Aspect continental du Brésil

Le point essentiel, quand on examine l’ensemble des territoires sud-américains enclavés dans la masse continentale sud-américaine, réside dans les possibilités routières, déjà nettement manifestées, qui se traduisent soit dans la neutralisation du pouvoir concentrique du bassin de La Plata, soit dans la force d’attraction de l’Amazonie, soit dans la capacité de coordination du littoral atlantique en relation avec les deux importantes manifestations de puissance économique et politique que le Brésil possède.

L’étude de certains aspects rassemblés dans ce dernier chapitre complétera sûrement le caractère de la projection continentale du Brésil.

Les transports et notre modèle continental

Celui qui observe les grandes lignes, les lignes essentielles, c’est-à-dire celles qui limitent les versants et les vallées principales des bassins hydrographiques de notre masse continentale, arrive facilement à reconnaître l’importance que prend la juxtaposition judicieuse des divers moyens de transport dans les relations politiques et économiques des états sud-américains entre eux, comme entre les subdivisions existant dans un quelconque de ces pays.

Notre système hydrographique est l’un des plus capricieux que l’on puisse imaginer. De la même manière, notre système orographique présente des aspects qui vont du modèle maritime du massif brésilien et de ses ramifications jusqu’aux formations andines avec leurs pics couverts de neige.

Tout cela se manifeste à travers d’immenses étendues se développant de préférence dans le sens des méridiens, les phénomènes orographiques s’intercalant comme les phénomènes hydrographiques, parfois même sous les formes les plus bizarres.

Du reste, la pluralité des transports est un phénomène qui s’observe toujours quand une région quelconque de notre continent bénéficie d’un net progrès.

Le système de transports argentin nous en donne un exemple parfait, si on considère la combinaison de son bassin fluvial et de son réseau ferré.

D’ailleurs, nous devons nous souvenir que l’aviation double ce système au moins dans les directions d’Asunción et de Santiago du chili, et aussi penser que tout ce système a la possibilité de se raccorder comme le font les voies maritimes.

La combinaison des voies ferrées et fluviales représentée par le couple Madeira – Mamoré, offre un autre exemple digne d’être cité.

Nous avons là la solution de continuité dans la navigation fluviale, exprimée par la voie ferrée entre Porto Velho et Guajara-Mirim. Malgré les difficultés, cette combinaison a au moins servi à donner à la Bolivie méditerranéenne un puissant élan à son économie.

Dans notre territoire, nous pouvons citer deux de ces cas les plus semblables comme la navigation dans le cours supérieur et moyen du rio Sâo Francisco, mis en communication avec la tête de ligne de chemin de fer de Pirapora, dans la province de Minas Geraes, comme avec celle de Joazeiro qi conduit directement au port de Bahia sur le littoral atlantique ; aussi, la liaison que permet la voie ferrée de S. Luiz à Terezina, entre une grande partie du Sertaô du Piaui et du Ceara avec l’Atlantique, par le contact de cette voie avec l’axe fluvial de Parnaiba, parfaitement navigable jusqu’à Amarante ou même un peu au-dessus.

Ces deux cas sont des exemples suffisants, si nous gardons à l’esprit, en particulier à propos du second cas, l’existence du réseau routier, facteur décisif donnant leur importance aux voies fluviales en tant que canaux d’écoulement. Et, si nous nous placions au niveau du problème des communications, c’est-à-dire en le prenant à rebours et donc en forçant les événements au lieu d’être conduits par eux, alors ces exemples prendraient une véritable signification.

Celui qui voudra méditer sur l’ensemble de ces exemples, pourra toutefois évaluer toute la dynamique de l’économie du versant atlantique, élaborée en combinant la multitude des moyens de transport : réseau routier, bassin fluvial, lignes de navigation (cabotage et long cours), chemin de fer.

Aujourd’hui se présente à nous une nouvelle et magnifique occasion pour vérifier une fois de plus l’importance de la pluralité des transports dans le cas de notre modèle continental.

