II – Genèse de l’impact stratégique de la technologie

Pour le politologue comme le stratégiste étudiant la génétique, l’histoire constitue souvent la base de données initiale de son travail : établissant des corrélations, dégageant de fragiles vérités, il ne peuvent que se baser sur les données établies par l’historien, sous peine de perdre toute connection au réel. Cependant, si l’histoire est une sociologie du passé et si la sociologie est l’histoire du présent selon Pierre Salmon[1], force est aussi de constater qu’une telle vision exige une conceptualisation préalable du passé suivant les lignes d’une analyse dépassant une Ecole des Annales qui critiquait déjà ouvertement ce que Braudel, Simiand et Febvre dénommaient « histoire-bataille » car se situant dans l’événementiel.

Donnée centrale dans l’étude génétique, dans la conduite d’une opération[2] comme dans la conceptualisation de l’environnement mondial[3], le temps constitue autant une source de leçons que de contraintes pour le praticien ou le théoricien. Un temps tellement central que les premiers penseurs de la génétique[4] sont des historiens (ou se comportant comme tels) constatant l’impact de la technologie sur la conduite stratégique. Pratiquement, la centralité du temps dans les conceptions stratégiques n’a que rarement été ouvertement admise, les praticiens lui préférant une dimension géographique de l’action stratégique plus immédiatement tangible et ressortant directement de la pratique des opérations[5]. L’émergence d’une information warfare dans les années 1990 met toutefois clairement en avant le facteur temps en tant que concept opérationnel : là où passe le réseau, la vitesse calculée en fonction du temps importe plus que la distance[6]. De même, la loi de Metcalf[7], utilisée comme référent de la puissance virtuelle, ne se réfère à aucun lien géographique. Toutefois, s’il n’a pas été prépondérant dans la pratique stratégique, le temps a toutefois pris sa revanche en s’incarnant dans une méthode historique.

1) Le courant historique de l’impact stratégique de la technologie

La filiation rapidement opérée entre Realpolitik et études stratégiques après la Seconde Guerre mondiale répare la vieille hésitation de Durkheim de donner à la politique comme aux conflits une sociologie qui leurs soient propres[8]. L’hésitation fut suffisamment durable que pour entraver la constitution d’une « science stratégique » qui sortirait des chemins des cours de stratégie assez maigres des écoles militaires[9] et qui serait ainsi à l’origine d’un conception du stratégique sous un angle essentiellement historique. De ce point de vue, les opérationnels ont largement précédé Durkheim. L’exemple napoléonien est récurrent[10], mais Clausewitz donne lui aussi l’histoire en exemple, tout comme Mahan[11], Scharnhorst, Moltke ou Schlieffen[12]. Pour eux, l’histoire est essentiellement utilisée pour dégager des lois avant qu’elle ne le soit pour démontrer la validité de thèses préconstruites, principalement par des auteurs évoluant dans un environnement de haute densité technologique[13]. Pratiquement tous les auteurs considérés aujourd’hui comme les classiques des 17ème et 18ème siècles et ont eu recours à la méthode historique et ce bien qu’ils « ont conçu leur discipline comme un savoir objectif érigé en règle universelle, alors qu’il n’était, le plus souvent, que la traduction d’une expérience historique limitée, localisée »[14].

Parallèlement aux stratèges classiques apparaissent des historiens militaires tentant eux aussi de dégager des lois dans la conduite de la guerre et dont Delbrück est sans doute le plus connu, après Thucydide[15]. Dans son histoire de l’art de la guerre[16], Hans Delbrück utilise la méthode scientifique alliée à une critique historique (la sachtechnik) et en vient à conclure que « la reconnaissance de l’interdépendance entre la tactique, la stratégie, la constitution de l’Etat et la politique éclaire la relation entre l’histoire militaire et l’histoire mondiale et elle a mis en lumière beaucoup de choses qui étaient jusque là restées cachées dans l’ombre ou n’avaient pas été prises en compte »[17]. Bien qu’il ne sera jamais militaire, Delbrück se focalise sur la tactique[18]. L’invention de la modernité a été la redécouverte de Rome, bien que la période moderne voit aussi l’émergence du feu (armes individuelles et artillerie) introduisant le fait technologique dans le raisonnement stratégique. Cependant, le feu et sa technologie restent cantonnés au niveau tactique et ne constituent pas en soi une révolution : ils facilitent seulement les deux types de batailles que Delbrück conçoit[19].

L’histoire militaire en tant que discipline académique s’était à la fois heurtée aux conceptions des stratèges entendant dégager des règles pures et valables en tous temps et à la fois à des historiens « classiques » la considérant comme essentiellement événementielle[20]. A ce titre, Delbrück ouvre la voie à une solution médiane et viable, mais limitant l’approfondissement de la stratégie. Dégageant l’histoire de la simple chronique, il en fait un instrument opérationnel utilisé dans sa critique des opérations allemandes durant la Première Guerre mondiale[21] et qui sera utilisé par des successeurs aussi prestigieux que John Keegan[22] ou Michaël Howard[23].

C’est peut être un signe de la tension existant entre une simple analyse historique et la nécessité de pénétrer plus en avant les fondements des différentes stratégies, mais ces historiens ne se limitent pas à l’histoire et se posent notamment la question de la place de la technologie dans la guerre[24].

2) L’histoire instrumentalisée dans le sens du technologique.

Si l’on peut se poser la question du rôle d’une stratégie totale alors émergente dans l’autonomisation des études stratégiques en tant que (sous-)discipline académique, force est aussi de constater que la « Grande Muette » s’ouvre de ses problèmes au public essentiellement dans l’entre-deux guerres. Peu de civils autres que les politiques[25] se sont auparavant intéressés à la stratégie et les quelques officiers qui s’y essaient opèrent alors dans un cadre méthodologiquement axé sur l’histoire.

Au sein même de la méthode historique appliquée au développement des options technologiques, une exception remarquable aux purs historiens doit être citée : dès le début du siècle, le général Colin avait vu dans la logistique et les transmissions des facteurs décisif dans la conduite des combats futurs[26]. Dans cette optique, il « stratégise » les impacts de la technique sur la guerre. Il demande ainsi une meilleure protection des voies de communication et une gestion efficiente des voies ferrées, mais aussi l’exploitation au service du renseignement des dirigeables et ballons[27]. Dans le même temps, Colin ne se « technocentre » pas dans sa réflexion et fait appel à plusieurs reprises à l’expérience napoléonienne, pour en arriver à des conclusions telles que « les récents progrès industriels et militaires ont favorisé la défensive dans le combat de front ; mais l’offensive a plus de puissance pour imposer la bataille et la rendre décisive à son profit, puisque l’armée assaillante occupe toute la largeur du théâtre d’opérations et balaye tout sur son passage »[28]. Avec Colin, nous sortons d’une théorie de la stratégie qui, bien que construite sur une base historique, en arrive à une vision qui questionne l’avenir avec les instruments du présent et donner lieu à une vision prudente mais éclairée sur les développements techniques ultérieurs[29].

