La stratégie dite à Timoléon

Claude Le Borgne

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« La guerre, dit Timoléon, est une activité trop affreuse pour qu’on la mène sérieusement. »

Est-il possible de parler gaiement de la stratégie sans renoncer à la prudence que le sujet commande ? C’est ce que fait l’auteur, plaçant face à face le narrateur et Timoléon, le stratège et son étrange questionneur. Sans cesse contraints l’un par l’autre à préciser leur pensée, les deux interlocuteurs s’efforcent, et nous avec eux, de comprendre le monde comme il va.

L’Europe, où l’on s’est tant battu, en est venue à détester la guerre : sa paix nouvelle, elle l’a chèrement acquise. Pacifiques désormais, les riches du Nord contemplent d’un oeil désolé les pauvres du Sud, qui s’adonnent toujours aux « plaisirs de la guerre ». L’ONU s’évertue à faire cesser ces querelles de Barbares. Nos soldats n’ont d’autre mission que de s’entremettre entre des furieux.

Tout est-il dit, le monde bientôt pacifié, l’Histoire finie ? Point du tout, répond Timoléon, qui voit la menace au cœur de la cité et, dans le ciel d’Internet, des signes d’apocalypse. Le stratège s’en inquiète. Ophélie, douce égérie de Timoléon, s’en moque. Peut-être a-t-elle raison.

Claude Le Borgne, ancien auditeur de l’Institut des hautes études de défense nationale, membre de l’Académie des sciences d’Outre-mer, a notamment publié La Guerre est morte (Grasset, 1987), Un discret massacre, essai sur la guerre du Golfe (François Bourin, 1992), Le Métier des armes (Economica, 1998).

Table des matières

PREMIÈRE PARTIE : LE PRIX DE LA PAIX

I TIMOLEON

II LA BOMBE

On commence par le Nord pacifique. Grossière attaque de Ti­moléon sur la stratégie nucléaire. Défense du stratège : les mi­litaires saisis d’horreur. Les amours contrariées de de Gaulle et de son armée. La dissuasion, doctrine salvatrice. Son postulat moral. La crédibilité et les étranges manœuvres qu’elle néces­site. Le prince, le peuple, la Bombe et le bourreau.

III LA BOMBE, SUITE… ET FIN ?

Nouvelle attaque de Timoléon sur la stratégie nucléaire. De la repentance. Les trois responsables et la primauté souveraine du politique. Scolarité des gouvernants. Retour sur la coupable cé­cité des Soviétiques. Leur soudaine lucidité et le désarmement qui s’en suivit. Imprudente IDS. Malaise rétrospectif du stratège et nouvelle justification. La Bombe obsolète ? Trois raisons de sa survivance.

IV LA CHOSE A DÉCIDÉ

La condamnation de la guerre n’est pas le seul fait de l’arme nucléaire. Morale et stratégie. L’horreur nucléaire est un abou­tissement. Retour nécessaire. Qu’est-ce que la stratégie ? Ré­ponse incertaine. Ambiguïté de la Formule clausewitzienne. Son inanité. « Penser la guerre ». 14-18 et la mathématique. 39-45 et la renaissance de la stratégie. Hiroshima ou le point bas de la pente.

V LA GUERRE RÉVOLUTIONNAIRE

Timoléon à la faculté. Sa critique, inattendue, des études de dé­fense. Retour sur la condamnation de la guerre. La guerre limi­tée comme échappatoire ; son impossibilité. La guerre révolu­tionnaire, « second oméga » de la guerre totale. Parenthèse sur mai 68. Nouvelle souffrance des militaires et nouvelle efferves­cence intellectuelle. L’Indochine. L’Algérie. Studieuse réaction. Son incohérence. De la guerre juste et de ses risques. Guerre ré­volutionnaire et arme nucléaire, même combat.

VI PLUS D’ENNEMI

Le stratège se résout à tutoyer Timoléon. Timoléon exige un retour sur l’arme nucléaire. Du coq et de l’âne. Nouvelle exi­gence de Timoléon, qui conteste le caractère bellicide de la guerre révolutionnaire. Clarification du stratège : la puissance soviétique brouillait le paysage. Sa disparition et le trouble qui en résulte. Paix en Europe et inquiétude des PECO. L’OTAN. Petite typologie des alliances. Une Europe de la défense est-elle possible ? Est-elle souhaitable ? Vigoureuse attaque de Timo­léon contre une éventuelle puissance européenne. Le Tout-qui-n’a-pas-de-nom. Eloge de l’Etat national.

