Chapitre Deuxième : Les dimensions de la guerre sur mer au XVIIIe siècle

 

Il importe de revenir à une appréciation plus nuancée et surtout plus globale de la guerre sur mer au XVIIIe siècle. Il faut dépasser la fixation sur les batailles navales et sur le nombre de vaisseaux coulés.

Ce qui importe, c’est moins le résultat tactique immédiat que les conséquences stratégiques à plus long terme. La mer n’a d’intérêt que par les fonctions qu’elle remplit en tant que source de richesses (pêche) et surtout en tant que voie de communication. Le maître de la mer n’est pas nécessairement celui qui vient de remporter un succès tactique, mais c’est celui qui fait naviguer librement son commerce et qui interdit à l’autre de faire passer le sien sans pertes excessives ou qui soutient efficacement ses opérations terrestres. C’est dans cet esprit qu’il faut évaluer les campagnes du XVIIIe siècle. Le travail est à faire presque entièrement13. On peut simplement suggérer ici quelques pistes.

 

 

Les DIMENSIONS MILITAIRES

 

De la révolution à la sclérose de la tactique navale

 

Au XVIIe siècle, s’est produite une révolution navale qui a vu la substitution du vaisseau à la galère comme instrument privilégié du combat sur mer14. Les galères subsisteront jusqu’au milieu du XVIIIe siècle en Méditerranée, jusqu’au début du XIXe siècle en Baltique, en raison d’une géographie côtière faite d’archipels et de petits fonds, mais leur rôle deviendra de plus en plus marginal. Lépante, en 1571, a été la dernière bataille décisive entre galères, elle marque la fin de plus de deux millénaires d’histoire, puisque la première vraie bataille navale répertoriée, devant Corcyre, date de 664 avant Jésus-Christ.

L’irruption du vaisseau entraîne un bouleversement tactique fondamental : le feu se substitue au choc comme modalité principale du combat. La mêlée va progressivement céder la place à la bataille en ligne. L’apprentissage se fait durant les guerres anglo-hollandaises qui voient de très grandes batailles dont certaines sont décisives : à Portland en février 1653, les Anglais perdent 2 navires, les Hollandais 9 ; à Gabbard, en juin 1653, les Hollandais perdent 20 navires ; à Scheveningen, le 31 juillet de la même année, les Hollandais perdent 30 vaisseaux. M.A.J. Palmer a calculé que les quatre batailles de la première guerre anglo-hollandaise, en 1652-1653, avaient vu l’engagement de 466 navires, sur lesquels 19 (soit 4 %) avaient été coulés ou capturés. Les deux batailles de Gabbard et de Scheveningen, en 1653, mettent en ligne 453 navires dont 50 sont perdus (soit 11 %. 22 % pour la partie hollandaise perdante). Il s’agit là véritablement de batailles décisives. Et cela continue durant la deuxième guerre anglo-hollandaise : les trois batailles de Lowestoft (1665), des Quatre jours (juin 1666) et du Saint-James Day (juillet 1666) mettent en ligne 507 unités, dont 75 (soit 14,7 %) sont perdues.

Le système se détraque durant la troisième guerre anglo-hollandaise, celle que les Français appellent la guerre de Hollande. Les quatre batailles qui se déroulent en 1672-1673 à Solebay, à Schooneveld (I et II) et au Texel impliquent 684 navires, dont seulement 8 (soit à peine plus de 1 %) sont perdus. Cette tendance ira en s’aggravant au XVIIIe siècle. Les batailles sur mer ne sont plus décisives. Il se produit une sclérose, une dégénérescence de l’art de la guerre sur mer qui contraste curieusement avec le développement de l’art militaire terrestre durant la même période.

Cette stagnation n’a pas manqué d’intriguer et diverses explications en ont été proposées. Au début du XXe siècle, des commentateurs navals, imprégnés de l’idéologie de l’offensive, ont incriminé le manque d’esprit offensif, et même la pusillanimité des commandants d’armée navale du XVIIIe siècle. Le livre célèbre du lieutenant de vaisseau Castex, Les idées militaires de la marine au XVIIIe siècle, est une bonne illustration de cette tendance qui a persisté jusqu’à nos jours. On en trouve encore l’écho dans l’histoire de la marine de Philippe Masson, qui se livre a une critique très dure de Tourville et cite le mot célèbre de Maurepas :  » Savez-vous Messieurs ce qu’est une bataille navale ? On se rencontre, on se salue, on se canonne et la mer n’en reste pas moins salée « .

Le propos est pittoresque, mais il n’est pas sûr qu’il permette d’épuiser la complexité de la tactique et de la stratégie navales au XVIIIe siècle. Malheureusement, le déclin de l’histoire militaire traditionnelle n’a pas véritablement permis de dépasser l’explication castexienne. Il semble pourtant possible de dire que ce blocage, indiscutable, tient moins à des problèmes de personnes, voire à des blocages culturels ou institutionnels, qu’à des problèmes purement techniques.