Au sortir de la Première Guerre mondiale et jusqu’à la Seconde, quelques officiers sortent du cadre académique pour utiliser l’histoire en tant que démonstration de leurs thèses – largement techno-centrées – et invitant le politique à la décision sur des thématiques alors d’actualité[30]. Il en sera ainsi de Liddell Hart[31], de Gaulle ou, dans une moindre mesure, Fuller[32] pour ceux qui sont considérés comme ayant le plus marqué leur temps : envisageant les changements intervenus au cours de la Première Guerre mondiale, ils seront de fervents avocats de l’arme blindée. Pour autant, leurs pensées n’ont pas de finalité technologique en soi. Liddell Hart utilise les avancées techniques dans l’optique d’une stratégie indirecte qui invaliderait les conceptions clausewitziennes ; de Gaulle cherche à faire sortir l’armée française de l’impasse défensive dans laquelle Maginot l’a placée et cherche la solution au travers de voies quasi-philosophiques (Le fil de l’épée), organisationnelles (Vers l’armée de métier) ou stratégique (La France et son armée) avant d’en arriver à son fameux mémorandum à Daladier[33]. Le cas de Fuller est plus délicat : en tant qu’ancien commandant des forces blindées britanniques durant la Première Guerre, il est naturellement partisan d’un accroissement des missions de son arme, mais reste néanmoins un historien[34] ayant une tendance marquée à la prospective[35]. Leurs idées seront reprises et écoutées, que ce soit en URSS[36] ou plus largement encore, en Allemagne (Guderian, Rommel)[37] d’où naîtra le modèle du couple char-avion. Si les technologies occupent une bonne place dans leurs études, on ne peut toutefois y trouver les éléments d’une technophilie découplant la technologie des objectifs politiques qu’elle doit servir pour plutôt y voir son optimisation dans les sphères tactiques, opératiques et stratégiques. Toutefois, l’étude des choix technologiques opérés dans l’entre-deux guerres constitue toujours aujourd’hui une des branches majeures du courant se rattachant à la RMA américaine[38]. Cependant, la chrono-primauté vue dans les premières études génétiques ne concerne pas que les historiens et impacte durablement d’autres approches, insistant plus nettement sur les progrès techniques. Une méthode contemporaine de celle de Colin apparaît ainsi avec sir Reginald Custance, qui établit clairement la différenciation entre les méthodes historique et matérielle[39].

3) Genèse de l’approche génétique et pensée navale

Stratège naval, Custance voit en fait son objet d’étude révolutionné en moins de deux siècles par l’apparition successive de trois évolutions techniques majeures : la propulsion autonome (vapeur et hélice, puis charbon et mazout)[40], la nouvelle architecture des navires (par le métal)[41], l’armement (torpilles, mines, réintroduction de l’éperon)[42], mais aussi les communications. Dès ce moment, il existe une course entre les puissances, qui tire parti d’à peu près toutes les innovations technologiques disponibles, au moins aux Etats-Unis[43], mais qui procède aussi d’un phénomène de diffusion. Dès 1878, durant la guerre russo-turque, Makarov et Rodjestvensky tirent parti de leurs torpilleurs pour couler plusieurs bâtiments turcs dans le port de Batoum, préalablement forcé[44]. Les Russes apprendront ensuite contre les Japonais que la technologie possède ses propres limites[45].

Technologie ne signifie pas nécessairement propension au gigantisme. La lutte entre les Jeune et Ancienne écoles françaises de la guerre navale[46] donnera raison dans un premier temps à la seconde[47], avant que l’apparition des aéronavales[48] et la généralisation du sous-marin[49] puis du missile[50] ne changent la donne et permette le « small is beautiful » contre le « big is better »[51]. L’après-Seconde Guerre mondiale consacre ainsi la fin des navires de ligne[52], et l’usage systématique des technologies appliquées à la stratégie navale.

Si la distinction entre les méthodes historique et matérielle se tient dans le cadre naval, c’est en bonne partie du fait de la spécificité du milieu qui entraîne celle des navires, un raisonnement tout aussi applicable aux stratégies aériennes et spatiales[53]. Là plus qu’ailleurs, la centralité du facteur matériel est évidente[54], et ce bien que Luttwak, par exemple, considère qu’il s’agit là de non-stratégies[55].

Dès avant la Grande guerre, Douhet tire les leçons de l’engagement de l’aviation balbutiante pour formuler sa théorie de l’Airpower[56]. Mitchell et Severski[57] le suivront sur ce point. Utilisant la concentration des forces par des attaques aériennes permettant de dépasser les défenses terrestres et aériennes, les bombardiers doivent pouvoir amener à la victoire en anéantissant les cibles militaires mais surtout civiles de l’adversaire[58]. Mais ces grandes lignes de la théorie initiale de l’Airpower cachent selon Coutau-Bégarie un réel manque de conceptualisation tant stratégique qu’historique[59] et feraient de la stratégie aérienne un décalque de la stratégie navale. Pour ce qui nous concerne, la diversification des missions dévolues à la puissance aérienne doit cependant beaucoup à la technologie, au même titre que les grandes controverses doctrinales de ces soixante dernières années[60].

La stratégie aérienne serait plus dépendante de « la définition du matériel (qui) est prépondérante »[61], alors que dans le même temps, la pensée des premiers stratèges aériens est marquée par une idéalisation technique. La friction et l’attrition – généralement envisagées comme les principaux facteurs de réduction de l’efficacité de toute force – sont oubliées chez Douhet, au même titre que les défenses elles aussi techno-centrées qui allaient invalider partiellement les attaques stratégiques. Le radar, la DCA, la détection sonore, les OCA[62] et l’efficience de l’aviation de chasse ont aussi de fortes intensités techniques. Surtout, l’espérance des tenants de l’Airpower de faire céder psychologiquement les populations n’a pas donné les résultats escomptés, que ce soit en Allemagne, en Grande-Bretagne, ou durant les bombardements du Japon[63]. A ce niveau, il est intéressant de noter que dans sa course à la légitimisation et à l’autonomie par rapport aux autres armes, la puissance aérienne a justement investit le champs de la guerre psychologique, toujours par l’intermédiaire technique et surtout aux Etats-Unis[64]. Les réflexions des premiers stratèges de l’air[65] serviront notamment de point d’ancrage aux premières conceptions en matière de stratégie nucléaire[66], mais aussi aux conceptions plus actuelles d’utilisation de la puissance aérienne comme principal expédient de la puissance[67]. Dans un tel contexte, la technologie et les choix qui y sont afférents apparaissent comme centraux et déterminent dans une large mesure le choix conscient ou non de la méthode matérielle, contribuant à une isolation de la technologie hors du champs de la stratégie. Le général Bru apparaît ainsi comme un « technologue » devenu historien lorsqu’il écrit une monumentale Histoire de la guerre et de l’armement en trois volumes[68] ou qu’il se concentre volontairement sur l’histoire des technologies[69].