Il s’agit du service aéropostal et de passagers entre Lima et Iquitos qui est déjà en plein fonctionnement. L’organisation et la mise en service de cette ligne en projet depuis le milieu de 1929 méritent qu’on ait pour cet exemple une attention particulière du point de vue où nous nous plaçons.

En réalité, le voyage comprend trois parcours successifs : entre Lima et Oroya par chemin de fer, entre Oroya et San Ramón par la route, entre San Ramón et Masiseia par avion avec escale à Puerto Bermudez, entre Masiseia et Iquitos en hydravion.

Cette succession de moyens de transport permet de faire en 23 heures 30 le trajet qui, autrefois, demandait 25 à 30 jours ; aujourd’hui, une des capitales du Pacifique est en contact direct avec l’Atlantique par l’Amazonie.

S’il n’y avait pas eu cette collaboration entre des moyens de transport (chemin de fer, automobile, avion, hydravion), il est certain que nous n’aurions pas atteint de tels résultats pratiques.

Des conditions naturelles contraires et des conditions atmosphériques défavorables obligent à utiliser toute la diversité de moyens. En outre, les distances et l’absence de ressources sont telles que les lignes aériennes ont des points d’atterrissage qui sont de simples pistes, qu’on devrait transformer en véritables bases aériennes avec toutes les installations requises. Par exemple, Masiseia est une vraie base aérienne, pour la raison qu’elle assure la liaison par hydravion (Masiseia – Iquitos), ainsi que celle par avion (Puerto Bermudez – Masiseia) ; elle doit posséder tous les moyens matériels de secours et de relève de personnel. La base d’Iquitos, outre ses installations, dispose d’une puissante station de TSF.

De notre point de vue, c’est là un enseignement de tout premier ordre. Il nous semble qu’à l’inverse de plans séparés des communications maritimes, terrestres, fluviales, aériennes, etc. nous devrions avoir un plan d’ensemble, basé sur les possibilités que nous offrent tous ces moyens de transport que nous procure l’industrie moderne.

Or, l’avion ou l’hydravion eux-mêmes ne seraient pas capables de résoudre tous les problèmes malgré leurs immenses possibilités ; il en est également des lignes de chemin de fer ou des réseaux routiers qui ne seraient pas plus aptes à les résoudre.

Notre influence se fait sentir dans les deux bassins séparés de l’Amazone et de La Plata ; également dans les passages andins, qui relient le bassin de l’Amazone à la côte du Pacifique ; de même, dans le fait que la bande littorale de notre territoire et notre littoral lui-même parachèvent nos possibilités sur le versant atlantique.

Sur cette base, prenant en compte les intérêts internes comme ceux continentaux, il se trouve que nous devrions établir notre politique de communication, de telle façon que, pour répondre à tous les besoins et quelles que soient les circonstances (météorologie, ressources locales, longueurs des étapes et leurs conditions topographiques, financement, etc.), nous puissions profiter de tous les moyens de transport en les combinant.

D’ailleurs, il faut reconnaître que ceci est ébauché dans tout notre système de communication. Cependant, il faudrait nécessairement que ce système soit organisé pour qu’on en tire le meilleur rendement. Ainsi, avec ce qui existe déjà, on pourra arriver à organiser un réseau mixte dans lequel tous les moyens de transport se trouveront parfaitement conjugués et en relation les uns avec les autres, dans lequel on réalise ce qui est la pluralité des transports, importante pour notre modèle continental.

Mais, ce qui est indéniable étant donné les aspects géographiques sud-américains sur lesquels notre regard s’est porté (parce qu’ils étaient fondamentaux ou qu’ils manifestaient une inquiétude politique), c’est dans le domaine de la pluralité des transports qu’il revient de droit au Brésil d’exprimer toute la force de son immense pouvoir coordinateur.

Le réseau aérien sud-américain et ses impératifs

Le réseau aérien sud-américain représente un autre exemple de la projection coordinatrice du Brésil dans la vie internationale du continent, étant donné l’influence décisive de certains impératifs physiographiques.

