Préface

Dr. Csaba HENDE

Déjà le premier roi de Hongrie, saint Étienne, recommanda à son fils, dans son miroir royal rédigé vers 1020, de bien profiter de la pensée militaire des étrangers. Les chefs militaires hongrois suivirent toujours ce sage conseil. La pensée militaire hongroise s’adaptait continuellement aux grands courants européens et elle en tira profit dans les époques heureuses de son histoire. Comme dans la plupart des pays européens, la pratique militaire des champs de bataille trouva son expression théorique écrite à l’époque de la Renaissance. Bientôt, le développement de l’imprimerie y ajouta sa marque de qualité qui était symbolisée par la représentation de Vulcain et de Minerve ensemble sur les frontispices des ouvrages.

À la fin du XVe siècle, tous les grands ouvrages militaires classiques latins et grecs se trouvaient dans la bibliothèque du roi de Hongrie à Bude. Néanmoins, il fallait attendre jusqu’aux XVIe et XVIIe siècles pour assister à la naissance des premiers ouvrages de synthèse sous la plume des grands capitaines de l’armée hongroise des Habsbourg, comme l’illustre Nicolas Zrínyi (1620-1664) dont le nom figure toujours sur la façade de l’Université de la Défense de Budapest, rappelant aux officiers actuels l’exemple des penseurs militaires des siècles passés.
Durant les combats séculaires pour la défense de la civilisation occidentale et pour les libertés nationales et universelles, ce fut en Hongrie que la pratique et la théorie de la « petite guerre », dont l’actualité n’est pas à démontrer, se cristallisa : un ouvrage théorique fut publié en français en 1757 par Louis Michel Jeney, bientôt traduit en anglais, allemand et polonais.

Entre 1526 et la première guerre mondiale, les grands chefs militaires et politiques hongrois agirent surtout dans les cadres de l’empire des Habsbourg et, plus tard, au sein de la Monarchie austro-hongroise. D’autres partirent à l’étranger en émigration où ils laissèrent non seulement un témoignage de la tactique militaire à la hussarde, mais aussi les marques de leur formation militaire théorique. Beaucoup d’entre eux se distinguèrent en tant que penseurs, organisateurs, ingénieurs militaires, médecins militaires ou cartographes de la France à l’Empire ottoman, de l’Italie jusqu’au Nouveau Monde, comme en Argentine ou aux États-Unis. Le personnage le plus célèbre de l’émigration hongroise en France, le comte Ladislas Berchény, fils de Miklós Bercsényi, fut maréchal de France et un régiment de hussards perpétue son nom. Un autre officier de la guerre d’indépendance hongroise de 1848-1849, János Czetz, organisa une académie militaire en Argentine.

Dans ce développement, la création de la langue militaire hongroise avait un rôle primordial. Dans un premier temps, des ouvrages traduits du français comme, en 1707, celui de François de La Vallière ou bien des commentaires sur l’histoire militaire et sur les guerres napoléoniennes avaient une importance majeure. Toutefois, entre 1790 et 1847, la moitié des 107 ouvrages militaires publiés en Hongrie étaient déjà en hongrois. Après le Compromis austro-hongrois (1867), les structures de la formation et des recherches militaires furent également créées. L’idée d’une académie militaire hongroise surgit dès la fin du XVIIIe siècle, mais son ouverture n’eut lieu qu’en 1873.

Alors, la science militaire hongroise disposa des conditions nécessaires pour son développement : une langue militaire hongroise, une armée nationale commandée en hongrois, un enseignement militaire hongrois ainsi que des revues militaires en langue nationale. L’Académie Hongroise des Sciences, depuis sa fondation en 1825, favorisa la publication des ouvrages militaires spécialisés et plusieurs officiers hongrois en devinrent membres, dont le ministre de la Guerre du gouvernement de 1848-1849. Si la science hongroise ne produisit pas encore beaucoup d’ouvrages originaux à cette époque, elle n’en fut pas moins active dans la réception des idées internationales, comme la connaissance relativement précoce de Clausewitz en témoigne.
Nous nous réjouissons de constater que ce livre sur la pensée militaire hongroise, issu du travail commun des historiens français et hongrois, et parmi eux des officiers de l’armée hongroise, soit publié dans l’année de la Présidence hongroise de l’Union Européenne, dans la langue de la culture militaire et de la littérature européenne.

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