 

Raisons techniques

 

 

Le vaisseau de haut bord, on le sait, est pratiquement incoulable. Par ailleurs, la fumée dégagée par l’artillerie est telle qu’elle interdit le plus souvent toute coordination efficace au cours du combat. Le dispositif en ligne s’impose, non par paresse intellectuelle mais parce qu’il est le plus apte à garantir contre les catastrophes. Nous avons du mal aujourd’hui à réaliser véritablement l’importance que pouvait avoir, pour les deux parties en présence, de bien se positionner au vent. Si les manœuvres, parfois fort longues, qui précèdent la bataille ont un aspect esthétique indéniable, et Michel Depeyre y insiste avec raison dans son livre15, elles ont également une finalité tactique indiscutable.

Le constat est identique en matière stratégique. On oublie, là aussi, qu’une flotte en haute mer était livrée à elle-même, pratiquement indétectable. Cela ne facilitait certes pas l’établissement de plans stratégiques. Il y a là un facteur d’explication tout simple et pourtant trop souvent oublié de la différence entre le XVIIe et le XVIIIe siècle. Les batailles dites décisives des guerres anglo-hollandaises se déroulent sur le théâtre très particulier de la basse mer du Nord, avec ses multiples petits fonds qui compliquent la manœuvre et qui aggravent considérablement la situation de la partie perdante, comme en témoigne l’écrasante disproportion des pertes entre le vainqueur et le vaincu au Gabbard (20 à 0) ou à Scheveningen (30 à 2). En haute mer, il n’y a pas d’obstacles pour gêner la retraite de l’armée navale vaincue. Et, si ledit vaincu est souvent mal en point, son vainqueur, la plupart du temps, ne vaut guère mieux. Le fait qu’un vaisseau de haut bord soit rarement coulé n’empêche pas des avaries très graves. La poursuite est dès lors rendue difficile, d’autant qu’elle risque d’entraîner une dispersion de l’armée qui est toujours dangereuse.

 

Raison conjoncturelle : l’égalisation qualitative des forces

 

 

À ce facteur géographique qui a joué un certain rôle, il faut ajouter un élément purement historique qui a bien été mis en lumière par Jaap Bruijn. La vieille marine néerlandaise est composée de navires de faible tonnage qui ne sont, le plus souvent, que des navires marchands réquisitionnés. Ils sont donc largement surclassés par leurs adversaires britanniques, tant dans le domaine de l’armement que sur un plan tactique avec des officiers insuffisamment instruits et indisciplinés. Après la désastreuse campagne de 1653, les états généraux ordonnent la construction d’une flotte qui n’appartient plus aux armateurs mais à l’État. L’ordre de bataille anglais est copié et la discipline est mieux respectée16. L’égalisation des adversaires entraîne inévitablement des batailles moins décisives. Il y a là un phénomène très simple, semblable à celui que l’on observera durant les guerres de la Révolution et de l’Empire, quand les défaites françaises et espagnoles seront le résultat logique de la trop écrasante supériorité britannique.

 

Raisons logistiques

 

 

Il faut ajouter des raisons logistiques impérieuses qui limitent l’efficacité stratégique des flottes. Après Béveziers, la flotte de Tourville n’exploite pas la victoire, et cela lui a été maintes fois reproché. Mais faut-il incriminer un chef timoré ou l’épidémie qui décime la flotte et oblige à débarquer plusieurs milliers de malades ? Ne faut-il pas également constater l’effet d’une faiblesse structurelle de la marine française face à l’Angleterre, à savoir l’absence d’un bon port sur la Manche, qui rendait difficile sinon impossible une campagne prolongée sur ce théâtre ?

 

Raisons sociologiques ?

 

 

On pourrait multiplier les interrogations. Il ne s’agit pas d’exonérer à tout prix les chefs militaires de toute responsabilité. Par définition, les grands chefs militaires navals sont rares et le XVIIIe siècle en a peut-être moins produit que d’autres époques. Un esprit plus audacieux que le comte de Toulouse aurait tiré un meilleur parti de la première journée de combat de Velez-Malaga et un amiral plus entreprenant que le comte d’Orvilliers n’aurait pas laisser échapper la chance qui s’offrait d’écraser la flotte britannique inférieure à Torbay en 1781 malgré un vent peu favorable et les hésitations de son allié espagnol.