Malgré tous les progrès de l’aviation, on est conscient que les lignes aériennes doivent être balisées en fonction de la configuration du terrain.

Ce n’est pas, comme on peut le penser à première vue, une question d’orientation du vol. Aujourd’hui, les règles de la navigation aérienne donnent aux aviateurs les moyens de conserver le cap choisi dès le départ.

Il s’agit, simultanément, d’une série d’impératifs qui doivent être respectés pour que les vols se fassent dans les meilleures conditions possibles, que ce soit à propos des facteurs météorologiques dont il faut tenir compte, que ce soit à propos de l’état des ressources locales concernant les pistes d’atterrissage, normales ou éventuelles, ou de la question des bases aériennes.

Dans le continent sud-américain, de telles conditions du trafic aérien se manifestent d’une manière impérative. D’un côté, on a l’étendue du territoire le long des méridiens qu’on doit parcourir, de l’autre la bande centre avec toutes les étonnantes variétés du versant atlantique, depuis l’enfer vert de la forêt amazonienne jusqu’au système orographique du haut plateau central et son influence en direction de l’océan.

Ces particularités géographiques de notre masse continentale considérées, ainsi que les conditions que doivent respecter les lignes aériennes en fonction de la région qu’elles peuvent survoler, il est évident que la création d’un réseau aérien efficace et sûr doit tenir compte des impératifs de nos caractéristiques physiographiques.

On ne peut nier qu’il est nécessaire que nos lignes aériennes soient balisées, d’un côté par les bandes littorales, de l’autre par les grandes composantes de nos deux immenses bassins hydrographiques.

En effet, c’est par cela qu’on conclut, après avoir examiné pendant un instant les conditions du trafic aérien dans le continent sud-américain.

Le littoral du Pacifique et les vallées longitudinales andines canalisent toute la circulation aérienne en vue de desservir les régions du versant pacifique. Ces lignes longitudinales orientent en partie les vols du Servicio Aereo del Ejercito del Chile, de la SCADT de Colombie, de la Fawcet Aviation Company du Pérou, du Servicio Aeréo de la Marina Peruana et de la Compañia Lloyd Aereo Boliviano.

Le littoral atlantique joue le même rôle. C’est ce qui apparaît pratiquement dans les lignes aériennes entre New York, Rio et Buenos Aires (NYRBA), entre Natal et Porto Alegre (CONDOR), entre Natal et Buenos Aires (Latécoère).

Quant au trafic de la bande centrale du continent, il n’est qu’esquissé le long des voies fluviales des deux bassins de la façade atlantique.

Dans le bassin de La Plata, nous avons la ligne entre Buenos Aires et Santiago du Chili (Latécoère) et dans le bassin de l’Amazone, quelques lignes du Lloyd Aero Boliviano et enfin, la très récente ligne mixte de Lima à Iquitos, utilisant la Passe du Pasco, pour franchir la cordillère des Andes et, par Ucaiali, vers l’Amazonie, comme étant la première liaison entre le versant du Pacifique et celui de l’Atlantique par la région de l’Amazone.

L’événement le plus intéressant de tous concerne la ligne aérienne de New York à Buenos Aires, inaugurée à grand bruit par le magnifique vol de Lindberg entre Miami et La Havane.

Cette ligne suit non seulement les routes aériennes du versant du Pacifique, mais aussi celle passant par le seuil de Santa Rosa (vers le haut plateau bolivien) et celle vers le bassin de La Plata par Pilcomayo et Buenos Aires. Ainsi, ces deux lignes ont des servitudes physiographiques déjà mentionnées.

Pour préciser ces points de vue, étudions, en ce qui nous concerne, les possibilités de création des lignes d’aviation sud-américaines, en repoussant l’argument éculé voulant que le Brésil soit le berceau de la navigation aérienne.

