Chapitre Premier. Histoire de la diplomatie navale

L’indifférence des théoriciens navals à l’égard de notre sujet n’a d’égale que celle des historiens. Les multiples histoires de marines présentent un récit discontinu, passant d’une guerre à l’autre, comme si les intermèdes des entre-deux-guerres étaient vides, seulement dignes d’être évoqués pour la préparation de la guerre à venir. Il n’existe aucun survol, aussi sommaire soit-il, de l’histoire de la diplomatie navale. Le dernier livre de sir James Cable, The Political Influence of Naval Force in History, a un but plus vaste et son investigation est fondamentalement limitée à l’Europe moderne et au monde contempo­rain. De simples sondages suggèrent pourtant l’universalité du phéno­mène, bien au-delà des mers européennes. Le présent chapitre n’a pour ambition que de donner une idée des possibilités d’une enquête systé­matique. Il faut cependant toujours garder à l’esprit les inconvénients d’une catégorisation trop rigide : la distinction marquée entre la guerre et la paix est le produit d’une lente maturation du droit international, elle ne trouve pas nécessairement à s’appliquer pour les périodes ancienne ou médiévale. C’est l’éternel problème de la théorie qui englobe dans un concept unique des réalités changeantes, aux frontières souvent floues.

Préhistoire de la diplomatie navale

La flotte athénienne pratiquait fréquemment cette diplomatie d’intimidation, quand elle faisait la tournée des cités vassales de la ligue de Délos : lorsque, à la veille de la guerre du Péloponnèse, les cités de Lesbos voulurent sortir de l’alliance athénienne, “les Athé­niens, prévenus, envoyèrent quarante navires assortis d’un ultimatum, firent une démonstration de force jusqu’à conclusion d’un armistice”[1]. On a de multiples exemples de diplomatie de coopération (avec le droit d’épimachie, qui permettait d’envoyer des secours à un allié sans entrer formellement en guerre) ou de coercition (en 426, les Athéniens envoient 60 navires pour contraindre Melos à l’alliance, puis, dix ans après, 36 navires, qui assiègent la ville et la détruisent). De même, la flotte romaine, avant que la Méditerranée ne devienne un lac romain par conquête de toutes ses rives, mais aussi après, est utilisée à de multiples reprises, à des fins diplomatiques, pour prévenir les insoumis­sions. Le procédé est aussi utilisé à l’encontre des peuples du Nord : en 4 ou 5, Germanicus conduit sa flotte jusqu’au promontoire des Cim­bres, à la pointe du Danemark, pour impressionner les populations litto­rales[2]. En 358, l’empereur Julien effectue une campagne vers l’embou­chure du Rhin, avec une flotte de 600 navires, pour mettre fin aux attaques des pirates francs : cette grandiose démonstration de force incite les Francs à traiter[3]. Une fois l’empire parvenu à son maximum d’extension, la marine manifeste la présence de Rome aux frontières et sur les mers lointaines, jusqu’en Inde, intervenant parfois dans des conflits locaux[4].

On peut citer des exemples au Moyen Âge, malgré la régression stratégique qui caractérise cette période, particulièrement dans le domaine naval : en 939, le roi angle Athelstan envoie une flottille sur le continent pour soutenir le roi carolingien Louis IV, aux prises avec une révolte ; en 972, le roi Edgar se rend à Chester pour son couronnement, accompagné de sa flotte ; il reçoit l’hommage de six rois qui s’engagent à combattre avec lui[5]. Les Vikings envoient des “levées navales” (stefnu leidangr) à l’occasion des couronnements ou des rencontres “au sommet” : il s’agit de flottes imposantes et leur arrivée est préparée avec beaucoup de soin, pour produire le maximum d’effet[6].

On trouve des exemples comparables pour la Méditerranée[7]. Mais la distribution entre diplomatie navale est souvent malaisée, à la fois par manque de documentation et parce que la démarcation entre paix et guerre est, le plus souvent, ténue : dans quelle catégorie faut-il inscrire les multiples expéditions de l’empire carolingien contre les “pirates” (de leur point de vue, des guerriers) frisons, saxons, vikings en mer du Nord ?

Le plus bel exemple de diplomatie navale n’est pourtant pas européen, mais chinois. La Chine, on l’ignore trop souvent, a été une grande puissance maritime qui a dominé toutes les mers d’Orient à plusieurs reprises, notamment entre le xe et le xve siècle. La dynastie mongole des Yuan, à la fin du xiiie siècle, lance des expéditions outremer, qui sont de véritables campagnes militaires, contre le Japon (1274 et 1281) ou Java (1292), avec des résultats divers. La dynastie nationale des Ming, qui la remplace en 1368, ne cherche pas la soumission par la force, mais une soumission formelle, matérialisée par le “tribut” ; pour l’obtenir, de grandes expéditions maritimes sont lancées : “elles sont à la fois des entreprises de prestige, des expédi­tions militaires, des voyages diplomatiques et de grandes tournées commerciales”[8]. Le point culminant se situe dans les premières décen­nies du xve siècle lorsque l’empereur Yong Le envoie, à sept reprises, entre 1405 et 1433, une flotte de plus de 300 jonques, commandée par Zheng He et montée par 30 000 hommes, faire le tour de l’océan Indien pour recueillir le tribut[9]. À l’occasion, elle intervient dans les litiges entre colons chinois et pouvoir local ou dans des querelles de succes­sion ou de voisinage. Les marins chinois iront ainsi jusqu’à Ormuz, Aden, et Zanzibar, dans une impressionnante démonstration de puis­sance, qui ne sera pas poursuivie, pour des raisons sur lesquelles les historiens n’ont pas encore réussi à se mettre d’accord[10].

La maturation de l’époque moderne

L’époque moderne voit le retour en force de cette dimension politique de la marine, qui se manifeste par des préparatifs à finalité dissuasive, des démonstrations et des croisières visant à montrer le pavillon et à appuyer la politique du souverain. De tels signaux sont parfaitement compris, parfois au-delà du cercle étroit des gouvernants : “Tout Rome se perd en conjectures sur la destination de la flotte française, qui appareille au début de 1572 dans un contexte de grande tension avec l’Espagne”[11]. Lorsque la Suède essaie de prendre le contrôle de Dantzig en 1656, les Provinces-Unies envoient une flotte, qui contraint le roi Charles X de Suède à renoncer à son entreprise[12].

