Vendée, un nouveau plan d’attaque est élaboré par les républicains lors d’un Conseil de guerre qui se réunit à Nantes le 2 septembre. L’absence de commandement unique se fait sentir et l’on décide d’attaquer à partir de Nantes et de Saumur. Cette division des forces va avoir des effets funestes. L’armée de Saumur, commandée par Santerre et essentiellement composée de nouvelles levées, est mise en déroute à Coron le 18 septembre. Une deuxième colonne, commandée par le général Duhoux, est battue au Pont-Barré[73] le lendemain 19 septembre. L’armée de Saumur est mise hors de cause.

Le général Canclaux attaque à partir de Nantes. Son avant-garde, commandée par Kléber, est battue à Torfou le 19 septembre. Le général Beysser est battu par Charette et d’Elbée à Montaigu le 21 septembre et Mieszkowski, qui a remplacé Boulard malade, est battu à Saint-Fulgent le 22 septembre. Au sud, le général Lecomte a été battu à Chantonnay dès le 5 septembre. Le plan républicain se termine par un échec total.

Canclaux n’en repart pas moins à l’offensive dès la fin du mois. Il obtient un premier succès aux Treize-Septiers le 6 octobre. Mais, révoqué comme noble, il est remplacé par Léchelle, incapable notoire. Celui-ci essuie un échec sévère à la bataille de Châtillon, dite aussi du Moulin-aux-Chèvres le 11 octobre, échec effacé par un retour offensif de Westermann dans la nuit, qui balaie sans effort les Vendéens trop occupés après leur succès à vider les caves de la ville. De son côté, l’armée commandée par Kléber s’avance vers Cholet. Les Vendéens sont battus à La Tremblaye le 15 octobre : l’armée républicaine, épui­sée, ne peut exploiter son succès, mais Lescure est mortellement blessé. Deux jours plus tard, c’est la bataille décisive de Cholet : le comman­dement vendéen, très divisé, s’est finalement rallié à l’idée d’une offensive. Les Vendéens, avec leur fougue habituelle, bousculent les Républicains, qui ne s’attendaient pas à pareil retour offensif, mais Kléber a disposé une réserve, dont l’attaque de flanc jette la panique dans les rangs vendéens[74]. Un dernier effort des chefs vendéens, qui lancent une colonne contre le centre ennemi, est balayé par deux canons tirant presque à bout portant (sur le modèle de ce qui était arrivé à la colonne anglaise à Fontenoy). C’est la déroute, Bonchamps et d’Elbée sont blessés à mort.

À l’instigation de Bonchamps, qui y avait songé bien avant la bataille de Cholet, le Conseil vendéen décide de franchir la Loire, malgré l’opposition de La Rochejaquelein et de Lescure mourant (ce dernier aurait déclaré : “Si je tenais le jean-foutre qui nous fait passer la Loire, j’utiliserais mes dernières forces pour lui bruler la cer­velle”[75]. Le but est de soulever la Bretagne et de disposer d’un port pour recevoir de l’aide des émigrés et des Anglais. L’armée vendéenne vaincue, accompagnée d’une foule de fuyards, peut-être 100 000 per­sonnes au total, passe la Loire à Saint-Florent-le-Vieil le 18 octobre. Les républicains disposent de canonnières fluviales qui auraient pu bloquer le passage, mais, par suite du désordre du commandement, elles sont restées à Nantes. Le 20, le Conseil élit La Rochejaquelein à la place de d’Elbée. L’armée républicaine, commandée par Léchelle, poursuit avec mollesse. Le 26 octobre, elle subit une défaite sérieuse à Entrammes[76] qui ouvre à l’Armée catholique et royale toutes les possi­bilités de manœuvre, mais le commandement vendéen ne va pas savoir en profiter : la majorité du Conseil décide de marcher vers la Nor­mandie pour joindre les fédéralistes du Calvados et les Anglais. C’est le véritable début de la Virée de Galerne avec une armée républicaine, maintenant commandée par Rossignol, aux trousses de l’armée vendéenne.

Les 14 et 15 novembre, c’est le siège de Granville qui se termine par un échec faute de moyens du Génie. L’Armée catholique et royale y perd son artillerie et surtout le désordre s’installe, les paysans n’ayant plus qu’une seule idée, rentrer chez eux. La pression républicaine les ramène à la réalité et leur redonne un semblant d’ordre. Le 18 novem­bre, à la bataille de Pontorson, La Rochejaquelein bouscule l’avant-garde du général Tribout, non soutenu par Kléber, et ouvre aux Vendéens la route de Dol. Westermann attaque le 21 novembre à Dol et subit un échec. Le lendemain, le 22 novembre, ce sont de nouvelles victoires vendéennes au combat de Baguer-Pican et surtout à la bataille d’Antrain contre Kléber et Rossignol : les républicains perdent 10 000 hommes, mais La Rochejaquelein ne parvient pas à imposer à ses troupes la marche vers Rennes. L’Armée catholique et royale redescend droit sur la Loire pour attaquer Angers les 3 et 4 décembre. Elle ne parvient pas à s’emparer de la ville et se retire vers Le Mans où elle subit une défaite totale les 12 et 13 décembre, avant le désastre final de Savenay le 23 décembre[77]. Au moins 15 000 morts et autant de pri­sonniers, c’est la fin de la Virée de Galerne et de l’Armée catholique et royale. Seuls, quelques petits groupes avec La Rochejaquelein et Stofflet, ont pu franchir la Loire à Ancenis le 16, les chouans de Jean Cottereau étant précédemment rentrés chez eux. Le général Wester­mann peut écrire à la Convention : “Il n’y a plus de Vendée”.

Pendant ce temps, Charette, qui avait refusé de participer à la Virée de Galerne, continue à résister en Basse-Vendée, réoccupant même l’île de Noirmoutier le 12 octobre. Mais il est dorénavant accablé sous le nombre. En novembre et décembre, les républicains prennent le contrôle du Marais et du littoral. Noirmoutier est reprise le 3 janvier 1794[78]. Charette, encerclé dans l’île de Bouin, échappe à ses poursui­vants[79] et se réfugie en forêt de Gralas, il ne lui reste que 200 ou 300 partisans. Malgré cela, il persiste à ne pas s’entendre avec La Rochejaquelein. Celui-ci est tué le 28 janvier 1794 près de Cholet : “La Rochejaquelein n’avait que 21 ans, qui sait ce qu’il fût devenu ?”[80]. C’est la fin de la première Vendée.

deuxième Vendée

De même que la chouannerie est une Vendée avortée, la Vendée vaincue devient chouannerie”[81]. Cette formule percutante n’est que partiellement exacte. Certes, il n’y aura plus de grandes batailles, mais Charette ou Stofflet ne vont quand même pas en être réduits aux actions de détail de Jean Chouan ou de Cottereau, ils vont continuer à com­mander à des forces de plusieurs centaines d’hommes, parfois plusieurs milliers, qui vont accrocher sévèrement les troupes républi­caines. Ce n’est plus la grande guerre de 1793, ce n’est pas non plus une microguérilla, comme l’est la chouannerie. D’ailleurs, loin de diminuer comme on devrait s’y attendre, les effectifs républicains continuent à croître, pour culminer, à l’été 1794, à 137 bataillons, un tiers de plus qu’à la fin de la Virée de Galerne.

Normalement, une telle prolongation de l’insurrection n’aurait pas dû se produire. Après l’écrasement de l’Armée catholique et royale, les Vendéens n’aspirent plus au repos, ils sont prêts à se soumettre. La politique terroriste de la Convention va relancer une guerre sur le point de s’achever. Le général Kléber propose un plan de pacification fondé sur la création de points d’appui à partir desquels opéreront des colonnes mobiles. Mais la Convention, fidèle à son objectif d’extermi­nation de la Vendée, lui préfère le plan du général Turreau,² qui prévoit la répression la plus sauvage. L’idée est de venir à bout des “brigands” par la destruction de leur environnement. Tout doit être livré aux flammes, la population massacrée ou déportée. Le 20 janvier 1794, les Colonnes infernales entrent en action, pillant et tuant[82]. Les paysans n’ont d’autre solution que de reprendre les armes pour une résistance désespérée. “Les ordres du comité de salut public, si fidèlement exécuté par ses généraux, au lieu d’anéantir la Vendée, armèrent de nouveaux bras”[83].

