[55] L’empire romain s’écroule, les Germains, les Goths, les Vandales, les Huns viennent tour à tour en précipiter la ruine et couvrir la vieille Europe de peuples neufs sortis des solitudes de l’Asie. Sans l’égide du christianisme, qui fut l’arche providentielle de ce nouveau déluge, les arts et les sciences, réfugiés dans les monastères, auraient succombé, et il n’existerait peut-être de l’histoire de l’antiquité que les récits inexacts de quelque conteur barbare. L’ombre du cloître cacha tout, pendant la tempête, même l’art de la guerre, que les vainqueurs eussent méprisé, eux dont le seul mode de combattre était de se lancer au galop sur les malheureuses cités romaines, gauloises et ibériennes. Comment peindre le désordre de ces migrations de peuples à cheval, suivis de longues files de chariots, chargés des dépouilles des vaincus, l’incendie dévorant les villes et les bourgs, la vie des hommes comptée pour rien, le mépris pour tout ce qui rappelait Rome porté au comble, une seule chose, la croix chrétienne généralement respectée ?
Il ne faut donc, chercher, dans ces cohues [56] dévastatrices ni le souvenir de la tactique ancienne, ni une tactique quelconque. Marcher en avant, toujours en avant, sous la conduite des Genséric et des Attila, tout piller, tout tuer, rougir l’horizon de flammes, est le seul mode de ces invasions terribles, dans lesquelles le militaire n’a qu’à constater la ruine de son art, le triomphe de la force brutale sur les moyens intellectuels, et le repeuplement de l’Europe par des races nouvelles.
Caractère et limites du moyen âge militaire. – L’orage s’apaise enfin ; l’influence du christianisme, le contact avec les vaincus, la rivalité entre les envahisseurs eux-mêmes reconstruisent une Europe bariolée à l’infini, où tout est confus, l’Europe féodale, moyen transitoire de la barbarie aux temps modernes, mais qui consacre dix siècles à les atteindre. C’est cette période qu’on appelle le moyen âge, pendant laquelle les précieux trésors de la civilisation ancienne sortent peu à peu des monastères. Toutefois, cette renaissance des arts, et, en particulier, de celui de la guerre, n’intéresse que les gens érudits, seuls capables de lire et de méditer les leçons de l’antiquité : d’ailleurs, la constitution des armées de l’époque oppose un obstacle invincible aux traditions des anciens, car elles offrent partout le spectacle d’agglomérations tumultueuses, combattant le corps nu d’abord et presque en phalanges, puis se bardant de fer, hommes et chevaux, abandonnant le système des masses, par le seul fait du fractionnement de plus en plus grand de l’Europe et faisant consister [57] la tactique dans une série de duels obscurs. Quant à la stratégie, il n’en est plus trace et ce serait ne pas comprendre le moyen âge que de demander des conceptions étendues à des hommes dont la vie militaire consistait à faire le siège de châteaux situés dans un rayon de quinze ou vingt lieues. Vainement les conquêtes musulmanes et les croisades semblent-elles, par leurs objectifs lointains, ouvrir une voie nouvelle ; les premières, en effet, consistèrent dans une course qui courba sans difficultés appréciables les peuples surpris et impuissants à contenir une audace inouïe ; les secondes ne furent, au fond, que des voyages militaires, où l’œil qui sait résister au mirage de la gloire, n’aperçoit que désordre et inhabileté. Pour résumer l’état de l’art au moyen âge, il convient d’ajouter que les illustrations militaires de cette époque furent essentiellement des types de valeur individuelle, et les combats une longue suite de prouesses locales restées sans applications et qu’il suffira d’étudier dans leur ensemble. Remarquons auparavant que l’âge moyen de l’art ne doit pas être confondu avec la période historique appelée moyen âge, qui, on le sait, finit à l’année 1453. En effet, la tactique moderne a pour véritables ancêtres les propriétés balistiques de la poudre, le canon, l’arquebuse, la résurrection de l’infanterie, l’allégement de la cavalerie, découvertes et innovations dont le berceau est placé dans le XlVe siècle, à partir duquel les idées et les armées se transforment complètement. Cette base posée [58] nous allons jeter un regard rapide sur les preux du moyen âge et signaler ceux qui paraissent avoir eu l’instinct de la guerre, mais que la constitution de l’Europe et des armées de leur temps força à ne jeter que quelques étincelles dans cette nuit de la science militaire.