Dans son épanouissement parallèle à celui de la guerre froide, la stratégie nucléaire a engendré de nombreux débats sur une course aux armements[70] qui a été à l’origine d’une littérature qui, sans se référer aux stratégies génétiques, met clairement en exergue le facteur matériel au niveau stratégique, dans ses versants quantitatifs ou qualitatifs[71]. Elle représente « un accroissement progressif, compétitif et en temps de paix, des armements entre deux Etats ou coalitions du fait d’objectifs opposés ou de craintes mutuelles »[72] qui légitimera plus tard l’arms control ou qui permettra d’isoler une des principales causes du risque de conflagration nucléaire[73]. Si ces travaux ont perdu de leur actualité à la fin de la guerre froide, de nombreux autres traitant de la diffusion des technologies ont suivi : montrant les processus de diffusion des armements classiques ou de destruction massive, ils se rattachent bien souvent à une tradition à la fois critique et idéaliste tout en appliquant à des courses aux armements régionales les mêmes schémas que ceux développés durant la guerre froide[74].

4) Des stratégies génétiques filles de leur temps ?

Dans le même temps, les « généticiens » tendent à se placer sur le versant interne plutôt qu’externe de la dichotomie des causes de la course aux armements[75] et sans pour autant y faire de référence propres. Si les chercheurs travaillant sur la course aux armements trouveront dans les écoles perceptuelles des relations internationales un champs explicatif d’un phénomène de nature politico-stratégique, les généticiens voient dans la dynamique des armements une orientation de nature stratégico-opérative. Les théories de Beaufre[76], Kane, Possony et Pournelle[77] constatent que la conduite d’un éventuel conflit dépends de façon accrue de sa préparation en raison des nouvelles conditions du combat. Si la faible mobilisation de l’industrie et des forces américaines avant 1941 avait été compensée par une impressionnante montée en puissance qui avait su se produire sur les quatre années du conflit par une mobilisation corrélative des populations et des ressources financières, une guerre de large ampleur avec l’URSS ne laisserait pas aux décideurs le temps d’acquérir les moyens adéquats, alors que la dissuasion impose la disposition de ces moyens en temps de paix, une position académique courante à cette époque. De facto, l’analyse des auteurs envisage des conflits de courte durée, pas nécessairement nucléaires – même si ce cadre stratégique s’y prête parfaitement –, voire des confrontations spécifiquement politiques, comme la course à l’espace américano-soviétique[78]. La véritable originalité des théories génétiques se révèle plutôt dans certains passages montrant que pour Possony et Pournelle, la victoire ou la non-guerre potentielle s’obtient par la conduite d’une stratégie technologique suffisamment efficiente et assumée en tant que guerre technologique. En militaire ayant connu des chars allemands techniquement inférieurs à leurs équivalents français, Beaufre n’ira pas aussi loin et limitera son étude à la guerre froide et aux conditions d’adaptation de la stratégie dans ce contexte.

Qu’ils se réclament assez ouvertement d’une stratégie génétique (Beaufre) ou technologique (Possony et Pournelle) dépassant la connaissance de l’histoire ou de la technologie pour conduire une stratégie plus (Beaufre) ou moins (Possony et Pournelle) proche d’une stratégie industrielle relevant pour ce qui concerne les sciences politiques des relations entre l’Etat et les industries de défense. Mais l’approche industrielle reste insuffisante pour expliquer les politiques d’armements[79], particulièrement dans leurs aspects qualitatifs, moins souvent traités que des aspects quantitatifs qui ont bénéficié de l’apport des théories du dilemme de la sécurité, de la course aux armements et du culte de l’offensive. Contrairement à L. Poirier qui les envisagent comme formant un tout unique sans véritablement en chercher les ressorts, les aspects génétiques sont présentés par les « généticiens » comme supérieurs et gouvernant les aspects industriels et logistiques. D’autres, comme Francart ou Géré articulent la stratégie des moyens sur un triptyque « génétique – stratégie industrielle – stratégie logistique »[80], distinguant trois sphères généralement considérées comme fusionnelles. Mais, ce faisant, ils placent ces trois sphères en dehors des traditionnels étages stratégique, opératique et tactique de la représentation de la stratégie[81]. C’est aussi le cas de visions plus académiques démontrant une dynamique propre mais quasi autonomisée de la technologie militaire[82] et son impact sur les politiques étrangères et de défense. Situées à un niveau supérieur aux théories à proprement parler génétiques, ces théories participent de la conceptualisation génétique mais passent toutefois outre les aspects stratégiques d’orientation des bases scientifiques et ne recoupent les premières que partiellement.

Il y a là une externalisation de la direction politique de la technologie militaire minimisant sa relation avec les aspects opérationnels de la stratégie que l’on relève dans de nombreux ouvrages traitant de la structure de la stratégie, mais aussi dans d’autres, qui voient dans la course aux armements la seule résultante de tensions bureaucratiques ou des seules dynamiques de course. Mais là encore, il est difficile de distinguer les ressorts qualitatifs de ces théories.

Dans le même temps, les stratégies génétiques compensent la tendance à l’autonomisation de la technologie en se subordonnant aux concepts de grand strategy[83] ou de stratégie totale ou intégrale[84] entendue comme la corrélation des forces d’un Etat en vue d’un objectif politiquement définis. Ce faisant, une telle vision limite la résistance des quelques stratégistes « purs » qui limitent le champs des études stratégique au combat et à sa périphérie immédiate[85]. Beaufre, et dans une moindre mesure, les auteurs américains, compensent ce manque d’intégration en appliquant à la génétique une rationalité de nature stratégique (accordant les moyens aux buts) prolongée par l’application de principes stratégiques (offensive, économie des forces, surprise, etc.) sur lesquels nous reviendrons dans le cinquième chapitre de ce mémoire. Les visions des quatre auteurs finissent par se rejoindre en ce qu’une telle stratégie constitue la projection dans le réel d’un projet politique et qu’elle passe par une rationalité stratégique. Et si le référent nucléaire était central dans l’émergence des conceptions génétiques, les tendances technologiques lourdes n’ont pas fondamentalement changé depuis lors (augmentation des coûts, des délais de conception et de production)[86]. Dans un contexte où les conflits sont caractérisés par leur rapidité d’émergence, par des dénouements nécessitant des combinatoires de forces complexes ou par des interactions avec la diplomatie, une telle vision perdure de nos jours. Le facteur technologique est ainsi considéré comme central dans les réformes que les forces armées européennes ont connu dans les années nonante[87] et est souvent présenté comme un des principaux facteurs de la révolution dans les affaires technico-militaires (URSS)[88] et dans les affaires militaires (USA)[89].

Mais toute articulation de la technologie à un projet politique, que ce dernier considère l’interne comme l’externe, ne peut se passer d’une conceptualisation de la technologie et de sa propre dynamique. Malgré la volonté des généticiens de recoupler au stratégique la dynamique technologique, ce dernier secteur conceptuel est relativement ignoré dans leurs écrits. Ce que l’on peut considérer comme une faute d’un point de vue académique et qui constitue la résultante d’une focalisation trop importante sur la direction stratégique du technologique se répare cependant sans guère de tensions entre les concepts dans la mesure où la réflexion sur la dynamique technologique se situe à un niveau épistémologique plus élevé que celui de stratégies génétiques plus centrées sur la pratique que sur la conceptualisation technologique.

[1] Salmon, P., Histoire et critique, Editions de l’U.L.B., Bruxelles, 1987.