Si la première incursion des colonnes a effectivement été une “promenade”, comme l’annonçait plaisamment Turreau, la deuxième suscite une forte réaction vendéenne. Les paysans connaissent mieux le terrain, leur mobilité est supérieure, alors que l’armée républicaine, comme toute armée s’abandonnant au pillage et aux dévastations, perd rapidement de sa valeur militaire. Elle est, en outre, affaiblie par les prélèvements destinés aux armées du Rhin et des Pyrénées et par la maladie. Les colonnes sont constamment attaquées et vont subir les effets d’une stratégie d’usure : la colonne de Crouzat est étrillée par Stofflet à Gesté le 1er février, en trois engagements successifs ; la colonne de Grignon et de Lachenay est battue par Charette à Chauché le 2 février ; le général Moulin est battu et tué à Cholet le 8 février, mais l’arrivée de la colonne Cordellier oblige Stofflet à évacuer aussitôt la ville ; la colonne de Cordellier est mise en déroute par Charette et Guérin, dit “la terreur des bleus”, à La Vivantière le 28 février : il n’y a pas de combat sérieux, la colonne de gauche, commandée par Crouzat, étant emportée par la panique de la colonne de droite, commandée par Martincourt, qui avait commencé le massacre des Lucs[84], mais s’était débandée dès le premier contact avec les combattants vendéens ; la colonne de Lusignan est battue par Stofflet près de Vézins le 4 mars[85] ; le même Stofflet bat la colonne de Grignon à la Butte des Oulleries le 18 mars, mais Grignon parvient à investir son camp une semaine plus tard, dans la forêt de Vézins, en massacrant tous les occupants (3 000 dit-on ; on parlera du “champ des Martyrs”), suscitant un retour furieux de Stofflet contre le camp de Grignon : la deuxième bataille de la Butte des Oulleries, le 27 mars, est l’une des plus sauvages de toutes, elle se termine par la déroute complète de Grignon ; le général Haxo (qui ne commande pas une colonne infernale) est tué en poursuivant Charette le 20 mars ; la colonne de Dusirat est étrillée par d’Elbée à Saint-Pierre, près de Chemillé, le 7 avril, puis par Stofflet aux Aubiers le 5 mai ; le général Amey est lourdement battu par Marigny à Clisson, le 18 avril. Ce ne sont que quelques-uns des accrochages qui se produisent continuellement et qui, même s’ils ne tournent pas tous à l’avantage des Vendéens, entraînent une usure extrême de l’armée de Turreau, de plus en plus de soldats s’enfuyant sans combattre.

Turreau a beau envoyer des messages rassurants, sinon triompha­listes, revendiquant “non pas des victoires éclatantes mais des succès réels et quelques échecs”, la Convention est bien obligée de constater que l’anéantissement des brigands, qu’on lui promettait rapide, n’est toujours pas réalisé. Dès le 13 février, le ministre de la Guerre lui exprime son mécontentement devant ses médiocres résultats : Le Comité de salut public “voit avec peine le système de dissémination des forces qui est le même qui nous a été si préjudiciable. Et il y a le défaut de vigilance dans le service, et de punition des chefs de poste qui se laissaient surprendre ou qui ne résistent pas… Quoique tu n’aies pas mandé la guerre de Vendée radicalement éteinte, cependant tu n’avais pas dépeint les choses au point de nous présenter des corps nombreux se promenant avec hardiesse”[86]. À plusieurs reprises, la Convention somme Turreau de finir cette guerre “impie” fixant même un délai de quinze jours, sans résultat évidemment. Le 17 mai, avant la fin de la Terreur (Robespierre tombe le 9 thermidor, c’est-à-dire le 27 juillet), il est relevé de son commandement. Il est remplacé par Vimeux, ancien de Mayence, puis en août par Dumas, qui reprennent le plan de Kléber avec des camps permanents d’où rayonnent des colonnes mobiles qui n’ont plus comme mission de pratiquer la terre brulée, mais de chasser les bandes vendéennes. Celles-ci subissent un échec au combat de Challans qui aggravent les dissensions en leur sein, avec la condamna­tion et l’exécution de Joly. Ce sont 9 puis 11 et finalement 14 camps retranchés qui encerclent Charette et Stofflet.

Mais les forces républicaines sont épuisées : prié de fournir 14 000 hommes pour une offensive générale, Dumas ne peut en offrir que 2 à 3 000[87]. Les réduits royalistes restent solides et bénéficient d’un bon ravitaillement. Charette va opérer un retour offensif foudroyant en septembre, s’emparant successivement des camps de La Roulière le 8[88], de Freligné le 15[89], de Moutiers-les-Mauxfaits le 24. Le général Dumas, démissionnaire[90], est remplacé par le général Canclaux. Bon connaisseur de la région, celui-ci recommande des négociations. Celles-ci sont désormais possibles depuis la fin de la Terreur et la disparition de la crainte d’une invasion (la victoire de Fleurus, le 26 juin, a redonné l’initiative aux armées françaises face aux alliés).

Le 2 décembre 1794, la Convention décrète une amnistie générale pour les Vendéens et entame des négociations avec les chefs royalistes. Le 17 février 1795, Charette et Sapinaud de La Rairie signent le traité de La Jaunaye. Les Vendéens obtiennent la liberté de culte de l’exemption d’impôts et de conscription pour dix ans, ils conservent une force armée soldée par la République, leurs dettes sont payées. Stofflet refuse le traité mais, battu à Chalonnes-sur-Loire le 18 mars, à Saint-Florent-le-Vieil le 22 mars, à Chanzeaux le 10 avril, il doit signer la paix de Saint-Florent le 2 mai, tandis que la plupart des chefs de la chouannerie bretonne signent la paix de La Mabilais le 20 avril. Les provinces de l’Ouest semblent pacifiées.

En fait, ce ne sont que de simples suspensions d’armes. La Répu­blique en profite pour réorganiser et renforcer son dispositif militaire. Le “traité” de La Jaunaye contient, par ailleurs, nombre d’ambiguïtés qui le rendent peu viable[91]. Ce n’est donc pas une véritable surprise si, le 25 juin 1795, Charette reprend les armes, au moment où la Royal Navy débarque 3 000 émigrés à Quiberon, où ils vont être rejoints par plusieurs milliers de chouans. Mais la masse des paysans, satisfaite de la fin des colonnes infernales et de la persécution religieuse, suit mal. Le 31 août, le Comité de salut public nomme le général Hoche commandant en chef de l’Armée de l’Ouest, en remplacement de Canclaux malade, après le refus de trois généraux, dont Bonaparte. Il commandait l’Armée des Côtes de Brest depuis le 1er mai et va y ajouter l’Armée des Côtes de Cherbourg dès le 17 septembre, les trois armées étant fusionnées le 26 décembre pour former l’Armée des Côtes de l’Océan. L’unité de commandement est réalisée à son profit. Il va bénéficier d’une complète liberté de manœuvre, sans ingérence des représentants sur place, et de l’appui des autorités parisiennes qui vont lui permettre de mettre en œuvre une politique de pacification comportant un volet politique et un volet militaire.

Sur le plan politique, il confirme le maintien de la liberté reli­gieuse, et traite avec beaucoup d’égards le clergé. Le retour de la disci­pline met fin au pillage et aux violences. La population est désarmée par un procédé simple et efficace : les récoltes et le bétail sont pris en otages et rendu aux propriétaires en échange de leurs armes. Sur un plan militaire, après avoir liquidé le réduit de Quiberon, qui capitule le 21 juillet, il reprend et intensifie le système des colonnes mobiles qui vont traquer Charette sans relâche.

Après avoir repris les armes, Charette se dirige vers le littoral, poursuivi par les colonnes de Hoche. Des navires britanniques lui apportent des armes et des munitions les 10 et 11 août à Saint-Gilles-sur-Vie, mais il subit un échec à Saint-Cyr-en-Talmondais le 25 sep­tembre et il enregistre sa grande déconvenue sur la plage de Saint-Jean-de-Monts le 16 octobre, puisque le comte d’Artois, installé à l’île d’Yeu depuis le 2 octobre, a finalement renoncé à débarquer. Ainsi que Charette l’a immédiatement compris, cette dérobade du prince entraîne la dislocation du gros de son armée, les paysans choisissant de rentrer chez eux. Ne reste avec lui que le noyau de ses fidèles. Il va être successivement approché aux combats de Savigny le 17 novembre, de Chatenay le 28 novembre, de La Thibaudière le 2 décembre et de L’Oie le 6 décembre, pendant que Sapinaud est battu à Clisson le 25 novem­bre. Charette est de nouveau accroché à La Bruffière le 2 janvier 1796, à La Créancière le 15 janvier et à La Bignonnière le 16 janvier. Il livre ses derniers combats à La Bignonnière le 21 février et à La Chauvière le 28 février. Il n’est plus qu’un homme traqué avec une poignée de partisans, poursuivi sans relâche par des colonnes qui quadrillent le pays. Capturé à La Chabotterie le 23 mars, il est fusillé à Nantes le 29.

De son côté, en Anjou, Stofflet a repris les armes le 26 janvier 1796, mais il n’a réussi à entraîner que 400 hommes. Son attaque contre Chemillé échoue. Capturé le 24 février, il est fusillé le lendemain. Son successeur Forestier est obligé de fuir en Espagne, l’armée d’Anjou est détruite. En juillet 1796, l’état de siège est levé dans les départements de l’Ouest. C’est la fin de la deuxième Vendée.

interprétation stratégique et tactique

Les guerres de Vendée apparaissent aujourd’hui comme le labo­ratoire des guerres insurrectionnelles contemporaines. On l’a dit, leur étude proprement stratégique reste largement à faire. On peut, au moins, suggérer quelques pistes.

Grande guerre ou guerre irrégulière ? La loi de Callwell

La guerre de Vendée pourrait être une bonne illustration de la loi de Callwell, qui affirme la supériorité stratégique et l’infériorité tactique des irréguliers[92]. Supériorité stratégique parce qu’ils sont plus mobiles qu’une armée régulière encombrée de matériel et de bagages, dépendantes de ses lignes de ravitaillement. Infériorité tactique face à la même armée régulière capable d’exécuter des manœuvres savantes et de garder sa cohésion sous le feu et au plus fort de la bataille, grâce aux automatismes acquis par l’entraînement et la discipline. La pensée stratégique contemporaine a quelque peu modifié cette loi en parlant de supériorité opérative, c’est-à-dire purement militaire à l’échelle du théâtre d’opérations, plutôt que stratégique, à l’échelle de la conduite d’ensemble de la guerre : en effet, le manque de coordination au sommet interdit aux irréguliers toute planification stratégique et toute exploitation de leur succès tactique. Cette infériorité stratégique ne disparaîtra qu’au milieu du xxe siècle, avec le passage de la guérilla à la guerre révolutionnaire encadré, par un parti politique.

