Chapitre 5 – L’apport de Clausewitz à la charnière politico-stratégique

Section 1 – La Formule suite à la fin de la guerre du Vietnam

Comme le titre du paragraphe l’indique, cette partie est consacrée aux réflexions clausewitziennes qui se placent à la charnière des domaines stratégique et politique. Ce faisant, ce passage se nourrira inévitablement de sources de provenance très diverse : académiques, politiques et militaires. Encore une fois, on constatera que sur la question du lien entre politique et guerre, le discours stratégique américain est très divisé. Il faut aussi rappeler que toutes les considérations qui vont suivre sont très intimement liées à l’échec de la guerre du Vietnam. Cet échec laisse encore des traces dans la stratégie américaine contemporaine.

La position de départ de la plupart des auteurs rejetant la Formule tient à une explication assez simple à la base. Pour eux, la guerre est la fin de la Raison, ou plutôt son abandon. Autrement dit, comment concevoir que la destruction, la mort, ainsi que l’ensemble des horreurs que véhicule la guerre puissent être perçus comme dépendant d’un phénomène rationnel. Cette conception est d’autant plus marquée par la peur qu’engendrent les armes nucléaires. En instrumentalisant la guerre comme le fait Clausewitz, on la justifie en tant qu’acte rationnel alors qu’elle ne peut l’être. La guerre ne pourrait être qu’une sorte de pathologie mondiale. Cette interprétation se nourrit toutefois d’un prérequis supplémentaire et ouvertement affiché : celui de la moralité. Le modèle clausewitzien est donc, pour cette approche, immoral – et non pas a-moral – et cynique. Par conséquent, ce modèle est en conflit avec les conceptions, les valeurs, que doit défendre une démocratie. Les tenants de cette démonstration raccrochent donc bien leur raisonnement avec une idée particulière de la moralité qui trouve des affinités bien ancrées dans le régime politique américain. De plus, selon cette tendance du discours, si la guerre peut être évitée, la Formule devrait être rejetée. Ce point de vue moraliste se retrouve largement parmi ceux que l’on nomme les libéraux, souvent proches du parti démocrate.[1]

L’idée de moralité évoquée se présente bien sous une forme avouée dans d’autres documents. En effet, les réflexions sur l’éthique et la guerre juste – jus ad bellum – sont nombreuses aux Etats-Unis. De la fin de la guerre du Vietnam à 1982, quelques 682 livres et articles avaient été produits aux Etats-Unis concernant l’histoire, la théorie et la pratique de l’éthique militaire. De 1982 à 1998, ce nombre a plus que doublé.[2] Le domaine ne reste donc pas confiné à l’appréciation de quelques philosophes ou théologiens. Les principes de la guerre juste se retrouvent même dans certains manuels militaires.[3]

En la matière, le nom de Michael Walzer fait autorité depuis la publication de son livre Just and Unjust Wars. Pour le philosophe, il existe une communauté d’Etats indépendants et souverains et toute utilisation de la force à l’encontre d’un Etat souverain est un acte criminel. Toutefois, la force peut tout de même être employée pour faire face à deux cas de figure : soit pour se défendre ; soit pour faire exécuter la loi internationale. Le premier cas s’adresse uniquement à l’Etat victime, le deuxième postule qu’un Etat non attaqué puisse faire usage des ses forces. En résumé, seule la réponse à l’agression peut justifier la guerre. Mais une fois l’agresseur vaincu militairement, il peut également être puni – la punition doit alors être envisagée comme un moyen dissuasif pour l’avenir. Pour Walzer, le cadre défini de la guerre juste est incompatible avec l’ouvrage de Clausewitz On War. Selon lui, Clausewitz est le tenant de la guerre d’anéantissement et de l’offensive. Or ces objectifs sont irréconciliables avec le concept de la guerre limitée propre à la guerre juste.[4]

A contrario, dans un ouvrage publié en 1973 (War and Politics) Bernard Brodie va illustrer la relation entre politique et guerre en prenant très largement – et positivement – appui sur Clausewitz dans le contexte de la stratégie américaine en Corée, au Vietnam et face aux armements nucléaires. Selon l’auteur, la guerre est bel et bien la continuation de la politique. Mais pour Brodie, la Formule n’implique pas qu’une fois que les hostilités ont débuté, le politique ne peut plus agir à la façon dont Moltke l’Ancien et Schlieffen le concevaient. Au contraire, la politique fait sentir son influence tout au long du conflit. La perception que Brodie a de Clausewitz est celle de l’équilibre entre fins et moyens par lequel s’exprime la vision rationnelle de la guerre.[5] Brodie est donc loin de transformer le point de vue de Clausewitz en une ontologie dans un monde menacé par l’apocalypse nucléaire : point de moralité de la guerre ici. Dans un style réaliste, Clausewitz n’est pas montré sous un jour immoral mais a-moral. Pour Brodie, le Prussien se limite à étudier la guerre dans cette relation qui est celle des moyens pour parvenir à atteindre un objectif – c’est là que réside la rationalité et l’instrumentalisme qui en découle. Le choix de l’objectif n’est pas déterminé a priori par Clausewitz, tout au plus montre-t-il comment l’obtention d’une fin rétroagit sur le politique qui fixe le but – entre autres en tenant compte de l’opinion publique. Affirmer que la vision du Prussien dans le cadre de la confrontation atomique entre l’Est et l’Ouest revient à favoriser l’éclatement d’une guerre – comme le postule Hanna Arendt, Anatol Rapoport, Walzer, etc. – est une erreur. Clausewitz laisse la possibilité de refuser la guerre. Mais, si elle est acceptée, elle sera, par définition, un instrument du politique.

Notons que la rationalité imputée au politique par Clausewitz est parfois un point d’achoppement même pour certains clausewitziens. Ainsi, James E. King s’est demandé comment interpréter les actions d’un leadership non rationnel ou irrationnel dans le schéma clausewitzien. D’après une lecture de la biographie de Paret sur le Prussien, Clausewitz and the State, on pourrait déduire que pour Clausewitz l’Etat ne peut se tromper. Toutefois, pour James E. King, la position de Clausewitz est différente. Clausewitz aurait simplement admis que le politique peut se fourvoyer – mais il ne laisse pas pour autant au militaire la possibilité de se révolter.[6]

Michael I. Handel envisagera aussi le problème de la rationalité du politique. Il répertorie trois circonstances conduisant à la fin du conflit selon Clausewitz : (1) l’incapacité de continuer le combat, (2) l’improbabilité de la victoire, (3) et des coûts inacceptables. Pour Handel, lorsque Clausewitz postule de mener une guerre de manière rationnelle, il fait bien une recommandation se basant sur l’analyse des moyens et des fins et cela peut suggérer de passer aux négociations quand cela s’avère nécessaire. Mais, toujours pour Handel, si Clausewitz discute de la formation de l’objectif politique, il ne parle pas de la possibilité dont disposent certains chefs politiques de conduire la guerre pour des motifs irrationnels, ou personnels. Selon Handel, l’exploration de cette question s’avère importante à la compréhension de la conclusion des conflits.[7]

En se focalisant sur la rationalité de l’approche de Clausewitz, certains chercheurs vont également réfuter la vision de Walzer sur la doctrine de la guerre juste. Vu que le Prussien peut être perçu comme le propagateur de l’idée d’une stratégie rationnelle – qui implique l’équilibre de moyens selon les fins -, il ouvre la voie à une réflexion sur la limitation de l’emploi de la force. Or ces limitations rendent l’acte de guerre parfaitement compatible avec la conception de la guerre juste – à la fois jus ad bellum et jus in bello. On War n’est donc pas un traité de sadisme.[8]

Notons aussi que dans un article de la revue Parameters datant de 1987, David Jablonsky, a développé une réflexion particulièrement intéressante à propos du rejet de la Formule. Ce courant qui, comme nous l’avons vu, envisage la guerre comme la faillite de la politique et non sa poursuite, procéderait d’une confusion entre les termes politics et policy. Si la politique américaine, policy, se choisit comme objectif de ne pas combattre, de rester en paix, tout conflit auquel elle devra se mêler est inévitablement une faillite de ses objectifs politiques.[9] Néanmoins, pendant la durée du conflit, la violence continuera de garder son étiquette politique, à faire partie du processus politique – politics. La contradiction entre les tenants et les détracteurs de la Formule se trouverait ainsi atténuée.

En tout cas, suite à la renaissance des études sur Clausewitz en 1976, moins de voix se sont fait entendre dans le sens du rejet de la Formule dans le discours stratégique américain. Bien au contraire, il convient de noter l’existence de deux courants de pensée relatifs à l’apport de Clausewitz à la charnière politico-stratégique. Il y a tout d’abord les travaux de Harry G. Summers (On Strategy, 1982) qui s’appuient largement sur la « trinité paradoxale » pour analyser la guerre du Vietnam. Il y a ensuite les développements relatifs à la doctrine Weinberger et aux manuels opérationnels.

Section 2 – La trinité paradoxale

L’ouvrage On Strategy de H.G. Summers a été réalisé dans le cadre d’une étude menée au sein de l’armée.[10] Ce travail fut ensuite reproduit dans une édition commerciale en 1982. Le livre a connu une très large diffusion. On Strategy a été distribué à tous les membres du Congrès lors de sa parution, sur demande du représentant Newt Gingrich, alors très actif dans le Military Reform Movement. L’ouvrage sert aussi de texte de base dans différentes universités et écoles militaires.

Dans son ouvrage, Harry G. Summers commence par constater que les deux principales erreurs des stratèges de Washington au Vietnam ont été de ne pas discerner dans quel type de conflit ils s’engageaient et d’avoir fait preuve de peu de clarté dans le choix de leurs objectifs.[11] Pour Summers, ce conflit n’était pas une guerre de guérilla mais bien une guerre de type conventionnel contre le Nord Vietnam. Après tout, la guerre s’est bien terminée lorsque des chars ont envahi Saigon en 1975. Le doute aurait été semé dans les esprits en faisant passer les opérations américaines pour des actions de police.[12] Les Etats-Unis n’auraient donc pas reconnu dans quel type de guerre ils étaient impliqués. Plus précisément, c’est le gouvernement qui est visé par cette conclusion.