[2] Christophe Prazuck a réalisé une étude sur un sujet longtemps détrôné par l’espace géographique. Du point de vue génétique, Prazuck prends notamment pour exemple les différentiels temporels nécessaires à la constitution des flottes. Concernant l’usage du temps lors d’opérations militaires, Prazuck cite la diversion que Nimitz met en place dans le Pacifique et qui lui permettra de reprendre l’avantage. Prazuck, C., « L’attente et le rythme. Modeste essai de chronostratégie », Stratégique, n°68, 1997/4. Par ailleurs, Possony, Pournelle et Kane lient ainsi directement la valeur utilitaire et/ou révolutionnaire d’un système au moment auquel il est mis en service Possony, S.T.; Pournelle, J.E.; Kane, F.X., The strategy of technology, Electronic Edition, 1997, http://www.webwrights.com.

[3] Laïdi, Z.(Dir.), Le temps mondial, Coll. « Faire sens », Editions Complexe, Bruxelles, 1997. L’auteur cherche à établir les enchaînements événementiels issus de la conjonction de la fin de la guerre froide et du processus de mondialisation, et non pas des trajectoires événementielles différenciées qui seraient chacunes issues de ces deux points focaux. Derrière un tel projet se cache la poursuite de la lutte entre Ricœur et Braudel défendant une histoire basée respectivement sur le temps court et le temps long mais aussi et peut être surtout un plaidoyer pour une sociologie historique du politique pluridisciplinaire. Laïdi, Z., « Le temps mondial » in Smouts, M-C. (Dir.), Les nouvelles relations internationales. Pratiques et théories, Coll. « Références inédites », Presses de Science Po, Paris, 1998.

[4] Bien que l’on ne puisse pas réellement les envisager comme tels : ils ne définissent pas exclusivement leur objet d’étude comme relevant uniquement de facteurs matériels. Toutefois, ils le font par défaut : de Gaulle, Fuller ou Liddell Hart se montrent des avocats acharnés de l’introduction massive du char de bataille en tant qu’instrument central de la rupture stratégique. De même, en se focalisant sur l’aviation de combat – et plus particulièrement sur le bombardement stratégique, Douhet met incontestablement en avant son projet de croiseur aérien.

[5] La généralisation des stratégies aériennes ainsi que le développement des capacités d’attaques stand-off, ont largement contribuées à la minimisation des contraintes géographiques. Elles ressurgissent toutefois dans la conduite de certaines stratégies spécifiques : guerre urbaine, guérilla et contre-guérilla, combat en montagne. La permanence de la géographie se retrouve encore dans des ouvrages récemment publiés et traitant de stratégie classique : Desportes, V., Comprendre la guerre, Coll. « Stratèges et stratégies », Economica, Paris, 2000.

[6] Une très prolifique littérature sur le sujet est actuellement disponible, principalement en provenance des Etats-Unis. On peut citer les travaux suivants : Rattray, G., Strategic warfare in cyberspace, The MIT Press, Cambridge (MA)/London, 2001 (pour l’histoire du concept et plusieurs typologies), Fogelman, R. R., « Information warfare and detterence. Fundamentals of information warfare : an airman’s view » in Wheatley, G. F. and Hayes, R. E., Information warfare and detterence, National Defense University Press, Washington, 1996 (une vue sceptique sur aspects stratégiques des opérations informatiques avec une intéressante comparaison avec la possession du système de décodage ULTRA par les Alliés durant la Seconde Guerre mondiale), Plehn, M. T., Control warfare : inside the OODA loop, Thesis presented to the faculty of the school of advanced airpower studies for completion of graduation requirements, Air University, Maxwell Air Force Base, 2000 (pour les aspects opérationnels et le lien entre cyberguerre et opérations psychologiques). Les Européens, à l’instar de Forget, Polycarpe ou Castels ne conçoivent pas encore réellement les applications et implications militaires de la théorie des réseaux, pour s’en tenir essentiellement aux aspects philosophiques et sociologiques.

[7] Suivant laquelle « La puissance d’un réseau est proportionnelle au carré du nombre de ses nodes ». Murawiec, L., La guerre au XXIème siècle, Editions Odile Jacob, Paris, 2000 p.108.

[8] Dans sa leçon inaugurale de 1887, Emile Durkheim déclarera ainsi « que nous n’avons parlé ni de l’armée ni de la diplomatie qui sont pourtant des phénomènes sociaux et dont il doit être possible de faire une science (mais qui) n’existe pas encore, même à l’état embryonnaire ». Il s’en expliquera encore en 1903 en assurant que « les guerres, les traités, les intrigues de cours ou des assemblées, les actes des hommes d’Etat sont des combinaisons qui ne sont jamais semblables à elles-mêmes ; on ne peut donc que les raconter et, à tort ou à raison, elles semblent ne procéder d’aucune loi définie », (Durkheim, E., « La science sociale et l’action », PUF, Paris, 1970, p. 103) même si ce sera pour ajouter qu’« en tous cas (…), si ces lois existent, elles sont des plus difficiles à découvrir ». Favre, P., Naissances de la science politique en France, 1871-1914, Fayard, Paris, 1989, p. 129.

[9] Si les auteurs classiques de la stratégie, tels que Clausewitz, Guibert, Jomini, Montecuccoli, sont quelque peu étudiés dans les écoles militaires dès le 19ème siècle, il n’existe pas encore de systématisation de ces études, en bonne partie du fait que les principes de la stratégie tels que nous les connaissons aujourd’hui sont alors éparts. Par ailleurs, les auteurs étrangers à l’Europe sont méconnus et les cours donnés ne remettent pas en question à l’aune des auteurs étudiés les stratégies que les Etats développent. Foch enseigne ainsi à l’Ecole de Guerre de Paris des conceptions d’offensive à outrance qu’il mûrira encore pour devoir se plier sur le terrain à la vision défensive de Clausewitz. Chaliand, G. et Blin, A., s.v. « Foch, Ferdinand, 1851-1929 », Dictionnaire de stratégie militaire, op cit. et Porch, D., « The french army and the spirit of the offensive », in Bond, B., Roy, I, (Eds.), War and society, Croom Helm, London, 1976, cité par Freedman, L (Ed.), War, Coll. “Oxford Readers”, Oxford University Press, Oxford/New-York, 1994.

[10] Il est ainsi cité par Hervé Coutau-Bégarie : « Faites la guerre offensive comme Alexandre, Hannibal, César, Gustave-Adolphe, Turrenne, le Prince Eurgène et Frédéric ; lisez, relisez l’histoire de leurs quatre-vingt trois campagnes, modelez-vous sur eux ; c’est le seul moyen de devenir grand capitaine, et de surprendre les secrets de l’art ». Coutau-Bégarie, H., op cit., p. 254.

[11] Qui appuie toute sa théorie de la maîtrise de la mer sur l’étude sous l’angle naval de l’Europe. Mahan n’est pas complètement considéré comme un historien. Elick, E. B., « Mahan – the influence of a historian and history », The Military Review, April 1972, cité par Wasinski, C., Clausewitz et le discours stratégique américain des années septante à nos jours, mémoire présenté en vue de l’obtention du titre de licencié en sciences politiques, ULB, Bruxelles, 1999.

[12] Qui feront de l’histoire militaire une responsabilité de l’état-major allemand. Craig, Gordon A., « Delbrück : l’historien militaire » in Mead Earle, E., Les maîtres de la stratégie, vol 1, Coll. « Stratégies », Bibliothèque Berger-Levrault, Paris, 1980.