En règle générale, il est très difficile de passer d’un genre de guerre à l’autre, de la guerre réglée à la guerre irrégulière. La différence dans les procédés tactiques révèlent d’abord un abime culturel. Alain Gérard insiste, avec raison, sur le fossé entre les officiers vendéens et leurs hommes. Un ancien officier de l’armée royale ayant rejoint les Chouans le dit très clairement : “Il nous fallut prendre ce genre de guerre et oublier la tactique des troupes régulières”[93]. Cela vaut aussi, dans une large mesure, pour la Vendée.

C’est le génie particulier de Charette de réussir cette mutation et donc de permettre la prolongation du combat de la Vendée[94]. Officier de marine, il n’a pas les préjugés, on pourrait presque dire les inhi­bitions des officiers de l’armée. Incapable de s’adapter à la grande guerre, de s’intégrer dans un dispositif d’ensemble, il comprend, sinon d’emblée[95], du moins très rapidement, la nature de la guérilla, avec un vrai sens tactique et même stratégique. C’est pour cela que sa résis­tance se prolongera si longtemps, obtenant un retentissement dans toute l’Europe : il recevra même une lettre du généralissime russe Souvoroff, qui lui parviendra, mais à laquelle il ne pourra répondre. 

Ce décalage énoncé par la loi de Callwell n’est cependant pas automatique. Les armées vendéennes ont souvent été battues en rase campagne, mais elles ont quand même enregistré des victoires d’une réelle ampleur, à Torfou, à Entrammes, à Pontorson, à Antrain. La solidarité sans faille des groupes élémentaires[96] (ici, les compagnies de paroisses), le courage des chefs et des combattants, l’adaptation au terrain, le coup d’œil[97], suppléent au manque de discipline militaire. Par ailleurs, les paysans vendéens avaient souvent l’expérience de la milice, étaient encadrés par d’anciens officiers de l’armée royale, on l’a dit, et l’Armée catholique et royale était loin d’être aussi désorganisée qu’on l’a prétendu, le ravitaillement était facilement assuré, il y avait une imprimerie[98], une caisse (le trésorier est parti avec, durant la Virée de Galerne) et même un embryon de service de santé[99]. Leurs plus farouches ennemis reconnaissent cette efficacité des Vendéens au combat, ainsi les représentants Richard et Choudieu :

Leur manière de combattre ne ressemblait en rien à notre tactique militaire : elle déconcertait tous les calculs. Elle était adaptée à leurs habitudes et au pays qu’ils défen­daient. Toujours tapis dans les genêts, dans les fossés et dans les haies ils se présentaient au moment où on les croyait éloignés. Dans le combat, ils s’avançaient en grosse masse, et bientôt se déployant à droite et à gauche, ils se précipitaient sans ordre et avec fureur sur nos bataillons et nos batteries. Pour résister à ce choc impé­tueux, il aurait fallu des troupes aguerries ou des hommes dévoués à la défense de la liberté[100].

En sens inverse, l’infériorité opérative des armées régulières s’amenuise au fur et à mesure que la guerre se prolonge : Kléber et Hoche réussissent cette adaptation opérative face à des combattants irréguliers. Processus tout à fait classique, dont on verra la répétition dans maints conflits asymétriques jusqu’à la guerre d’Algérie, avec l’initiative obtenue par les armées françaises dans le cadre du plan Challe.

Les Vendéens disposent d’un avantage militaire décisif grâce à leur position centrale. Combinée à leur mobilité supérieure, celle-ci leur permet de se porter rapidement, en nombre, face à des armées républicaines dont la dispersion est aggravée par l’incompétence du commandement. Leurs adversaires en prennent vite conscience, comme en atteste le rapport de Richard et Choudieu : “Les rebelles, placés au centre du cercle que formaient nos forces, se portaient avec rapidité sur les points qui leur convenaient et nos corps étaient toujours trop faibles pour résister séparément et trop éloignés pour se prêter un mutuel secours”[101]. Cela ne veut pas dire qu’ils s’efforcent d’y porter remède.

Le plan arrêté de Saumur le 2 septembre 1793 en est l’exemple le plus flagrant, sévèrement critiqué par Napoléon : “Il était difficile de rien concevoir de plus absurde : les divisions, opérant ainsi isolément, marchaient à des revers certains”[102]. Les armées républicaines sont également confrontées au problème classique des récriminations des autorités locales qui ne veulent pas laisser partir “leur troupe”, empê­chant ainsi la constitution d’une marche de manœuvre.

Sur un plan militaire, la contre-guérilla requiert une adaptation à l’ennemi irrégulier. “Il faut opérer en partisan partout où il y a des partisans” dira plus tard Napoléon[103]. La mobilité est une règle d’or qui révèle, en Vendée comme ailleurs, sa supériorité sur les dispositifs tactiques. Les colonnes mobiles faisant la chasse aux bandes d’irrégu­liers sont toujours plus efficaces que les systèmes de cantonnement et de cordon, qui n’arrivent jamais à arrêter des irréguliers connaissant parfaitement le moindre itinéraire. C’est ce que Kléber suggérera, sans l’obtenir, et que Hoche finira par imposer.

Dans ce genre de guerre, le renseignement joue un rôle primor­dial. Les Vendéens communiquent par moulins interposés, la position des ailes correspondant à un message convenu. Mais ils sont aussi capables d’intercepter le courrier des soldats républicains et de l’ex­ploiter[104]. En face, la grande faiblesse des armées républicaines est leur incapacité à connaître l’organisation et les intentions de leurs adver­saires. Malgré la présence de nombreux patriotes dans la quasi-totalité des bourgs de Vendée, elles sont, au départ, très mal renseignées sur les “brigands”. Un premier redressement se produit lors de la Virée de Galerne, lorsque le commandement républicain s’adjoint les services de Savary, originaire de la région et président du tribunal de Cholet, qui va faire fonction de chef d’état-major et éclairer les généraux sur la nature du terrain et de l’adversaire. Hoche sera un maître du renseignement, n’hésitant pas à recourir aux services de toutes les catégories : royalistes retournés, femmes amoureuses, traitres acquis à la concilia­tion. Du renseignement on glisse vite à l’action et même à l’intoxica­tion : le rôle d’Obenheim, transfuge républicain qui conseille au commandement vendéen l’assaut de Granville, reste discuté, mais c’était très certainement un agent républicain qui a délibérément engagé les Vendéens dans cette direction aventureuse (il le savait mieux que personne, puisqu’officier du Génie, c’est lui qui avait mis Granville en état de défense). Des deux côtés, on recourra des agents opérant sur les arrières de l’ennemi avec de faux uniformes : on les appellera les contre-bleus et les faux-chouans, toujours avec l’idée de soulever la population contre les auteurs présumés de ces exactions.

Pour finir, la réponse politique l’emporte sur la réponse militaire. La pacification donne toujours de meilleurs résultats que la répression, cela est vrai en Vendée comme cela le sera encore au xxe et au xxie siècles, en Malaisie, en Irak, en Afghanistan… Là encore, le général Hoche l’a parfaitement compris : “Ne perdons jamais de vue que la politique doit avoir beaucoup de part à cette guerre”[105]. Il plaide pour le respect du clergé : “La pacification du pays tient à ces êtres”[106].

La pacification va s’opérer par étapes : après la fausse pacifica­tion de La Jaunaye, ce sera la “pacification militaire du général Hoche, un désarmement obtenu par un mélange de ruse, de chantage et de bienveillance”[107], en attendant la pacification religieuse réalisée par Bonaparte, et la pacification politique qui n’interviendra que beaucoup plus tard[108].

Le problème du commandement

Le facteur décisif dans la guerre de Vendée réside, comme souvent dans l’histoire de la guerre, dans le commandement. Alain Gérard parle avec raison de “commandement impossible”[109]. Le paysan vendéen attend de son chef qu’il montre l’exemple, qu’il soit le pre­mier au combat… Et c’est ce qu’il fait, avec la plus extrême bravoure, au point de se faire souvent tuer. Le résultat est glorieux pour l’épopée, mais désastreux sur un plan pratique : à la bataille de Cholet, lorsque se déclenche la contre-attaque de la réserve d’Haxo, il n’y a personne pour parer le coup : La Rochejaquelein, Bonchamps, d’Elbée sont occupés à combattre en première ligne. Surtout, la défaillance la plus profonde des Vendéens réside dans les rivalités inexpiables entre leurs chefs qui les ont presque constamment privés du bénéfice de l’un des principes primordiaux à la guerre : l’unité d’action. Napoléon y a insisté à maintes reprises dans son Précis des guerres de Vendée :

Le 10 avril 1793, ces corps divers, sans avoir combiné leurs mouvements, se mirent en campagne. Il ne leur manquait qu’un général en chef, un prince surtout, pour en faire une armée conquérante… Si les chefs royalistes n’avaient pas eu chacun la fièvre du commandement et qu’ils eussent réuni leurs forces, il n’est pas douteux que tout l’ouest de la France se détachait de la République[110].