En fait, le raisonnement de Summers s’avère assez proche de celui de Mao Zedong. Pour Mao, la pratique de la guerre de guérilla n’est qu’une première étape, insuffisante, de la guerre révolutionnaire. Les forces contestant l’ordre établi doivent dès que possible passer à une phase plus proche de la guerre conventionnelle qui les mènera à la victoire.[13]

Mais, pour Summers, le manque de clarté dans le choix des objectifs américains a aussi eu des implications internes, parmi l’opinion publique. C’est ici que Summers appuie la plus grande part de son argumentation sur la trinité clausewitzienne.

Rappelons la définition de la trinité d’après la traduction française de Vom Kriege : […] la violence originelle de son élément, la haine et l’animosité, qu’il faut considérer comme une impulsion naturelle aveugle, puis le jeu des probabilités et du hasard qui font d’elle [la guerre] une libre activité de l’âme, et sa nature subordonnée d’instrument de la politique, par laquelle elle appartient à l’entendement pur. Le premier de ces trois aspects intéresse particulièrement le peuple, le second le commandant et son armée, et le troisième relève plutôt du gouvernement. [14]

Summers, lui, utilise une trinité « toute personnelle ». Il la résume de manière quasiment structurelle, comme le jeu des populations, du gouvernement et de l’armée. Le trinité de Summers est devenue beaucoup plus rigide que celle de Clausewitz.[15]

Quoi qu’il en soit, l’auteur pense que l’absence de soutien populaire américain pendant la guerre du Vietnam est la raison principale de l’échec. Summers est d’ailleurs convaincu que la guerre aurait pu être gagnée par les Etats-Unis si son pays avait prolongé l’engagement. Le soutien populaire, suivant l’identification qu’en fait l’auteur, est créé par deux institutions : les médias et le Congrès.[16]

La réflexion de Harry G. Summers précède donc directement la politique de l’armée en matière de relations publiques. Durant la guerre du Vietnam, les médias avaient la possibilité de circuler librement sur le terrain des opérations. Les journalistes pouvaient retransmettre les images les plus dures du conflit. On ne pouvait guère parler de censure, ni même d’autocensure. Depuis, le système de pools a vu le jour. Ceux-ci ont été rendus célèbres durant la guerre du Golfe. Mais ce système d’ »encadrement » des journalistes date en fait d’avril 1985. C’est en effet à ce moment que le secrétaire à la défense a formalisé la règle des pools.

Globalement, le discours stratégique américain se montre satisfait de cette technique. Selon les militaires, elle permet d’assurer une bonne transparence de ce qui se passe sur le champ de bataille.[17] Mais n’existe-t-il pas un risque de dérive démocratique lorsque le militaire appelle le journaliste à plus de coopération et que la notion de « formation des esprits » est citée ?[18] Les concepts de guerre psychologique et de propagande ne semblent pas très éloignés.

Quelques remarques supplémentaires s’imposent par rapport au travail de Summers et sur son usage de la trinité clausewitzienne. Tout d’abord, mentionnons que le concept de la trinité a peu été souligné par ceux qui ont lu attentivement Clausewitz auparavant. Ainsi, par exemple, dans le chapitre consacré au Prussien par Hans Rothfels dans la première édition du Makers of Modern Strategy, on n’en trouve à peine la trace.[19] Raymond Aron sera l’un des premiers à faire largement ressortir ce concept, qui malgré tout n’occupe pas une place énorme (quantitativement) dans le Traité.[20] Néanmoins, la trinité consacre de manière évidente le rôle d’activité sociale que Clausewitz attribue à la guerre.

Ensuite, notons que l’approche de Summers ne plaît pas à tout le monde. Pour Richard M. Swain, On Strategy peut être perçu comme un moyen de reporter la plupart des responsabilités de l’échec vietnamien sur le gouvernement, le Congrès, les médias, la population mais dans une moindre mesure sur l’armée.[21] Il représente le syndrome du « coup de poignard dans le dos ».

On remarque aussi que la trinité est souvent expliquée de manière très schématique. Elle permet de montrer que la population soutient les forces armées et exerce des pressions sur le politique. Le politique, quant à lui, choisit l’objectif et justifie l’effort fourni par la population. Mais souvent, il est bizarre de constater qu’il n’existe pas de boucles de rétroactions directes des forces armées vers la population ou vers le politique.[22] Il s’agit en quelque sorte d’une trinité incomplète que présente le discours stratégique américain. Incomplète également lorsqu’elle ne montre pas en quoi les trois éléments ne sont pas délimités de façon nette mais s’interpénètrent (dans certains cas le chef politique et le chef militaire sont confondus ; dans une guerre de guérilla le civil peut être le militaire ; etc.).

Plus récemment, Christopher Bassford et Edward J. Villacres ont rappellé que la trinité clausewitzienne est le fruit de (1) la violence primordiale, la haine, et le sentiment d’inimitié, (2) du jeu de la chance et des probabilités, (3) et de l’élément de la guerre subordonné à la politique rationnelle. La trinité évoquée par Harry G. Summers serait une altération du concept. Pour les auteurs, les constituants de la trinité clausewitzienne sont des forces irrationnelles – comme les émotions violentes -, des forces non rationnelles – des forces qui ne sont pas désirées par l’être humain, comme les frictions et le jeu des probabilités -, et la rationalité – la subordination de la guerre à la politique. Chacun de ces composants, selon Clausewitz, se rattache principalement – mainly -, mais jamais complètement, aux populations, à l’armée et au gouvernement. Bassford et Villacres pensent en tout cas que le concept est indispensable à la bonne compréhension de la pratique politico-militaire. Mais la trinité ne doit pas devenir le reflet d’une structure sociale qui peut se modifier à travers le temps.[23] Cette présentation plus subtile est également présente dans le manuel MCDP 1-1 du Corps de Marines, manuel dont Bassford a assumé une partie de la rédaction.[24] L’interprétation est toutefois problématique dans le sens où elle rend Clausewitz très (trop ?) moderne.[25]

Michael I. Handel a aussi donné sa conception de la trinité. Michael I. Handel tend à appréhender Clausewitz comme un auteur totalement insuffisant en matière économique et technologique. Il en vient à proposer la transformation de la définition trinitaire de la guerre en un schéma quadrangulaire donnant une place à la technologie.[26] David Jablonsky, lui, laisse entendre plus subtilement que la trinité est en effet affectée par la technologie mais cela ne change pas pour autant l’édifice clausewitzien en profondeur.[27] De façon assez équivalente, Antulio Echevarria pense que la structure d’analyse proposée par Clausewitz est suffisamment flexible pour incorporer le changement technologique sans altérer la trinité. L’introduction de la composante technologique ne modifiera pas la structure de la guerre : elle affectera sa grammaire mais pas sa logique.[28]

Enfin, selon Tashjean, dans un article datant de 1982, la subdivision entre chefs politiques, combattants et population, est particulière à nos sociétés issues de la civilisation indo-européenne. On ne retrouvera pas trace de ce schéma dans les écrits extrême-orientaux, comme chez Sun Zi ou Mao Zedong. La tripartition de Clausewitz est fondamentalement liée aux conceptions occidentales. On en trouverait aussi des traces chez Hegel.[29]

Notons encore que dans un article publié dans la revue Parameters, un auteur liait la trinité à la perception des dommages de guerre par les civils et les politiciens.[30] Par conséquent, il deviendrait de plus en plus impératif de limiter le nombre de victimes au combat (à moins de simplement jouer sur les perceptions, ce qui ramènerait à l’encadrement des médias). A cette notion de limitation des victimes du côté américain s’adjoignent de plus en plus des idées de moralité quant au sort de l’ennemi et, plus encore, des populations civiles perçues comme otages des régimes politiques tyranniques, comme en Iraq. En fait, ce raisonnement se trouve directement en relation avec les nouvelles recherches en matière de stratégie opérationnelle sur l’école de la paralysie stratégique, les armes non létales et la guerre à zéro mort (voir infra).

En conclusion, la trinité s’avère être un concept clef dans le discours stratégique américain. Il conduit d’abord vers les réflexions relatives à l’usage des forces armées (au travers de la doctrine Weinberger, voir infra, mais aussi à propos de la paralysie stratégique et de la guerre à zéro mort). Il mène ensuite au rôle assigné aux médias pendant les conflits. Et pour terminer, il pose aussi la question de l’attitude populaire face aux pertes encourues sur le champ de bataille.

Section 3 – La doctrine Weinberger et le FM 100-5

L’ensemble des réflexions sur le rôle politique des forces armées suite à la fin de la guerre du Vietnam va donc également se traduire par l’adoption de la doctrine Weinberger. La doctrine Weinberger, du nom du secrétaire à la défense en fonction de 1981 à 1987, est résumée dans la conférence que celui-ci donna le 28 novembre 1984 à Washington D.C. devant le National Press Club. Elle consacre officiellement la Formule – Clausewitz est mentionné. D’après cette doctrine, tout engagement militaire des Etats-Unis doit répondre à quelques conditions : (1) les U.S.A. ne doivent pas engager leurs forces si leur intérêt vital n’est pas mis en cause ; (2) dans le cas où l’intérêt vital est en jeu, les forces doivent être engagées en nombre suffisant pour vaincre ; (3) tout engagement de force doit se faire selon un objectif politique bien défini ; (4) la relation entre l’objectif et la taille des forces doit être continuellement réévaluée ; (5) tout engagement de force doit s’assurer le soutien de la population américaine ; (6) et pour terminer, tout engagement doit être considéré comme une option de dernier recours.[31]

Michael I. Handel a aussi indiqué le rôle qu’a joué la lutte bureaucratique entre le secrétaire d’Etat G. Shultz et le N.S.C. contre Caspar Weinberger et la défense dans l’élaboration de la doctrine. Caspar Weinberger n’appréciait pas la tendance de Shultz à utiliser les troupes pour soutenir la diplomatie en n’importe quelles circonstances.[32] Il s’agissait surtout d’une réaction qui faisait suite à la désastreuse intervention américaine au Liban.[33]