[13] Ce sera le cas de Liddell Hart, puis des stratégistes travaillant sur la question nucléaire puis celle de la RMA.

[14] Coutau-Bégarie, Hervé, Traité de stratégie, op cit., p. 254. Plusieurs critiques éclairés dénonceront l’ethnocentrisme latent des études stratégiques. Booth K., Strategy and Ethnocentrism, Croom Helm, London, 1979.

[15] Et son Histoire de la guerre du Péloponnèse.

[16] Qui compte sept volumes, dont les quatre premiers lui reviennent. Delbrück, H. (Et alii.), History of the art of war within the framework of political history, (7 vols.), Greenwood Press, Westport (Co.), 1975 – 1985.

[17] Craig, G. A., op cit., p. 300.

[18] Pour lui, le véritable tournant de la stratégie a été la bataille de Cannes.

[19] Comme Clausewitz, Delbrück envisage un système de bataille unipolaire (bataille décisive et anéantissement de l’adversaire) et un autre multipolaire (manœuvre puis bataille). Chaliand, G. et Blin, A., s.v. « Delbrück, Hans (1848-1929) », Dictionnaire de stratégie militaire, op cit.

[20] Chaliand, G. et Blin, A., s.v. « Histoire militaire », Dictionnaire de stratégie militaire, op cit.

[21] Speier, H., « Ludendorff : la conception allemande de la guerre totale » in Mead Earle, E., op cit .

[22] Particulièrement dans Keegan, J., A history of warfare, Alfred A. Knopf, New-York, 1994.

[23] Howard, M., The causes of war and others essays, Harvard University Press, Cambidge (Ma.), 1984 et Howard, M. and Guilmartin, J., F., Two historians in technology and war, US Army Strategic Studies Institute, Carlisle Barracks, 1994.

[24] M. Howard travaille ainsi sur Clausewitz, mais aussi sur « les dimensions oubliées de la stratégie » : Howard M.E., « The forgotten dimensions of strategy », Foreign Affairs, Summer 1979.

[25] Nous pouvons notamment citer Engels, Lénine, Trotski ainsi que Jean Jaurès et ce, avant même le début du 20ème siècle. Toutefois, il y lieu de se questionner sur l’apport stratégique de L’organisation sociale de la France : l’armée nouvelle, (1910), qui propose sur un mode essentiellement prescriptif et ayant une forte charge idéologique, la défense du modèle français de la levée en masse. Faivre, M., Les nations armées. De la guerre des peuples à la guerre des étoiles, Economica/Fondation pour les Etudes de Défense Nationale, 1988 et Faivre, M., « La pensée militaire de Jaurès », Stratégique, n°24, 1985/1. Avocat de profession, Corbett peut être considéré comme le seul civil au sens strict du terme à avoir travaillé sur les questions stratégiques. Sa méthode, entre histoire et déduction, lui a notamment permis d’offrir une alternative plus théoriquement construite que la stratégie de maîtrise de la mer de Mahan.

[26] Alors qu’il utilisait pourtant la méthode historique. Colin, J., Les transformations de la guerre, Economica, Paris, 1988 et Chaliand, G., s.v. « Jean Colin (1864-1917), Anthologie mondiale de la stratégie. Des origines au nucléaire, op cit.

[27] Colin se fait alors presque stratège aérien, et ses vues sont d’une étonnante clarté alors que l’actuelle rhétorique stratégique est dominée par la recherche à tout prix de la supériorité informationnelle. Colin déclare ainsi que « si l’étendue du terrain occupé par les armées, ainsi que l’efficacité des feux d’infanterie, s’opposent à peu près complètement à l’exploration par la cavalerie, les ballons dirigeables et les aéroplanes la remplaceront demain, et fourniront peut-être plus de renseignements qu’elle n’a jamais pu en procurer ». Chaliand, G., s.v. « Jean Colin (1864-1917), Anthologie mondiale de la stratégie. Des origines au nucléaire, op cit., p. 1096.

[28] Chaliand, G., s.v. « Jean Colin (1864-1917), Anthologie mondiale de la stratégie. Des origines au nucléaire, op cit., p. 1097. Colin est ainsi considéré comme un des auteurs ayant directement influencé la doctrine française de l’offensive à outrance, au même titre que Foch. Bond, B., The pursuit of victory. From Napoleon to Saddam Hussein, Oxford University Press, Oxford, 1996. Brodie le citera ainsi dans Strategy in the missile age. Brodie B., Strategy in the Missile Age, Princeton University Press, 1959.

[29] Entre-autres sur la nécessité de se réapproprier la route – moins exigeante que le rail et permettant une manœuvre que les réseaux ferrés ne permettent pas – en utilisant intensivement l’automobile.

[30] L’emploi de l’aviation et des blindés – et les modifications sur les structures militaires qu’ils engendreraient – et, au-delà, la question de la prééminence de la défensive (la ligne Maginot) contre l’offensive (les chars).

[31] Bien qu’il se soit essentiellement attelé à retravailler les principes de la guerre déjà existants en fonction des nouveaux développements technologiques, selon Freedman, L., The revolution in strategic affairs, Adelphi Papers, International Institute for Strategic Studies, n°318, 1999. Penseur de la stratégie indirecte contre Clausewitz et chaud partisan de la manœuvre, il finira par être accusé des désastres de la campagne de 1940. Sa pensée ne peux toutefois se limiter à ces seuls traits et trouve une très bonne synthèse dans Liddell Hart, B. H. (présentation du général L. Poirier), Stratégie, Perrin, Paris, 1998

[32] Fuller démontre une obsession technologique telle que Coutau-Bégarie le considérera comme un des chefs de file de l’école matérielle, que nous verrons infra. Fuller, J.F.C., L’influence de l’armement sur l’histoire, Payot, Paris, 1948.

[33] L’avènement de la force mécanique a aussi été transmis aux généraux Gamelin, Weygand et Georges. Encel, F., L’art de la guerre par l’exemple. Stratèges et batailles, Flammarion, Paris, 2000.

[34] Wyly M.D., « J.F.C. Fuller: Soldier and historian », Marine Corps Gazette, December 1984 et Jessup J.E. & Coakley R.W., A guide to the study of military history, C.M.H., U.S. Army, 1979.

[35] Reid B.H., « J.F.C. Fuller and B.H. Liddell Hart : a comparaison », Military Review, May 1990. Durant les années suivant le Vietnam et où l’armée américaine aura a conceptualiser sa nouvelle doctrine, les « réformateurs » prendront notamment exemple sur Fuller (mais aussi sur Liddell Hart) pour trouver les clés de l’innovation militaire. Starry D.A., « To change an army », Military Review, March 1983. Don Starry a été la cheville ouvrière des FM-100.5 de 1976 et de 1982 et a directement participé à la conceptualisation de la doctrine AirLand Battle.