C’est qu’en effet, le Brésil possède les caractères géographiques les plus décisifs de toute la masse continentale sud-américaine. Il possède la plus grande partie du bassin de l’Amazone et, avec elle, le contrôle de toutes les possibilités de trafic, y compris de tous les transports venant de l’autre versant du continent. En conséquence, nous pouvons exercer, par rapport à la partie sud de notre littoral et aux lignes de pénétration vers l’ouest, une réelle influence neutralisante des activités politico-économiques du bassin de La Plata. Et, en rapport avec l’extension de notre littoral, nous pouvons arrêter toutes les manifestations de ce contrôle et de cette influence.

Étant donné nos difficultés extrêmes dans le trafic terrestre (ouvrages d’art en quantité, formidables extensions, assainissement, etc.), quel rôle pourra jouer l’aviation pour donner un sens pratique aux aspects géographiques déterminants du continent dont nous disposons ? Jusqu’où apporterons-nous ce sens pratique si, avec le moyen de l’aviation, nous complétons ce que déjà nous avons réalisé dans d’autres domaines des transports ?

Force coordinatrice du Brésil longitudinal

une fois analysés et par conséquent admis et mis en relief, certains aspects de la masse continentale sud-américaine comme certains de ceux du territoire brésilien, l’importance de nos communications longitudinales se manifeste d’une manière indiscutable, que ce soit du point de vue de l’unité brésilienne ou que ce soit comme départ de la projection coordinatrice du Brésil, du point de vue continental.

On peut résumer cela en quelques mots.

En premier lieu, les grandes lignes de la masse continentale, la Cordillère des Andes la divisant en deux versants, celui de l’est avec ses deux bassins, celui de l’Amazone et celui de La Plata, et celui de l’ouest, vers le Pacifique.

Ensuite, ces deux bassins se situent par rapport à une sorte de pivot 3, issu d’une des formations de la Cordillère, ou haut-plateau bolivien, d’où partent les cours d’eau.

Puis, la perméabilité de la Cordillère, représentée par les cols et les seuils comme points de moindre résistance, lesquels peuvent être franchis par le flot des riches attirés par le puissant dynamisme du versant atlantique.

Finalement, la prééminence du bassin amazonien sur le bassin de La Plata, due à la force centripète de l’Amazonie, en relation avec son immense amphithéâtre et grâce aux énergies neutralisantes, provenant du littoral atlantique qui s’exercent sur le bassin de La Plata à cause de son exutoire mal placé.

Par ailleurs, ces caractéristiques géographiques commandent une série de phénomènes qu’on peut considérer comme capitaux.

L’instabilité géographique de certains territoires est l’un de ces phénomènes : en Bolivie, elle est liée au caractère minier des Andes profondément sapé par l’économie de l’Amazonie et celle de La Plata ; en Colombie, l’instabilité varie suivant les influences directes des deux océans et suivant celle de l’expansion yankee, qui se propage à travers la mer des Antilles ; en Uruguay, l’instabilité est plus ou moins due à l’influence de son identité économique avec celle du territoire brésilien et aussi aux sollicitations politico-économiques de La Plata.

La multiplicité des transports est une manifestation d’un autre ordre de ces phénomènes apparus quand on est confronté au problème des transports, lequel, pour être résolu, exige de recourir à l’emploi conjugué de tous les moyens.

Enfin, il existe un certain fatalisme dans la création des systèmes de circulation, principalement en ce qui concerne les lignes aériennes, provenant surtout de contraintes physiographiques bien nettes.

De l’ensemble de ces phénomènes, le territoire brésilien en possède la meilleure part à cause des régions amazoniennes et du Matto Grosso qui prolongent ses extrémités nord et sud, et convergent vers le centre même de la masse continentale.

La région amazonienne, du fait des possibilités de transport offertes par l’Amazonie, possède un intérêt en soi ; quant à la région du Matto Grosso, à cause de sa situation, prolongeant les territoires du littoral, elle permet, grâce à des routes terrestres, d’assurer une grande capacité de transport depuis les confins méditerranéens jusqu’à l’Atlantique.