Dans le marais, “les Vendéens ne surent pas tirer parti des avan­tages qu’ils pouvaient rendre décisifs à cette époque … Si les opéra­tions de la Basse Vendée eussent été, comme cela devait être, combi­nées avec celles de la haute Vendée, la République était infailliblement vaincue”[111]. Fin septembre 1793, face à l’offensive républicaine, Charette reste à l’écart : “Cette conduite était un grand crime dans une pareille circonstance, où il s’agissait du salut de son parti… Les haines personnelles qui existaient entre les chefs des deux Vendées s’étaient réveillées avec plus d’animosité encore depuis le siège de Nantes et la mort de Cathelineau. Charette fut, dans cette circonstance, un mauvais chevalier ; il trahit la cause vendéenne en refusant de marcher”[112]. On trouve une opinion semblable chez la marquise de La Rochejaquelein, rapportant l’altercation entre Charette et Henri de La Rochejaquelein après leur entrevue de Maulévrier, le 22 décembre 1793, avec la réplique du second : “Je suis accoutumé non à suivre, mais à être suivi”[113].

Après la mort de La Rochejaquelein qui avait réussi, malgré tout, à s’imposer à peu près à tous, la mésentente s’aggrave. Charette dans le marais et Stofflet dans le bocage opèrent chacun de leur côté. “Ce qui nuisit toujours au parti royal, ce ne furent pas les chances malheu­reuses de la guerre, qui appartiennent à tout le monde, ce fut la jalousie : elle était extrême entre les armées d’Anjou et du Poitou ; elle fut constante et se signala par les plus grands désastres”[114].

Le Mière de Corvey, qui a servi en Vendée, a relevé, lui aussi, cette absence de commandement suprême : “S’ils avaient un point central pour la division de tel ou tel général qui commandait l’arron­dissement d’un évêché, ils n’en avaient pas pour tout le pays qu’ils occupaient : chaque général commandait à son gré dans l’étendue de son arrondissement et, si l’on se réunissait quelquefois pour une expé­dition, c’était de concert entre les généraux, mais il n’y avait personne parmi eux qui eût le droit d’ordonner un mouvement général”[115].

Cette absence de commandement résulte évidemment de l’indivi­dualisme des chefs vendéens et du caractère “méritocratique” de leur élection. De manière paradoxale, cette armée vendéenne, qui se bât pour la cause de la monarchie, marque aussi la fin de l’Ancien Régime. Cathelineau ne se gêne pas pour le dire aux nobles libérés après la prise de Fontenay : “MM., en vous tirant de prison, en vous associant avec nous, nous n’avons pas eu l’intention de nous donner des maitres. Si notre manière de faire la guerre ne vous convient pas, séparons-nous”[116]. Il est significatif que le premier généralissime élu soit un voiturier et non pas un noble. Stofflet ne se gêne pas pour manifester son mépris des nobles, qui n’épargne même pas La Rochejaquelein : “Votre marquis n’était après tout qu’un jeune imprudent ; ce n’était pas le Pérou”[117]. Napoléon l’a noté : “La révolution avait touché juste en proclamant l’égalité : les armées vendéennes étaient elles-mêmes dominées par ce grand principe qui venait d’envahir la France, et contre lequel elles se battaient chaque jour”[118].

La manifestation la plus spectaculaire et la plus tragique de cette désunion est survenue en avril 1794 après, paradoxalement, le pacte de La Boulaye conclu le 22 avril : Stofflet, Charette, Sapinaud et Marigny décident d’une action commune. Le dernier rejoint l’armée vendéenne à marches forcées, mais, mécontent de l’accueil qui lui est réservé, il refuse tout concours avant le combat de Chaudron, qui s’achève sur un échec vendéen ; le 28 avril, il est condamné à mort par les autres chefs vendéens, sur rapport de Charette, et exécuté le 10 juillet, sur ordre de Stofflet, à l’instigation de ce louche personnage qu’est l’abbé Bernier[119]. Ses hommes rentrent chez eux et la plupart ne participeront plus à la résistance. Charette aurait ensuite préparé l’élimination de Stofflet.

Certes, les disputes entre généraux sont le lot de toutes les armées et les armées régulières sont parfois aussi déchirées qu’ont pu l’être les armées vendéennes. Mais, dans le cas de ces dernières, le problème se trouve singulièrement aggravé par l’absence de direction politique, comme l’a bien noté Napoléon : “Il manqua toujours un prince à la tête de la cause vendéenne. Si j’avais été prince, j’aurais traversé la mer sur un coquille de noix”[120].

En fait, la politique des Bourbons a bien été, comme l’a noté le colonel Madelin[121], de ne pas dépendre d’un parti royaliste, mais de soudoyer le gouvernement en place ou l’armée républicaine, afin d’opérer une restauration sur le modèle de celle réalisée par le général Monck au profit de Charles II en Angleterre en 1660 : cela a échoué avec Hoche en 1795, avec Pichegru et Barras un peu plus tard, avec Bonaparte après Brumaire, pour finalement réussir avec Talleyrand et Fouché en 1814. Hoche a bien vu cet état d’esprit et il n’a pas manqué d’en profiter :

La désunion règne parmi les rebelles, je ferai de mon mieux pour l’entretenir… Ils se battent pour un roi et il n’y a pas de roi. Ils attendent un prince, il ne vient pas. Le prince a peur, il a raison. Pas un de ces chefs ne veut de lui sincèrement et ne pourrait désormais s’accommoder d’un maître. Ces gens-là ont goûté du pouvoir sans con­trôle et ils ne sauraient plus s’en dessaisir.

Société sans État contre État failli

Mais il n’y a pas que le comportement des chefs qui explique la faiblesse structurelle des armées vendéennes. Il faut aussi tenir compte du localisme des paysans, d’un courage exemplaire, auquel Turreau lui-même rend un hommage appuyé, mais, incapables d’opérer loin et longtemps : après la prise de Cholet le 15 mars et de Vihiers le 16 mars 1793, l’armée de Cathelineau se disperse pour aller faire ses Pâques. Après la prise de Saumur, les 9 ou 10 juin 1793, l’armée rentre “changer de linge” : elle qui vient capturer une ville défendue par plus de 15 000 hommes, s’est pour ainsi dire volatilisée : il n’y a plus que 8 hommes présents à l’appel[122]. Les compagnies de paroisse ne peuvent guère être engagées plus de trois jours. Émile Gabory a cette formule très juste : “Le paysan vendéen n’était pas un soldat ; il luttait juste­ment pour ne pas l’être”[123]. Les chefs vendéens ne peuvent compter que sur un noyau stable de quelques milliers d’hommes, 8 à 10 000 peut-être ; l’armée n’est réunie que pour des expéditions de courte durée[124]. Avec de telles troupes, il est impossible de garder les villes, perdues tout de suite après leur conquête, et de mener une offensive stratégique. C’est ce que ne voit pas Napoléon quand il critique l’arrêt des Vendéens après la prise de Fontenay : “Ils perdirent leur temps à cette organisation prématurée au lieu de poursuivre leurs avantages et de surprendre la ville de Niort”[125]. De la même manière, après la prise de Saumur, la route de Paris était ouverte, mais il n’y avait plus d’armée vendéenne pour en profiter.

Un autre indice en ce sens, peu relevé, est la quasi absence, durant la première Vendée, d’actions de petite guerre, c’est-à-dire de harcèlement de l’ennemi sur ses derrières, sur ses lignes de communi­cation et de ravitaillement. Il y avait là, a priori, d’immenses possibi­lités pour les Vendéens, aptes aux déplacements rapides et aux embus­cades. Certains chefs vendéens avaient l’expérience des “guerres indiennes”, durant la guerre d’Indépendance américaine, la plupart des anciens officiers avaient entendu parler des exploits des chasseurs de Grassin ou de La Morlière, à défaut d’avoir lu les traités de La Croix, de Grandmaison, du comte de La Roche[126]… Et, pourtant, l’Armée catholique et royale ne fait aucun effort sérieux en ce sens. Le seul qui semble avoir essayé est Poirier de Beauvais, qui n’est pas officier de carrière mais magistrat (ce qui suggère, au passage, que les écrits sur la petite guerre avaient trouvé un écho jusque dans la société civile). Son but était de “lever une légion afin de faire la petite guerre, inquiéter les armées républicaines sur leurs flancs, prendre ou détruire leurs provi­sions en tous genres, et à l’occasion faire des points dans l’intérieur de la République”[127]. Mais le généralissime d’Elbée tarde à donner son accord. Quand le projet peut enfin être lancé, c’est à la veille de la bataille de Cholet, quand il est déjà trop tard. Faut-il y voir une mani­festation supplémentaire de cette méfiance des officiers de ligne envers la petite guerre, dont on a tant de preuves par ailleurs ? Peut-être. Mais, surtout, il faut incriminer l’incapacité du paysan vendéen à mener ce genre d’opération, a priori si proche de la guérilla qu’il maîtrise, mais avec une différence décisive : le révolté, l’insurgé, combat sur son terroire, dans un environnement qu’il connaît, il n’en sort qu’en nombre et dans des circonstances exceptionnelles, alors que le partisan va faire des partis de guerre, la petite guerre, loin de ses bases, en territoire ennemi et inconnu. Poirier de Beauvais le sait, qui veut inclure dans sa légion les Suisses, les Allemands et la Compagnie française (composée de déserteurs républicains) avant les gars du pays. C’est d’ailleurs cette exigence qui fera échouer son projet, Donnissan et Lescure refusant de céder ces unités d’élite. On voit, par cet exemple, que petite guerre et guérilla, malgré leur analogie superficielle, relèvent bien de deux genres différents.