Au xviiie siècle, ce genre de démonstration devient plus courant. La puissance maritime britannique se fait une spécialité du genre après sa victoire dans la guerre de Sept Ans, au point qu’un historien a pu parler d’“utilisation, généralement couronnée de succès, de la puis­sance navale dans une diplomatie « au bord du gouffre » (brink­manship) durant la période de 1764-1775”[13]. C’est généralement l’Espagne qui en fait les frais, notamment lors de la crise de 1770, qui voit les Britanniques mettre la main, une première fois, sur les îles Malouines-Malvinas, rebaptisées Falkland[14], puis, vingt ans plus tard, lors de la crise du Nookta Sound, en 1790 : l’Angleterre appuie ses prétentions sur la future Colombie britannique par la concentration d’une flotte qui croise au large d’Ouessant durant tout l’été ; l’Espagne riposte par des mesures de mobilisation navale, tandis que la France arme 14, puis 45 vaisseaux[15]. Finalement, la crise se termine par un règlement diplomatique, mais, parfois, de telles démonstrations peuvent dégénérer en épreuve de force : le célèbre “coup de Copenhague”, par lequel Nelson s’empare de la flotte danoise en 1801[16], n’est que l’aboutissement d’une longue série, aussi bien en Baltique, où les Britanniques sont très actifs, qu’en Méditerranée. Bien sûr, il n’y a pas que des succès. Si la France renonce à soutenir la Pologne en 1734 et en 1773, précisément à cause de la supériorité de la Royal Navy, la Russie, beaucoup moins vulnérable à une quelconque pression navale, ne se laisse pas intimider, tant en 1719, lorsque l’envoi d’une escadre britannique en Baltique ne convainc nullement Pierre le Grand de renoncer à ses conquêtes sur la Suède, qu’en 1790-1791, lors de la crise dite d’Ouchakov : la tentative britannique d’inciter Catherine la Grande à renoncer à ses conquêtes sur la Turquie échoue pareillement, con­trairement aux prévisions trop optimistes d’un diplomate selon lesquel­les “la simple idée d’une telle apparition [de la Royal Navy] suffira probablement à amener les Russes aux termes qu’elle appuierait”[17].

La Grande-Bretagne n’a pas le monopole de telles actions. La France agit à de multiples reprises, aussi bien à l’encontre des cités italiennes que des Barbaresques. À l’automne 1792, lorsque la tension est à son comble entre la France et le Saint-Siège, des navires français viennent croiser au large des États pontificaux, menace à laquelle le pape ne peut répondre que par l’organisation d’un jubilé de prière[18]. En 1770, la Russie tente une intimidation contre Malte, dans l’espoir d’y obtenir une base de revers contre la Turquie : “Le 24 mars 1770, trois bâtiments russes « farcis de monde » se présentèrent à l’entrée du Grand Port, mais ayant refusé de se soumettre à la quarantaine, ils furent fermement priés de faire demi-tour”[19].

Contre les Barbaresques, un pays comme le Danemark envoie à plusieurs reprises des escadres en Méditerranée, pour appuyer la conclusion de traités avec la régence d’Alger (en 1746, 1769-1770)[20]. Même les États-Unis s’y mettent, avec des expéditions contre les cor­saires de Tripoli et d’Alger dès les premières années du xixe siècle[21].

La dimension politique de la puissance navale est donc bien perçue. Au début de la guerre de Succession d’Espagne, l’amiral Norris demande l’armement du plus grand nombre de navires possible : “Cela doit prévenir les Français de se déclarer contre nous, ce qui est évi­demment leur inclination, ainsi que leur intérêt”[22]. Mais, pour autant, la diplomatie navale n’est pas routinière, car “les marines manquaient beaucoup de cette flexibilité qui en a fait un instrument diplomatique efficace dans les époques récentes. Les flottes étaient lentes à équiper, sujettes à de longues attentes dans des mouillages houleux, et une fois à la mer, elles étaient difficiles à contacter et à contrôler”[23]. Le perfectionnement de l’administration navale, avec un système de fréga­tes qui permet des communications plus régulières avec la terre, donc avec le gouvernement, explique le recours plus intensif aux démons­trations navales au xviiie siècle.

L’âge d’or de la diplomatie des canonnières

Au xixe siècle, à l’époque de la pax britannica, la diplomatie navale est devenue d’emploi courant. Cela tient à deux innovations majeures : d’abord, la révolution de la vapeur, qui permet une mobilisa­tion et un transfert plus rapides des flottes, qui doivent désormais disposer de bases permanentes outre-mer ; ensuite, l’apparition des câbles sous-marins, qui permettent aux chancelleries d’être informées et de donner des instructions, sinon en temps réel, du moins en temps utile[24]. Innovations auxquelles il faut ajouter un droit international qui, s’il proclame le dogme intangible de la souveraineté des États, avec son corollaire, la non-intervention, le limite aux États “civilisés” pour admettre, à l’inverse, un droit et même un devoir d’intervention, à l’égard des “races inférieures” et des États non européens. La fin des guerres napoléoniennes va mettre fin à la retenue jusqu’alors observée[25] et le succès facile des premières entreprises de coercition incitera les puissances européennes à des interventions de plus en plus brutales.

Toutes les marines européennes participent au mouvement, avec des missions qui combinent objectifs diplomatiques, commerciaux et scientifiques. Parfois, les marins dépassent leur rôle de fournisseurs de moyens de transport et d’intimidation pour devenir eux-mêmes diplo­mates et signent, avec ou sans l’aval de leurs chancelleries, traités de commerce ou de protectorat. C’est à cette époque que sont institution­nalisés les attachés navals, premiers marins à être officiellement dotés d’un statut permanent de diplomates : largement méconnus, ils joueront, en maintes occasions, un rôle important, parfois décisif[26], notamment avant la Grande Guerre, lors de l’élaboration de multiples conventions navales. On verra aussi l’envoi des premières missions navales, pour la formation des nouvelles marines. La puissance navale dominante est le modèle que tous s’efforcent de copier : la Royal Navy envoie des missions en Turquie, au Chili, au Japon… La France, qui a dû sacrifier ses relations privilégiées avec la marine japonaise (l’ingé­nieur Émile Bertin est l’organisateur des arsenaux japonais) à l’alliance franco-russe, a des missions en Grèce et au Pérou à partir de 1905. Cette dernière sera victime d’un scandale militaro-financier, à la suite de la vente du vieux croiseur Dupuy de Lôme pour trois millions de francs-or : mis en service en 1895, il était complètement démodé et la plupart des Péruviens y ont vu une escroquerie ; il en a résulté une campagne de presse qui s’est terminée par la fin de la mission navale française en 1914[27].

La diplomatie de la canonnière hors d’Europe

Cette diplomatie navale est généralement caractérisée par un degré relativement primitif d’emploi de la force, loin de la graduation subtile qui caractérise notre époque. Le “service des canonnières chargé de la police des côtes du Céleste Empire” en est l’exemple le plus pittoresque et le plus connu, mais il est loin d’être le seul. Les stations d’Extrême-Orient disposent aussi de navires de haute mer, croiseurs et cuirassés[28]. On connaît les conséquences immenses des visites de l’escadre du commodore Matthew Perry au Japon, en juillet 1853 et février 1854, qui contraignent le Japon à s’ouvrir au monde : Perry réussit là où le commodore Biddle avait échoué sept ans plus tôt, parce que son affaire avait été très soigneusement préparée (il avait bien compris l’importance du cérémonial pour les Japonais) et qu’il dispo­sait de navires à vapeur, alors que Biddle n’avait que des navires à voile. Les Européens prennent ensuite le relais en profitant de la guerre de Sécession qui détourne les États-Unis du Pacifique : en 1863 et 1864, des escadres combinées franco-britanniques bombardent les ports de Kagoshima et Shimonoseki. Mais le Japon réussit à préserver son indépendance et il apprend vite : dès 1876, il recourt au même procédé à l’égard de la Corée, obligée de lui ouvrir trois ports.