Notre littoral, agissant comme un puissant aimant, se développe selon des étendues de côtes, jalonnées par les ports de S. Francisco – Santos, Rio de Janeiro – San Salvador, Natal – Belém, offrant ainsi trois surfaces de contact aux lignes de navigation maritime de l’Atlantique Sud.

Le segment San Francisco – Santos s’oppose à la force centripète du bassin de La Plata ; quant au segment Natal – Belém, Natal y joue le rôle de terrain d’atterrissage naturel pour les vols transatlantiques alors que Belém est le déversoir de tout le potentiel centripète de l’Amazonie.

Le segment Rio de Janeiro – San Salvador limite sur la côte la région littorale que représente la bande littorale longitudinale de liaison des deux grands axes de pénétration.

Malgré toute la projection coordinatrice de ces segments littoraux, en relation avec les aspects géographiques sur lesquels reposent les phénomènes essentiels de la géographie sud-américaine auxquels nous avons fait allusion, on doit considérer les lignes terrestres qui les renforcent dans de nombreux tronçons, rectifiant ou balisant la limite ouest de la bande longitudinale de liaison ou fixant les possibilités unificatrices de cette bande en fonction de la pluralité de nos ports.

D’une façon générale, ces lignes sont définies par les vallées du Parnaiba et du Tocantins et par les vallées des hauts et des moyens cours du San Francisco et du Parnaiba.

Dans la première vallée, nous trouvons Catalâo, qui s’impose comme base aérienne de premier ordre, d’où on peut se diriger aisément vers une quelconque des trois vallées principales qu’on vient de citer, et tout particulièrement vers Belém (Tocantins).

Dans la seconde, nous avons Pirapora reliée à Rio de Janeiro et Joazeiro à San Salvador. De ces deux points-jalons découle l’importance de Joazeiro parce que ce site correspond sensiblement au centre de dispersion orographique qui s’étend vers l’est et le nord, ses ramifications étant limitées par le littoral qui va de San Salvador jusqu’à San Luiz de Marauhâo.

D’un côté, le port de Recife est soustrait à la nette influence du littoral alors que seul le port de San Salvador présente de nettes possibilités d’évacuation ; dans le reste de cette étendue de côtes, les ports existent ou non à l’état embryonnaire pour de multiples raisons. D’un autre côté, on ne doit pas oublier que Joazeiro est à portée du point où la navigation sur le Parnaiba cesse ; la ligne de chemin de fer San Luiz – Terezina sur les rives de ce dernier va à son tour s’arrêter à Florés (Maranhâo).

Et de plus, observons que Joazeiro au bord du Rio San Francisco est capable de rassembler à Pirapora la grande partie de la production du nord du Minas Geraes et qu’il est en relation avec le réseau ferroviaire du nord-est par l’intermédiaire de la route Petrolina – Leopoldina – Lavras (Pernambus – Cearà). Enfin, Joazeiro est relié au port de San Salvador par une excellente voie ferrée, ce qui montre parfaitement son importance dans notre système de communications longitudinales.

Il reste enfin une évidence qui est la capacité d’attraction et de coordination du littoral atlantique qui nous appartient, en relation avec la capacité de pénétration des extrémités nord et sud de notre territoire, exprimée très précisément par la bande longitudinale qu’on vient de définir.

Cette sorte de barreau aimanté se montre ainsi capable d’agir sur les deux compartiments du versant atlantique, au moyen de ses deux axes de pénétration, propageant en même temps son influence dans les domaines politique et économique, vers les seuils et cols andins, jusqu’au versant ouest du continent.

Encore deux mots.

Étant donné le caractère secondaire du versant du Pacifique et la perméabilité des Andes, c’est sur le versant atlantique que les caractères fondamentaux de la personnalité politique sud-américaine manifestent leur plus grand pouvoir.