VII L’INTELLIGENCE DES ARMES

La guerre du Golfe est-elle du Sud ou du Nord ? du Nord, et exemplaire. Préalable nucléaire. Buts de guerre : réalistes et idéalistes. Le zéro mort. Armes intelligentes et guerre propre. SCUD et PATRIOT. Révolution dans les Affaires Militaires. Mise en question de la Révolution face à un ennemi démuni ; les armes non létales. Mise en question de la Révolution face à un ennemi de même nature. Alors, pourquoi ? Les culottes à Suzie. Le commerce des armes. Accord intime du stratège et de Timoléon.

DEUXIÈME PARTIE : LES PLAISIRS DE LA GUERRE

VIII LE SUD ET LES BARBARES : TURBULENCES NATIONALISTES

Changement de décor : la place Saint-Michel mieux adaptée à l’examen du Sud, qu’entreprennent le stratège et Timoléon. Es­sai de synthèse de Timoléon. Nouvel ordre mondial ou nouveau désordre ? Du tiers monde aux Barbares. Les nationalismes sur les ruines des empires, une barbarie familière.

IX LE SUD ET LES BARBARES : LE CHAOS

Voyage dans la vrai Sud. Digression sur l’Occident. Le paradis perdu de la bipolarité. Exemple du Sahara occidental. Effets bé­néfiques de la fin de la guerre froide. Et maléfiques : sauvagerie nouvelle. De la démocratie en Afrique. Décolonisations diver­ses. « Ils sont vivants, et c’est nous qui sommes morts ».

X LA STRATÉGIE DE COMPASSION

Le Nord face au Sud : que faire ? Notre liberté d’action. Les exigences de la morale, et ses limites. L’ONU, maître de la stratégie de compassion. De le guerre juste. L’ingérence selon Grotius. L’ingérence moderne. Le peuple et le tyran, alternative tragique.

XI LES QUATRE MISSIONS DE L’ONU

La compassion en quatre types. Rétablissement de la paix. Maintien de la paix. Consolidation de la paix. Protection mili­taire de l’action humanitaire, mission compromettante. Critique timoléonine de l’action humanitaire elle-même. Le militaire piégé. Exemple bosniaque et enseignements à en tirer. ONU : du discrédit à l’abandon. Timoléon, le Rwanda, le diable et le bon Dieu. Réalisme de Timoléon, idéalisme du stratège.

XII TIMOLéON AU SECOURS DU STRATEGE : NOUVEAUX ENNEMIS

Timoléon découvre Samuel Huntington. Encore les acteurs de l’histoire, et de la guerre. Théorie de Huntington. Sa rouerie. Critique du stratège. La puissance en question. En quoi Hun­tington est sacrilège. Défense de l’Occident. Son double visage. Les Lumières contre les cultures. Retour subreptice de Dieu.

XIII TIMOLÉON AU SECOURS DU STRATÈGE : L’ISLAM

Incertitude de Timoléon. L’islam et l’armée française. L’islam inquiétant : sainte violence et totalitarisme. Adoucissements. Du pouvoir en islam. Islam et chrétienté. Déroute apparente des chrétiens. L’islam subverti. Le stratège chrétien et l’islam, son dilemme.

XIV KOSOVO : TRAVAUX PRATIQUES

Le Kosovo met à l’épreuve la thèse du stratège. La guerre du Kosovo a-t-elle eu lieu ? OTAN, Serbes, UCK : trois forces dé­saccordées. Les droits de l’homme, étrange but de guerre. L’Armée de libération du Kosovo, un allié encombrant. Triom­phe ambigu des armes intelligentes ; six effets pervers. La poli­tique de puissance en question. La guerre humiliée.

TROISIEME PARTIE : VOIES DIVERSES VERS L’APOCALYPSE

XV LE METIER DES ARMES

Timoléon tire le stratège vers Saint-Séverin. Et vers Ophélie. Schémas secs et chairs chaudes. Et le soldat ? Le sociologue et ses Bantous. Bantous d’occasion et vrais Bantous. Tolstoï, Vi­gny et Psichari. Eloge du dernier. Le vrai militaire ne peut être que réac. Appauvrissement moderne des mœurs militaires. De l’efficacité perverse. Qu’est-ce qui fait marcher le soldat ? Hon­neur et Patrie, professionnels et conscrits. La guerre comme di­vertissement. La guerre ennuyeuse. Plus de guerre, plus de sol­dats ?