Les Francs en Gaule. – Ni Clovis, avec ses batailles de Soissons (486), de Tolbiac (496) et de Vouillé (507), ni Mummolus, patrice bourguignon, vainqueur des Lombards et inspiré des souvenirs militaires des Romains, ne méritent d’être cités comme ayant apporté des modifications utiles à la manière de combattre.
Bélisaire. – C’est en Italie qu’il faut chercher une figure militaire plus complète et plus civilisée : celle de Bélisaire, vainqueur des Perses (532), des Vandales, qu’il chasse de Carthage (533), et des Goths auxquels il enlève la Sicile et l’Italie (536-540).
Conquêtes musulmanes. – Le VIIe et le VIIIe siècles voient les Arabes, le Coran d’une main, le glaive de l’autre, voler de conquête en conquête. La Syrie, fruit des victoires d’Aiznadin (632) et de Iermouck (638), l’Égypte, soumise en quatorze mois (640), la Perse, livrée par la défaite de Néhavend (642), tout le littoral de la Méditerranée, acquis par la force ou la persuasion (692-708), la possession de l’Espagne, arrachée aux Wisigoths dans les champs de Xérès (711), sont les étapes de cette marche triomphante, qui n’est arrêtée que par la framée des Francs, à Poitiers (732). Que dire des généraux qui dirigèrent cette épopée ? On ne [59] saurait leur refuser la hardiesse des conquérants, mais les ennemis peu solides qu’ils eurent à vaincre diminuent les mérites d’une invasion qui fut sans influence notable sur les progrès de l’art.
Charles Martel. – Au moment où le torrent musulman menaçait la Gaule et l’Europe du sort de l’Espagne, se présenta pour les sauver un jeune guerrier auquel les peuples chrétiens doivent un large tribut de reconnaissance, Charles, couvert des lauriers sanglants de la guerre civile (Vincy et Soissons) et qui oppose à l’armée des Sarrasins les murs de glace de ses Germains. Bientôt les bouillants escadrons d’Abdérame dont la marche depuis l’èbre n’a été qu’un triomphe, viennent se heurter et mourir, dans les champs de Poitiers, contre les vainqueurs des Romains, des Wisigoths, des Lombards, et naguère encore des Frisons (732).
Waifre et Pépin le Bref. – Peu après, la lutte entre le nord et le midi de la Gaule trouva son symbole dans les deux noms de Pépin et de Waifre : elle fut atroce ; laissons à l’histoire le soin de retracer les calamités dont l’Aquitaine fut frappée, mais signalons une idée militaire heureuse du roi Pépin. Rebuté de front, même après avoir forcé la barrière de la Loire, il repassa le fleuve après quatre ans d’efforts, fit des Cévennes un rideau pour masquer son mouvement, et déboucha par le bassin du Tarn, prenant ainsi Waifre à revers ; manœuvre bien conçue et qui eut le succès qu’elle méritait.
Charlemagne. Witikind. – Un grand homme se montre [60] aussitôt aux regards, Charlemagne, génie organisateur par excellence et missionnaire armé de l’idée chrétienne, qu’il considère comme le seul moyen de civilisation. Au point de vue militaire, ce prince agit surtout avec des masses et avec une grande rapidité de mouvement : la guerre qui fit le plus briller cette dernière qualité fut celle des Saxons, qui dura trente-trois ans, lutte acharnée, contenant quelques batailles, et fourmillant de surprises, d’embuscades, facilitées par les forêts du Rhin et du Weser. Witikind, chef des peuplades saxonnes, fut le Vercingétorix de la Germanie contre le César chrétien, qu’il trouva toujours devant lui au moment décisif. On citera pour exemples la belle campagne de 774, où Charlemagne accourut d’Italie, et celle de 778, dans laquelle ses preux combattirent tour à tour dans les rochers de Ronceveaux, et sur les champs glorieux de Badenfeld et de Bucholtz.