Quoi qu’il en soit, les six « tests » de la doctrine Weinberger ont ultérieurement servi de base à l’évaluation ex post de diverses interventions américaines – Première Guerre mondiale, Seconde Guerre mondiale, Corée, Vietnam, quarantaine de Cuba, etc.[34] Le test peut aussi servir à analyser la guerre du Golfe ; il démontre l’adéquation entre la doctrine et la pratique.[35] Pour Thomas Dubois, Caspar Weinberger tout comme Clausewitz approuveraient la façon dont le conflit a été mené.[36]

La doctrine Weinberger conduit à évoquer le général Colin Powell, chef d’états-majors interarmes lors de la guerre du Golfe. Celui-ci travaillait, dans les années 80, pour Caspar Weinberger. Il reconnaît avoir été largement inspiré par l’œuvre de Clausewitz.[37] Il découvrit le Prussien au National War College, qui fait partie de la National Defense University de Fort McNair. Que retient Colin Powell de Clausewitz ? Il évoque les forces morales et le génie militaire mais il assimile aussi l’officier prussien à l’idée d’employer des forces écrasantes dans le but d’obtenir la victoire. Le plus intéressant dans la relation entre Colin Powell et Clausewitz se trouve peut-être dans les concepts de trinité et de la Formule. Selon Powell, le primat de l’autorité civile sur le militaire est aussi raccroché à la philosophie de Jefferson – et l’idée selon laquelle on ne commence pas la guerre sans avoir au préalable réfléchi à quoi l’on s’engage. A ce propos, notons qu’au début de l’opération Desert Shield, le général fit photocopier, et expédier, aux principaux commandants sur le terrain un exemplaire de l’ouvrage de Fred Iklé Every War Must End.[38]

De manière officielle, la Formule est également mise en évidence dans les manuels opérationnels, tels que le FM 100-5 d’août 1982. Dans ce document, les opérations militaires sont définies comme un moyen de la victoire : elles doivent donner au commandement politique un outil de négociation.[39] La leçon s’avère tirée du Vietnam où les forces ont trop servi à envoyer des signaux et pas assez à combattre. Les unités avaient été employées en vue de dissuader l’agression, mais on ne leur a pas dit que faire quand la dissuasion échoue.[40] Le manque d’attention accordé à la guerre et à sa grammaire, au profit de sa logique, est aussi une raison évoquée par certains comme source de l’échec vietnamien.[41] L’intérêt porté à la guerre, et plus particulièrement à la guerre limitée, par les politologues américains avant et pendant la guerre du Vietnam était-il superficiel au point de n’accorder au conflit qu’une valeur de signal au niveau politique, et ce au détriment des événements sur le champ de bataille ? Les différents manuels FM 100-5 de 1976, 1982, 1986 et 1993 feront en tout cas bien ressortir le rôle des forces armées qui consiste à combattre et vaincre sur le champ de bataille.[42]

Malgré que la Formule ait trouvé une bonne place dans la littérature opérationnelle américaine après le conflit vietnamien, certains critiquent encore le manque d’importance que le Military Reform Movement accorde à la charnière politico-stratégique. Jeffrey Record, par exemple, est perplexe car l’efficacité recherchée par les militaires se limiterait uniquement aux niveaux tactique et opérationnel. L’interrelation avec le politique ne serait que sommairement envisagée.[43] Pourtant, les références à l’utilité des militaires dans l’édification de la politique étrangère ne manquent pas dans le discours. On retrouve encore des références à Clausewitz dans ce domaine. A titre illustratif, on fait apparaître le rôle que le Prussien devrait jouer dans la formation de la politique du président. Quels conseils Clausewitz pourrait-il lui donner ? Il devrait tenir compte de l’opinion publique, faire preuve de cohérence, utiliser l’ensemble des ressources disponibles – économiques, diplomatiques, et la propagande -, planifier les opérations à long terme, identifier un consensus autour de l’idée d’intérêt national, etc.[44] Clausewitz peut aussi être appelé en renfort à l’idée de la séparation de pouvoir. La Formule devenant quasiment un accessoire supplémentaire aux dispositions institutionnelles en vigueur. Dans ce cas, le militaire, sauf dans des Etats totalitaires, ne peut se permettre de prendre une part de responsabilité dans la politique du pays.[45] Mais en fait, il existe un certain paradoxe à ce niveau. D’une part les militaires américains n’arrêtent pas d’encenser la démocratie et de justifier leur soumission au pouvoir politique, d’autre part, ils ne peuvent s’empêcher de remettre en cause la gestion des opérations militaires par le pouvoir civil.[46] Prenant aussi Clausewitz à témoin, des officiers demandent qu’un poids accru soit accordé à l’état-major combiné – Joint Chief of Staff. La justification peut encore une fois passer par Clausewitz. L’officier prussien note que si le militaire est soumis au politique, le commandement doit néanmoins être en mesure de conseiller le chef politique.[47] Comme on le voit, Clausewitz peut servir à défendre deux tendances dans le discours, soit une séparation stricte des sphères militaires et civiles, soit la coopération entre elles.

Section 4 – Les remises en cause de la valeur du paradigme clausewitzien

Récemment, la Formule, et plus généralement le paradigme clausewitzien de la guerre ont été remis en question par plusieurs auteurs.[48] Dans le discours stratégique américain, un coup de semonce avait déjà été lancé en 1989 dans la Military Review. Deux auteurs se demandaient si la guerre chez les Aztèques pouvait rentrer dans le paradigme clausewitzien ou si leurs conflits n’étaient que l’expression de leur culture, selon des motifs religieux. Pour le tenant de l’approche du Prussien, la culture n’était rien d’autre qu’une couche de vernis sur les intérêts politiques. Pour le détracteur de Clausewitz, la culture, au sens large s’entend, prenait le dessus sur le politique.[49]

Plus récemment, les remises en question du paradigme clausewitzien se sont surtout exprimées dans les travaux de Martin van Creveld et de John Keegan. Tout d’abord, Martin van Creveld est un historien israélien qui a bien sa place dans le discours stratégique américain vu la large diffusion de ses idées, et le caractère polémique de ses travaux. Selon lui, notre époque est marquée par l’érosion du concept d’Etat-nation.[50] Les conflits actuels et ceux de l’avenir confrontent, et confronteront, de plus en plus d’entités et / ou de groupes humains différents : mouvements ethniques, mafias, terroristes, etc. En ramenant Clausewitz à un théoricien de la guerre étatique, l’historien pense que le Prussien n’est plus valable aujourd’hui. La trinité clausewitzienne, simplifiée en population, gouvernement et armée, n’est plus une matrice d’actualité. Elle est dépassée et ne peut plus permettre d’appréhender tous les conflits modernes. D’où l’auteur se pose la question de savoir ce qui motive les combattants de ces entités et soulève l’hypothèse du désir de l’homme de se battre et de risquer sa vie. La guerre ne serait que la continuation du sport par d’autres moyens, des moyens violents.[51]

John Keegan, un historien militaire britannique, sert, comme Martin van Creveld, de révélateur à la pensée stratégique américaine. John Keegan réfute partiellement l’idée que la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens. Partiellement car, pour lui, cette affirmation n’est exacte que dans les pays occidentaux. Si l’on étudie d’autres sociétés, la guerre peut devenir, toujours selon John Keegan, un phénomène culturel et non plus politique. Or, Clausewitz n’apporterait rien à la compréhension de la guerre – ou de l’absence de guerre – chez les Zoulous, les Samouraïs, les Mamelouks ou en Polynésie. Il n’éclairerait pas plus le poids des institutions sacrées.[52] Chez Keegan, le Prussien est de nouveau ramené à l’idée de la bataille décisive, à la stratégie d’anéantissement. Il redevient le père spirituel des massacres de la Première Guerre mondiale. Christopher Bassford réagit fortement contre cette vision dans le Times Literary Supplement. Ce dernier insistait sur la flexibilité du cadre d’analyse clausewitzien et des multiples dimensions que l’on peut donner à la Formule.[53] John Keegan répondit ensuite à la réflexion de Christopher Bassford en mettant en évidence que Clausewitz est avant tout le produit d’une conception occidentale de la guerre et que la guerre peut devenir culture en soi. Pour le Britannique, l’étude comparative de la guerre amène à relativiser la valeur de Clausewitz.[54] En fait, les tentatives de faire sortir la guerre du paradigme clausewitzien semblent se multiplier aujourd’hui.[55]

Christopher Bassford prolongea sa critique de John Keegan, ainsi que plus globalement de tous ceux qui remettent en cause le paradigme clausewitzien, dans un article publié dans la revue War and History. Il y reproche à John Keegan d’induire le lecteur en erreur par rapport à On War. Clausewitz n’a pas défini deux types de guerre : l’une conduite par les Etats avec des armées régulières sous les ordres d’un commandant, l’autre, symbolisée par le conflit en ex-Yougoslavie ou les combats menés par les Cosaques, en l’absence d’Etat. C’est une vision totalement abusive d’après Christopher Bassford. Comme cela a déjà été indiqué, John Keegan pense que la guerre est avant tout une activité culturelle, un rite symbolique, qui ne se confond que partiellement avec la politique dans le sens policy. Mais Bassford rappelle que la signification de la Formule est double car elle implique à la fois politics et policy (ce qui le rapproche de Jablonsky, supra).[56] Alors que la policy utilise rationnellement des moyens en vue de réaliser une fin, le politics est composée d’éléments rationnels, irrationnels et non rationnels comme la trinité paradoxale le mentionne. Le politics baigne plus particulièrement dans le processus politique : elle indique une lutte ou une compétition, qu’elle soit maintenue dans des limites pacifiques ou non. John Keegan utilise de façon indifférenciée politics et policy, flouant ce que signifie Clausewitz. En conclusion, l’idée de Clausewitz selon laquelle la guerre est la continuation de la politique n’est peut-être pas plus une vérité immuable que celle de John Keegan, mais le schéma d’analyse clausewitzien permet, grâce à sa grande flexibilité, d’incorporer les idées de l’historien britannique.[57] Clausewitz reste donc non dépassé … pour le moment.