Du côté français surtout, à un moindre degré chez les Britanniques, il faut incriminer une gérontocratie triomphante qui voit servir des amiraux septuagénaires ou même parfois octogénaires. Étienne Taillemite a insisté avec raison sur ce point en donnant quelques réjouissants (ou consternants) exemples : « Ravenel, commandant la marine à Port-Louis, âgé de 80 ans, a perdu successivement la vue, la parole, l’ouïe en partie et l’usage des jambes. On attend à chaque ordinaire la nouvelle de sa mort ». En 1778, sur 11 lieutenants-généraux, 8 sont hors d’état de commander en raison de leur âge17. On observe le même phénomène, un peu moins fréquent, outre-Manche. Si la bataille du Cap Sicié est indécise, cela peut-il surprendre alors que les deux adversaires approchent chacun des 80 ans ? John Norris commande encore la Channel Fleet à 84 ans. Il est vrai que certains vieillards témoignent d’une énergie intacte (Barham en sera le plus éclatant exemple à la fin du siècle), mais c’est l’exception plutôt que la règle.

Cet élément d’explication est plus convaincant que l’interprétation sociologique récemment proposée par Michel Vergé-Franceschi qui lie le caractère indécis des manœuvres du XVIIIe siècle à la fermeture nobiliaire du grand corps18. Il suffit d’observer que cette fermeture s’observe également dans les armées de Terre qui ne connaissent pas le même phénomène de blocage.

 

Les trois dimensions de la guerre sur mer

 

 

La dimension proprement militaire de la guerre sur mer revêt plusieurs formes. On peut schématiquement en retenir trois : la guerre de côtes, les opérations combinées et enfin la guerre d’escadres qui constitue le couronnement de l’édifice.

 

La guerre des côtes

 

 

 

c’est une dimension trop souvent sous-estimée dans la mesure où l’on se focalise sur les grands bâtiments et leurs rencontres en haute mer. La guerre de côtes est l’affaire de bâtiments légers, elle se caractérise par des opérations de harcèlement qui s’apparentent souvent plus au pillage ou aux coups d’épingle qu’à des opérations militaires de grand style. Pourtant, elle revêt une importance certaine par la fixation qu’elle entraîne chez celui qui y est confronté. La France devra immobiliser des moyens non-négligeables pour faire face aux continuelles incursions britanniques. C’est l’un des objets de la mise sur pied des régiments de milice. Des sommes considérables sont dépensées dans la construction de forteresses côtières auxquelles Vauban avait consacré une grande partie de son énergie. Il n’y a d’ailleurs pas qu’en France – dont l’infériorité face à la Grande-Bretagne est désormais un fait acquis – que l’on observe le phénomène. Les projets de débarquement français en Angleterre, pour irréalisables qu’ils soient, n’en déclenchent pas moins des paniques (« scares ») dans une population anglaise très sensibilisée au problème. Même s’il a une vue plus saine de la menace, le gouvernement britannique est obligé de tenir compte de cet état d’esprit et d’affecter lui aussi des crédits à la fortification côtière.

La stratégie française n’a pas su s’adapter à cette menace. Les côtes françaises ont constamment été exposées aux entreprises britanniques. Même si elle ne revêt pas l’ampleur et l’intensité qu’elles auront durant les guerres de la révolution et de l’Empire, elles n’en sont pas moins gênantes.

Cela dit, les moyens que la défense des côtes absorbe ont souvent été surestimés par les chantres de la puissance maritime qui ont suggéré que les effectifs immobilisés dans les places de côtes, les sommes englouties dans les fortifications, auraient été plus utilement utilisés dans l’entretien d’une flotte de haute mer. Durant la guerre de Sept Ans, les seules côtes de la Manche immobilisent 56 escadrons de cavalerie et 134 bataillons d’infanterie. L’effectif est impressionnant mais le chiffre ne doit pas faire oublier que les hommes et les crédits ne seront pas nécessairement interchangeables. Les miliciens ou les garde-côtes ne font pas souvent de bons soldats et encore moins de bons marins. Quant à l’argent dépensé dans les fortifications côtières, il n’aurait le plus souvent pas été disponible pour une autre destination, ne serait-ce qu’en raison de la part locale que les populations concernées n’auraient jamais versée pour une défense, sans doute plus efficace, mais invisible et lointaine.

 

Les opérations combinées

 

 

 

On a trop souvent tendance à penser que les grands débarquements sont une exclusivité de l’époque contemporaine. Ce n’est que lors de la Seconde Guerre mondiale que les marines se sont doté de moyens amphibies permettant de monter des opérations de débarquement de grand style contre un ennemi fortifié. À l’époque de la marine à voile, les vaisseaux de transport sont pratiquement incapables de mettre des corps expéditionnaires importants à terre : en dehors des ports, il faut recourir à des chaloupes dont la capacité est ridicule, le débarquement des chevaux et des pièces d’artillerie pose des problèmes généralement insurmontables ; le ravitaillement d’une force importante mise à terre est également problématique.