Les affaires japonaises et chinoises ne sont que les épisodes les plus connus d’une succession d’ambassades auxquelles prennent part toutes les puissances européennes : l’Italie envoie ainsi, en 1866, la corvette Magenta, pour la signature des premiers traités de commerce et de navigation avec le Japon (25 août) et avec la Chine (26 octobre)[29], puis la corvette Principessa Clotilde, en 1871, pour la signature du traité d’amitié et de navigation avec la Birmanie (3 mars). En 1876, la corvette Vettor Pisani, commandée par le duc de Gênes, permet l’éta­blissement de relations diplomatiques avec la Corée[30]. La différence principale avec notre époque est le recours plus fréquent et plus « facile » à la force, lorsque les nationaux sont menacés ou lorsque les exigences diplomatiques et commerciales ne sont pas satisfaites avec suffisamment de célérité : l’amiral Daveluy a laissé un tableau particu­lièrement vivant de la démonstration effectuée par la division navale d’Extrême-Orient contre le Siam en 1893[31]. Dans nombre de cas, la démonstration dégénère en imposition du protectorat ou en annexion pure et simple. C’est ainsi que la France met la main sur l’Indochine et sur Madagascar, entre autres. En Indochine, il y a d’abord des démons­trations navales pour protéger les missionnaires français : en 1843 et 1845, deux frégates parviennent à se faire remettre des missionnaires français condamnés à mort ; en 1847, une nouvelle démonstration en faveur de la liberté du culte catholique dégénère en combat contre la flotte annamite, qui est détruite, mais ce succès tactique se paie d’une recrudescence des persécutions anti-chrétiennes, comme celle de 1856. Le parti catholique en profite pour obtenir “un coup de vigueur” contre Tourane, de concert avec les Espagnols, qui veulent venger l’exécution d’un de leurs évêques. La prise de Tourane, en septembre 1858, ouvre la voie à celle de Saigon, en février 1859, puis à un engrenage qui aboutit à l’établissement de la France en Cochinchine : “La campagne de Cochinchine est l’exemple type de l’opération de « maintien de la paix » qui a « échoué » et s’est transformée sous la pression des événe­ments militaires en conquête territoriale puis en colonie”[32]. L’affaire malgache est également représentative du processus : au départ, il y a l’envoi d’une escadre, commandée par le contre-amiral Pierre, pour faire respecter les traités de 1841 et 1842 avec les Sakalaves de la côte, face aux empiètements du gouvernement hova soutenu par la Grande-Bretagne ; l’ultimatum ayant été repoussé, Tamatave est bombardée et occupée le 13 juin 1883. S’ensuit une implantation militaire, prélude à la conquête totale de l’île en 1895, malgré les protestations britanni­ques.

L’empire turc est fréquemment visé, dès la première moitié du xixe siècle, lorsque l’Europe envoie ses flottes au secours des insurgés grecs : la démonstration destinée à “en imposer aux Turcs et les déterminer à transiger” se termine par la destruction de la flotte turque à Navarin, en 1827[33] ; à maintes reprises, les stations de Méditerranée orientale viennent protéger les chrétiens d’Orient. C’est le lieu d’élec­tion de la rivalité franco-anglo-russe[34], qui se manifeste avec éclat lors de la crise de 1840 : après être restée passive face aux demandes d’assistance du sultan confronté aux velléités d’indépendance du pacha d’Égypte Méhémet-Ali, la diplomatie britannique se décide à intervenir pour faire échec à la France, qui soutient Méhémet-Ali, et ne pas laisser le sultan s’en remettre à la Russie ; en avril 1840, le Mediterranean Squadron est envoyé à Constantinople pour prévenir une attaque égyp­tienne ; en juin, un détachement est expédié à Beyrouth pour protéger les intérêts britanniques en cas de trouble. Il s’agit jusqu’alors de dissua­der Méhémet-Ali d’entreprendre de nouvelles opérations, mais ce but négatif cède bientôt la place à un objectif plus ambitieux : le contraindre à abandonner la Syrie. Le 9 septembre, l’amiral Stopford bombarde Beyrouth, un corps expéditionnaire est mis à terre ; enfin, le 3 novembre, Saint-Jean d’Acre est bombardée et occupée, ce qui conduit Méhémet-Ali à céder. La Grande-Bretagne est parvenue à ses fins, non sans avoir risqué une crise majeure avec la France, qui aurait pu dégénérer en guerre sans la prudence du roi Louis-Philippe[35].

 C’est le début des interventions humanitaires, au bénéfice des ressortissants nationaux et européens, en premier lieu, mais plus géné­ralement des personnes ou des communautés menacées, comme l’indi­que le ministre de la Marine français en 1841 : “Dans le cas où il s’agirait de sauver des proscrits ou de soustraire à la vengeance du vainqueur les vaincus… il n’y aurait plus lieu de se renfermer sur l’attitude passive… L’humanité a des droits que rien ne peut faire méconnaître”[36]. Apparaît ainsi l’intervention d’humanité qui ne sera théorisée que plus tard, mais qui est bien à la base de l’intervention française en Syrie, en 1860, destinée à arrêter les massacres perpétrés par les Druzes contre les Chrétiens. Les instructions du commandant de la division navale du Levant sont explicites : “Votre tâche est, avant tout, une tâche d’humanité… Il importe que votre présence prouve aux montagnards que nous ne sommes point indifférents à leur sort et que nous compatissons à leurs maux”[37].

Les pays d’Amérique latine, nouvellement indépendants, ont également fait les frais, à de multiples reprises, de cette diplomatie de la canonnière, sans pouvoir se défendre autrement que sur un plan juridique en essayant de mettre la protection diplomatique hors la loi (par les clauses Calvo et Drago, que les juristes européens s’empres­saient de déclarer invalides). C’est par une telle intervention que commence la guerre du Mexique, les autres pays européens choisissant ensuite de se retirer, tandis que la France continuera[38]. C’est également une telle intervention qui marque le début de l’affirmation internatio­nale des États-Unis, lorsque ceux-ci se manifesteront avec éclat durant la crise venezuelienne de 1902-1903, pour s’opposer aux prétentions européennes et mettre en pratique la doctrine de Monroë : pour la première fois, l’US Navy concentre dans les Caraïbes une flotte supé­rieure à la force anglo-italo-allemande qui a entrepris le blocus des ports venezueliens, bombardant certains d’entre eux et détruisant la flotte venezuelienne pour obtenir le paiement des dettes. L’épisode contribue encore à renforcer le navalisme aux États-Unis[39]. Mais certains États d’Amérique latine ne se contentent pas de subir, ils se lancent eux aussi dans des démonstrations navales, notamment l’Argen­tine et le Chili, qui se disputent la Patagonie : en novembre 1878, les deux pays sont sur le point d’en venir à la guerre lorsque chacun envoie une division navale vers le détroit de Magellan. Finale­ment, un accord est trouvé, mais la tension persistante entraînera une course aux armements navals, qui ne sera enrayée que par les Pactos de Mayo, en 1902[40].