Chaos militaire. – On a vu les barbares intercepter la lumière militaire de l’antiquité ; de même, après Charlemagne, les armées semblent disparaître pendant plus de trois siècles. Son empire, battu par les vagues furieuses des Normands, recueilli par les débiles mains de son unique successeur, se dissout à l’instar de celui d’Alexandre. De toutes parts, naissent des États nouveaux, subdivisés eux-mêmes en d’autres, n’ayant entre eux que des relations de dépendance nominale ; la féodalité s’infiltre partout, détruisant armées et tactiques, devenues inutiles, leur substituant des châteaux en nombre infini et une guerre de coupe-gorge où une [61] plume romanesque peut largement glaner, mais où l’art militaire, même celui des sièges, n’a rien à apprendre.
Les Normands. – Un seul peuple semble inaccessible à cet esprit partout local, partout resserré entre les limites qui étouffent le génie ; c’est celui qui, se riant de l’Océan, a porté sur le continent européen cette hardiesse proverbiale respirée au milieu des mers, les Normands. Animé d’une valeur irrésistible, Guillaume, duc de Normandie, ne s’effraie pas de renouveler l’expédition de César, et jette sur l’Angleterre une armée de 60 000 hommes, forces immenses pour l’époque : la victoire d’Hastings (1066) couronne l’entreprise de l’heureux novateur, qui fonde dans sa conquête une dynastie glorieuse. Avant cet événement, célèbre, d’autres fils de la Normandie avaient stupéfié le monde par des aventures inouïes d’audace chevaleresque : les Drengo, les Rainulfe, les Osmond, les Tancrède, les Robert Guiscard, les Roger, courant d’exploits en exploits, remplissent, en effet, les premières années du XIe siècle et en font une période héroïque, qui chasse les Grecs de l’Italie et enlève aux Sarrasins les îles de Sicile et de Malte, préparant ainsi l’ère des croisades.
Ces dernières, on l’a dit, furent peu utiles à la stratégie et à la tactique : elles offrirent presque toutes le triste tableau de masses obéissant à plusieurs chefs et livrant des combats sans manœuvres. Il est cependant impossible de ne pas tenir compte de ce grand mouvement [61] militaire qui jeta sur l’Asie les guerriers de l’Occident, et dans lequel on rencontre çà et là quelques enseignements.
Première croisade. Godefroy de Bouillon, Kilig-Arslan. – La première croisade (1097-1099) présente une masse de 600 000 hommes portant en elle-même des causes désorganisantes qui la réduisent en trois ans à 40 000, puis à 20 000 hommes. Les faits militaires de cette expédition furent la prise par les chrétiens de la ville de Nicée achetée par des flots de sang ; la bataille de Dorylée (1097), habilement engagée par le sultan Kilig-Arslan, qui sut profiter de la marche de ses ennemis en deux corps pour tomber sur eux séparément, circonstance qui faillit lui assurer la victoire ; le siège d’Antioche, où les Sarrasins résistèrent neuf mois, et la bataille de l’Oronte (1098), prix d’une valeur souveraine qui savait racheter les lenteurs, les hésitations jalouses et les débauches des croisés. Enfin, la prise de Jésusalem par 50 000 braves qui en assiégeaient 100 000, consacra le succès de l’expédition, mais réduisit à 20 000 le nombre des vainqueurs. Cette petite armée fut bientôt assaillie dans sa conquête, et l’on est contraint d’admirer la page héroïque où l’histoire raconte la bataille d’Ascalon, dans laquelle Godefroy de Bouillon, semblable à Kléber dans les champs du mont Thabor et d’Héliopolis, enfonça, avec ses 20 000 hommes, les 300 000 du sultan du Caire.