C’est dans cette région que les acteurs arrivent à jouer des rôles où l’exubérance n’est pas absente dans un théâtre formé d’une diversité de territoires d’une grande extension. C’est aussi là, où le contact entre les deux groupes ethniques y est le plus constant et le plus intime et où les influences d’outre-mer y sont les plus fortes.

Et c’est ainsi que, comme nous l’avons vu, nous sommes en dernière analyse confrontés à cette opposition entre les deux grands bassins, ou mieux, entre tous les intérêts que ces deux bassins représentent.

Plus se précise la recherche de la stabilité de la part des forces politiques qui s’adaptent au territoire, plus se manifestent les effets de désintégration causés par cet antagonisme géographique.

Plus forte se révèle l’influence des aspects économiques les plus divers, plus entrent en jeu de nouvelles voies de communication et de nouveaux moyens de transport ; à mesure que la richesse apparaît et circule, ces effets se font de plus en plus exigeants.

Après la fièvre de quatre siècles d’activité humaine dans ces contrées, tout laisse à penser que, dès le début, naquit le formidable antagonisme politico-économique de l’Amazonie et de La Plata dans lequel sont présentes toutes les questions directes ou indirectes liées aux deux bassins.

Et ce n’est qu’aujourd’hui, au début du deuxième siècle de vie autonome, où commence l’existence des nations sud-américaines, peut-être encore accélérée par les événements compliqués du premier quart de siècle dans lequel nous vivons, que nous prenons conscience des graves problèmes qu’elles doivent résoudre. Arrivés à ce point, voici comment on envisagera la situation.

Dans le bassin de La Plata, il y a des aspects concentriques, des populations suffisamment homogènes et denses, des facilités topographiques, des conditions météorologiques favorables. Les pions occupent des positions avantageuses dès le début. Domination absolue du pavillon argentin dans le bassin de La Plata. Il existe des lignes de chemin de fer qui sont reliées à des voies navigables, compensant avantageusement la situation défavorable de l’estuaire de La Plata. Ces deux moyens de communication drainent le trafic vers Buenos Aires, jouant le rôle de distributrice des États méditerranéens et aussi apportant l’influence de La Plata jusqu’aux vallées longitudinales des Andes.

Dans le bassin de l’Amazone, c’est l’inverse. Il y a profusion de forêts tropicales, excentriques par rapport aux zones d’influence de la politique brésilienne, situation due à la précarité des communications longitudinales. La terre est encore trop loin de l’homme, pour lui permettre d’envisager de grandes choses. La navigation fluviale ne se faisant pas selon les directions excentriques de l’Amazone, c’est seulement le Madeira-Mamoré, perdu dans les profondeurs de l’ »enfer vert » qui est l’unique pion savamment joué de main de maître…

Cependant, il faut qu’on soit en faveur des projets prévus pour le bassin de l’Amazone, c’est-à-dire en faveur du système ferroviaire qui se concentre sur San Paulo et, de là, va à Santos. Grâce à ce système, le nord-est pourra répondre aux besoins des États méditerranéens. Il représentera la neutralisation des influences convergentes des communications de La Plata et il constituera une excellente protection politico-économique pour le développement des communications amazoniennes.

Quelles sont les autres actions neutralisantes qui se produiront, après chaque événement, en faveur du bassin de l’Amazone notoirement en retard par rapport à son adversaire ? De quelle façon joueront certains nouveaux éléments comme l’avancée de l’aviation commerciale, le transbordement des richesses andines, l’émigration japonaise, les initiatives et les capitaux des Yankees ? Quelles réactions politiques naîtront de ces affaires et de l’influence de ces éléments ? Quel rôle sera celui des États méditerranéens face à des actions politiques à ce point contradictoires ?

Il est certain que cette suite de questions va se multiplier à l’infini. Toutes ensemble empruntent aux caractères du continent sud-américain, par la répétition multipliée à l’infini des images que ces questions provoquent, le symbole inquiétant du point d’interrogation.

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Notes:

3 En français dans le texte.

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