C’est à cette époque que s’organisent les opérations de protection ou d’évacuation de ressortissants lors des guerres civiles ou inter­étatiques, effectuées par les navires de différents pays qui agissent parallèlement. La coordination est parfois prévue au niveau diploma­tique, mais, le plus souvent, elle s’organise sur place, de manière empirique. En 1890, lors de la mutinerie de la flotte argentine, les commandants des navires étrangers présents à Rio de Janeiro (un Espagnol, deux Britanniques et un Uruguayen), se concertent et sortent en colonne pour intimer aux mutins l’ordre de cesser leur bom­bardement[41]. L’épisode le plus spectaculaire est la révolte des Boxers, en 1900 : les commandants des stations navales française, britannique, russe, allemande, italienne, autrichienne, américaine et – fait nouveau – japonaise se concertent pour assurer la protection des légations face aux insurgés ; à l’exception de l’américain, qui a reçu de son gouvernement l’ordre de ne pas intervenir[42], ils envoient à terre des détachements qui vont soutenir un siège de 55 jours, abondamment popularisé par la littérature et le cinéma, jusqu’à leur délivrance. L’affaire dégénérera en guerre, avec l’envoi d’un corps multinational de 120 000 hommes aux ordres du maréchal allemand von Waldersee[43]. Moins spectaculaire est la coordi­nation des stations navales à l’occasion de la guerre hispano-américaine de 1898, à Cuba et aux Philippines, des crises coréennes, lors du déclenchement de la guerre russo-japonaise, en 1904, et lors de l’annexion par le Japon, en 1910[44], ou de la révolution chinoise de 1911.

Il peut y avoir aussi des missions qui se rapprochent des actuelles missions de service public, comme la lutte de la Royal Navy contre la traite dans la première moitié du xixe siècle, avec déjà les ambiguïtés qui s’attachent aux actuelles interventions humanitaires : même quand ils sont acquis à l’abolition de la traite, les dirigeants américains n’acceptent pas un droit de visite contraire à la liberté des mers (il est vrai que la Grande-Bretagne en avait plus qu’abusé durant les guerres napoléoniennes, n’hésitant pas à rafler des marins américains pour compléter les équipages de la Royal Navy) ; chaque interception, lorsqu’elle est suivie d’une fouille, entraîne des protestations et des demandes d’indemnité[45].

La diplomatie de la canonnière dans les crises européennes

Mais les victimes pouvaient aussi être européennes, comme le Portugal, lors du forcement des défenses du Tage par l’escadre de l’amiral Roussin en 1831. Et, naturellement, il y a les démonstrations navales entre puissances européennes lors des crises : la plus specta­culaire est celle de 1840 à propos de l’Égypte[46], qui manque de peu de dégénérer en guerre, mais il y en a d’autres : lors du coup d’État du 2 décembre 1851, l’escadre française établit une croisière dans la Manche contre une hypothétique descente britannique.

Vers la fin du siècle, les démonstrations navales se multiplient au fur et à mesure que le climat international se tend et que les alliances s’organisent : en février 1888, le gouvernement italien s’attend à une attaque imminente de la France, à la suite de propos provocateurs tenus par des officiels français. Il appelle l’Allemagne au secours, mais celle-ci n’a pas encore de flotte de haute-mer ; Bismarck réussit à convaincre le gouvernement britannique d’envoyer une escadre de la Royal Navy faire escale à Gênes. Cette visite est abondamment couverte par la presse internationale, et notamment française, qui comprend parfaite­ment l’avertissement. Dès le mois suivant, une nouvelle démonstration anglo-italo-autrichienne est menée devant Barcelone en soutien du premier pacte méditerranéen implicitement dirigé contre la France[47]. Certaines de ces visites peuvent d’ailleurs avoir un effet pervers : en 1891, la Mediterranean Fleet fait escale à Fiume puis à Venise. Il n’y a là que des visites de bon voisinage sans message politique particulier. Mais les décideurs français établissent un lien, purement artificiel, entre ces escales et la visite d’État du Kaiser à Londres. Ils y voient l’amorce d’une coalition contre la France, ce qui les incite à resserrer l’alliance franco-russe, d’où la décision d’envoyer la flotte française en visite à Kronstadt[48]. Cette visite, en août 1891, est suivie de celle de l’escadre russe de l’amiral Avellan à Toulon, en octobre 1893. L’accueil est enthousiaste, l’alliance franco-russe est scellée aux yeux du monde.

Le retentissement est immense, suscitant de vives inquiétudes à Londres[49]. L’escadre italienne se rend en visite à Toulon en 1901, marquant la fin d’une longue période de brouille et ouvrant la voie aux accords secrets de 1902 qui détachent de facto l’Italie de la Triplice[50]. En 1903, l’Espagne, inquiète des menées britanniques et allemandes, envisage une alliance avec le bloc franco-russe. La France répond à ses invitations par une spectaculaire visite de sa flotte à Carthagène qui reçoit une grande publicité et a un impact profond dans les milieux politiques et militaires espagnols, sans pour autant déboucher sur l’alliance espérée par Madrid, en raison des divergences de vue entre les deux capitales[51].

On assiste aussi, le climat de rivalités impériales aidant, à une diplomatie navale de prestige, qui culmine avec la célèbre croisière autour du monde de la Great White Fleet de décembre 1907 à février 1909, décidée par le président Théodore Roosevelt : une escadre de 16 cuirassés parcourt 43 000 milles en quinze mois, avec vingt escales sur tous les continents. L’affaire a été préparée avec le plus grand soin sur le plan diplomatique : au moment où les relations avec le Japon se dégradent, Roosevelt s’est assuré que la flotte américaine serait la bienvenue en baie de Tokyo ; il confie à l’amiral Sperry un message pour l’empereur ; afin de ne pas inquiéter les Chinois, seule une partie de l’escadre s’arrêtera dans un port chinois et il n’y aura pas d’escale à Hong Kong, pour ne pas suggérer une collusion anglo-américaine. Ce premier grand déploiement sur toutes les mers manifeste avec éclat la montée en puissance des États-Unis. L’Australie, dominion britanni­que, insiste pour que la White Fleet fasse escale dans ses ports[52].

Certains pays, qui n’ont pas les moyens d’une telle politique, essaient de se rattraper par des effets d’annonce, ce que l’on appellera plus tard une stratégie déclaratoire. Les Russes sont particulièrement experts dans ce domaine : “les Russes étaient de bons publicistes (bien meilleurs que l’amirauté britannique[53]) et toutes sortes de merveilles étaient constamment annoncées comme prêtes à sortir des chantiers de Sébastopol et de Kronstadt. En 1894, par exemple, ils annonçaient un programme vicennal de 24 cuirassés et 13 croiseurs. En 1896, ils promettaient solennellement de répondre navire pour navire aux Britanniques avec des unités égales ou supérieures. L’opinion publique britannique avalait ces histoires et même l’Amirauté, qui de toute façon n’avait pas de raison de calmer les inquiétudes publiques, s’y laissait prendre de temps à autre”[54]. Il peut en résulter un décalage fâcheux entre la stratégie déclaratoire et la réalité des moyens, avec parfois des conséquences diplomatiques. C’est ainsi que les Russes insistent auprès de Paris pour obtenir un accès à la base de Bizerte, qui leur permettrait d’établir une division navale en Méditerranée. Le Quai d’Orsay serait prêt à leur donner satisfaction, mais la rue Royale s’y oppose farouchement, précisément parce qu’elle connaît l’état de faiblesse de la marine russe, qui n’a pas les moyens de ses ambitions[55].