Michael I. Handel a aussi réagi à ces remises en cause de Clausewitz. Il s’est refusé à accepter la transformation de la Formule selon Martin van Creveld – continuation du sport par d’autres moyens, soit des moyens violents. Il lui semble inadmissible de tenir un raisonnement équivalent, en particulier dans les Etats démocratiques (en un certain sens, Handel réintroduit une idée morale là où les clausewitziens l’avait évacuée).[58] De plus, répondant aussi à John Keegan, pour Michael I. Handel, la justice, la religion ou l’autodétermination peuvent être considérées comme des motifs politiques (il ne donne toutefois pas de définition compréhensive du politique). D’autre part, ce n’est pas parce que l’Etat moderne disparaît que la trinité disparaîtra automatiquement. Pour Handel, la trinité préexiste à l’apparition de l’Etat, même si la fonction gouvernementale ne s’y retrouve institutionnalisée qu’en embryon.[59]

Les tenants de l’approche clausewitzienne s’en prennent non seulement à John Keegan et Martin van Creveld mais aussi à Alvin et Heidi Toffler. Si la notoriété des premiers les autorise à « exécuter Clausewitz sur la place publique », les seconds le « laissent mourir en silence ». En effet, pour les Toffler, les frictions deviennent des erreurs de computation. Elles ne sont plus liées à la nature intrinsèque de la guerre.[60] A contrario, Christopher Bassford et Stephen Metz ne veulent pas enfermer le Prussien dans son époque. Ils ne le considèrent pas uniquement comme le théoricien de la période industrielle. Pour eux, les Toffler n’apportent guère plus qu’une couche – overlay – supplémentaire à la compréhension de la guerre selon le mode clausewitzien.[61]

Les attaques contre Clausewitz ont également emprunté un autre front. Selon Stephen J. Cimbala, la relation entre le politique et le militaire a évolué. Alors que le militaire était soumis au politique, il est maintenant immergé dans le politique au travers de conflits de basse intensité où le soldat occupe de plus en plus des tâches de gestionnaire ou d’administrateur.[62] Cette nouvelle tendance risquerait de supprimer la subordination du militaire au politique prônée par Clausewitz. On pourrait donc assister à une politisation malsaine de la fonction militaire selon Cimbala. Une telle politisation pourrait ouvrir la voie à la corruption et provoquer de nombreux conflits avec l’autorité civile.[63] On peut se demander si S.J. Cimbala ne fait pas une lecture trop figée de la subordination politique du militaire chez Clausewitz. En effet, Clausewitz évoque les cas où les autorités militaires et politiques sont confondues, comme chez Napoléon Bonaparte. La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens mais cela ne signifie pas qu’un militaire ne puisse être à la tête du gouvernement d’un Etat. Il ne faut pas confondre la fonction politique – ce pourquoi elle existe – et la structure de cette fonction – premier ministre, président, etc.

Ailleurs, la Formule se voit complètement désarticulée sous les coups de butoir de la R.M.A. On évoque le renseignement économique et l’espionnage industriel comme continuation de la guerre par d’autres moyens.[64] Ces essais relèvent toutefois plus de la polémique que de l’analyse sérieuse.

En opposition avec la remise en cause du paradigme de Clausewitz, pour David Jablonsky, la R.M.A. entraînera un renforcement des liens entre la politique et la guerre. Lors de la guerre du Golfe par exemple, des systèmes d’armes ont été employés de manière quasi-indifférenciée aux niveaux tactique, opérationnel ou stratégique. On assiste à une compression des niveaux de la guerre et l’émergence de moyens de communication de plus en plus élaborés donne un plus grand poids encore à cette tendance. Le leader politique dispose presque d’autant de moyens de diriger les opérations que le commandant sur place (le « micro-management » avait pourtant été critiqué après la guerre du Vietnam).[65]

Mark T. Clark a tenté de résumer les différentes approches de la guerre aujourd’hui, sur base de l’acceptation ou du rejet de Clausewitz. Il distingue trois tendances. La première est la « critique centriste » : la guerre est toujours le fait du paradigme étatique et Clausewitz reste valide. Les tenants de cette approche sont divisés en deux groupes : ceux qui pensent que la technologie diminuera les effets des frictions et ceux qui ne considèrent pas d’amélioration notable en la matière. La deuxième tendance, celle de la « critique de gauche » considère que la guerre devient un phénomène à incorporer dans une structure supranationale, que le futur est post-clausewitzien, que la révolution dans les affaires militaires propose des solutions techniques mais la résolution des conflits est à rechercher dans le cadre d’institutions régionales ou multilatérales. La dernière critique, « critique de droite », considère la guerre comme un phénomène infranational. Le futur serait donc pré-clausewitzien. La révolution dans les affaires militaires devrait se concentrer sur les conflits de basse intensité et non sur les problématiques purement techniques. Les solutions des problèmes de conflictualité devraient donc être recherchées au niveau politique. Parallèlement, pour la critique de droite, il existe le risque de destruction de l’Etat.[66]

Section 5 – L’avenir de la Formule

Quoi qu’il en soit, tous les manuels de doctrine consultés – parmi lesquels différentes éditions du FM 100-5, le FMFM 1, l’AFDD 1, etc. – consacrent la primauté du politique sur le militaire. Plus encore, la publication AFSC Pub.1, The Joint Staff Officer’s Guide 1997, élabore une méthodologie nommée JOPES, Joint Operation Planning and Execution System, dont le but même est de traduire les objectifs politiques en objectifs opérationnels.[67]

Par ailleurs, Clausewitz est toujours étudié dans les écoles militaires. Il éclaire en particulier les cours sur la nature des guerres.[68] Citons aussi l’exemple du général Shelton, alors chef d’état-major interarmes, qui reprenait la Formule lors d’une conférence de presse à propos de la situation au Kosovo en 1998. Pour ce général, la guerre est un outil du politique, mais pas le seul. Cette référence venait illustrer le rôle d’exercices de l’O.T.A.N. menés en Albanie et en Macédoine en vue de faire pression sur la Serbie.[69]

En fait, la pérennité de la Formule est aussi le résultat de la souplesse intellectuelle dont font preuve les tenants de Clausewitz. Pour eux, la Formule n’implique plus une relation linéaire selon le schéma « début des hostilités, destruction de l’ennemi, fin des hostilités ». Reprenant Clausewitz, ses disciples indiquent que les chemins qui mènent à la victoire sont multiples. L’anéantissement de l’ennemi n’est pas le seul moyen. Le militaire dispose donc d’une série d’options pour terminer un conflit. Il peut créer un levier coercitif pour limiter l’escalade, réduire la puissance des forces adverses, diminuer les tensions régionales, etc. Ensuite, tout conflit amène des responsabilités lorsque celui-ci s’est achevé – concept de war termination. Les chefs militaires et politiques doivent en être bien conscients. Plus encore, la stratégie, dans sa dimension war termination, doit reposer sur la coopération entre de multiples organisations.[70] Tout cela fait toujours partie de l’aspect politique d’un conflit.

Les manuels les plus récents du Corps des Marines sont aussi exemplaires au point de vue de l’adaptation de la relation politico-militaire. Cette relation est évaluée dans un nouveau cadre à la fois plus fluide et plus dynamique. La sphère politique n’est plus conçue comme l’univers unique de l’Etat(-nation). Elle incorpore désormais de nouvelles structures telles que la tribus ou le clan. La compréhension de la guerre passe donc par la compréhension des groupes humains sous toutes leurs formes : familles, entreprises commerciales, Eglises, gangs de rues, mafias, alliances, confédérations, bureaucraties, hiérarchies féodales, etc.[71] De plus, la tonalité du FMFM 1 raisonnait de façon très clausewitzienne sur ce point. Le FMFM 1 indiquait d’ailleurs que la paix absolue, tout comme la guerre absolue sont rares en pratique. Le document reconnaissait aussi l’incertitude, les frictions – qui peuvent être surmontées par la volonté – et la dimension humaine de la guerre. La guerre étant une activité dangereuse et violente, elle ne doit jamais être considérée comme romantique – dans le sens commun, et non philosophique, du terme. On y décrit la guerre comme le domaine de l’art et de la science. Bien entendu, le manuel affirmait que la guerre est un instrument de la politique – policy – et qu’elle peut prendre de multiples formes.[72]

Le plus récent manuel MCDP 1-1, également du Corps des Marines, revient encore sur la notion de guerre et la relation entre politique et conflit. Pour le MCDP 1-1, la guerre est un instrument du politique comprenant à la fois les notions policy et politics. La guerre est donc, avant tout, une forme de violence organisée, elle ne doit pas obligatoirement se dérouler entre nations. Ainsi, même si les Kurdes n’ont pas d’Etat, ils sont néanmoins les acteurs d’une guerre. Pour résumer, la guerre possède donc les caractéristiques suivantes ; (1) elle est faite de violence organisée ; (2) elle implique au moins deux groupes de combattants ; (3) elle est la poursuite d’un objectif politique ; (4) son impact est suffisamment grand que pour attirer l’attention des chefs politiques et ; (5) elle continue aussi longtemps que les interactions entre les opposants ont un impact politique. Le manuel détaille ensuite, de manière très didactique, la différence entre puissance continentale et maritime ainsi que la notion d’équilibre des puissances.[73]

A la lecture des manuels, on peut se demander s’il n’existe pas une disjonction entre le discours officiel et doctrinal d’une part et les multiples articles que produisent les diverses revues des forces armées. Ainsi, dans un texte publié par les U.S. Naval Institute Proceedings en 2000, un commandant de l’U.S. Navy se demandera si l’apport des classiques ne doit pas être largement relativisé. L’auteur se demandait si les classiques sont encore capables d’aider les militaires à saisir le sens des conflits contemporains, comme ceux en Irak ou au Kosovo. Une fois de plus Clausewitz – mais également Sun Zi, Liddell Hart, Thucydide, et Machiavel – est mis sur la sellette.[74]

Même dix ans après la fin de la guerre froide, il existe toujours un sentiment de malaise quant à la compréhension des conflits contemporains. Souvent, Clausewitz sert de matrice à partir de laquelle les auteurs peuvent se situer.[75]

Section 6 – La Grand Strategy

La notion de Grand Strategy évoque aussi des considérations sur la charnière politico-stratégique. Ici le discours stratégique américain est moins prolixe en citations clausewitziennes. Notons aussi que le terme de Grand Strategy partage des limites assez floues avec celui de politique étrangère.