XVI L’ÉTAT-NATION : ABAISSEMENT DE L’éTAT

Pourquoi Timoléon veut observer la société. Toujours les ac­teurs de la scène internationale. Dialectique de l’Etat et de la nation. Fragilité de l’Etat. L’impossible secret. Autorité et déri­sion. Dieu nous garde des dirigeants vertueux. Le gros animal gnangnante. Toute civilisation est faite d’arbitraire ; en quoi la nôtre est en danger. L’Etat attaqué d’en bas. Et d’en haut. Son renoncement. Battre monnaie, battre tambour. Y a-t-il encore tambours à battre ? L’Etat privé de guerre. Mort de la guerre, mort de Dieu, rire d’Ophélie.

XVII L’ÉTAT-NATION : ABAISSEMENT DE LA NATION

Tout fout le camp ! Le militaire censeur. De l’esprit de défense : défendre ça ? Des mœurs, et du sexe. Pontifex clamens in de­serto. La pilule dans les têtes. Du vouloir vivre. Digression sur la fin du monde. IVG. Qui dit le droit ? Désespérer Guyancourt.

XVIII LA MORALE COMME OBSCENITE

Du sexe à une indignité plus générale. Et moi ? et moi ? ou le détournement des droits de l’homme. Le politiquement correct ou le détournement de la charité. Cons protégés, cons agressifs. Le postmoralisme. Essai de sauvetage du civisme. Enseigner quoi ? le Décalogue en ridicule.

XIX LA SUBVERSION ANONYME : LES HOMMES ET LES CHOSES

Papa l’avait bien dit. On n’arrête pas le progrès, proposition in­humaine. Les intellectuels et la quête du sens. La subversion anonyme. Qui est coupable, des hommes et des choses ? Détour par Auschwitz, exécuteurs et complices. La réification du monde, chosifieurs et chosifiés. Kasparov versus Deeper Blue. Les nouveaux résistants. M. Chirac chosifié.

XX MÉDIAS : QUI PARLE ?

Disparition de la menace, inexistence du menacé : coïncidence jubilatoire. Les médias comme illustration de la dialectique hommes-choses. Un florilège télévisuel. Miroir ou creuset ? L’imparable liberté d’expression. Responsabilité personnelle des médiacrates, dixit Timoléon. Un commerce occulté. Léon­tios et les voyeurs. L’Occident en manque d’horreurs. Le mé­diacrate et la vertu. Sagesse de Mac Luhan : « Le message, c’est le medium ». Son insuffisance : le medium, c’est le diable. Les évêques coincés. Keskifoute ? Le parfait, ad nauseam. La mé­duse planétaire.

XXI LA VIOLENCE DOMESTIQUE

La TV pousse-au-crime. Autres causes, celles-ci non virtuelles, de la violence domestique. Fracture sociale et exclusion. La fin du travail. L’immigration ou les angoisses du franchouillard. Timoléon veut inquiéter le stratège par de plus graves désor­dres. Tout comprendre, c’est tout excuser. Jeunes gens sans re­pères, à qui la faute? « J’ai la haine ». Les substituts de la guerre morte : drogue, rave, rap, etc. Les Barbares sont parmi nous, ce sont nos propres enfants.

XXII CYBERCAFE

Fukuyama, l’anti-Huntington ; sa pusillanimité. La Toile, vraie fin de l’Histoire. Ophélie dans le Net. Description sommaire du réseau des réseaux. Polycarpe. Ophélie revient de San Francisco. Malignité intrin­sèque d’Internet. Apparition de l’apocalypse. Michel Serres et Joël de Rosnay, chantres étourdis d’Internet. La vengeance du présent : comme il dévore le passé et le futur. Nouvelle perspective apocalypti­que. Pleurs d’Ophélie. « Le crime parfait » et la déconstruction du monde.

XXIII STRATEGIES CONTRE L’APOCALYPSE

Embarras du stratège. Synthèse de Timoléon : d’une apocalypse à l’autre. Le stratège sommé de conclure. Option quiétiste : po­litique du pire. Option activiste : lutter contre les tueurs. Les tueurs les plus redoutables sont les plus doux. Sauvegarder le Mal. Les Barbares, résistants bruyants du Mal. Les STF, résis­tants discrets du Bien.

EPILOGUE

INDEX

TABLE

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