Au début du xxe siècle, la visite de la canonnière allemande Panther à Agadir a un immense retentissement : elle projette au premier plan de l’actualité européenne la crise marocaine[56] et donne un nom à notre phénomène, puisque c’est elle qui popularise l’expression “diplomatie de la canonnière”. L’affaire a été étudiée en détail par Jean-Claude Allain qui a en fait ressortir toute sa complexité. La lecture commune y voyait une illustration de l’impulsivité du Kaiser qui aurait agi “sur un coup de tête”, par simple désir de montrer sa force. L’ou­verture des archives révèle, au contraire, une décision soigneuse­ment mûrie et pesée dans tous ses détails. Au départ, Guillaume II était opposé à une démonstration navale, dont il pensait qu’elle ne produirait aucun effet. Il a changé d’avis après la marche des Français sur Fès, qui violait manifestement l’accord d’Algésiras sur le statut du Maroc, et après avoir épuisé les ressources de la diplomatie classique. Agadir a été choisi de préférence à Mogador, pour éviter des complications avec les puissances européennes ; une préparation diplomatique en direction des tribus locales est prévue, avec des agents ; le secret qui entoure l’opération est très vigoureux, les exécutants étant informés au dernier moment, par un télégramme en forme d’acrostiche (d’où le nom de code : opération Acrostychen) ; le commandant du croiseur Berlin, qui rejoint la Panther, reçoit l’ordre d’éviter toute démonstration intempes­tive. De fait, la surprise sera totale et l’effet saisissant, alors que l’es­cale de la canonnière Eber à Casablanca, quelques mois plus tôt, était passée inaperçue. L’opération a donc été bien préparée et plutôt bien conduite, même si l’obsession du secret a empêché la préparation psychologique prévue d’avoir lieu (les agents ont été prévenus trop tard). Ses effets n’en sont pas moins discutables : malgré les précau­tions prises, c’est l’Allemagne qui passe pour le fauteur de crise, alors même que c’est la France qui a pris l’initiative de remettre en cause le statut de l’empire chérifien. Le président du Conseil Joseph Caillaux a “géré” la crise intelligemment, s’abstenant de toute escalade : la canonnière La Surprise est mise en alerte à Casablanca, mais n’est pas envoyée à Agadir. La France sort diplomatiquement renforcée de l’affaire et consolide son emprise sur le Maroc. En même temps, sans cette démonstration, l’Allemagne aurait été mise devant le fait accom­pli sans aucune compensation, alors que la négociation qui s’ensuit lui en octroie en Afrique équatoriale (c’est l’accord sur “le bec de canard”). On mesure la difficulté d’une utilisation symbolique et “maitrisée” de la force.

Célèbre entre toutes, l’affaire d’Agadir est loin d’être la seule de son espèce. Il y en a plusieurs durant les crises balkaniques. La tension est à son comble à l’été 1908, lorsque l’Autriche-Hongrie annexe la Bosnie, qu’elle occupe depuis 1878. Face aux réactions serbes et russes, le gouvernement de Vienne concentre sa flotte dans le port de Cattaro en octobre 1908 ; en mars 1909, lorsque la Serbie relance la crise en réclamant un accès à la mer, l’escadre austro-hongroise se livre à des manœuvres, incluant des exercices de débarquement près de la frontière montenegrine ; un accord entre Rome et Vienne est finalement conclu le 31 mars et la flotte austro-hongroise est démobilisée le mois suivant[57]. En novembre 1912, lorsque la Serbie occupe Saint-Jean de Medua et Durazzo, Vienne réagit en rappelant son escadre, alors en croisière en mer Égée, et en mettant en alerte sa flottille du Danube ; seule l’internationalisation de la crise évitera qu’elle ne dégénère en guerre[58].

Certaines interventions multinationales pour faire respecter le droit peuvent être regardées comme les ancêtres des actuelles opéra­tions sous mandat. La Méditerranée a vu se succéder de telles opéra­tions à partir des années 1880, au fil des crises balkaniques : en 1896-1897, la crise crétoise aboutit au blocus de la partie occidentale de l’île par une force internationale pour empêcher la Grèce d’approvisionner les insurgés ; en 1912, les velléités serbes de main-mise sur le Monté­négro entraînent un blocus international des côtes monténégrines, qui contraint la Serbie à renoncer à son dessein d’envoyer à Scutari des troupes transportées par des navires grecs. L’année suivante, la crise albanaise, du fait de la rivalité entre l’Italie et l’Autriche-Hongrie, est réglée par un blocus international de Durazzo[59].

Le recensement de toutes ces manifestations reste à faire. Une étude historique comparative ferait apparaître un corpus extrêmement étendu concernant la plupart des pays européens. Il suffit de lire les études de Mariano Gabriele et Giuliano Friz[60] pour mesurer l’implica­tion de l’instrument naval italien dans ce genre de pratique en Médi­terranée bien sûr, mais aussi en mer Rouge, dans l’Atlantique Sud et jusqu’en Extrême-Orient et dans le Pacifique Sud-Est.

Les mutations du xxe siècle

Avant même la première guerre mondiale, des signes annoncia­teurs laissent augurer du déclin de la diplomatie des canonnières : c’est ainsi que la deuxième convention de la Haye, dite convention Porter, en 1907, interdit le recours à la force pour le paiement des dettes et lui substitue l’arbitrage. Surtout, les marins eux-mêmes tendent à se désintéresser de ces actions “périphériques” pour concentrer toute leur énergie sur la guerre générale qui se profile à l’horizon, avec une netteté grandissante à partir des premières années du xxe siècle. Lord Fisher, réorganisant la Royal Navy dans la perspective d’une guerre contre l’Allemagne, sacrifie sans états d’âme les stations lointaines au profit d’une concentration dans les eaux métropolitaines (la Home Fleet), en vue de la bataille décisive ; dans ses mémoires, parus après la première guerre mondiale, il tournera en ridicule les protestations des diplomates. La stratégie navale se trouve dépouillée d’un volet, aupa­ravant essentiel, de sa dimension politique, pour être asservie à la guerre future[61].

L’entre-deux-guerres

Après la première guerre mondiale, la diplomatie navale est confrontée à une mutation de l’environnement international, principale­ment d’ordre juridique : alors qu’auparavant, l’intervention était prati­quement une compétence discrétionnaire de l’État, elle tend de plus en plus à se transformer en compétence liée, c’est-à-dire encadrée par des conditions : le doyen Georges Scelle, l’un des plus illustres internatio­nalistes français, affirme ainsi que “l’intervention a pour but le main­tien de l’ordre public international et la réalisation du Droit. Le cas type est celui de l’intervention d’humanité”[62]. On voit donc s’es­quisser une remise en cause de la diplomatie de puissance au profit d’une diplomatie humanitaire. Naturellement, la pratique reste en retard sur la théorie : les démonstrations nationales demeurent, mais l’on assiste à la multiplication d’opérations multinationales, sous l’égide de la Société des nations ou de coalitions ad hoc.

En 1919, la France envoie le croiseur La Marseillaise dans la Baie allemande, à la demande du gouvernement danois qui craint des manifestations allemandes dans le Schleswig, où doit être organisé un plébiscite. Cette intervention classique, purement française, cède bientôt la place à la première opération navale multinationale sous mandat de la SDN : celle-ci met en place une commission internatio­nale de surveillance du plébiscite, appuyée par une force navale franco-britannique, placée sous les ordres d’un amiral britannique. D’autres interventions se produisent en Baltique pour soutenir l’indépendance des États baltes et de la Finlande[63].