Ainsi en 1977, un article de la Naval War College Review introduisait le lecteur à la pensée de Clausewitz sur le comportement des Etats. Pour l’auteur, James E. King, le Prussien permet d’éclairer le concept d’équilibre des puissances en Europe. Clausewitz percevrait le système étatique comme non parfaitement régulé. Il laissait la possibilité à des incidents mineurs de jouer le rôle de catalyseur d’événements majeurs. Pour King, la pensée de Clausewitz montrait une tendance favorable au statu quo interétatique, à l’équilibre, au maintien d’un intérêt commun entre les Nations. Malgré tout, toujours pour James King, Clausewitz avait bien perçu la possibilité qu’un Etat suffisamment puissant arrive à asseoir sa domination sur tous les autres.[76]

Mentionnons ensuite un article de Michael Howard publié dans la revue Foreign Affairs en 1979. L’historien britannique évoquait aussi le concept de Grand Strategy, de manière indirecte il est vrai. Il indiquait que la définition clausewitzienne de la stratégie avait rétréci le champ d’analyse de ce terme. Selon Howard, trop d’importance était accordée aux aspects techniques et au combat dans la guerre et pas assez à sa dimension sociale. Au travers de cet article, Michael Howard mettait en évidence les multiples dimensions et niveaux de la stratégie. La réflexion sur la Grand Strategy est bien à l’œuvre ici.[77] Paul H. Nitze utilisa aussi la référence de Clausewitz à la stratégie de manière à élargir la perpective à l’idée de Grand Strategy. Selon lui, il s’agissait d’une approche de la guerre qui lie les résultats des engagements dans le temps et l’espace.[78] Paul H. Nitze, ancien haut fonctionnaire du State Department, auteur du document NSC 168, semble d’ailleurs avoir une connaissance de base de Clausewitz.[79]

D’autres mettront en évidence le concept de concentration dans la pensée de Clausewitz, concept transposable à l’idée de projection de puissance si présente dans les réflexions des modernes de la Grand Strategy. Par ailleurs, la puissance américaine n’est pas seulement considérée comme militaire mais aussi culturelle, politique et économique. Quel que soit le domaine, la concentration constituerait un atout.[80] Il est vrai que la Formule peut aisément servir de moyen intégrateur des outils de la puissance. Comme la guerre est la continuation de la politique par adjonction d’autres moyens, la Formule s’ouvre à la diplomatie. Ainsi un article à forte tonalité clausewitzienne, publié dans la revue Comparative Strategy, suggérait de façon intéressante que négociations et combat doivent être menés en parallèle dans le temps, et qu’il n’existe pas de coupure entre les deux domaines.[81]

La Formule en tant qu’outil intégrateur des moyens de puissance, c’est encore une fois la sujet choisi par les auteurs de l’ouvrage collectif Grand Strategies in War and Peace (sous la direction de Paul Kennedy, 1991). L’introduction précise bien entendu que la grande stratégie doit être conçue dans une perspective aussi large que possible. Le rôle de la direction politique est mis en évidence. On attire également l’attention du lecteur sur les moyens non militaires de la grande stratégie – diplomatie, moral, culture politique – et sur les relations fins-moyens. Clausewitz et Liddell Hart servent de cadre de référence à la série d’essais qui suivent.[82] Indéniablement, Liddell Hart vient relativiser l’importance que Clausewitz donnait à la bataille. Dans Grand Strategies, Denis Showalter reprochera aussi à Clausewitz de ne pas avoir tenu assez compte de l’aspect économique de la guerre.[83] Dans le même ordre d’idée, certains auteurs préfèrent se référer à Sun Zi, car ce dernier permettrait de mieux comprendre la notion de non-guerre, ou de dissuasion.[84] Plus récemment, l’apparition de la R.M.A. a fait renaître la fameuse critique de Clausewitz qui consiste à affirmer que le Prussien est trop peu attaché à la technologie / technique pour être réellement valable dans la réflexion sur la Grand Strategy. La référence à Clausewitz, dans ce domaine, a donc diminué.

En sortant légèrement du cadre de la Grand Strategy et en empiétant sur la géopolitique[85], Clausewitz a aussi été considéré par certains comme le tenant d’une stratégie « territorialisée ». D’après ce type d’analyses, le contrôle des facteurs physiques que sont le territoire et la population seraient les fondements de toute stratégie efficace.[86] Il peut paraître paradoxal que Mahan et Jomini n’aient pas pris plus de place dans cette réflexion. A contrario, dans un article de la revue Parameters de 1977, le général de brigade Edward B. Atkeson n’avait pas classé Clausewitz parmi les théoriciens de l’approche spatiale de la stratégie. Assez étrangement, cet auteur n’avait pas non plus classé Jomini dans cette catégorie qui reprenait A.T. Mahan, Vauban, Carnot et Douhet. Jomini et Clausewitz étaient repris comme penseurs de la puissance et de la mobilisation populaire – donc, encore une fois, comme les exégètes de la guerre napoléonienne et de l’anéantissement.[87]

Section 7 – L’armement nucléaire[88]

Avant la guerre du Vietnam, peu de véritables adeptes de Clausewitz se sont intéressés à la stratégie nucléaire aux Etats-Unis, si ce n’est Bernard Brodie. Après 1976, les références au Prussien dans cette matière deviendront plus nombreuses.[89] Elles ne sont pourtant pas toutes positives. On constate d’abord une ligne de fracture entre ceux qui mettent en évidence l’absence de rôle de politique que peut jouer l’arme nucléaire et ceux qui la réconcilient avec le schéma clausewitzien. Dans la première optique, on retrouvera par exemple Peter Moody.

En effet, Peter Moody réfute l’idée que les armements nucléaires aient une quelconque valeur politique. Selon lui, le M.A.D. – Mutual Assured Destruction, ou destruction mutuelle assurée – constitue simplement une abdication de la politique. De plus, il remet en cause la valeur de l’idée d’une séparation entre la guerre en théorie et en pratique. Pour lui, toute guerre risque de devenir rapidement une guerre absolue dans le contexte de confrontation Est-Ouest.[90] Wendell J. Coats partage, approximativement, la même opinion. Pour lui, la théorie de la dissuasion ne laisse guère de place à l’utilité politique de l’instrument nucléaire et ce malgré sa réévaluation de la relation entre l’offensive et la défense. Coats montre en effet qu’il est possible de pratiquer une dissuasion offensive – obtention d’un gain – ou défensive – maintenance du statu quo.[91]

Les tenants de la seconde optique peuvent être divisés en deux branches. Les premiers pensent que la fonction défensive de l’arme nucléaire permet le recouplage avec les idées de Clausewitz. Cette conception se rapproche nettement de celle défendue par Bernard Brodie. Citons Bruce Nardulli pour qui la stratégie nucléaire ne doit en aucun cas sortir du cadre politique. Ce cadre doit toujours déterminer les objectifs. Et Bruce Nardulli de critiquer le choix de l’administration Carter pour la Presidential Directive n°59, désignant la countervailing strategy qui fut appréhendée comme un retour du concept war-fighting. Pour Nardulli, la directive 59 repose trop sur une analyse purement militaire. Elle s’avère insuffisante dans le cadre de la dissuasion.[92] L’historien britannique Michael Howard tiendra un raisonnement équivalent : la dissuasion n’est qu’une stratégie dont l’objectif est négatif. Howard pense que le point principal à mettre en évidence à partir de la pensée de Clausewitz est sa tentative de placer la guerre dans un cadre rationnel. Et la dissuasion est certainement plus rationnelle que les conceptions nuclear war-fighting ou war-winning – combattre et gagner la guerre nucléaire. Pour Howard, il serait faux de voir en Clausewitz l’édificateur d’une pensée stratégique uniquement centrée sur l’action.[93] Notons que Michael Howard a toujours fait preuve d’une vision très équilibrée quant au rôle des armes nucléaires.[94]

Les conceptions dites war-fighting et war-winning représentent justement la seconde branche de ceux qui voient une utilité politique à l’arme nucléaire. Toutefois les notions war-winning et war-fighting ne sont, théoriquement, pas un nouveau douhetisme. Le point de départ de l’analyse des tenants de cette école, comme le Britannique Colin S. Gray, consiste à se demander ce qu’il adviendrait si la dissuasion échouait.[95] Dans ce cas, il faudrait bien, selon eux, être prêt à mener une guerre. Dans une telle guerre, les armes nucléaires seraient bien sûr utilisées comme les autres armes. En d’autres termes, une telle analyse en vient à saper les bases des mécanismes de dissuasion – l’acceptation des vulnérabilités réciproques consacrées par le M.A.D. Dans le même ordre d’idées, il faut encore mentionner ceux qui défendent la construction de systèmes anti-missiles – A.B.M. Parfois, ces auteurs font également référence à Clausewitz.[96]

Après avoir vu comment le discours stratégique américain abordait la valeur politique des armes nucléaires, il faut maintenant passer à un outil clausewitzien plus « technique ». Il s’agit du concept de montée aux extrêmes qui est mieux connu sous le vocable d’escalade.