Comment, avec une telle infériorité structurelle, expliquer alors les étonnants succès des Vendéens ? Tout simplement parce que le tableau n’est pas très différent dans le camp républicain. C’est une règle générale que la révolution et la guerre civile entraînent une désorgani­sation de l’armée. Le pouvoir révolutionnaire a autant peur de ses propres généraux que de ses ennemis politiques, d’où une instabilité du commandement, avec l’élimination des professionnels suspects et leur remplacement par des nouveaux venus choisis pour leurs sentiments révolutionnaires. D’où la nomination de parfaits incapables comme Huché, Léchelle ou Rossignol. Le représentant Prieur de La Marne est on ne peut plus clair : “Je déclare aux officiers généraux qui m’entou­rent que, quand même Rossignol perdrait encore vingt batailles, quand il éprouverait encore vingt déroutes, il n’en serait pas moins l’enfant chéri de la Révolution et le fils aîné du Comité de salut public”[128]. La loyauté politique prime la compétence militaire. Le rapport de Richard et Choudieu rend bien compte de cet état d’esprit : l’armée républicaine n’est jamais battue, elle est trahie par des généraux acquis à la contre-révolution ou coupables de modérantisme : “Il était évident pour nous que ce général (Biron) trahissait la République : nous le dénonçâmes au comité de salut public, de concert avec Ronsin et les autres agents du conseil exécutif ; il fut rappelé et bientôt après arrêté : il a subi depuis le châtiment dû aux traitres”[129]. Après lui, Westermann subira le même sort, et Beysser, et d’autres…

On ne compte plus les généraux violents ou ivrognes, plus adonnés au pillage et à la dévastation qu’à la tactique[130]. Eux aussi se jalousent entre eux, se rejetant mutuellement la responsabilité des échecs. Kléber parle de “l’ineptie la plus crasse, la négligence la plus impardonnable et la lâcheté peut-être” à propos de Léchelle[131]. Mais il devrait aussi s’en prendre à lui-même, car il a refusé le commandement de l’armée qu’on lui proposait, pour des raisons qui ne sont pas très claires, vraisemblablement la peur des responsabilités, et, durant la Virée de Galerne, son comportement est loin d’avoir été sans reproche : il n’a pas secouru Tribout à Pontorson[132] et il porte au moins une part de responsabilité dans la défaite d’Entrammes[133]. En contrepartie, c’est son action qui a renversé le cours des choses à Cholet, bataille décisive entre toutes.

À l’incompétence des généraux il faut ajouter les ingérences continuelles des représentants en mission qui interviennent dans la conduite des opérations et brident l’action du commandement. C’est à eux que l’on doit, au moins pour partie, la défaite initiale du général Marcé ou le plan défectueux arrêté à Saumur le 2 septembre 1793. Il faut dire qu’ils sont aiguillonnés par la Convention, toujours prête à les soupçonner de ne pas montrer “assez d’énergie, toujours tremblant sur les mesures, douteux sur les succès et ne harcelant pas assez les chefs militaires”[134].

À l’incapacité du commandement correspond logiquement la démoralisation et le sous-équipement de l’armée. Porté à minimiser, autant (et même plus) que faire se peut, l’ampleur des oppositions à la levée en masse, Jean-Paul Bertaud reconnaît, au moins, que “les armes manquaient”[135]. C’est peu dire. “Les levées d’août 1793 sont, au moins jusqu’en octobre ou novembre 1793, armées de piques”[136]. On trans­forme un pis-aller issu de la pénurie en symbole de la Révolution (la Sainte-Pique). Hormis les Mayençais et les 10 000 hommes de Duques­noy envoyés en novembre 1793, les troupes expédiées dans l’Ouest ne sont ni entraînées, ni convenablement équipées. Les formations sont hétéroclites, les volontaires indisciplinés, les désertions fréquentes. Le ravitaillement ne suit pas : en septembre 1794, sur un effectif théorique de 70 000 hommes, l’Armée de l’Ouest n’en a que 30 000 dans un état sanitaire satisfaisant et 15 000 habillés et armés de façon règle­mentaire[137].

La guerre de Vendée constitue, comme l’avait noté le général Roguet dès 1836, le choc de deux impuissances. En utilisant les caté­gories de la science politique contemporaine, on pourrait dire que l’on assiste à l’affrontement entre une société sans État et un État failli. Ce n’est que lorsque celui-ci commencera à se rétablir que l’insurrection vendéenne pourra finalement être réduite. Il faut noter que le Direc­toire, présenté comme un État faible, souvent avec raison, a, en l’occurrence, fait preuve de continuité et de fermeté en soutenant l’action de Hoche sans faiblesse.

après la Vendée, la chouannerie

Après la mort de Stofflet et de Charette, il ne subsiste plus que des bandes résiduelles : Charles d’Autichamp en Anjou et Haut-Poitou, Joseph-Armand de Vasselot dans le bocage, Constant de Suzannet dans le marais. Elles vont maintenir une guérilla d’envergure limitée, mais tenace, impossible à réduire facilement en l’absence de tout contrôle centralisé, que l’on va confondre avec la chouannerie[138].

La chouannerie “n’est qu’une esquisse de guérilla sans bases idéologiques clairement définies, presque sans concept tactique et, à plus forte raison, sans ambition stratégique. Tout au plus peut-on porter à son actif un sens inné de la petite tactique”[139]. C’est un combat spon­tané de petites bandes, 150 hommes au plus, sur un espace restreint (avec toutefois des raids loin de ses bases). L’effectif de la “petite Vendée”, qui rejoint l’Armée catholique et royale durant la Virée de Galerne, en 1793, n’est que de 3 à 4 000 combattants[140]. La contrepar­tie est une grande extension spatiale, puisque pratiquement tout l’Ouest va être touché, du Finistère à la Sarthe, de la Normandie au Poitou. Ainsi qu’une persistance remarquable, puisque le phénomène s’amorce dès 1793 et s’éteint, pour l’essentiel, en 1800, ne subsistant qu’à l’état résiduel à partir du Consulat, plus proche du brigandage que du soulèvement politique.

Très logiquement, cette extension et cette durée engendrent une grande diversité de formes. Même dans un espace assez restreint comme l’ouest de la Bretagne, “on peut différencier une Chouannerie puissante, populaire, bien organisée autour de Vannes, d’Auray et de Locminé (Bignan), d’une sorte de brigandage plutôt mal accepté, redouté des paysans, dans le reste du Morbihan et le sud des Côtes-du-Nord, avec toutes les nuances possibles entre ces deux aspects”[141]. Dans le temps, Bernard Peschot distingue cinq formes successives de chouannerie :

  • la première, de février 1794 au printemps de 1795, “essen­tiellement spontanée et populaire” ;
  • la deuxième, de 1795 à 1796, marquée par l’activisme des émigrés à la suite de l’échec de Quiberon, qui essaient de discipliner le mouvement ;
  • la troisième, de 1797 à 1799, qui “voit la chouannerie en partie récupérée et manipulée par les nobles avec l’aide du clergé” ;
  • la quatrième, après 1800, faite de brigandage ;
  • enfin, la cinquième, avec les soulèvements de 1815 et de 1832 qui entraînent des relances temporaires et localisées du mouvement[142].

Une mutation s’opère donc après la mort de Cottereau, avec la reprise en main par un encadrement nobiliaire. Les grades sont désor­mais conférés, en fait ratifiés le plus souvent, par les Princes qui vont planifier une troisième Vendée. Mais les Armées catholiques et royales reconnues par le comte d’Artois à Édimbourg en août 1799, lorsque les émigrés préparent ce qui va devenir la troisième Vendée, n’existent, souvent, que sur le papier :

  • l’Armée catholique et royale de Bretagne et des provinces adjacentes du comte de Puisaye, soi-disant de 80 000 hommes, n’a jamais dépassé 20 000 hommes, au moment de Quiberon. Dispersée ensuite, elle ne survit qu’à peine, sous le commandement nominal du comte de Chalus, nommé par le comte d’Artois en juin 1797 ; il émigre, avec Puisaye, l’année suivante, conscient de l’impossibilité de poursuivre la lutte. En 1799, la Bretagne ne se soulèvera guère, à cause des mésententes entre chefs et des intrigues de l’abbé Bernier.
  • l’Armée catholique et royale du Bas-Anjou et de la Haute-Bretagne, sous le comte de Châtillon.
  • l’Armée catholique et royale du Maine, de la Touraine, du Blaisois, du Vendômois, du Perche et du pays Chartrain, préparée de 1795 à 1798 par Guyon de Rochecotte, com­mandée par le comte de Bourmont.
  • l’Armée catholique et royale de Basse-Normandie, préparée par Louis de Frotté depuis 1796, avec 9 divisions.
  • l’Armée catholique et royale de Haute-Normandie, sous le commandement du général Mallet.