Les années 1930 voient la répétition des crises en Europe, dont certaines entraînent des démonstrations navales de grande ampleur. La plus impressionnante intervient en 1935-1936 : le gros des moyens de la Royal Navy est concentré en Méditerranée et à Gibraltar pour faire fléchir Mussolini : le First Sea Lord explique qu’un tel envoi “would act as a deterrent to Mussolini”[64], c’est l’une des toutes premières occurrences militaires du concept de dissuasion. Double échec : l’Italie ne renonce pas à la conquête de l’Éthiopie et il ne reste plus grand-chose dans les eaux métropolitaines lorsque Hitler remilitarise la Rhénanie, en mars 1936, affaiblissant encore la capacité de réaction britannique. Tout de suite après éclate la guerre civile espagnole, qui se traduit par un engagement massif des marines européennes, pour des évacuations de ressortissants espagnols qui relèvent de la diplomatie humanitaire[65], des évacuations de nationaux ou à l’appui de l’un ou de l’autre belligérant[66] (l’Italie allant jusqu’à engager clandestinement des sous-marins contre les cargos soviétiques qui ravitaillent les républi­cains[67]) ou pour faire respecter le droit international (la conférence de Nyon organise un dispositif de lutte contre ces sous-marins “pirates”[68]).

La diplomatie de la canonnière, sous sa forme la plus primaire, n’est pas pour autant devenue caduque, les petits souverains du Moyen-Orient, notamment ceux du golfe Persique, en font encore l’expé­rience : encore en 1930, lorsque l’émir de Sharjah a l’audace de refuser le stationnement d’une barge de la Royal Air Force dans ses ports, la Grande-Bretagne réagit en envoyant un navire qui détruit sa flotte perlière. En 1933, le gouverneur de Djibouti craint une déstabilisation de la colonie par suite des incursions répétées de “bandes éthio­piennes”. La marine envoie d’abord deux petits bâtiments, les avisos Vimy et Diana, pour une mission en mer Rouge, puis le transport d’hydravions Commandant Teste, qui arrive à Djibouti le 5 mars et met en œuvre ses hydravions au-dessus du désert, avec des effets immé­diats : “Arrivée Commandant Teste, Ypres et troupes produit un effet moral considérable… Gouvernement Abyssinie a aussitôt fait transmet­tre gouverneur intentions amicales”[69].

Le déclin de la diplomatie de la canonnière

Après 1945, l’usage, même limité, de la force devient de plus en plus difficile, car les victimes n’hésitent plus à riposter : sir James Cable date le tournant de 1949, lorsque la frégate Amethyst, qui remonte le Yang Tse jusqu’à Nankin, où elle doit assurer la protection de l’ambassade britannique, se fait canonner par une batterie commu­niste : plusieurs fois touchée, obligée de s’échouer, elle parvient à se dégager et à rejoindre la haute mer ; mais plus aucun navire occidental n’essaiera de remonter les fleuves chinois[70]. Le droit international se montre de plus en plus hostile à la diplomatie de la canonnière. La Grande-Bretagne, en fait l’amère expérience dès 1949, lorsqu’elle est condamnée par la Cour internationale de justice pour avoir pénétré dans les eaux territoriales albanaises en vue de neutraliser un champ de mines posé clandestinement par le gouvernement communiste de Tirana (opération Retail) : la Cour n’admet pas l’argument de la légi­time défense[71]. De même, les États-Unis seront sévèrement condamnés, en 1986, pour leurs activités illicites contre le Nicaragua sandiniste[72]. Plus remarquable encore, la Cour a récemment renvoyé dos à dos les États-Unis et l’Iran dans l’affaire de la destruction des plates-formes pétrolières détruites par l’US Navy en 1987 : par une démarche assez tortueuse, elle a considéré que la preuve de la nationalité de la mine ayant endommagé le destroyer Samuel B. Roberts (fait à l’origine de l’action américaine) n’était pas apportée et, qu’en tout état de cause, la riposte était disproportionnée[73].

Nouvelles formes de la diplomatie navale

Cette double évolution, jointe à l’émergence d’un nouveau droit de la mer consacré par la IIIe convention des Nations unies sur le droit de la mer signée le 10 décembre 1982, a pu conduire certains observa­teurs à mettre en doute la pérennité de la diplomatie navale[74]. Craintes compréhensibles, en une période de profonde transformation du système international, mais démenties par la simple observation de l’actualité internationale : la diplomatie de la canonnière, dans sa forme “rustique”, est plutôt passée de mode, elle n’a pas pour autant disparu. La Chine, la Turquie, pour ne citer qu’elles, recourent volontiers aux démonstrations de force. Et le Mexique, en avril 1979, a effectué une manifestation que l’on croyait surannée, à savoir l’envoi d’une division navale, à bord de laquelle avait embarqué le président de la Répu­blique, pour prendre solennellement possession de l’île Clarion, à 1 100 km des côtes mexicaines[75]. Dans les années 1970-1980, les attaques de territoires, le plus souvent insulaires, n’ont pas manqué : Abou Moussa et les Tomb par l’Iran en 1971 ; Mbanié par le Gabon en 1972 ; les Paracels par la Chine en 1974 ; Chypre par la Turquie en 1974 ; le Timor oriental par l’Indonésie en 1975 ; les Spratleys par plusieurs riverains à partir de 1976 ; les Malouines par les Argentins en 1982 ; la Grenade par les États-Unis en 1983. Et cette diplomatie navale “traditionnelle” est rejointe (ou relayée) par des utilisations politiques, de l’instrument naval plus variées, plus complexes et au moins aussi nombreuses, sinon plus, avec la multiplication des conflits économiques (guerres de la morue entre l’Islande et la Grande-Bre­tagne, de l’anchois entre les riverains d’Amérique latine et les pays pra­tiquant la pêche lointaine… ; disputes innombrables sur la délimitation des zones économiques) et des crises régionales ou locales dans lesquelles l’instrument naval sert à manifester sa présence et à envoyer des signaux.

Loin de décliner, la diplomatie navale aurait plutôt tendance à proliférer et à “se démocratiser” comme l’a bien vu James Cable, pour des raisons à la fois techniques et politiques : techniques, avec la “diffusion de la puissance maritime” rendue effective par le missile, les patrouilleurs légers, les mines… qui ont donné une réelle capacité de nuisance aux marines les plus faibles dans les eaux côtières[76] ; politi­ques, dès lors que “les petits États non seulement peuvent causer da­vantage de dégâts en mer, mais en outre, ils sont souvent moins expo­sés qu’auparavant à des représailles”[77]. La conclusion est logi­que : “Nous pouvons raisonnablement espérer, même si nous ne pouvons pas en être certains, que la plupart des marins du monde effectueront leur carrière sans jamais recevoir l’ordre d’ouvrir le feu dans une guerre internationale. Ceci ne doit pas conduire à mettre en doute l’utilité de leurs fonctions. Dans les dernières décennies du vingtième siècle, il restera d’autres utilisations, plus fréquentes, des marines”[78].



[1]     Jean-Nicolas Corvisier, “Écrire et maintenir la paix dans le monde grec antique”, dans Isabelle Clausel, “Il n’est de trésor au monde que de paix”, Hommes, lieux et instruments de pacification de l’Antiquité à nos jours, Cahiers du Boulonnais, Cycle d’études en pays boulonnais, vol. II, 2007, pp. 24.