[36] Dès le début des années vingt, des généraux comme Svetchin ou Toukhatchevski « s’affrontent » sur la valeur défensive ou offensive de l’Armée Rouge. Dès la fin de la décennie, l’offensive semble l’emporter et Frounze ouvre en 1931 une Académie d’Art opératif, devant former les cadres de l’armée soviétique aux opérations dans la profondeur, que Triandafilov définit comme « l’utilisation des nouveaux moyens de combat (dans des) attaques simultanées contre l’adversaire dans toute la profondeur de son dispositif tactique ». La filiation avec les conceptions françaises et allemandes devient nette lorsque le général russe cite les « possibilités d’emploi simultané de plusieurs échelons de chars et d’infanterie avec un soutien d’artillerie et d’aviation (…) Cette frappe puissante aura donné à l’attaque rapidité et impétuosité ». Romer, J-C., La pensée stratégique russe au XXème siècle, Coll. « Hautes Etudes Stratégiques », Economica/ISC, Paris, 1997. Pour la contextualisation idéologique et historique, Paris, H., Stratégie soviétique et chute du Pacte de Varsovie. La clé de l’avenir, Publications de la Sorbonne, Paris, 1995.

[37] C’est surtout le cas pour le premier, dont l’apport essentiel est d’exploiter les avantages du char par un accompagnement mécanisé de l’infanterie et de l’artillerie, ainsi que par l’apport de l’aviation en Close Air Support (CAS – appui aérien rapproché). Guderian, H., Souvenirs d’un soldat, Plon, Paris, 1961 ; Chaliand, G. et Blin, A., s.v. « Guderian, Heinz (1888-1954) », Dictionnaire de stratégie militaire, op cit. Rommel (Maréchal), La guerre sans haine, Le Livre Contemporain, Paris, 1960.

[38] Pour de nombreux auteurs – essentiellement américains – cette période a été celle de la gestation du Blitzkrieg, considéré comme une révolution militaire. Par analogie, ils essaient de comprendre dès les années septante les ressorts et les déterminants de l’innovation militaire et essaient de tirer des leçons applicables à la future doctrine AirlLand Battle, puis à la RMA. Posen, B. R. The sources of military doctrine : France, Britain and Germany between the world wars, Cornell University Press, Ithaca, 1984 ; Mearsheimer, J. J., Conventionnal deterrence, Cornell University Press, Ithaca/London, 1983 ; Rosen, S. P., Winning the next war. Innovation and the modern military, Cornell University Press, Ithaca, 1991.

[39] Custance, R., Navavl policy. A plea for the study of war, Blackwood, London, 1907, cité par Coutau-Bégarie, H., op cit.

[40] Qui permettra ensuite l’approvisionnement électrique des navires. La remarque est importante à deux titres pour les « navalistes » : l’électricité permet la conservation des aliments et des croisières plus longues d’une part et elle ouvre la voie aux transmissions radio et à l’utilisation de l’électronique d’autre part.

[41] Qui permettent non seulement une rentabilisation hydrodynamique des navires, mais aussi leurs diversifications. L’émergence du sous-marin, du cuirassé et de toutes les variations de croiseurs rends le métal indispensable. Custance a ainsi été témoin de l’apparition des premiers Dreadnoughts.

[42] Bien que d’abord retiré du service par la Royal Navy, le canon chargé par la culasse est finalement adopté. Il permet des cadences de tir plus rapides et pourra être servi depuis des tourelles blindées protégeant ses servants. Surtout, l’apparition de la torpille (et de ses contre-mesures) nécessite une diversification des types d’unités (torpilleurs et contre-torpilleurs).

[43] Les exemples abondent : la marine américaine adoptera la propulsion à vapeur avant la britannique ; inventée par le Suédois Ericcson et le Britannique Pettit Smith, l’hélice marine n’est pas retenue par la Royal Navy (qui n’avait guère plus de sympathie pour les roues à aubes des premiers navires mûs par la vapeur) mais l’est par la marine américaine. C’est aussi aux Etats-Unis que seront utilisées les premières torpilles (une charge montée à l’avant d’un navire se rapprochant de son adversaire et mise à feu par un cordon) ou les premières tourelles (sur le Merrimack). Martin, J.H. & Bennett, G., Le monde fascinant des bateaux, Gründ, Paris, 1977.

[44] Coutau-Bégarie, H., « Réflexions sur l’école française de stratégie navale » in Coutau-Bégarie, H. (Dir.), L’évolution de la pensée navale, Dossier n°41, Fondation pour les Etudes de Défense Nationale, Paris, 1990.

[45] C’est en tentant de rallier Vladivostok le plus rapidement possible depuis Port Arthur – afin d’économiser le peu de charbon qu’il leurs restaient – que Rodjestvensky et sa flotte rencontrent l’amiral Togo dans le détroit de Tsushima, en 1905. On peut arguer de l’excellence des choix technologiques japonais : construit en Grande-Bretagne, le navire amiral de Togo, le Mikasa, n’avait rien à envier aux dreadnoughts que l’on trouvait en Europe. Martin, J.H. & Bennett, G., op cit.

[46] La Jeune école de l’Amiral Aube, défendra un programme de construction de torpilleurs permettant la saturation des défenses des cuirassés de l’Ancienne école. La Jeune école inaugurait ainsi un retour de la guerre de course face à une certaine orthodoxie mahanienne défendant des bâtiments de ligne aptes à la maîtrise des mers. La question s’est renouvelée en 1967, lorsque le destroyer israélien Eilath sera détruit par des vedettes égyptiennes dotées de missiles Styx. Les Israéliens retiendront la leçon et infligeront une défaite cuisante aux Egyptiens lors de la bataille navale de Damiette, les 8-9 octobre 1973. Razoux, P., La guerre israélo-arabe d’octobre 1973, Coll. « Les grandes batailles », Economica, Paris, 1999. Tous deux adeptes de la haute mer, les Américains et les Italiens tenteront aussi de pousser leurs « jeune école » en développant les hydroptères lance-missiles Pegasus et Sparviero au début des années quatre-vingt, mais sans véritable succès.

[47] A la suite d’une problématique bien actuelle : celle de l’information. Durant les manœuvres de 1891, des torpilleurs sont ainsi envoyés chasser les grands navires de ligne, mais ils ne sont pas parvenus à trouver leurs cibles. Cet épisode rappelle étrangement l’exercice Touted Gleem (1990). Durant la préparation de Desert Storm, plusieurs F-15, F-16 et A-10 devaient trouver et détruire une cible mobile fictive, en préfiguration de la « chasse au Scud » de Desert Storm. Bien qu’appuyés par des AWACS et des E-8 Joint Stars (radar aéroporté de détection des mouvements au sol), les appareils ne trouveront jamais leur cible. Story, W. C., Third world traps and pitfalls : ballistic missiles, cruise missiles and landbased air power, SAAS, Maxwell Air Force Base, Alabama, june 1994.

[48] La guerre sous-marine est rapidement étudiée, son utilisation par l’Allemagne durant les deux Guerres Mondiale visant un objectif stratégique : la rupture des lignes logistiques alliées. La lutte anti sous-marine est un des premiers champs d’étude des think tanks américains (programme ASWORG). Meyer, J-P., op cit.