Suite à la guerre du Vietnam, quelques auteurs se sont intéressés à ce concept en pratiquant une relecture des travaux de Clausewitz. Il faut d’abord remarquer que certaines de ces relectures envisagent le concept d’escalade en terme non nucléaire – ou, pas uniquement nucléaire. Ainsi, Russell F. Weigley écrivait, dans un ouvrage publié en 1976, que la guerre a beau être la continuation de la politique par d’autres moyens, la grammaire du conflit risque rapidement de prendre le dessus sur l’objectif politique. Il ne décrivait pas vraiment la guerre comme une simple continuation de la politique. En effet, pour Weigley, une fois la guerre commencée, le désir de vaincre pour des raisons de dissuasion ultérieures, ou pour obtenir une position de force, se rajoute à l’objectif de départ.[97] En termes généraux, c’est le mécanisme d’ascension aux extrêmes qui était visé ici. En fait, la notion d’ascension aux extrêmes lorsqu’elle est discutée dans le discours stratégique américain débouche sur plusieurs axes de réflexion. Elle n’est pas confinée à la question du nucléaire militaire. Ainsi, un auteur britannique, Norman H. Gibbs, publié dans la Naval War College Review, commençait une analyse de la polarisation des conflits en partant des rôles du moral et de l’idéologie. Moral et idéologie étaient, d’après lui, des éléments nécessaires à la compréhension de la violence des guerres révolutionnaires du XVIIIe et du XIXe siècle. Pour Gibbs, le Traité devrait être abordé comme un ouvrage sur la guerre limitée car, au travers du livre, Clausewitz avertit des conséquences potentielles de la guerre dans un contexte idéologisé. Pour Gibbs, il existerait des limites à l’instrumentalisation de la force.[98] On retrouvera également un raisonnement assez similaire dans le contexte de la stratégie nucléaire. Pour Thomas H. Etzold, la conduite de la guerre selon des critères rationnels et le contrôle de celle-ci paraît difficile à exécuter. Les frictions et le moral, les éléments non quantifiables et non prévisibles laissent percevoir une quête de l’impossible.[99] L’ascension aux extrêmes est donc perçue comme un phénomène automatique, qui ne ressort pas de la volonté des belligérants.[100] En fait, ces discussions perpétuent les anciennes considérations sur la guerre limitée. Prédominance du politique, refus de l’anéantissement à tout prix, équilibre de l’enjeu politico-stratégique sont réaffirmés.[101]

Mais la question de l’escalade se pose aussi en termes nouveaux durant les années 80. L’administration Reagan a en effet institué le concept d’escalade horizontale dont l’U.S. Navy était un des acteurs principaux. Selon cette conception, si une guerre ne peut être menée victorieusement par l’O.T.A.N. en Europe Centrale, la Navy devrait alors passer à l’action en ouvrant un front supplémentaire. L’Europe deviendrait une zone de fixation des communistes. Des pressions pourraient être exercées en d’autres points du globe.[102] Ces nouvelles perspectives d’escalade vont être bien étudiées par Richard Ned Lebow et Stephen J. Cimbala, avec référence à Clausewitz.

Richard Ned Lebow montre bien la dichotomie qui existe dans le travail de Clausewitz entre, d’une part, la guerre considérée sous l’angle de l’instrumentalisation politique et, d’autre part, l’importance des éléments intangibles comme les frictions, les forces morales, les émotions, etc. Ensuite, l’auteur dégage quatre grandes catégories de phénomènes propres à déséquilibrer l’état des relations internationales en temps de crise : la relation civil-militaire et ses conflictualités potentielles, la perte de contrôle due aux émotions, et le « sabotage politique » – une prise de position contraire à l’autorité nationale par un subordonné en toute conscience ; les cas du général MacArthur en Corée et du général LeMay préparant des frappes préventives au Strategic Air Command sont mentionnés – et ce qu’il nomme countervailing force, soit les forces d’inertie, comme la bureaucratie, la routine, la lassitude, etc. Lebow replace en fait les frictions au centre du mécanisme d’escalade. Alors que Clausewitz présente les frictions sous la forme d’un frein à la montée aux extrêmes, il semblerait que dans un contexte de dissuasion, elles soient plus de nature à accélérer cette ascension. D’autre part, la chaîne de commandement au sein des unités stratégiques n’est-elle pas devenue tellement élaborée par le renforcement des mécanismes de rétroactions, que le système est devenu trop sensible à toute pression de la part de ces même frictions ?[103]

Pour Stephen J. Cimbala, le mécanisme d’escalade mis en évidence dans On War est très utile à la compréhension de la stratégie nucléaire et de la confrontation Est-Ouest. Il constate que l’une des plus grandes craintes de ceux qui s’intéressent à la stratégie nucléaire est le risque d’escalade incontrôlée. Il décide donc d’étudier ce mécanisme dans une perspective clausewitzienne, en tenant compte des variables que le Prussien met en évidence dans la formation de la guerre. Il commence par déterminer deux approches majeures existant en matière de gestion de l’escalade. La première, à laquelle est associée Thomas C. Schelling, est appelée risk-provoking – provocation du risque – laisse délibérément certains facteurs en friche. Ces facteurs créent une zone d’incertitude dans les mécanismes de dissuasion, ce qui est censé les renforcer. La seconde approche est nommée force-dependant – dépendante des forces. Ceux qui adhèrent à cette approche croient en la possibilité de se défendre et cherchent à s’assurer une supériorité numérique de force, ou une égalité, par rapport à l’adversaire. Quelle que soit l’approche choisie, le risque d’escalade est toujours présent, bien qu’il soit de nature différente. Laisser une zone d’incertitude est de nature à rendre anxieux un acteur stratégique quant au choix de son adversaire. L’autre posture peut au contraire effrayer l’acteur quant aux potentialités de l’ennemi – ce que l’on nomme le dilemme de la sécurité. Les deux sentiments ont un rôle à jouer dans l’escalade.

Pour Stephen J. Cimbala, dans la pratique, trois stratégies de contrôle de l’escalade sont envisagées dans le cadre de l’O.T.A.N. La première consiste à se défendre de manière conventionnelle en vue d’élever le palier à partir duquel l’arme nucléaire risque d’être employée. Mais il existe un danger d’escalade si l’un des protagonistes se retrouve en situation désavantageuse – « dos au mur » en quelque sorte.

La deuxième stratégie consiste à utiliser l’escalade horizontale – escalade étendue géographiquement, comme celle prônée par la doctrine de l’U.S. Navy et développée sous l’administration Reagan. Il s’agirait de pratiquer une stratégie contre-force appliquée sur d’autres théâtres d’opérations. Toutefois, cette stratégie serait en mesure d’introduire une telle ambiguïté dans l’esprit de l’adversaire que le risque d’escalade verticale se trouve réintroduit ultérieurement.

La troisième stratégie consiste à employer une milice-(techno-)guérilla en Europe Centrale. Stephen J. Cimbala reprend les critères de Clausewitz en matière de guerre populaire mais les considère difficilement applicables. Le problème principal de cette pratique est qu’elle s’avère matériellement irréalisable en Europe occidentale par le manque d’attention qui y a été porté et la mise en question de la volonté de se battre des populations. Et enfin, On War de compléter la perspective de l’auteur quant à ces approches par l’analyse du rôle du renseignement, des ruses – deception -, de l’incertitude, de la relation attaque-défense, du génie et de la rationalité de la prise de décision, etc. dans le cadre du risque d’escalade de la stratégie nucléaire.[104]

L’escalade sera encore traitée en termes clausewitziens par quelques autres auteurs. Ainsi, pour Wendell J. Coats, il est possible d’établir deux modèles type d’escalade à partir des idées de Clausewitz. Le premier type aurait pour but d’amener l’ennemi à la table des négociations. Ici, il n’est pas question de victoire dans le sens militaire du terme. Le second type d’escalade rechercherait, à l’opposé, la destruction des forces ennemies. L’auteur insiste sur la nécessité de comprendre l’utilisation réelle des forces et de la distinguer de l’utilisation virtuelle, dissuasive.[105]

Notons aussi l’opinion de Daniel Moran, dans une perspective qui n’est pas uniquement centrée sur le nucléaire, à propos de la R.M.A. et de l’escalade. Selon lui, la R.M.A. n’a pas fait disparaître les risques d’escalade dans les conflits. Le contrôle politique sur la guerre est toujours nécessaire. Les risques d’escalade – verticale ou horizontale – sont toujours présents.[106]

En résumé, le discours stratégique américain, dans ses considérations sur Clausewitz et la notion d’escalade, regroupe essentiellement deux tendances. La première cherche à comprendre les mécanismes d’escalade en vue de pouvoir circonscrire la spirale de la violence. La seconde semble plus encline à utiliser la menace de l’escalade en vue de mener des stratégies d’action.

Pour conclure ce passage, ajoutons encore que selon John Shy, il existerait une tension entre approche jominienne et clausewitzienne dans la pensée nucléaire, et ce au même titre que pour la stratégie conventionnelle. Pour Shy, l’approche jominienne est réductrice. Elle n’appréhende la réalité qu’à travers quelques facteurs – le temps, l’espace, les objectifs, l’intérêt national – et quelques outils qui lui sont particuliers – probabilités, scénarii, analyses coûts / bénéfices. Mais cette approche ne tient pas compte de la myriade d’autres facteurs qui peuvent intervenir. Ces derniers facteurs sont jugés quotités négligeables.[107]

[1] Voir : Thibault E.A., « War as a Collapse of Policy: A Critical Evaluation of Clausewitz », Naval War College Review, mai-juin 1973, pp. 42-56 ; Moody P.J., « Clausewitz and the Fading Dialectic of War », World Politics, juillet 1979, pp. 417-433 ; Furlong R.B., « Strategymaking for the 1980’s », Parameters, printemps 1979, p. 10.

[2] Brinsfield J., « Ethics and Counter-revolution – Book reviews », Parameters, hiver 1998, p. 171.

[3] Par exemple : Headquarters United States Marine Corps, MCDP 1-1, Strategy, Washington D.C., 1997, pp. 93-94.

[4] Walzer M., Just and Unjust Wars – A Moral Argument with Historical Illustrations, New York, Basic Books, 1992 (deuxième édition, publié pour la première fois en 1977), pp. 79, 110, 122. L’auteur reconnaît avoir lu une édition abrégée de On War (celle compilée par Edward M. Collins en 1962) vu que l’édition de 1976 par Michael Howard et Peter Paret est sortie après que Just and Unjust Wars ait été achevé. Voir aussi, dans la même lignée que Michael Walzer sur Clausewitz et la guerre juste, le point de vue de Homes R.L., On War and Morality, Princeton, Princeton University Press, 1989, 310 p.

[5] Brodie B., War and Politics, Londres, Cassel, 1973, pp. 11 ; 439-440 ; 452-453 ; 494-495.

[6] King J.E., « On Clausewitz: Master Theorists of War », art. cit., pp. 26-27 et 31-32.

[7] Handel M.I., Who Is Afraid of Carl von Clausewitz ?, op. cit.

[8] Lepper S.J., « On (the Law of) War: What Clausewitz Meant to Say », Course Number 5602, Seminar « I », Class of 1998, National War College (http://www.ndu.edu./ndu/ndz/5602paper.html) ; Johnson J.T., « Threat, Values, and Defense: Does Defense of Values by Force Remain a Moral Possibility? », Parameters, printemps 1985, pp. 13-25 ; id., Just War Tradition and the Restraint of War, Princeton, Princeton University Press, 1981, pp. 251, 268, 275. Voir aussi des articles rédigés par des auteurs non américains : Creveld M. van, « The Clausewitzian Universe and the Law of War », The Journal of Contemporary History, septembre 1991, pp. 403-429 ; Smith D., « Just War, Clausewitz and Sarajevo », The Journal of Peace Research, vol. 31, n°2, 1994, pp. 136-142.