[2]     Renseignement fourni par M. Pierre Laederich.

[3]     John Haywood, Dark Age Naval Power. A Reassessment of Frankish and Anglo-Saxon Seafaring Activity, Londres-New York, Routledge, 1991, p. 42.

[4]     Michel Reddé, Mare nostrum, Les infrastructures, le dispositif et l’histoire de la marine militaire sous l’empire romain, Rome, École française de Rome, 1986 et Jean Peyras, “La marine romaine, arme d’élite méconnue : logistique, opérations combinées, interventions au sol”, dans Jean-Pierre Bois (dir.), Dialogues militaires entre Anciens et Modernes, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004.

[5]     Jean-Michel Rat, L’Éveil de la marine dans l’Angleterre du haut Moyen-Âge, Ville­neuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 1999, pp. 150-151.

[6]     On en trouve des descriptions dans l’histoire de Saint Olaf (renseignement fourni par M. François-Xavier Dillmann).

[7]     Archibald R. Lewis, Naval Power and Trade in the Mediterranean A.D. 500-1100, Princeton, Princeton University Press, 1951.

[8]     Jacques Dars, La Marine chinoise du xe au xive siècle, Paris, CFHM-Économica, 1992, p. 349.

[9]     Edward L. Dreyer, Zheng He, China and the Oceans in the Early Ming Dynasty 1405-1433, New York, Pearson, 2006.

[10]    Hervé Coutau-Bégarie, “L’autre moitié du monde. L’influence de la puissance maritime sur l’histoire de l’Orient”, dans Christian Buchet, Jean Meyer et Jean-Pierre Poussou (dir.), La Puissance maritime, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2003.

[11]    Alain Tallon, “Diplomatie, réforme catholique et conscience nationale : la papauté au miroir de la monarchie française pendant les guerres de religion”, Annuaire-bulletin de la Société de l’histoire de France, 1999, p. 36.

[12]    R.C. Anderson, Naval Wars in the Baltic, 1552-1850, Londres, Francis Edwards, 1969.

[13]    Jeremy Black, “Introduction”, dans Jeremy Black and Philip Woodfine (eds), The British Navy and the Use of Naval Power in the Eighteenth Century, Leicester Univer­sity Press, 1988, p. 16.

[14]    L’utilisation politique de la Royal Navy durant la période 1763-1775 a été étudiée par Nicholas Tracy dans Navies, Deterrence and American Independence. Britain and Sea Power in the 1760s and 1770s, Vancouver, University of British Columbia Press, 1988, précédé par d’importants articles : “Parry of a threat to India 1768-1774”, Mariner’s Mirror, 59, 1973 ; “The gunboat diplomacy of the government of George Grenville: the Honduran, Turks Islands and Gambian Incidents”, Historical Journal, 17, 1974 ; “The Falkland Islands crisis of 1770 : use of naval force”, English Historical Review, 90, 1975.

[15]    Barry M. Gough, Distant Dominion. Britain and the Northwest Coast of North America 1579-1809, Vancouver-Londres, University of British Columbia Press, 1980, pp. 113-114.

[16]    Succès tactique, mais erreur politique à terme, car ces démonstrations brutales jettent le Danemark dans l’alliance française, jusqu’en 1814.

[17]    Jeremy Black, op. cit., p. 17.

[18]    Gérard Pelletier, Rome et la Révolution française, Rome, École française de Rome, 2004, p. 93.

[19]    Alain Blondy, “Malte, enjeu diplomatique européen au xviiie siècle”, dans Chris­tiane Villain-Gandossi, Louis Durteste et Salvino Busuttil (dir.), Méditerranée Mer ouverte, Malte, Fondation internationale, 1997, tome I, p. 116. Il ne s’agissait pas d’une simple intimidation, puisque les navires devaient appuyer un soulèvement.

[20]    Dan H. Andersen, “La politique danoise face aux États barbaresques (1600-1845)”, dans Gérard Le Bouedec et François Chappé (dir.), Pouvoirs et littoraux du xve au xxe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2000, pp. 246-247.

[21]    En 1803, la frégate Philadelphia s’échoue devant Tripoli et est capturée. Le lieute­nant de vaisseau Stephen Decatur parvient à pénétrer dans le port sur un ketch tripo­litain et à incendier la frégate. Renato Battista La Racine, “Le guerre degli Stati Uniti contro gli stati barbareschi (1801-1805 e 1816)”, Rivista Marittima, janvier 2008.

[22]    Philip Woodfine, “Ideas of naval power and the conflict with Spain 1737-1742”, dans Jeremy Black and Philip Woodfine (eds), op. cit., p. 78.

[23]    Idem.

[24]    Paul Kennedy, Stratégie et diplomatie 1870-1945, Paris, Économica, 1989.

[25]    Encore en 1816, un commandant britannique, qui a pénétré dans le port de Macao, est réprimandé et relevé de ses fonctions.

[26]    En attendant une étude comparative, cf. Geneviève Salkin-Laparra, Marins et diplomates, Vincennes, Service historique de la Marine, 1989.

[27]    Robert L. Scheina, Latin America. A Naval History 1810-1897, Annapolis, Naval Institute Press, 1987, p. 131.

[28]    Pour l’Angleterre, cf. les travaux pionniers de Gerald S. Graham, Great Britain in the Indian Ocean 1810-1850, Oxford, Oxford University Press, 1967 et The China Station. War and Diplomacy 1830-1860, Oxford, Clarendon Press, 1978. Pour les États-Unis, Robert Erwin Johnson, Far China Station. The U.S. Navy in Asian Waters 1800-1878, Annapolis, Naval Institute Press, 1979. Pour la France, Hervé Barbier, La Division navale d’Extrême-Orient, thèse, Université de Nantes, 2006. Ce ne sont que quelques jalons dans une littérature devenue abondante.

[29]      Accessoirement, le Magenta est le premier navire de la marine italienne à effectuer une circumnavigation.

[30]    Ezio Ferrante, “Marina e diplomazia”, Afari sociali internazionali, n° 1, 2000, p. 31-32.

[31]    Amiral Daveluy, Réminiscences, Paris, CFHM-Économica, 1992, tome I, pp. 163-168.

[32]    Michèle Battesti, La Marine de Napoléon III, Vincennes, Service historique de la Marine, 1997, tome 2, p. 896.

[33]    Michèle Battesti, “La bataille de Navarin, prélude à l’indépendance de la Grèce”, dans Français et Anglais en Méditerranée 1789-1830, IIIe Journées franco-britanni­ques d’histoire de la marine, Vincennes, Service historique de la Marine, 1990.

[34]    Cf., entre autres, C.I. Hamilton, Anglo-French Naval Rivalry 1840-1870, Oxford, Clarendon Press, 1993 et John C.K. Daly, Russian Seapower and “the Eastern Ques­tion”, Annapolis, Naval Institute Press, 1991.

[35]    John B. Hattendorf, “The Bombardement of Acre, 1840 : a case study in the use of naval force for deterrence”, dans Les Empires en guerre et paix 1793-1860. IIe Journées franco-anglaises d’histoire de la marine, Vincennes, Service historique de la Marine, 1990.