Deuxième croisade. – La deuxième croisade (1147-1149) [63] montra l’inhabile combinaison de deux chefs et de deux armées agissant sans concert pour un but commun. Celle de l’empereur d’Allemagne, Conrad, imprudemment aventurée de Nicée sur Iconium, à travers des montagnes mal connues, des contrées désertes et dépourvues de vivres, périt presque entièrement des horreurs de la faim et vit ses débris tomber sous le cimeterre des Turcs. Éclairé par cette cruelle expérience, Louis VII côtoya la mer avec les Français, rencontra les Sarrasins qu’il battit au passage du Méandre, et se dirigea sur Attalie. Mais sa marche eut un dénouement malheureux ; les Turcs, attentifs à profiter de toutes les fautes, se jetèrent habilement sur l’avant-garde des croisés, séparée par trop de distance du corps principal, et la détruisirent. Cet échec fut aggravé par la fatale détermination du roi de prendre la mer pour gagner Antioche et de laisser l’armée attendre à Attalie les vaisseaux des Grecs dont la perfidie causa un véritable désastre ; en effet, les croisés, privés de moyens de transport impatiemment désirés, tentèrent de prendre la route de terre et de franchir les horribles défilés d’Antioche, mais il les trouvèrent occupés par l’ennemi et ne rejoignirent le roi qu’après avoir été cruellement décimés. Le siège de Damas, fécond en jalousies et en discordes sans fin, termina tristement une expédition coûteuse, mieux ordonnée, toutefois, que la première et animée de la parole de feu de Saint-Bernard.
Troisième croisade. Richard Cœur de Lion. Saladin. [64] – La troisième croisade (1180-1192) est faite par trois armées agissant encore séparément, comme si l’expérience des deux premières tentatives des chrétiens ne criait pas assez haut contre ce fatal système.
L’Empereur Frédéric Barberousse, qui conduisait la première armée, forte de 100 000 hommes, fit observer une discipline scrupuleuse, remporta la victoire d’Iconium, mais se noya en traversant le Selef ; ses soldats découragés se débandèrent, et furent égorgés isolément. Les deux autres armées, c’est-à-dire, celles de Philippe-Auguste et de Richard Cœur de Lion, devaient concerter leur marche ; mais ces princes, qui hivernèrent en Sicile, y devinrent ennemis et ne songèrent qu’à s’éloigner l’un de l’autre. Il résulta de cette mésintelligence que le siège de Ptolémaïs, commencé par les faibles forces de Lusignan, accrues, mais successivement, de celles des Français et des Anglais, contrarié par des discordes incessantes et par l’habile vigueur de Saladin, dura trois ans, et ne servit qu’à faire montre des prouesses chevaleresques de Richard. La place ayant été prise (1191), Philippe-Auguste éclipsé par un rival trop brillant, revint en France. Le roi d’Angleterre continua seul la guerre et remporta la victoire d’Arsur (1192), bataille qui devait lui livrer Jérusalem, mais dont il ne sut pas profiter. Après des exploits d’une bravoure théâtrale, Richard quitta l’Asie, où il ne laissa de durable que le souvenir de sa gloire. Les résultats de cette troisième irruption de l’Europe sur l’Orient étaient donc encore [65] nuls, malgré des flots de sang héroïquement versés.
Quatrième croisade (1202-1204). – Deux faits caractérisent cette croisade – 1° elle fut faite par une seule armée ; 2° elle ne combattit que des chrétiens à Zara, que des chrétiens encore à Constantinople.
Cinquième croisade. Le sultan du Caire. – La cinquième croisade (1217-1221) consista dans l’envahissement de l’Égypte et la prise de Damiette ; signalons l’habile mouvement du sultan du Caire qui, voyant les chrétiens en marche sur cette ville, s’interposa entre eux et leur base d’opération, c’est-à-dire Damiette : belle combinaison qui, aidée par l’inondation du Nil, décida la campagne et imposa à la retraite des croisés de cruelles conditions.
Sixième croisade. (1228-1229). – Elle ne donne lieu à aucun fait de guerre et aboutit à la vente de Jérusalem, consentie par le sultan Mélédin.