[9] Jablonsky D., « Strategy and the Operational Level of War: Part II », art. cit., p. 57.

[10] Voir : Summers H.G., On Strategy, op. cit., 224 p.

[11] Critique qui a trouvé un large écho sur base de Clausewitz : Allen R.L., « Piercing the Veil of Operational Art », art. cit., pp. 111-119 ; Jablonsky D., « Strategy and the Operational Level of War: Part I », Parameters, printemps 1987, pp. 67 et 70 ; Staudenmaier W.O., « Vietnam, Mao, and Clausewitz », Parameters, printemps 1977, p. 87-88.

[12] Voir : Freudenberg G.F., « A Conversation with General Clausewitz », Military Review, octobre 1977, pp. 68-71.

[13] Voir : Mao Tsé-toung, La guerre révolutionnaire, Paris, 10/18, 1955, 185 p.

[14] De la guerre, p. 69 (Livre I, Ch. 1). Sur la trinité, lire aussi la réflexion du sociologue britannique Roxborough I., « Clausewitz and the sociology of war », The British Journal of Sociology, décembre 1994, pp. 619-636.

[15] Voir aussi, par exemple: Cronin P.M., « Clausewitz Condensed », art. cit., pp. 41-42.

[16] Voir également : Summers H.G., « Clausewitz and Strategy Today », Naval War College Review, mars-avril 1983, pp. 40-46.

[17] Voir par exemple : Brown J.B., « Media Access to the Battlefield », Military Review, juillet 1992, pp. 10-20.

[18] Summers H.G., « Western Media and Recent Wars », Military Review, mai 1986, pp. 4-17.

[19] Rothfels H., « Clausewitz, dans Mead Earle E.(éd.), Les maîtres de la stratégie, vol. 1, De la Renaissance à la fin du XIXe siècle, (Makers of Modern Strategy, 1943 – traduit de l’américain par Pélissier A.) Paris, Flammarion, 1980, pp. 186-213.

[20] Nous retrouvons cette notion à de très nombreuses reprises, en particulier dans le premier volume que l’auteur consacre à Clausewitz. Aron R., Penser la guerre – Clausewitz, t. I, Paris, Gallimard, 1976, 472 p. Voir aussi : Aron R., « Clausewitz’s Conceptual System », art. cit., pp. 49-59.

[21] Swain R.M., « On Strategy II – Book Reviews », Military Review, juin 1992, p. 81.

[22] Grant A.V., « Strategic Decisions: The Mire of Low-Intensity Conflict », Comparative Strategy, vol. 10, n°2, 1991, pp. 168-169 ; Rice T.L., « Forging Security Through Peace », Military Review, avril 1992, p. 20.

[23] Villacres E.J. & Bassford Ch., « Reclaiming the Clausewitzian Trinity », Parameters, mai 1983, pp. 22-39.

[24] Headquarters United States Marine Corps, MCDP 1-1, Strategy, 1997, p. 31.

[25] Echevarria A.J. II, « Clausewitz in English »(book review) in Armed Forces and Society, automne 1995 (http://www.clausewitz.com/cwzhome/books/Bassford/ECHREV.htm).

[26] Handel M.I., « Clausewitz in the Age of Technology », dans Handel M.I., Clausewitz and Modern Strategy, op. cit., pp. 51-92.

[27] Jablonsky D., « US Military Doctrine and the Revolution in Military Affairs », Parameters, automne 1994, pp. 18-36.

[28] Echevarria A.J. II, « The Legacy of Clausewitz », Joint Forces Quarterly, hiver 1995-96, pp. 76-82.

[29] Tashjean J.E., « The Transatlantic Clausewitz », art. cit., pp. 75-76.

[30] Eikenberry K.W., « Take No Casualties », Parameters, été 1996, pp. 109-118.

[31] Weinberger C.W., « U.S. Defense Strategy », Foreign Affairs, printemps 1986, pp. 675-697. Sur le caractère clausewitzien de cette doctrine, voir aussi : Otis J.F. Jr., « Clausewitz: On Weinberger », Marine Corps Gazette, février 1988, pp. 16-17.

[32] Handel M.I., Masters of War, op. cit., p. 185.

[33] Powell C. (avec la collaboration de Persico J.E.), Un enfant du Bronx, (My American Journey, 1995, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Garène M., Henry J., Joly Cl., Mourlon J.-P., Pedussaud J.-J.), Paris, Odile Jacob, 1995, pp. 254-255.

[34] En se présentant sous forme de tests, la doctrine Weinberger partage une certaine similitude avec les principes de la guerre. De même que les principes de la guerre, dont l’interprétation et la flexibilité dans le discours stratégique américain ont déjà été montrées, les tests de la doctrine sont parfois adaptés aux circonstances. Avella J.R., « Evaluating Criteria for Use of Military Force », Comparative Strategy, vol. 10, n° 3, 1991, pp. 217-240. Voir aussi l’application des tests par Michael I. Handel aux conflits du Vietnam, de la Grenade, du Liban, de l’Amérique Centrale, de Panama, de la guerre du Golfe, de la Somalie et de la Bosnie. Handel M.I., Masters of War, op. cit., 321 p.

[35] Colson Br., Le tiers monde dans la stratégie américaine, Paris, Economica / ISC / Centre d’Analyse Politique Comparée / Ecole Pratique des Hautes Etudes, 1994, p. 17.

[36] Dubois Th.R., « The Weinberger Doctrine and the Liberation of Kuwait » Parameters, mars 1991-92, p. 38.

[37] Powell C., (avec la collaboration de Persico J.E.), Un enfant du Bronx, op. cit.

[38] Roth D., Sacred Honor – Colin Powell – A Biography, New York, Harper, 1993, pp. 111-113 ; 159 ; 246 ; et 295. Notons que Fred Iklé dans son ouvrage Every War Must End ne mentionne Clausewitz qu’une seule fois sous forme de citation de début de chapitre, page 17. Cette citation insiste sur l’incertitude et le peu de valeur des informations obtenues en temps de guerre. Comme son titre l’indique, ce livre discute des conditions dans lesquelles une guerre prend fin et des problèmes que la dynamique de la guerre soulève dans cette optique. Iklé F., Every War Must End, New York, Columbia University Press, 1971, 160 p.

[39] Mis en évidence dans Romjue J.L., « The Evolution of AirLand Battle Concept », art. cit., p. 6.

[40] Hoffmann S. / Huntington S.P. / May E.R. / Neustadt R.N. / Schelling Th.C., « Vietnam Reappraised », International Security, été 1981, pp. 10-11.

[41] Rosen S.P., « Vietnam and the American Theory of Limited War », International Security, automne 1982, p. 85. R.E. Osgood est ici pointé du doigt.

[42] La connexion est directement établie avec Clausewitz dans l’édition de 1986: Headquarters, Department of the Army, FM 100-5, Operations, Washington D.C., 1986, p. 6.

[43] Record J., « Sizing Up Military Effectiveness », Parameters, décembre 1988, pp. 25-29.

[44] Par exemple : Montano J.J. & Long D.H., « Clausewitz’s Advice to the New US President », Parameters, décembre 1988, pp. 30-41 ; Furlong R.B., « On War, Political Objectives and Military Strategy », Parameters, décembre 1983, pp. 2-10.

[45] O’Meara Jr., « Strategy and the Military Professional – PART I », Military Review, janvier 1980, pp. 38-45.

[46] Voir par exemple : Clarcke W. & Gosende R., « The Political Component: The Missing Vital Element in US Intervention Planning », Parameters, automne 1996, pp. 35-51 ; Cerami J.R., « Presidential Decisionmaking and Vietnam: Lessons for Strategists », Parameters, hiver 1996-97, pp. 66-80 ; voir aussi l’enquête réalisée par John M. Collins sur demande de membres du Congrès ; Collins J.M., U.S. Defense Planning – A Critique, Boulder, Westview Press, 1982, 337 p.

[47] McFetridge Ch.D., « Foreign Policy and Military Strategy: The Civil-Military Equation », Military Review, avril 1986, pp. 22-30.

[48] Actuellement, il existe peu de traces en français de ce débat. Voir tout de même : Battistella D., « Irrationalité des conflits contemporains? », dans Guerres et conflits dans l’après-guerre froide, Problèmes politiques et sociaux (dossiers d’actualité mondiale), La documentation française, n°799-800, 20 Mars 1998, pp. 59-72 ; Hassner P., « Par-delà le totalitarisme et la guerre », Esprit, Décembre 1998, pp. 12-23 ; Coutau-Bégarie H., Traité de stratégie, Paris, Economica / ISC, 1999, p. 195.

[49] Forbes J., « Aztec Warfare Shows Clausewitz Erred », Military Review, avril 1989, p. 82 et Rosello V.M., « Vindicates Clausewitz On War », Military Review, juillet 1989, p. 104.

[50] Voir aussi : Tucker D., « Fighting Barbarians », Parameters, été 1998, pp. 69-79 ; Jablonsky D., « Time’s Arrow, Time’s Cycle: Metaphors for a Period of Transition », Parameters, hiver 1997-98, pp. 4-27 ; Bunker R.J., « Technology in a Neo-Clausewitzian Setting », dans de Nooy G. (dir.), The Clausewitzian Dictum and the Future of Western Military Strategy, La Haie-Londres-Boston, Netherland Institute of International Relations ‘Clingendael’, Kluwer Law International, Nijhoff Law Specials, vol. 31, 1997, pp. 137-165.

[51] Creveld M. van, On Future War, Brassey’s, 1991, Londres, p. 36 (l’ouvrage est paru aux Etats-Unis sous les références suivantes : The Transformation of War, The Free Press, 1991, 254 p.) ; id., « What is Wrong with Clausewitz? », dans de Nooy G. (dir.), The Clausewitzian Dictum and the Future of Western Military Strategy, op. cit., pp. 7-23. Nous trouvons déjà une référence à la guerre comme continuation du sport par d’autres moyens dans Moody P.J., « Clausewitz and the Fading Dialectic of War », art. cit., p. 418.