[36]    Instructions du commandant d’une frégate envoyée en Crète, lors de l’insurrection de 1841, citées dans Patrick Louvier, “La Marine française et la sécurité des Chrétiens du Levant au xixe siècle (1815-1878)”, Chronique d’histoire maritime, n° 57-58, décembre 2004-mars 2005, p. 38.

[37]    Michèle Battesti, op. cit., tome 2, p. 897.

[38]    Jean Avenel, La Campagne du Mexique (1862-1867), Paris, Économica, 1996.

[39]    Ronald Spector, “Roosevelt, the Navy and the Venezuelan Controversy 1902-1903”, American Neptune, 1972 et Holger H. Herwig, Politics of Frustration : The United States in German Naval Planning 1898-1914, Boston, Little Brown, 1976, pp. 76-80.

[40]    Robert L. Scheina, op. cit., pp. 45-52.

[41]    Robert L. Scheina, op. cit., p. 56. Le même scenario se reproduira en 1893 au Brésil, lors de la révolte de la marine brésilienne.

[42]    Les États-Unis ne restent pas autant inactifs. Ils renforcent leur station, qui va compter jusqu’à 42 unités. Le secrétaire à la Marine Long prescrit à son commandant de profiter de la crise pour obtenir une base bien placée. Lorsque l’affaire s’ébruite, les Japonais font acidement remarquer que ce projet contrevient au principe d’intégrité territoriale de la Chine énoncé par le secrétaire d’État Hay quelques mois plus tôt. Il faut y renoncer.

[43]    Raymond Bourgerie, Pierre Lesouef, La Guerre des Boxers (1900-1901), Paris, Économica, 1998.

[44]    Évoquée dans la thèse citée de Hervé Barbier.

[45]    Bernard Semmel, Liberalism and Naval Strategy. Ideology, Interest and Sea Power during the Pax Britannica, Boston, Allen and Unwin, 1986, p. 34.

[46]    Patrick Louvier, La Puissance navale et militaire britannique en Méditerranée 1840-1871, Vincennes, Service historique de la Défense, 2006.

[47]    Théodore Ropp, The Developpment of a Modern Navy. French Naval Policy 1871-1904, Annapolis, Naval Institute Press, 1987, p. 192-195.

[48]    Théodore Ropp, op. cit., p.295.

[49]    En témoigne l’article de William Laird Clowes, l’un des chroniqueurs navals les plus en vue, dans le Times du 31 octobre 1893, “Toulon and the French Mediterranean Fleet”, qui relance l’épouvantail de la menace française en Méditerranée.

[50]    Pierre Milza, Français et Italiens au tournant du siècle, Rome-Paris, École fran­çaise de Rome – de Boccard, 1982.

[51]    Theodore Ropp, op. cit., p. 338.

[52]      Richard D. Challener, Admirals, Generals and American Foreign Policy 1898-1914, Princeton, Princeton University Press, 1973, pp. 258-261.

[53]    Cette affirmation est pour le moins contestable, car l’Admiralty avait développé un art consommé de la manipulation de la presse et de l’opinion visant à susciter des “paniques navales” (navy scares) lorsque le Cabinet ne lui accordait pas les crédits qu’elle réclamait.

[54]    Theodore Ropp, op. cit., p. 241.

[55]    Theodore Ropp, op. cit., p. 243.

[56]    Cf. Jean-Claude Allain, Agadir 1911, Paris, Publications de la Sorbonne, 1976.

[57]    Milan N. Vego, Austro-Hungarian Naval Policy 1904-1914, Londres-Portland, Frank Cass. 1996, pp. 51-53.

[58]    Paul G. Halpern, The Mediteranean Naval Situation 1908-1914, Cambridge, Harvard University Press, 1971.

[59]    Cf. Paul G. Halpern, The Mediterranean Naval Situation, op. cit.

[60]    Mariano Gabriele, Giuliano Friz, La Flotta como strumento di politica nei primi decenni dello stato unitario italiano, et La Politica navale italiana dal 1885 al 1915, Rome, Ufficio storico della marina militare, 1982. Également, sur l’affaire tunisienne, Mariano Gabriele, Marina e diplomazia a metà ottocento, Rome, Rivista marittima, 1996.

[61]    La théorie navale rend bien compte de cet appauvrissement. Mahan et ses épigones ne s’intéressent qu’à la bataille décisive. Même Corbett, de loin le plus perspicace, inscrit sa distinction entre major strategy et minor strategy dans le seul contexte de la guerre.

[62]    Georges Scelle, Précis du droit des gens, Paris, Sirey, deuxième partie, 1934, p. 31.

[63]    Jean-David Avenel, Interventions alliées pendant la guerre civile russe 1918-1920, Paris, Économica, 2004.

[64]    Arthur J. Marder, “The Royal Navy and the Ethiopian Crisis of 1935-1936”, dans son recueil From Dardannelles to Oran. Studies on the Royal Navy in War and Peace, Oxford, Oxford University Press, 1974, p. 68.

[65]    Sir James Cable, “Naval Humanitarianism”, International Relations, XI-4, avril 1993.

[66]    Claude Huan, “La marine allemande dans la guerre d’Espagne”, Historia, n° 487, juillet 1987.

[67]    Patrizio Rapalino, La Regia Marina in Spagna 1936-1939, Milan, Mursia, 2007.

[68]    René de Lachadenède, La Marine française et la guerre d’Espagne, Vincennes, Service historique de la Marine, 1993.

[69]    Rapport du contre-amiral Joubert, cité dans Arnaud Prudhomme, “Mission express à Djibouti”, Cols bleus, n° 2648, 15 février 2003, p. 29.

[70]    James Cable, The Political Influence of Naval Force in History, Londres, Macmillan, 1998, p. 154.

[71]    Arrêt du 4 avril 1949, Royaume-Uni contre Albanie, affaire du détroit de Corfou.

[72]    Arrêt du 27 juin 1986, Nicaragua contre États-Unis d’Amérique, Affaire des acti­vités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci.

[73]    Arrêt du 6 novembre 2003, République islamique d’Iran contre États-Unis d’Amé­rique, Affaire des plates-formes pétrolières. Cf. Pierre d’Argent, “Du commerce à l’emploi de la force : l’affaire des plates-formes pétrolières (arrêt sur le fond)”, Annuai­re français de droit international, 2003.

[74]    Par exemple, Elizabeth Young, “New laws for old navies : military implications of the law of the sea”, Survival, novembre-décembre 1974 ; Peter Nailor, “A new envi­ronment for navies”, dans Geoffrey Till (ed.), Maritime Strategy and the Nuclear Age, New York, St Martin Press, 2e éd. 1984, pp. 163-164.

[75]    Charles Rousseau, “Chronique des faits internationaux”, Revue générale de droit international public, 1979, p. 408. À vrai dire, personne ne songeait à contester au Mexique la possession de cette île, mais deux précautions valent mieux qu’une, d’au­tant que le Mexique a gardé un amer souvenir d’un arbitrage du roi d’Italie en 1931, à propos de Clipperton.

[76]    James Cable, “The diffusion of maritime power”, 1982, repris dans son recueil Diplomacy at Sea, Londres, Macmillan, 1985.

[77]    James Cable, “Conflict at Sea”, Naval Review, avril 1986, p. 107.

[78]    James Cable, Navies in Violent Peace, Londres-New York, Macmillan Press, 1989, p. 31.

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