La troisième Vendée est planifiée, à la différence des deux premières. Elle ne sera pas limitée à l’Ouest, mais doit mettre en action des mouvements dispersés sur tout le territoire, notamment dans le Midi. Mais les temps ont changé et les royalistes ne s’en sont pas vraiment aperçus : la masse paysanne ne suit plus et l’anarchie révo­lutionnaire, puis directoriale va bientôt céder la place à la poigne méthodique et implacable du Premier Consul. Pour tout aggraver, les royalistes du Midi déclenchent leur action prématurément à l’été et le manque de coordination leur est fatal devant Toulouse, au point que le général Rougé, dans la nuit du 5 au 6 août, ayant attendu en vain le signal escompté, renonce à donner l’assaut et se replie, jusqu’à la défaite de son armée à Montréjeau, le 20 août. L’Ouest se soulève à l’automne. C’est la “guerre des chefs-lieux”, qui va enregistrer quel­ques succès, spectaculaires mais éphémères : le comte de Bourmont ouvre ce dernier acte en s’emparant du Mans le 14 octobre, mais il ne peut s’y maintenir que quatre jours[143]. Le comte de Châtillon réussit l’exploit d’investir Nantes dans la nuit du 20 au 21 octobre, mais ce n’est qu’un raid sans suites. Mercier-la-Vendée entre dans Saint-Brieuc le 25 octobre pour en sortir dès le lendemain. Dans le Maine, De Sol enregistre un échec semblable à La Ferté-Bernard. La réaction du Directoire est rapide et l’annonce de la victoire de Zurich, par laquelle Masséna, le 3 octobre, a disloqué la deuxième coalition et écarté la menace de l’invasion, refroidit les ardeurs. La suite ne sera plus qu’une série de petits combats, qui tourneront pratiquement tous au désavan­tage des royalistes : le général Delaage bât d’Autichamp à La Poeze, près de Cholet, le 29 octobre ; le général Dupesse le bouscule à nouveau aux Aubiers le 3 novembre, tandis que le général Travot, le vainqueur de Charette, liquide promptement le soulèvement du Bocage.

En Vendée, les négociations s’ouvrent dès le 10 novembre, pour aboutir à la paix de Montfaucon le 18 janvier 1800. Dans le Maine, Bourmont est battu par Chabot à Meslay le 23 janvier. En Bretagne, Cadoudal fait sa soumission le 12 février ; refusant les offres de Bona­parte, il s’exile en Angleterre. En Normandie, Frotté, battu aux Forges-de-Cossé, dans l’Orne, les 25 et 26 janvier, n’a pas cette chance : Bonaparte le fait exécuter, malgré le sauf-conduit qui lui avait été délivré. En Basse-Normandie, l’armée du général Mallet “n’a manifesté son existence par aucun acte”, sauf sous la Restauration pour réclamer des gratifications et des pensions, dit méchamment Chassin. Au final, plutôt “une de ces bouffées éphémères qui épuisent le malade sans détruire la cause du mal” dira lucidement Louis XVIII[144]. Bonaparte n’en a pas moins pris la menace au sérieux, bien décidé à ne pas laisser pourrir la situation alors que la guerre aux frontières prend une tournure incertaine ; l’état d’urgence est décrété dans dix départements et l’Armée de l’Ouest, aux ordres de Brune, puis de Bernadotte, traque sans relâche les foyers d’insurrection[145]. Dès le printemps 1800, la guérilla est terminée. Les irréductibles se tournent vers le terrorisme, comme Cadoudal, ou vers le complot, comme Forestier[146], dérive logique pour un mouvement définitivement privé de base populaire. Comme le dit Thierry Heckman :

Les agitations qui ont pu donner l’illusion d’une reprise de la guerre de Vendée en 1799, en 1815[147] ou encore en 1832[148] ne lui ressemblèrent en rien. Elles n’en avaient ni l’engagement massif, ni l’origine spontanée, ni l’inspira­tion populaire, et elles ont substitué, à la défense prin­cipale de la religion, la cause d’une dynastie. Leur insuc­cès fut rapide. La guerre a donc bien fini en 1795 (début 1796, au plus tard)[149].



[1]       Carl Schmitt, La Notion de politique. Théorie du partisan, Paris, Calmann-Lévy, 1972, p. 213.

[2]       Carl Schmitt, op. cit., pp. 213-214.

[3]       Carl von Clausewitz, De la Révolution à la Restauration, Paris, Gallimard, 1976, p. 298.

[4]       Moins par machiavélisme du gouvernement de Londres, comme l’ont souvent cru les historiens “blancs”, que par manque d’informations fiables. Les communications avec les insurgés étaient difficiles, les républicains ayant conservé le contrôle du littoral. Cf. Emile Gabory, Napoléon et la Vendée,1912, repris dans Émile Gabory, Les Guerres de Vendée, Paris, Robert Laffont, Bouquins, 1989.

[5]       Jean-Jacques Langendorf, dans La Guerre totale, Pully, Centre d’histoire et de prospective militaires, 2003.

[6]       Cf. Reynald Secher, La Désinformation autour des guerres de Vendée et du génocide vendéen, Anet, Atelier Fol’fer, 2009.

[7]       Cf. Reynald Secher, Le Génocide franco-français. La Vendée-Vengé, Paris, PUF, 1986 ; rééd. Paris, Perrin, 2006.

[8]       Jean-Clément Martin, La Vendée et la France, Paris, Seuil, 1987.

[9]       Jacques Hussenet (dir.), “Détruisez la Vendée !” Regards croisés sur les victimes et destructions de la guerre de Vendée, La Roche-sur-Yon, Éditions du Centre Vendéen de Recherches Historiques, 2007.

[10]     Alain Gérard, La Vendée 1789-1793, Seyssel, Champ Vallon, 1992 et “Par prin­cipe d’humanité…” La terreur et la Vendée, Paris, Fayard, 1999.

[11]     Au motif d’anachronisme, le mot ayant été forgé au cours de la seconde guerre mondiale. Recevoir cet argument reviendrait à nier l’existence de toute stratégie avant l’élaboration du concept par Joly de Maizeroy, Nockern de Schorn et von Bülow à la fin du xviiie siècle. En outre, le mot a été utilisé au moins une fois avant même la Révolution, à propos du “grand déménagement” des Acadiens en 1755. Adrien Carré, “La guerre du génocide. Histoire d’un mot”, Revue du Souvenir vendéen, n° 184, octobre 1993, p. 8.

[12]     Gracchus Babeuf, La Guerre de Vendée et le système de dépopulation, présenté et annoté par Reynald Secher et Jean-Joël Brégeon, Paris, Tallandier, 1987, rééd., Paris, Le Cerf, 2008.

[13]     Bernard Peschot, La Chouannerie en Anjou, Montpellier, Université Paul-Valéry, 1999.

[14]     Revue historiographique dans Claude Petitfrère, “Les causes de la Vendée et de la Chouannerie. Essai d’historiographie”, Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 1977–1.

[15]     Lieutenant-général de La Boéssière, Considérations militaires et politiques sur les guerres de l’Ouest pendant la Révolution française, Paris, 1827.

[16]     Comte de Roguet, Essai théorique sur les guerres d’insurrection, Paris, 1836.

[17]     Le Mière de Corvey, Des partisans et des corps irréguliers, Paris, 1823.

[18]     Infra, Jean-Jacques Langendorf, “Clausewitz et la Vendée”. Le fragment de Clausewitz sur la Vendée a été récemment traduit dans Sur la guerre et la conduite de la guerre. Œuvres posthumes du général Carl von Clausewitz, tome IX-tome X, trad. G. Reber, Paris, La Maison du dictionnaire, 2008.

[19]     Infra, Bruno Colson, “Jomini analyste des guerres de Vendée”.

[20]     “Précis des guerres de Vendée”, publié dans Commentaires de Napoléon, tome IV, Paris, Imprimerie impériale, 1855 (cité ci-après Commentaires, IV).

[21]     Lieutenant-colonel Henri de Malleray, “tué à l’ennemi (Verdun 1916)”, Les Cinq Vendées. Précis des opérations militaires sur l’échiquier vendéen de 1793 à 1832, Angers, Siraudeau-Paris, Plon-Nourrit, 1924. L’avant-propos est daté de juillet 1914.  

[22]     C’est le sens du livre du colonel Montagnon, Une guerre subversive. La guerre de Vendée, Paris, La Colombe, 1959.

[23]     Infra, Pierre Gréau, “Organisation de l’Armée catholique et royale outre-Loire”.

[24]     Sandrine Picaud-Monnerat, La Petite guerre au xviiie siècle, Paris ISC-Economica, 2010.

[25]     Panorama des formes historiques de la guerre irrégulière dans Hervé Coutau-Bégarie, “Stratégies irrégulières : De quoi parle-t-on ?”, dans Hervé Coutau-Bégarie (dir.), Stratégies irrégulières, Paris, ISC-Economica, 2010.

[26]     Infra, Bernard Peschot, “La question des niveaux de guerre dans les pacifications de l’Ouest”.

[27]     Roger Dupuy, De la Révolution à la chouannerie. Paysans en Bretagne 1788-1794, Paris, Flammarion, 1988, p. 291.

[28]     Présentation de quelques-uns de ces soulèvements dans François Lebrun et Roger Dupuy (dir.), Les Résistances à la Révolution, Paris, Imago, 1987.

[29]     La révolte éclate le 18 août, à l’instigation d’un moine capucin, le père Styger ; les Français attaquent le 2 septembre, les Nidwaldois sont écrasés le 9.