[49] Le porte-avions, conceptualisé dans les années trente, a joué un rôle central dans les opérations dans le Pacifique. Aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, il est toujours considéré comme la pierre d’angle de toute stratégie de projection de force. La France et le Brésil lui portent une considération moindre, mais principalement en raison de son coût. La Chine, la Thaïlande, l’Inde, l’Italie, l’Espagne et l’Union Soviétique (en son temps) développent leurs capacités dans l’optique de leur projection géomaritime, alors que seule l’Australie les a abandonné.

[50] Le missile antinavires (ASM – Anti Ship Missile) est devenu la norme en matière de combat naval dès les années soixante pour l’URSS et dès les années septante pour les Etats-Unis.

[51] Actuellement et à l’exception des porte-avions et porte-aéronefs, les marines européennes ne disposent pas de bâtiments de classe supérieure au destroyer. Pratiquement, les conceptions émergentes mettent en évidence des navires semi-automatiques et semi-submersibles servant principalement de silos de lancements de missiles anti-navires et de croisière de frappe terrestre ou encore des petits bâtiments automatiques affectés au déminage. Polycarpe, G., « Les essaims du XXIème siècle », Science & Vie Hors Série, Aviation 1997, n°199, juin 1997.

[52] A quelques exceptions près. Les cuirassés US de la classe Iowa participeront à toutes les campagnes américaines majeures, à l’exception de l’Afghanistan. Par ailleurs, l’URSS poursuivra après la Seconde Guerre la construction des croiseurs lourds de la classe Sverdlov. Certains ont vu dans les croiseurs nucléaires de la classe Kirov la renaissance du navire de ligne. Pigeard, A., « Les croiseurs de la classe Kirov », Armées & Défense, n°4, Avril 1990.

[53] Grouard, S., La guerre en orbite. Essai de politique et de stratégie spatiale, Coll. « Bibliothèque stratégique », Economica, Paris, 1994.

[54] Hallion, R.P., « Doctrine, technology and air warfare. A late 20th Century perspective », Aerospace Power Journal, Spring 1987.

[55] Elles s’appuieraient sur des règles stratégiques qui les transcenderaient. Luttwak, E. D., Le paradoxe de la stratégie, op cit.

[56] Bien qu’Airpower renvoie plus spécifiquement aux acceptions que donnent les Américains à la stratégie aérienne (en référence au Sea Power). Douhet semble devoir beaucoup à la pensée navale américaine : Il dominio de’ll aria fait écho à la théorie de la maîtrise des mers de Mahan.

[57] On considère que Victory through Airpower reste le principal ouvrage de Seversky. Si plusieurs auteurs reconnaissent que Seversky comme Mitchell n’ont apporté guère plus que Douhet, force est aussi de constater que la portée des ouvrages des deux Américains est moindre que celle de l’Italien. Ce dernier cherche à généraliser sa pensée, alors que Mitchell et Seversky tâcheront surtout de l’appliquer à la défense des Etats-Unis.

[58] Il y a en cela un rapport a priori fort avec l’interprétation clausewitzienne de l’anéantissement. Toutefois, seul Mitchell fait (une fois) référence au penseur prussien. Pratiquement toutefois, certains aux Etats-Unis ont tenté de conceptualiser un mixte entre les deux pensées, entraînant de nombreuses critiques, dont la plus récurrente est que la puissance aérienne seule ne peut pas gagner une guerre ni « tenir » le terrain. Wasinski, C., op cit. et Smith D.O. (with Barker J.), « Air power indivisible », Air University Quarterly Review, Fall 1950.

[59] Coutau-Bégarie, H., Traité de stratégie, op cit. Ce n’est toutefois pas l’avis des responsables de l’Air University américaine. Plus de 1500 travaux (dont la qualité académique est parfois très relative) sur tous les aspects de la stratégie aérienne – et y compris historiques – se retrouvent en ligne sur le site http://www.au.af.mil. Par ailleurs, on relève des éléments théoriques assez importants chez Mitchell – sans pour autant qu’il atteigne la densité théorique de ses contemporains dans les domaines terrestres ou navals. Chaliand, G., s.v. « William Mitchell (1879-1936) », Anthologie mondiale de la stratégie. Des origines au nucléaire, op cit.

[60] Comme la nécessité ou non d’armes aériennes indépendantes, au même titre que les armées de terre et les marines ; la prééminence de la défensive contre l’offensive ; la nécessité ou non du bombardement stratégique (et si oui, des cibles civiles plutôt que des cibles militaires) ; la prééminence du bombardier sur les missiles ; l’utilité réelle d’un appui-feu rapproché dédaigné par les « puristes » de l’Airpower ; la différenciation fonctionnelle des types d’appareils (appareils polyvalents Vs. appareils spécialisés) ou encore, l’utilisation de l’aviation dans le combat urbain.

[61] Coutau-Bégarie, H., Traité de stratégie, op cit., p. 567.

[62] Offensive Counter Air. Ce type d’opération aérienne, systématique depuis la Seconde Guerre mondiale – vise à neutraliser les bases aériennes adverses. Elle est complétée – surtout depuis la guerre du Vietnam – par les missions SEAD (Suppression of Ennemy Air Defenses). Möller, B., s.v. « OCA », Dictionnary of alternative defense, op cit. et NATO, AAP-6V – NATO glossary of terms and definition, NATO, Brussels, 1998.

[63] Facon P., Le bombardement stratégique, Coll. « L’Art de la Guerre », Editions du Rocher, Paris, 1995.

[64] Dès 1914, les Alliés comme les Allemands ont utilisés leurs appareils pour le largage de tracts invitant l’adversaire à se rendre. Mais les opérations psychologiques (PSYOPS dans la terminologie OTAN) ont dépassé un seuil stratégique lorsque l’US Air Force (USAF) a déployé des EC-130E Commando Solo au sein du 193ème Groupement des Opérations Spéciales. Disposant d’équipements de retransmissions TV et radio, ils ont notamment été déployés au Kosovo avant (propagande anti-Milosevic visant les Serbes) et après le conflit (émissions sur les missions des forces de l’OTAN, le rétablissement des relations entre les communautés serbes et kosovares, les risques des mines). De Barba, P., « L’US Special Operations Command – l’organisation des forces spéciales américaines », Raids, n°93, février 1994 et de Barba, P., « Le point sur les forces spéciales américaines », Raids, n°162, novembre 1999.

[65] Pratiquement, d’autres réflexions aériennes se sont développées dans le même temps. On pense notamment à Alexandre Ader qui a rapidement vu les applications militaires de l’aviation.

[66] B. Brodie comme L. Poirier met clairement en évidence le lien existant entre « douhettisme » et stratégie nucléaire, tout au moins dans sa phase spasmodique. Poirier, L., Des stratégies nucléaires, 2ème édition, Complexe, Bruxelles, 1988.

[67] Sur ce point, Pape, R., Bombing to win, Airpower and coercion in war, Cornell University Press, Ithaca/London, 1996, Gates, D., « Air power and the theory and practice of coercion », Defense Analysis, Vol. 13, n°3, 1997, deux points focaux de la théorie de la coercition. Pour une approche sur l’application des théories de la paralysie stratégique à la coercition : Fadok, D.S., John Boyd and John Warden. Air power’s quest for strategic paralysis, Air University, Maxwell Air Force Base, 1994. La guerre du Kosovo et les opérations de l’OTAN en Bosnie en 1995 sont souvent vues comme des climax dans l’application à la coercition de la stratégie aérienne. Sur ce point, Wicht, B., L’OTAN attaque ! La nouvelle donne stratégique, Georg, Genève 1999 ; Bucknam, M. A., Lethal airpower and intervention, Air University, Maxwell Air Force Base, 1996 et Herr, E. W., Operation Vigilant Warrior : conventionnal deterrence theory, doctrine and practice, SAAS, Maxwell Air Force Base, Alabama, 1996.