Néanmoins, on ne manque pas d’exemples d’opérations combinées au XVIIIe siècle, c’est même l’une des caractéristiques de la période que le lien très fort entre les opérations terrestres et les campagnes navales. Les Français, malgré leur infériorité, ne cessent de rêver à un débarquement en Angleterre. Durant la guerre de Succession d’Espagne, la Royal Navy, après la prise de Gibraltar, est capable de monter une opération sur les côtes de Catalogne qui permet aux impériaux d’aller affronter directement Philippe V (une victoire nette à Vélez-Malaga aurait évité cela). La marine française va jouer un rôle décisif dans le sauvetage du jeune roi d’Espagne, non seulement en permettant, comme cela a déjà été signalé, l’arrivée de l’or d’Amérique, mais aussi en soutenant directement les opérations militaires. Le succès du cap Lizard en 1707 bloque le ravitaillement des Impériaux en Catalogne et les empêche de poursuivre les opérations. Cassard assure le passage d’un très important convoi de ravitaillement destiné à l’armée du duc de Vendôme en 1711. On observera le même phénomène durant la guerre d’Indépendance américaine avec l’acheminement de convois couverts, non seulement par des divisions d’escorte, mais parfois la totalité de la flotte. Ce sera l’une des missions essentielles de Guichen et de de Grasse. Le souci d’assurer la sécurité des convois contribuera d’ailleurs fortement à gêner les chefs de ces escadres et à les détourner de chercher le contact avec l’ennemi.

L’étage supérieur est constitué par les opérations combinées proprement dites, avec des débarquements de vive force. Les guerres en Baltique en offrent plusieurs exemples. En novembre 1715, les Danois et les Prussiens débarquent une armée de près de 20 000 hommes et 5 000 chevaux dans l’île de Rügen grâce à une flottille de 330 bateaux. Cette opération parfaitement menée aboutit à la chute de Stralsund au bout d’un mois. En 1719, à Marstrand, pour venir à bout de la flotte danoise réfugiée dans un port protégé par des batteries côtières, l’amiral Tordenskjold débarque des troupes de marine qui s’emparent des batteries et les retournent contre le port. Mais on trouve également des opérations combinées sur les autres théâtres : rappelons simplement l’expédition de Sicile qui aboutit à la bataille du cap Passaro en 1718 ou l’expédition contre Minorque qui provoque la bataille de Port-Mahon en 1756.

Ces opérations sont cependant relativement rares car elles se heurtent à de très grandes difficultés. D’ordre technique tout d’abord, vu l’absence de bateaux spécialisés et les difficultés logistiques, mais aussi d’ordre stratégique : le problème de l’articulation du commandement entre le corps expéditionnaire terrestre et la marine est continuel. Il provoque très souvent de graves mécomptes, particulièrement chez les Français durant les campagnes des Indes. L’Angleterre tente plusieurs opérations de grande envergure contre les côtes françaises à Toulon en 1707, à Lorient en 1746, à Saint-Cast en 1758. Ces opérations causent une très vive alarme dans l’opinion française mais elles ne procurent pas de grands avantages stratégiques, tant il est difficile de se maintenir loin de ses bases dans un pays hostile.

Cela est tellement vrai que les Britanniques n’ont jamais cru que cette stratégie périphérique suffirait à provoquer des résultats décisifs. Liddell Hart a voulu y voir une « voie britannique de la guerre » fondée sur le refus de l’engagement sur le continent et la mise en œuvre d’une stratégie indirecte fondée sur l’exploitation de toutes les potentialités de la puissance maritime : soutien financier aux coalitions, blocus de l’ennemi, harcèlement côtier. L’amiral Castex, dès les années 30, Michael Howard plus récemment, on fait justice d’une telle légende : pour la période qui nous intéresse, il suffit de rappeler que les soldats anglais étaient bien présents à Malplaquet, à Dettingen, à Fontenoy19.

 

La guerre d’escadres

 

 

 

C’est l’étage noble de la guerre sur mer, celui qui retient toujours l’attention. Il a déjà été largement évoqué dans la discussion sur les causes du blocage tactique et stratégique qui caractérise le XVIIIe siècle. On se bornera ici, pour conclure, à deux remarques.

1. Le siècle est caractérisé par un réel effort pour tenter de surmonter ce blocage. Comme dans le domaine terrestre, la pensée navale est active. Elle est principalement le fait des Français. Les Anglais y répugnent, à la fois par pragmatisme et parce qu’il n’incombe jamais à la puissance dominante de chercher des solutions nouvelles qui pourraient parfois aboutir à remettre en cause sa suprématie (ce n’est pas par aveuglement mais bien avec discernement que l’Admiralty rejette le sous-marin proposé par Fulton). Les traités français de tactique navale sont nombreux. On ne les connaissait jusqu’à présent que par la présentation qu’en avait faite le lieutenant de vaisseau Castex dans un livre20, méritoire pour son époque, mais biaisé par son idéologie de l’offensive. Le sujet vient d’être entièrement renouvelé par Michel Depeyre dans une série de travaux couronnés par un ouvrage magistral auquel on ne peut que renvoyer. On peut cependant souligner quelques-unes des conclusions nettes qui s’en dégagent.