[30]     On notera cependant qu’après les échecs successifs du maréchal Lefebvre, c’est une armée franco-bavaroise de près de 40 000 hommes, aux ordres du prince Eugène de Beauharnais, qui a été envoyée pour venir à bout d’insurgés deux fois moins nombreux.

[31]     Jean-Jacques Langendorf, “Landwehr et Landsturm. Une armée de l’ombre et une armée à l’ombre de l’armée”, dans Hervé Coutau-Bégarie (dir.), Stratégies irrégulières, op. cit.

[32]     Paul Bury, “Une guerre irrégulière, civile et religieuse au sein de la grande guerre : l’exemple de la guerre des Camisards”, dans Hervé Coutau-Bégarie (dir.), Stratégies irrégulières, op. cit., pp. 235-251.

[33]     Général Jean Delmas, “Légende et réalité : la Vendée a t-elle représenté un danger militaire pour la Convention ?”, dans La Vendée dans l’histoire, Paris, Perrin, 1994, p. 115.

[34]     Roger Dupuy, op. cit., p. 332.

[35]     René Bittard des Portes, Contre la Terreur. L’insurrection de Lyon en 1793, Paris, Émile Paul, 1906.

[36]     Cf. par exemple, Georges Yver, “La petite Vendée du Sancerrois”, Revue d’histoire moderne et contemporaine, III, 1901-1902 et Gérard Saclier de La Batie, Vendée sancerroise 1796, Bourges, Société de Presse Berrichonne, 1971.

[37]     Louis-Marie Turreau, Mémoires pour servir à l’histoire de la guerre de Vendée, réédités dans Turreau en Vendée, Mémoires et Correspondance présentés et commentés par Michel Chatry, Cholet, Les éditions du Choletais, 1992.

[38]     Kléber, Mémoires politiques et militaires, Paris, Tallandier, 1989, pp. 52-56.

[39]     Mémoires inédits de Bertrand Poirier de Beauvais, commandant général de l’artillerie des armées de la Vendée, rééd. s.l. [Cholet], Les éditions du bocage-Pays et Terroirs, 1994, pp. 4-9.

[40]     Infra, Philippe Boulanger, “Géographie militaire de la Vendée”.

[41]     Infra, Dominique Gautron, “L’état des routes de Vendée en 1793”.

[42]     “Il ne semble pas que le relief escarpé et cloisonné ait joué un rôle majeur dans le succès de la guérilla, y compris dans la zone où elle connut sans doute son déve­loppement optimal, le nord de la Navarre”. Jean-Marc Lafon, “Armée déficiente, sentiment national introuvable. Recours et moyens de la résistance espagnole à Napoléon (1808-1814)”, dans Nationalstaat, Nationalismus und Militär, XXXII-Com­mission Internationale d’Histoire Militaire Kongress, Potsdam 2006, Potsdam, Militargeschichtliches Forschungamt, 2007, p. 78.

[43]     Carl von Clausewitz, De la Révolution à la Restauration, Paris, Gallimard, 1976, p. 300.

[44]     Yannis Suire, Le Marais poitevin. Une échohistoire du xvie au début du xxe siècle, La Roche-sur-Yon, Centre vendéen de recherches historiques, 2006, pp. 302-303.

[45]     Jean-Clément Martin, “La Vendée moteur de la Révolution”, dans Frédéric Bluche et Stéphane Rials (dir.), Les Révolutions françaises, Paris, Fayard, 1989, p. 260.

[46]     Adrien Carré, “Nouvelles problématiques, anciens problèmes : originalité des guerres de l’Ouest”, dans Vendée-chouannerie, op. cit., p. 167.

[47]     Marcel Lidove, Les Vendéens de 93, Paris, Seuil, “Le temps qui court”, 1971, p. 31.

[48]     Infra, Bernard Peschot, “Le triomphe de la Vendée militaire”.

[49]     Roger Dupuy, op. cit., p. 283.

[50]     “Dans l’ensemble, la Bretagne s’est dégarnie progressivement de troupes après 1791-1792, ce qui a privé les révolutionnaires d’actifs soutiens et a pu favoriser les progrès de la réaction. Les grands ports de Brest et de Lorient ont gardé des troupes assez nombreuses du fait de leur nouvelle situation stratégique face à l’Angleterre. Mais les explications ne sont pas simples, car au calme du Léon, surveillé par les troupes brestoises, ne correspond pas tellement le calme du Vannetais surveillé par Lorient. D’autre part, la Cornouaille et le Trégor ont connu peu d’agitations malgré la pénurie de troupes”. Alain Pennec, “La chouannerie en Basse-Bretagne”, dans Vendée-Chouannerie, Nantes, Reflets du passé, 1981, p. 103. 

[51]     Cité dans Reynald Secher, La Vendée-Vengé. Le génocide franco-français, Paris, PUF, 1986, p. 136.

[52]     Roger Dupuy, op. cit., p. 282.

[53]     Infra, Claudy Valin, “La bataille inaugurale dite du Pont-Charrault”.

[54]     Le médecin général Carré insiste sur cette tradition militaire des Vendéens et des Bretons, souvent négligée. Adrien Carré, “Des Milices de la Monarchie à l’insurrection de 1793. Bretons et Vendéens et la défense du royaume”, Revue historique des armées, 1977-4.

[55]     Reynald Secher, La Chapelle-Basse-Mer, village vendéen, Paris, Perrin, 1986, p. 120.

[56]     Edmond Lemière, Bibliographie de la Contre-Révolution dans les Provinces de l’Ouest ou des guerres de Vendée et de la chouannerie (1793, 1815, 1832), nouvelle édition par Yves Vachon, Nantes, Librairie nantaise, 1976 à compléter par la superbe bibliographie de Jacques Hussenet dans “Détruisez la Vendée !”, op. cit.

[57]     Pierre Gréau, 26 octobre 1793. La Bataille d’Entrammes, Nantes, Éditions Siloë, 2007.

[58]     Certaines sources retiennent la date du 3 mai.

[59]     Infra, Daniel-Jean Amiglio, “Thouars et les armées vendéennes”.

[60]     Napoléon, Commentaires, IV, p. 90.

[61]     Kléber, Mémoires politiques et militaires, Paris, Tallandier, 1993, p. 51.

[62]     Infra, Anne Briqueler, “La force armée en Vendée, du déclenchement de la Révolution à la proclamation de la République”.

[63]     Napoléon, Commentaires, IV, p. 92.

[64]     Infra, Pierre Gréau, “Les armées républicaines en Vendée en 1793”.

[65]     Jacques Hussenet retient la date du 15 avril.

[66]     Infra, Jérôme Laborieux, “Les Mayençais en Vendée”.

[67]     Infra, Claudy Valin, contribution citée. Pierre Contant a procédé à un autre décompte, qui aboutit à des résultats à peu près comparables : 70 000 hommes en novembre 1793, près de 100 000 en février 1794 qui constitue le maxium. Jacques Hussenet, “Combien de combattants, combien de morts ?”, dans Jacques Hussenet (dir.), “Détruisez la Vendée !”, op. cit., p. 417.

[68]     Charles-Louis Chassin, La Vendée patriote, tome IV, p. 319.

[69]     Procédé recommandé par les stratégistes chinois (Sun Zi) et byzantins (Nicéphore Phokas).

[70]     Dominique Gautron, Luçon 14 août 1793. Une grande bataille méconnue des guerres de Vendée, s.l., chez l’auteur, 1988.

[71]     Pierre Gréau, “Les accrochages sur le Grand Lay dans la nuit du mercredi 24 au jeudi 25 juillet 1793 et la mort de Louis-Célestin Sapinaud de La Verrie”, Revue du Souvenir vendéen, n° 239, juin 2007.

[72]     Infra, Dominique Gautron, “Sainte-Gemme la Plaine, verrou essentiel du dispositif militaire républicain”.

[73]     Infra, André Sarazin, “La bataille du Pont-Barré à Beaulieu-sur-Layon”.

[74]     Docteur Charles Coubard, La Guerre de Vendée. Cholet 1793-1794, Cholet, Les éditions du Choletais, 1992 (rééd.), p. 79.

[75]     François Lebrun, La Virée de Galerne, Nantes, Ouest Éditions et Institut Culturel de Bretagne, 1989, p. 11.

[76]     Pierre Gréau, 26 octobre 1793. La bataille d’Entrammes, op. cit.

[77]     Infra, Simone Loidreau, “Savenay-Honneur et grandeur des vaincus”.

[78]     Paul Roger, “Noirmoutier et la maîtrise des côtes pendant les guerres de Vendée”, n° 240, septembre 2007.

[79]     Infra, Simone Loidreau, “Charette l’insaisissable”.

[80]     Napoléon, Commentaires, IV, p. 139.

[81]     François Lebrun, préface à Jean-Clément Martin, La Vendée et la France, p. 9.

[82]     Simone Loidreau, Les Colonnes infernales en Vendée, Cholet, Éditions du Choletais, 1994, décrit en détail l’action des colonnes.

[83]     Napoléon, Commentaires, IV, p. 141.

[84]     Père Marie-Auguste Huchet, “Le massacre des Lucs (28 février 1794)”, dans Vendée-Chouannerie, Nantes, Reflets du passé, 1981, p. 83. Martincourt sera jugé, pour sa défaite, pas pour le massacre, et sera acquitté.