[68] Bru, A., Histoire de la guerre à travers de l’armement, www.stratisc.org/act/bru/ act_bru_hisguerre_tdm/html.

[69] Voir par exemple Bru, A., « Guerre et technique – l’intervention de la technique dans la guerre » in Chaliand, G. et Blin, A., Dictionnaire de stratégie militaire, op cit. ; (sous son pseudonyme) Margeride, J-B., « L’arme à effets de radiations renforcés (1ère partie)», Stratégique, n°3, 1979 ; Margeride, J-B., « L’arme à effets de radiations renforcés (2ème partie) », Stratégique, n°4, 1979 ; Margeride, J-B., « L’arme à effets de radiations renforcés (3ème partie) », Stratégique, n°5, 1980 ; Margeride, J-B., « L’arme à effets de radiations renforcés (4ème partie) », Stratégique, n°6, 1980. Le même auteur a aussi traité de sujets aussi différents que l’évolution du rôle du fantassin ou l’utilisation des armes NBC dans les opérations terroristes.

[70] B. Buzan lui préfère la « dynamique des armements », qui reflète mieux le lien qu’elle entretient avec la dynamique technologique. Buzan, B., An introduction to strategic studies : technology and international relations, McMillan, London, 1987 et Buzan., B. et Herring, E., The arms dynamics and world politics, Lynne Rienner, Boulder (CO.), 1998.

[71] Brooks, H., « The military innovation system and the qualitative arms race », Daedalus, CIV, 1975, Evangelista, M., Innovation and the arms race : how the United States and Soviet Union develop new military technologies, Cornell University Press, Ithacan 1988.

[72] Barréa, J., L’utopie ou la guerre, Ciaco Editeurs, Louvain-La-Neuve, 1986, p. 257.

[73] Et cela contre l’avis d’un Colin Gray qui considérera que ce ne sont pas les armements en tant que tels qui sont problématiques, mais la décision de les employer.

[74] Ces travaux montrent notamment l’ampleur des courses aux armements régionales en Asie du Sud ou au Moyen-Orient. Rattinger, H., « From war to war : arms race in the Middle-East », International Studies Quarterly, XX, 1976, Krause, K., « The political economy of the international arms transfer system : the diffusion of military techniques via arms transfert », International Journal, Vol. 45, n°3, 1990 ; Ross, A.L., « Arms acquisition and national security : the irony of military strength », Azar, E.E. ans Chung-In, M., (Eds.), National security in the third world : the management of internal and external threats, Edward Elgar, Aldershot, 1988 and Catrina, C., Arms transfert and dependance, Taylor & Francis, New-York, 1988.

[75] Buzan, B., An introduction to strategic studies : technology and international relations, op cit. et David, C-P., La guerre et la paix. Approches contemporaines de la sécurité et de la stratégie, op cit.

[76] Beaufre, A., Introduction à la stratégie, Beaufre A., Introduction à la stratégie, Armand Colin, Paris, 1963.

[77] Possony, S. T.; Pournelle, J. E. ; Kane, F. X., op cit.

[78] Plusieurs auteurs y avaient vu le déploiement d’une politique de rivalité et de prestige, utilisant les instruments conceptuels classiques de la stratégie, comme la concentration des efforts, la surprise ou l’initiative.

[79] Même si les interactions entre les sphères industrielles et politiques peuvent ponctuellement expliquer une prise de décision, comme dans le cas du Rafale. Mais une explication largement basée sur une méthodologie économique ne rend que peu compte du contexte politique et stratégique dans lequel ont été prises et légitimées les décisions. Sarazin, J., « Rafale : l’histoire d’une décision », Science & Vie Hors Série, Aviation 1997, n°199, juin 1997. Le champs de la stratégie industrielle s’est toutefois élargi ces trente dernières années de l’étude des coopérations internationales et industrielles entre les fournisseurs de la défense, particulièrement en Europe. Bellais, R., Production d’armes et puissance des nations, Coll. « Economie et innovation », L’Harmattan, Paris, 1999.

[80] C’est aussi la position de F. Géré dans le Dictionnaire de stratégie de Klein et de Montbrial Francart, L., Maîtriser la violence, une option stratégique, Coll. « Bibliothèque stratégique », Economica, Paris, 1999.

[81] Une question de la structuration sur laquelle nous reviendrons dans le point V. du présent mémoire.

[82] Que l’on retrouve notamment chez Ross, A. L., « The dynamics of military technology » in Dewitt, D., Haglund, D. and Kirton, J., Building a new global order. Emerging trends in international security, Oxford University Press, Toronto, 1993. L’auteur examine successivement les concepts de technologie, de technologie militaire, d’évolution, de révolution et de diffusion des armements conventionnels et de destruction massive.

[83] Mis en évidence par Liddell Hart, le concept de Grand strategy ne semble pouvoir être appliqué que durant une guerre totale (c’est d’ailleurs le sens de la stratégie totale de Beaufre). Fortmann et Gongora considèrent cependant que le concept, appliqué par Gray ou Luttwak, en vient à équivaloir à celui de politique de sécurité nationale, tout en démontrant l’ambition de buts positifs comme l’expansion. Fortmann, M. et Gongora, T., « La pensée militaire classique » in David, C-P. (et collaborateurs), Les études stratégiques. Approches et concepts, op cit.

[84] Alors que la stratégie totale doit pour Beaufre « définir la mission propre et la combinaison des diverses stratégies générales, politique, économique, diplomatie et militaire » (Beaufre, A., op cit., p. 24-25), Poirier lui oppose une stratégie intégrale devant prendre plus largement en compte le temps de paix affecté par le nucléaire et combinant « les résultats des trois stratégies économique, culturelle et militaire…dans une unité de pensée qui combine et leurs buts et leurs voies-et-moyens ». Poirier L., Stratégie théorique II, Economica, Paris, 1987, p. 114.

[85] Comme les politiques étrangère et de défense, la géopolitique et la géostratégie, les conflits de basse intensité ou encore le terrorisme. Sur cette question et la nécessité d’élargissement des études stratégiques au apports du paradigme pluraliste, nous vous renvoyons à l’introduction.

[86] Collet, A., Armements et conflits contemporains de 1945 à nos jours, Armand Colin, Paris, 1993.

[87] Au travers notamment des rééditions électroniques de l’ouvrage de Possony et Pournelle, introuvable en librairie.

[88] Malleret, T. et Delaporte, M., L’armée rouge face à la perestroïka, coll. « questions au XXe siècle », Complexe, Bruxelles, 1991, Paris, H., op cit et Romer, J-C., op cit.

[89] David, C-P, La guerre et la paix. Approches contemporaines de la sécurité et de la stratégie, op cit., Murawiec, L., op cit.

Ce contenu a été publié dans Uncategorized. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.