Le reproche de sclérose et de timidité que l’on adresse à la lignée qui part du Père Hoste (L’Art des armées navales, 1697) pour continuer par Bigot de Morogues (Tactique navale, 1763), Bourdé de la Villehuet (Le Manœuvrier, 1765) et arriver enfin aux penseurs de la fin de l’ancien Régime, notamment Grenier (L’Art de la guerre sur mer et Tactique navale, 1787) et d’Amblimont (Tactique navale, 1788), n’est pas véritablement fondé : la traversée ou la prise en enfilade de la ligne adverse n’est pas une invention de Suffren, qui l’aurait tentée sans la réussir, ou de Rodney, qui l’aurait réussie un peu par hasard à la bataille des Saintes. Elle a été envisagée et même recommandée depuis Hoste, avec prudence, il est vrai, et tentée à plusieurs reprises : au combat du cap Finisterre en 1747, Hawke essaie de doubler la ligne française par l’arrière ; la traversée de la ligne adverse est recherchée dans les instructions de De Grasse.

Le formalisme qui caractérise tous les auteurs – même Grenier, qui substitue à la ligne un dispositif en losange tout aussi rigide – n’est pas seulement le fait d’une formation trop axée sur la géométrie ; il est aussi un indice de la difficulté de manier un instrument aussi complexe que les flottes de vaisseaux de ligne.

Preuve que cet effort n’est pas vain, il est suivi dans toute l’Europe : les auteurs français sont traduits en anglais, on le savait, mais aussi, et cela on l’ignorait, en hollandais. Hoste sera traduit, au milieu du XVIIIe siècle, plus de 50 ans après sa parution, en danois et en russe. Il fera encore l’objet d’une traduction grecque en 1823. L’Écossais Clerk of Eldin, devenu l’auteur du XVIIIe siècle le plus connu car présenté comme père fondateur par l’ensemble du monde anglo-saxon, s’inspire très largement de ses devanciers français ; lui aussi a un grand retentissement avec des traductions française, néerlandaise, portugaise et russe.

Sur tous ces points, Michel Depeyre apporte des informations neuves. Il confirme, comme d’autres auteurs l’ont fait pour d’autres périodes ou d’autres secteurs de l’appareil militaire, combien la pratique se nourrit de la théorie qui l’informe et lui suggère des voies nouvelles. Le XVIIe siècle était largement dominé par l’improvisation, par l’apprentissage d’un instrument nouveau. Le XVIIIe siècle est celui de la rationalisation. Le problème est que, tout le monde ayant appris en même temps, il devient plus difficile d’obtenir la décision qui ne sera redécouverte qu’à la faveur d’un bouleversement politique fondamental.

  1. Le maniement des flottes est incomparablement plus difficile que celui des armées, notamment en raison de l’impossibilité d’assurer des communications permanentes. L’une des caractéristiques de la guerre sur mer qui fait alors sentir avec le plus de force ses effets est la dilatation du théâtre d’opérations : sur terre, on se bat en Europe, rarement dans plusieurs régions à la fois et, durant la guerre d’Indépendance américaine, dans le coin nord-est des provinces révoltées. Sur mer, au contraire, on se bat partout : en Méditerranée, en mer du Nord, dans l’Atlantique, en mer des Antilles… les corsaires français s’attaquent aussi bien à la ville de Rio qu’aux comptoirs anglais de la baie d’Hudson et Suffren conduit sa campagne des Indes coupé de toute information. Il faudra plusieurs semaines pour que la nouvelle de la fin des hostilités lui parvienne. Dès lors, il n’y a pas lieu de s’étonner que la coordination stratégique soit problématique. Ajoutons, en outre, qu’il n’y a pas de véritable état-major naval. Les forces reçoivent des instructions générales qui sont vite rendues caduques par les circonstances.
  2. L’absence de contrôle centralisé n’empêche pas les dirigeants d’avoir une réelle perception de la puissance maritime. La lecture de la littérature navale laisse, de ce point de vue, le lecteur sur sa faim. L’obsession du problème tactique est telle qu’elle éclipse toute considération stratégique. Cette dimension supérieure n’apparaît même pas en filigrane dans ces gros ouvrages focalisés sur le problème de la conduite du combat. Mais cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas de conscience de la dimension stratégique, tant sur un plan opérationnel que pour ce que nous appelons aujourd’hui la stratégie générale ou globale (la grande stratégie des Anglo-Saxons). Cette affirmation nécessiterait d’être étayée par une étude systématique qui n’a encore pu être entreprise. Signalons quelques pistes : sur un plan opérationnel, en 1745, Vernon et Anson mettent au point un système de concentration qui montre une parfaite compréhension de ce principe sur lequel les auteurs ultérieurs insisteront avec tant de force. Barham et Kempenfeldt entrevoient le système du blocus rapproché permanent qui ne pourra être effectivement mis en œuvre que durant les guerres de la Révolution et de l’Empire lorsque le système du ravitaillement à la mer sera maîtrisé. Sur un plan plus général, il existe un mémoire de Choiseul qui définit très bien les composantes de la puissance maritime britannique et les moyens de la combattre21. Le XVIIe siècle est véritablement une époque charnière dans laquelle l’art de la guerre cesse d’être une suite d’expédients et d’improvisations pour devenir systématique. La stratégie terrestre amorce cette mutation à laquelle la stratégie maritime s’adapte avec plus de retard et de difficulté mais de manière parfaitement perceptible.
 