[85]     La réalité de ce massacre a été mise en doute par Jean-Clément Martin à partir d’arguments pour le moins fragiles. Ceux-ci ont été réfutés, de manière tout à fait convaincante, par Pierre Marambaud. “Il semble tout à fait avéré que, deux jours durant, plus de 500 personnes, des hommes, mais surtout des femmes et des enfants, furent massacrées par les deux colonnes du général Cordellier”. Carrier avait exhorté la colonne Cordellier : “Je vous ordonne de mettre le feu par-tout, et de tout fusiller sans distinction”. Pierre Marambaud, Les Lucs. La Vendée, la terreur et la mémoire, Fromentine, éditions de l’Étrave, 1993, pp. 129-130.

[86]     Cité dans Louis-Marie Clénet, Les Colonnes infernales, Paris, Perrin, 1993, p. 244.

[87]     Roger Dupuy, “L’impossible pacification (décembre 1794-juin 1795)”, dans La Vendée. Après la terreur, la reconstruction, Paris, Perrin, 1997, p. 265.

[88]     Infra, Simone Loidreau, “L’attaque surprise par Charette du camp de La Roullière”.

[89]     Infra, Simone Loidreau, “La prise du camp de Freligné par Charette”.

[90]     Il refuse de cautionner la poursuite des exactions.

[91]     Pierre Marambaud, Le général Hoche, le « pacificateur de la Vendée »”, dans La Vendée. Après la Terreur, la reconstruction, op. cit., pp. 281-283.

[92]     C.E. Callwell, Petites guerres, Paris, ISC-Économica, 1998. L’original anglais est paru en 1896.

[93]     Bernard Peschot, op. cit., p. 79.

[94]     Infra, Jean-Pierre Bois, “Charette et la guerre”.

[95]     Dans les premiers temps du soulèvement, il conçoit encore la tactique comme n’importe quel officier de ligne, allant jusqu’à faire couper les forêts autour de son quartier-général de Legé.

[96]     Dont la sociologie militaire fait, depuis le travail fondateur d’Edward Shils et Morris Janowitz sur la Wehrmacht au combat, le facteur central de cohésion et d’efficacité d’une force combattante.

[97]     Infra, Xavier du Boisrouvray, “Comment combattaient les Vendéens 1793-1796”.

[98]     “L’imprimerie du Conseil supérieur de l’Armée catholique et royale à Châtillon-sur-Sèvres, en 1793”, Bulletin de la Société historique et scientifique des Deux-Sèvres, 1979, n° 2-3.

[99]     Infra, Marie Bréguet, “Le service de santé dans les armées catholiques et royales”. Sur les hôpitaux dans le camp républicain, Pierre Contant, “Dans les hôpitaux de l’armée de l’Ouest”, dans Jacques Hussenet (dir.), “Détruisez la Vendée !”, op. cit.

[100]   Rapport sur la guerre de la Vendée, présenté à la Convention nationale par les citoyens Richard & Choudieu, Représentants du peuple, [Paris], De l’imprimerie nationale, s.d. [novembre ou décembre 1793], p. 19.

[101]   Rapport sur la guerre de la Vendée, op. cit., p. 23.

[102]   Napoléon, Commentaires, IV, p. 118.

[103]   Cité dans Bruno Colson, “Napoléon et la guerre irrégulière”, dans Hervé Coutau-Bégarie (dir.), Stratégies irrégulières, op. cit.

[104]   Ce point est signalé aux républicains par un chef vendéen capturé à Savenay, Joudonnet de Laugrenière. Reynald Secher, Introduction à Gracchus Babeuf, La Guerre de Vendée et le système de dépopulation, op. cit., p. 17.

[105]   Cité dans Pierre Marambaud, art. cit., p. 288.

[106]   Cité dans Pierre Marambaud, art. cit., p. 292.

[107]   Pierre Marambaud, art. cit., p. 298.

[108]   Reynald Secher note que c’est en 1917 que le drapeau tricolore est enfin admis dans l’église de La Chapelle-Basse-Mer.

[109]   Alain Gérard, La Vendée 1789-1793, op. cit., p. 171.

[110]   Napoléon, Commentaires, IV, p. 92.

[111]   Napoléon, Commentaires, IV, p. 97.

[112]   Napoléon, Commentaires, IV, p. 120.

[113]   Thérèse Rouchette, “Charette sous le regard des siens (à travers les mémoires royalistes)”, Études et documents (Nantes), “Charette”, 23, 1996, p. 139.

[114]   Napoléon, Commentaires, IV, p. 113.

[115]   Le Mière de Corvey, Des partisans et des corps irréguliers, op. cit., pp. V-VI.

[116]   A. Rolland-Boulestreau, Cathelineau Généralissime de l’armée vendéenne (1759-1793) en 30 questions, La Crèche, Geste Éditions, 2001, p. 19.

[117]   Charles-Louis Chassin, op. cit., p. 355.

[118]   Napoléon, Commentaires, IV, p. 139.

[119]   Stéphane Hiland, Marigny ou la mémoire assassinée, Cholet, Les éditions du Choletais, 1998. Jacques Hussenet retient, avec hésitation, la date du 19 juillet.

[120]   Napoléon, Commentaires, IV, p. 97.

[121]   Infra, Colonel Madelin, “La pacification de la Vendée par Hoche”.

[122]   Infra, Simone Loidreau, “Saumur 9 juin 1793. La grande occasion manquée”.

[123]   Émile Gabory, Les Guerres de Vendée, Paris, Robert Laffont, “Bouquins”, 1989, p. V.

[124]   On retrouvera ce genre d’organisation dans la guerre civile chinoise durant les années 1930-1940, avec une armée communiste tripartite : des milices paysannes peu armées et limitées à leur terroir, de milices régionales mieux armées, mieux entraînées et semi-permanentes et enfin une armée régulière disposant d’armements lourds et disponible en permanence.

[125]   Napoléon, Commentaires, IV, p. 108.

[126]   Le livre de Sandrine Picaud-Monnerat, déjà cité (note 24), est fondamental.

[127]   Poirier de Beauvais, Mémoires inédits sur la Guerre de Vendée, op. cit., p. 131.

[128]   Cité dans Alain Gérard, La Vendée 1789-1793, op. cit., p. 227.

[129]   Rapport sur la guerre de la Vendée, op. cit., p. 39. Ils y reviennent dans la conclusion de leur rapport, lorsqu’ils prennent la défense de Rossignol : “Au surplus, quand on aurait eu à reprocher à ce brave homme quelques fautes involontaires, ne vaut-il pas mieux cent fois nous exposer à l’inexpérience et aux erreurs des sans-cu­lotte, que de nous livrer aux talents et à la perfidie des hommes de l’ancien régime ?”, p. 77.

[130]   Infra, Adrien Carré, “Les colonnes infernales et leurs généraux”.

[131]   Kléber, Mémoires politiques et militaires, op. cit., p. 51.

[132]   Infra, Paul Liguine, “La bataille de Pontorson”.

[133]   Pierre Gréau, 26 octobre 1793. La Bataille d’Entrammes, op. cit., p. 46.

[134]   Tirade de Barère, le 5 novembre 1793, citée dans Pierre Gréau, 26 octobre 1793. La bataille d’Entrammes, op. cit., p. 68.

[135]   Jean-Paul Bertaud, La Révolution armée. Les soldats citoyens et la Révolution française, Paris, Robert Laffont, 1979, p. 125.

[136]   Renaud Faget, Stratégie, grande tactique, tactique révolutionnaire, mémoire de DEA, Ecole pratique des Hautes Études, Section des sciences historiques et philo­logiques, 1999, p. 8.

[137]    Roger Dupuy, art. cit., p. 265.

[138]   Infra, Simone Loidreau, “Vendéens et Chouans”.

[139]   Bernard Peschot, op. cit., p. 101.

[140]   Pierre Gréau, “Les compagnons de Jean Cottereau, dit Jean Chouan dans la Virée de Galerne”, Revue du Souvenir vendéen, n° 220, septembre 2002.

[141]   Alain Pennec, “La chouannerie en Basse-Bretagne”, dans Vendée-Chouannerie, op. cit., 1981, p. 99.

[142]   Bernard Peschot, op. cit., pp. 27-28, qui s’appuie sur Roger Dupuy, Les Chouans, Paris, Hachette, “Vie quotidienne”, 1997.

[143]   Exemple type des approximations que l’on trouve dans les livres les plus estima­bles : pour certains, la ville est occupée le 14 (à l’aube !), pour d’autres le 15 ; Bourmont s’y serait maintenu, selon les auteurs, deux, trois ou quatre jours.

[144]   Jean-Paul Bertaud, Les Royalistes et Napoléon, Paris, Flammarion, 2009, p. 49.

[145]   Mais la pacification a été réalisée, avant leur arrivée, par le général Hédouville, disciple de Hoche. Bonaparte, qui l’a relevé de son commandement pour manque d’énergie, reconnaîtra finalement la justesse de son action.

[146]   Infra, Frédéric Augris, “1805, l’insurrection qui n’a pas eu lieu”.

[147]   Infra, Jean-Albéric de Bony de Lavergne, “Le soulèvement de la Vendée pendant les Cent-Jours”.

[148]   Infra, Thérèse Rouchette, “Les aspects militaires du soulèvement de 1832”.

[149]   Thierry Heckman, “La paix de la Vendée, une victoire sur le ressentiment”, dans Après la Terreur, la reconstruction, op. cit., p. 440.

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