Introduction

Né en 1897, Saint-Cyrien de la promotion des Croix de Guerre (1919-20), le général Paul Ély tient une place éminente parmi les chefs militaires de l’après-guerre. Engagé en 1942 dans l’Organisation de Résistance de l’Armée (ORA), il devient successivement délégué militaire national, puis directeur adjoint des FFI aux côtés du général Chaban-Delmas. Directeur de l’Infanterie en mars 1944, il est ensuite directeur du Cabinet militaire du ministre (Edmond Michelet) de la Défense nationale, et commande la 7e région militaire (Dijon) en septembre 1947. Chef d’état-major du général de Lattre à l’Inspection générale de l’armée de Terre en janvier 1948, il représente la France au Standing Group de l’OTAN et devient chef d’état-major général de la Défense nationale (CEMGDN) de 1949 à 1954. Il est alors chargé, de juin 1954 à décembre 1955, en qualité de commissaire général en Indochine, de mettre fin à la présence militaire française sur ce territoire. Nommé le 29 février 1956 chef d’état-major général des Forces armées (CEMGFA), il démissionne le 16 mai 1958 et reprend son poste début juin à la demande du général De Gaulle. En février 1959, il devient de nouveau CEMGDN. Prolongé d’un an au-delà de sa limite d’âge, il se retire en mars 1961, écrit deux tomes de Mémoires : I – l’Indochine, II – Suez et l’Algérie (Plon, 1969) et meurt en 1975 sans avoir publié le tome III qui devait être consacré à la politique nationale et internationale.

Dans ses différentes fonctions, le général Ély a été en relations avec les principaux responsables politiques et militaires français et alliés, sur lesquels il a exercé une profonde influence. N’ayant dirigé une région militaire que pendant trois mois, il est un homme de réflexion et de conseil plus qu’un homme de terrain. Son apparence frêle et son visage émacié cachent une résistance physique qui lui permet de supporter sans fatigue de longs voyages en Afrique et à Madagascar. Il suit avec attention l’évolution des conflits d’Indochine, d’Algérie, et l’expédition de Suez, oriente la mise en place des effectifs, la désignation des responsables et la conduite des opérations. Il est un peu le guide, le « directeur de conscience » des généraux chargés de commandements importants, dont il s’efforce de concilier l’action avec les orientations du gouvernement. Il réunit périodiquement un groupe de jeunes officiers qui lui permettent d’évaluer l’état d’esprit et les aspirations des cadres militaires1. En même temps, et avant le général De Gaulle, il définit la politique militaire qui sera mise en œuvre de 1962 à 1990.

Les archives du général Ély, déposées au Service historique de l’armée de Terre, comprennent 92 cartons. Son expérience de la clandestinité et les critiques que son action en Indochine lui ont attirées l’ont conduit à conserver les « documents importants » de cette période, pour le cas où il aurait à se disculper. C’est probablement dans le même but qu’il rédige, de 1953 à 1961, un Journal de marche et d’activités (JMA), dans lequel il relate chaque jour la liste des personnalités rencontrées, les conversations échangées et son jugement sur les hommes et les événements. Certains entretiens avec le général De Gaulle et Michel Debré sont reproduits mot à mot, comme s’ils avaient été enregistrés, et présentent donc un grand intérêt pour l’historien2.

La guerre d’Algérie, priorité du moment, sera examinée avant la politique de défense à long terme. La guerre d’Indochine et l’expédition de Suez ne seront pas abordées. En annexe sont reproduits les extraits les plus significatifs du JMA, et les documents les plus importants.

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Notes:

1 Les subordonnés d’Ély le décrivent comme un officier très humain, entretenant des relations amicales avec leurs familles et recherchant le contact avec les jeunes cadres. La rédaction de son Journal de marche est d’abord un travail collectif, avant d’être personnalisé. Intelligent et modeste, son jugement sur les généraux et les hommes politiques était parfois mordant. Il reproche au général De Gaulle de voir de trop haut, sans souci des conséquences humaines (entretien avec le général Boucher le 23 septembre 1997).

2 Fonds privé 1K 233, complété par les dossiers du ministre des Armées : 1R 20 – 1R 59- 1R 321-325- 1R 358, des Affaires étrangères (pactes n° 34.35-83-140.236 et 254), tous soumis à dérogation, et par les archives de l’armée de Terre : 7T 156-157.

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