La dimension économique : la guerre des communications

 

 

Concernant les communications, on ne peut s’empêcher de remarquer à quel point les campagnes maritimes du XVIIIe siècle sont dominées par le souci de protéger le commerce : l’énumération des rencontres franco-britanniques faite dans le premier chapitre montre qu’un certain nombre ont été commandées par le souci de sauver un convoi. Les convois ne sont pas une invention de Nelson comme on le contera souvent par la suite : ils existent depuis l’Antiquité et le procédé est parfaitement au point dans la période qui nous occupe. Simplement, comme à toutes les époques, il est employé plus ou moins tôt dans la guerre, avec plus ou moins de bonheur. Les armateurs et les capitaines marchands y répugnent naturellement car les convois impliquent une discipline de navigation, source de lenteur et donc de surcoûts. Il faut attendre qu’il y ait suffisamment de navires réunis pour former un convoi – d’où retard à l’appareillage – et il faut ensuite régler sa vitesse sur le plus mauvais marcheur – d’où retard dans la traversée. Il faut enfin décharger en même temps que les autres, à un moment qui n’est pas toujours le meilleur – d’où dévalorisation relative de la cargaison. Beaucoup de marchands préfèrent donc tenter la navigation isolée malgré tous les risques qu’elle comporte. Ils n’acceptent de remettre en cause leurs habitudes du temps de paix que lorsque les pertes sont devenues insupportables et lorsque l’État est suffisamment fort pour les y contraindre. Les Britanniques sont, à cet égard, mieux organisés et plus disciplinés que les Français. Ceux-ci parviennent à organiser un système parfaitement rôdé durant la guerre de Succession d’Autriche, avec, comme d’habitude, d’excellents résultats. La leçon est oubliée lors de la guerre de Sept Ans et il s’ensuit des pertes plus lourdes. L’expérience sera utile dans la guerre d’Indépendance américaine qui verra une organisation rapide des convois avec, là encore, d’excellents résultats. La courbe des pertes témoigne de cette efficacité des convois : 110 navires marchands perdus en 1778, 63 en 1779, 11 en 1780, 26 en 1781, 16 en 1782. Le XVIIIe siècle ne fait ici que confirmer une règle vérifiable à toutes les époques : l’efficacité de la protection directe par navigation groupée et escortée.

L’impact de cette dimension défensive de la guerre des communications ne saurait être sous-estimé. Durant la guerre de Succession d’Espagne, ce sont les flottes de l’or qui sauvent véritablement Philippe V et accessoirement la France en apportant des quantités d’or et d’argent sans lesquelles la banqueroute aurait été inévitable. Le convoi de 1707 apporte 160 tonnes d’or à Brest. Après le désastre de Vigo qui coûte 8 millions de livres aux Franco-Espagnols, Philippe V peut verser une indemnité de 4,5 millions à Louis XIV. En ces temps de budget étique, il ne s’agit pas d’une compensation symbolique.

La focalisation sur les batailles, moment paroxystique de la guerre sur mer, commune tant aux stratégistes qu’aux historiens, a longtemps fait oublier cette réalité. L’impact d’une bataille se mesure moins en termes de vaisseaux perdus (dimension purement tactique) que dans ses conséquences sur la liberté de navigation (dimension stratégique). Rappelons simplement l’exemple bien connu de la bataille de l’océan livrée par Villaret-Joyeuse en 1794. Les Anglais l’appellent le Glorious First June parce qu’ils y prirent ou y détruisirent 7 vaisseaux de l’escadre de Villaret-Joyeuse. On fit des feux de joie dans les rues et des services d’action de grâce à Westminster. Il s’agissait là, en fait, d’une opération de propagande destinée à faire oublier un échec retentissant : la flotte britannique était sortie pour intercepter un immense convoi de 117 navires parti des États-Unis avec des produits divers (surtout alimentaires) et dont la France révolutionnaire, étranglée économiquement, avait le plus grand besoin. La Convention a ordonné à l’escadre de Brest de sortir, malgré son évidente impréparation, parce que l’arrivée de ce convoi était perçue comme vitale et qu’il fallait accepter le risque d’une bataille. L’escadre britannique est restée maîtresse du champ de bataille, mais elle a ramené très peu de prisonniers et les vaisseaux qu’elle a capturés étaient dans un tel état qu’ils étaient tout juste bons à la démolition. Surtout elle avait été, elle aussi, passablement malmenée et elle dut rentrer au port. Le convoi put ainsi arriver tranquillement, non seulement sans aucune perte mais encore grossi d’une trentaine de bâtiments marchands, ennemis ou neutres, capturés durant la traversée. L’avantage stratégique reste à la France.