Septième croisade. Saint Louis. – Un héros dont le front est orné du diadème et de l’auréole du saint, Louis IX, roi de France, organise et conduit cette septième croisade (1248-12 54). Trois ans de préparatifs, une armée nombreuse régie par une sévère discipline, une direction unique, font présager des succès éclatants. Le roi s’embarque à Aigues-Mortes, et arrive dans l’île de Chypre, où il passe l’hiver à se concentrer : son plan consiste à attaquer le sultan du Caire, dont la domination s’étend sur la Syrie, cette terre promise de l’expédition. Les croisés débarquent à Damiette, qu’ils enlèvent par un audacieux coup de main [66] et y réunissent leur armée. L’inondation du Nil avait été si fatale aux chrétiens dans la tentative précédente que le roi résolut de rester à Damiette pendant l’époque des débordements du fleuve. Cette inaction de cinq mois, qui permettait la concentration des musulmans, constituait une faute grave qui eût pu être réparée sans d’héroïques imprudences. Les Français se dirigèrent enfin sur le Caire : leur avant-garde, arrivée à Mansourah, nom déjà funeste, se laissa entraîner à une poursuite inconsidérée et périt tout entière ; le gros de l’armée accourut, mais déboucha dans un désordre indicible, et ne dut la victoire qu’à son incomparable valeur : une autre bataille, livrée dans le même lieu, trois jours après, présenta le même acharnement. Ces rencontres bien que glorieuses ne décidaient rien, les vivres manquaient, le retour sur Damiette fut ordonné.
La retraite s’accomplit avec le décousu qui avait rendu l’offensive si malheureuse ; et la famine aidée de la peste décima bientôt les croisés. Calme au milieu de ces désastres, le roi, toujours combattant à l’arrière-garde, émerveillait les Sarrasins par sa fière contenance, et montrait l’intrépidité de Richard Cœur de Lion alliée au courage tranquille du saint. Le devoir de l’historien est d’exalter la gloire de ces tristes journées, mais l’art ne peut rien gagner à retracer une retraite qui ne fut qu’un long désordre et un massacre presque général. Louis, atteint de la peste, à bout de forces, les yeux en larmes, fut obligé de s’arrêter dans une maison isolée où il tomba au pouvoir des Sarrasins. [67] Alors commença une scène sublime, la plus belle de la chevalerie, montrant le guerrier vaincu, mais inébranlablement fidèle à l’honneur.
Huitième croisade. (1270). – Cette dernière croisade, conduite encore par Louis IX, eut un objectif stratégiquement blâmable, si l’intention était réellement de sauver les chrétiens de Syrie réduits aux dernières extrémités, mais il est permis de croire que la délivrance de cette province n’était pas le but du saint roi. En effet, le zèle de l’Europe pour ces infortunés s’était tellement refroidi, qu’une expédition en Syrie, même en Égypte, eût rebuté le plus ardent des croisés. On résolut donc de frapper un coup sur les Sarrasins de Tunis, placés aux portes de la France et infestant la Méditerranée de leurs pirates. C’était peut-être l’idée de la conquête de l’Afrique septentrionale réalisée par la France six siècles plus tard. L’expédition débuta brillamment par la prise d’assaut des ruines de Carthage, l’armée s’établit dans cette seconde Damiette, qui fut aussi fatale que la première ; on avait encore commis la faute de ne point être réuni, ce qui força à attendre l’arrivée de Charles d’Anjou, roi de Sicile, avant de pouvoir rien entreprendre contre Tunis. Dans cet intervalle, l’ardeur du soleil, le manque de vivres frais, l’usage des viandes salées, ravagèrent les rangs ; Louis IX lui-même fut atteint, et mourut au moment où les voiles de Charles d’Anjou se montraient à l’horizon. Les derniers moments du roi-chevalier expirant le crucifix sur la poitrine et sa vaillante [68] épée devant les yeux, terminèrent héroïquement l’ère des croisades et peuvent être considérés comme la fin du moyen Age militaire.