À côté de cette dimension défensive, il y a une dimension offensive qui est aujourd’hui sous-estimée. Une mythologie a longtemps entouré les figures des grands corsaires. Elle a entraîné, par un logique choc en retour, une dévalorisation récente : aujourd’hui, on met plutôt l’accent sur les pourcentages très faibles de pertes britanniques par rapport au volume total du commerce. C’est indiscutable. Mais la critique méconnaît la nature de la guerre de course. Certes, celle-ci ne produit (jusqu’à l’époque contemporaine, avec l’avénement du sous-marin et de l’avion qui entraîne un changement de nature) pas de résultat décisif. Elle n’en constitue pas moins un appoint particulièrement intéressant pour celui qui conteste la suprématie de la puissance dominante. La course, par définition, ne coûte pas cher aux finances royales et les bénéfices qu’elle procure, s’ils sont marginaux, n’en sont pas pour autant négligeables. Duguay-Trouin rafle 16 vaisseaux et plus de 300 navires marchands. Le chevalier de Saint-Pol-Hécourt, disciple de Jean Bart, porte quelques coups sévères à la navigation en mer du Nord : en 1704, il capture 150 navires de pêche anglais, un vaisseau et plusieurs marchands en avril, un vaisseau et 6 marchands en mai, 3 vaisseaux et 11 marchands en octobre. Jacques Cassard, figure trop méconnue, porte les coups les plus rudes à la puissance britannique : sa campagne de 1708 coûte près de 50 millions de livres aux Britanniques ; ses campagnes de 1712 et 1713 causent des dégâts immenses aux établissements anglais et hollandais des Antilles : plus de 30 millions de livres de dégâts. À la Grenade en 1779, 30 marchands anglais sont pris. En 1782, Lamotte-Picquet s’empare du convoi de Saint-Eustache, faisant d’un seul coup 22 prises.

Certes, on peut soutenir que les 900 marchands anglais capturés durant la guerre d’Indépendance américaine ne représentent qu’une infime partie du total. Mais il ne s’agit que d’une évaluation a posteriori, que nous qualifierions aujourd’hui de « macro-économique ». Ces pertes sont d’autant plus durement ressenties qu’elles ne surviennent pas de manière régulière, à doses homéopathiques. La perte d’un convoi ou d’un comptoir peut précipiter la ruine d’un ou de plusieurs armateurs, enclenchant les classiques conséquences financières sur l’ensemble de la City. On a des témoignages sur la panique qui a saisi plusieurs fois celle-ci au déclenchement des hostilités ou après des coups durs22. En outre, il faut tenir compte des habituels effets induits : le risque représenté par les corsaires oblige à la formation de convois, avec les désagréments déjà signalés, il entraîne une hausse des primes d’assurance, oblige à affecter à la protection des communications des moyens (frégates et vaisseaux pour l’escorte des convois et la chasse aux corsaires) qui pourraient être utilement employés ailleurs. Il y a là un système complexe que la théorie stratégique a insuffisamment mis en valeur23 et dont les historiens ont manifestement du mal à saisir toute la portée.

Daniel Dessert passe complètement à côté de cette réalité : durant les guerres du XVIIIe siècle, il y a eu une succession de batailles dans l’Atlantique pour les communications maritimes et la marine française a réussi à remplir honorablement son rôle. Elle a, à maintes reprises, assuré le maintien de communications vitales. Si son bilan tactique est discutable pour des raisons multiples dont on n’a pas fini de débattre (insuffisance du commandement, indiscipline des officiers, hésitations ou inconséquence du gouvernement…), le bilan stratégique est loin d’être négatif.

Patrick Villiers s’est davantage approché de la réalité dans ses travaux sur la guerre d’Indépendance américaine. Il a mis en lumière une vérité longtemps occultée et qui peut paraître paradoxale : après la désastreuse bataille des Saintes, la maîtrise de la mer des Antilles devrait être britannique. En fait, la flotte de Rodney a souffert presque autant que l’escadre française vaincue. Elle doit rentrer en Europe, laissant le champ libre aux corsaires français qui déploient une activité maximale en 1782-1783. Les dégâts sont considérables et la City fait pression sur le gouvernement britannique pour qu’il mette fin le plus vite possible aux hostilités24. Encore un exemple de dissociation entre la dimension tactique et la dimension stratégique.

 

La dimension politique

 

 

Il faut encore souligner un aspect négligé par les historiens modernistes alors qu’il est, au contraire, très bien étudié pour la période contemporaine : la dimension politique des flottes. Dimension symbolique en tant que manifestation de la puissance. Dimension active en tant qu’instrument diplomatique. Signalons simplement quelques exemples fournis par la Grande-Bretagne25 : en 1735, le soutien au Portugal contre les velléités espagnoles, manifesté par l’envoi d’une division navale à l’entrée du Tage, exemple classique de diplomatie coopérative ; en 1742, une démonstration au large de Naples qui dissuade les souverains napolitains d’abandonner l’alliance britannique, exemple type de diplomatie coercitive. En 1770, l’affaire des Malouines entre la Grande-Bretagne et l’Espagne donne lieu à des déploiements d’intimidation, tout comme la crise du Nookta Sound vingt ans plus tard. La diplomatie navale n’est pas l’exclusivité de la marine de l’époque contemporaine et l’on s’étonne qu’elle n’ait fait l’objet d’aucune étude systématique (il y aurait là un beau sujet de thèse).

*
* *

Avec les moyens et concepts dont nous disposons aujourd’hui, il est facile de réécrire l’histoire et de dénoncer le caractère timoré de tel ou tel chef ou de tel ou tel plan et de dire ce qu’il aurait fallu faire. Nous perdons trop vite de vue les immenses difficultés auxquelles se heurtaient les hommes du temps avec une information discontinue, des équipages décimés par les épidémies, un ravitaillement qui n’arrivait pas à suivre, une poudre qui dégageait une telle fumée qu’elle empêchait de suivre correctement le déroulement du combat… La saine critique ne consiste pas à décrier ceux qui ont essayé d’agir mais à évaluer dans quelle mesure ils ont su tirer parti des moyens disponibles. Les blocages que nous discernons trop vite, dans la guerre sur mer au XVIIIe siècle, n’en étaient pas nécessairement pour les hommes du temps. Mais de longues recherches seront encore nécessaires avant d’avoir une vision compréhensive, dans tous les sens du terme, de ce système terriblement complexe dont cette esquisse n’a pu donner qu’un très faible aperçu.

 

Notes:

13 On doit cependant signaler quelques travaux récents qui marquent un progrès notable en direction de l’alliance de l’histoire économique et de l’histoire militaire. En France, les travaux de Jean Meyer et de ses élèves ; en Grande-Bretagne, il faut surtout lire l’extraordinaire synthèse de Paul Kennedy, The Rise and Fall of British Naval Mastery, Londres, Macmillan, 1976.

14 M.A.J. Palmer, “The “ Military Revolution ” Afloat : the Era of the Anglo-Dutch Wars and the Transition to Modern Warfare at Sea”, War in History, vol. 4, n° 2, avril 1997, pp. 123-149.

15 Michel Depeyre, Tactique et stratégie navales de la France et de la Grande-Bretagne 1690-1880, à paraître chez Économica.

16 Jaap R. Bruijin, The Dutch Navy of the Seventeenth and Eighteenth Centuries, University of South Carolina Press, 1993.

17 Étienne Taillemite, L’histoire ignorée de la marine française, Paris, Perrin, 1988, pp. 165-175.

18 Michel Vergé-Franceschi, La marine au XVIIIe siècle, Paris, Sedes, 1997.

19 Amiral Castex, Théories stratégiques, tome V, 1935, réédition Paris, Économica, 1997 et Michael Howard, “The British Way of Warfare reconsidered” dans son recueil d’articles, Restraints on War, 1982.

20 Lieutenant de vaisseau Raoul Castex, Les idées militaires de la marine au XVIIIe siècle, Paris, Fournier, 1908.

21 Ce texte ne peut être cité ici puisqu’il m’a été communiqué par Bernard Lutun qui n’a pas encore soutenu sa thèse sur la marine française à l’époque de Choiseul, thèse qui devrait être riche d’aperçus nouveaux.

22 Témoignage de Burke cité dans H.W. Richmond, Seapower in the Modern World, Londres, Bell, 1934, p. 152.

23 Pour une première approche, largement insuffisante, cf. Hervé Coutau-Bégarie, La puissance maritime, Paris, Fayard, 1985.

24 Patrick Villiers, “Convois et corsaires dans l’Atlantique pendant la guerre d’Indépendance des États-Unis d’Amérique”, Revue historique, janvier-mars 1976. Cf. aussi la très intéressante réévaluation de Geoffrey Symcox, The Crisis of French Seapower, 1688-1697, from the “guerre d’escadre” to the “guerre de course”, La Haye, Martinus Nijhoff, 1974.

25 Jeremy Black et Philip Woodfine (ed.), The British Navy and the Use of Naval Power in the Eighteenth Century, Leicester University Press, 1988, passim.

Ce contenu a été publié dans Uncategorized. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.