[52] Keegan J., « Peace by Other Means? », Times Literary Supplement, 11 décembre 1993, pp. 3-4 ; id., A History of Warfare, Reading, Pimlico, 1993, 432 p. ; voir aussi la critique positive par Morrow L., « Chronicling A Filthy 4.000-Year-Old Habit », Time, novembre 29, p. 76. ; et la critique britannique de Lambert A., « The Transformation of War – Book Reviews », The Journal of Strategic Studies, mars 1992, pp. 128-130. Les idées de Keegan ne sont pas sans rappeler celles de l’historien américain Victor D. Hanson qui défend la thèse de l’existence d’un style occidental de la guerre dont les racines peuvent déjà être trouvées dans le modèle de la phalange grecque de l’Antiquité. Notons que Keegan a préfacé cet ouvrage. Hanson V.D., Le modèle occidental de la guerre, (The Western Way of War, infantry battle in classical Greece, 1989 – traduit de l’américain par Billault A.), Paris, Les Belles Lettres, 1990, 292 p.

[53] Bassford Ch., « In Defense of Clausewitz », Times Literary Supplement, 15 janvier 1993, p. 17.

[54] Keegan J., « Clausewitz and Asian warfare », Times Literary Supplement, 22 janvier 1993, p. 15.

[55] Voir aussi : Cale K., « Cultural Wars », The Marxist Review of Books, Living Marxism, issue 73, novembre 1994 (http://www.clausewitz.com/cwz/calrev.htm) ; Cohen E.A., « Blood Rites – book review », Foreign Affairs, mars-avril 1998, p. 146.

[56] Voir aussi : Echevarria A.J. II, « The Legacy of Clausewitz », art. cit., pp. 76-82. La validité des deux termes chez Clausewitz est aussi évoquée par Raymond Aron . Aron R., Penser la guerre, Clausewitz, t. I, op. cit., p. 112.

[57] Christopher Bassford, comme Richard M. Swain se demande si l’ouvrage de John Keegan n’est pas délibérément polémique. Bassford Ch., « John Keegan and the Grand Tradition of Trashing Clausewitz (A Polemic) », art. cit.

[58] Handel M.I., Who Is Afraid of Carl von Clausewitz ?, op. cit.

[59] Id.., Masters of War, op. cit., pp. 257 et 262.

[60] Toffler A. & H., Guerre et contre-guerre, op. cit., pp. 59, 117, et 166.

[61] Metz S., « A Wake for Clausewitz: Toward a Philosophy of 21st Century Warfare », Parameters, hiver 1994-95, pp. 126-132 ; Bassford Ch., « A Wake for Clausewitz? », article proposé par l’auteur à la revue Parameters mais non publié

[62] Cimbala S.J., The Politics of Warfare, University Park, Pennsylvania State University Press, 1997, pp. 204-206.

[63] Loc.cit.

[64] Friedman R.S., « War By Other Means: Economic Intelligence and Industrial Espionage », Parameters, Autumn 1998, pp. 150-154.

[65] Jablonsky D., « US Military Doctrine and the Revolution in Military Affairs », art. cit., pp. 18-36.

[66] Clark M.T., « The Continuing Relevance of Clausewitz », Strategic Review, hiver 1998, pp. 54-61.

[67] AFSC Pub. 1, The Joint Staff Officer’s Guide, 1997, op. cit.

[68] Par exemple : U.S. Army War College, Department of Distance Education, Distance Education Curriculum, Class of 1998, Course 2: The Theory and the Nature of War ; U.S. Army War College, Department of Distance Education, Distance Education Curriculum, Class of 1998, Course 4: National Military Strategy: Theory and History – Lesson 1: The Fundamentals of Military Strategy (http://carlisle-www.mil/usawc/class98/course2/crs220.htm).

[69] DoD News Briefing NATO Headquarters, Remarks by Secretary Cohen and General H. Shelton, Chairman of the Joint Chiefs of Staff, NATO Headquarters, Brussels, Belgium, Friday, juin 12, 1998.

[70] Rampy M.R., « The Endgame: Conflict Termination and Post-Conflict Activities », Military Review, octobre 1992, pp. 42-54.

[71] Bassford Ch., « Doctrinal Complexity: Nonlinearity in Marine Corps Doctrine », art. cit.

[72] Headquarters United States Marine Corps, FMFM.1, Warfighting, 1989.

[73] Headquarters United States Marine Corps, MCDP 1-1, Strategy, 1997, pp. 9-30.

[74] Laingen Ch.W., « On War », U.S. Naval Institute Proceedings, mai 2000, pp. 34-37.

[75] Voir encore : Glick E.B., « Politics is Really Other Things », Military Review, juillet-août 2000, pp. 92-93 ; Gray C., « Clausewsitz rules, OK? The future is the past – with GPS », Review of International Studies, décembre 1999, pp. 161-183.

[76] King J.E., « On Clausewitz: Master Theorist of War », art. cit., p. 32.

[77] Howard M., « The Forgotten Dimensions of Strategy », Foreign Affairs, été 1979, pp. 975-986.

[78] Nitze P.H., « Strategy in the Decade of the 1980’s », Foreign Affairs, automne 1980, p. 82.

[79] Voir : id., « Assuring Stability in an Era of Détente », Foreign Affairs, janvier 1976, pp. 210-211

[80] Henrikson A.K., « The Emanation of Power », International Security, été 1981, p. 161.

[81] McMillan J., « Talking to Enemy: Negotiations in Wartime », art. cit., pp. 447-461

[82] Kennedy P. (dir.), Grand Strategies in War and Peace, New Haven and Londres, Yale University Press, 1991, pp. 1-7.

[83] Showalter D.E., « Total War for Limited Objectives: An Interpretation of German Grand Strategy », dans Ibid., p. 107.

[84] Foster G.D., « A Conceptual Foundation for the Development of Strategy », dans Gaston J.C. (dir.), Grand Strategy and the Decisionmaking Process, Washington D.C., NDU Press, 1992, pp. 55-76

[85] A titre informatif, voir aussi le géographe français Yves Lacoste à propos de Clausewitz et de la géographie. Lacoste Y., « A propos de Clausewitz et d’une géographie », Hérodote, juillet-septembre 1976, pp. 65-75 (l’article est suivi de morceaux choisis de De la Guerre, pp. 76-94) et La géographie ça sert d’abord à faire la guerre, Paris, Maspero, 1976, p. 6

[86] Hansen D.G., « The Immutable Importance of Geography », Parameters, printemps 1997, p. 55.

[87] Atkeson E.B., « The Dimensions of Military Strategy », Parameters, vol. VII, n°1, 1977, pp. 41-52.

[88] Le lecteur intéressé pourra également trouver des commentaires sur Clausewitz et l’arme nucléaire chez les Français Lucien Poirier, Raymond Aron , Alain Joxe et le Britannique Lawrence Freedman. Poirier L., Des stratégies nucléaires, Bruxelles, Complexe, 1988 (publié pour la première fois en 1977), 406 p. ; Aron R., Penser la guerre, Clausewitz, t. II, L’âge planétaire, Paris, Gallimard, 1976, 365 p. ; Joxe A., Le cycle de la dissuasion (1945-1990), essai de stratégie critique, Paris, La découverte / FEDN, 1990, 313 p. ; Freedman L., Strategic Defence in the Nuclear Age, Oxford, Adelphi Papers 224, Brassey’s / I.I.S.S., Autumn 1987, 72 p.

[89] Par exemple : Mandelbaum M., The Nuclear Question: The United States and Nuclear Weapons, 1946-1976, Cambridge, Cambridge University Press, 1979, pp. 96-98 ; id., The Nuclear Revolution, International Politics Before and After Hiroshima, Cambridge, Cambridge University Press, 1981, 283 p.

[90] Moody P.J., « Clausewitz and the Fading Dialectic of War », art. cit., p. 428.

[91] Coats W.J., « Clausewitz’s Theory of War: An Alternative View », art. cit., pp. 368-369

[92] Nardulli B., « Clausewitz and the Reorientation of Nuclear Strategy », The Journal of Strategic Studies, décembre 1982, pp. 494-510.

[93] Howard M.E., « On Fighting Nuclear War », International Security, printemps 1981, pp. 3-17.

[94] Voir par exemple : id., « The Relevance of Traditional Strategy, Foreign Affairs, janvier 1973, pp. 253-266.

[95] Gray C.S., « Nuclear Strategy: What Is True, What Is False, What Is Arguable », Comparative Strategy, vol. 9, n°1, 1990, pp. 1-32

[96] Jensen O.E., « Classical Military Strategy and Ballistic Missile Defense », Air University Review, mai-juin 1984, pp. 54-63 ; Fritz N.H., « Clausewitz and U.S. Nuclear Weapons Policy », Air University Review, novembre-décembre 1982, pp. 18-28.

[97] Weigley R.F., « Military Strategy and Civilian Leadership », dans Knorr K. (dir.), Historical Dimensions of National Security Problems, op. cit., p. 70

[98] Gibbs N.H., « Clausewitz on the Moral Forces in War », Naval War College Review, janvier-février 1975, pp. 15-22.

[99] Etzold Th.H., « Clausewitzian Lessons for Modern Strategists », Air University Review, mai-juin 1980, pp. 24-28.

[100] King J.E., « On Clausewitz: Master Theorist of War », art. cit., p. 25 ; Handel M.I., Who Is Afraid of Carl von Clausewitz ?, op. cit.

[101] Simpson B.M., « The Essential Clausewitz », art. cit., pp. 54-81.

[102] Gray C.S., « Ocean and Continent in Global Strategy », Comparative Strategy, vol. 7, n°4, 1988, pp. 442-443.

[103] Lebow R.N., « Clausewitz and Nuclear Crisis Stability », Political Sciences Quarterly, vol. 103, n°1, 1988, pp. 81-110.

[104] Cimbala S.J., Clausewitz and Escalation – Classical Perspective on Nuclear Strategy, Portland, Frank Cass, 1991, 218 p. On trouve également quelques références (3 au total) à Clausewitz, moins importantes, dans id., The Past and the Future of Nuclear Deterrence, Londres, Praeger, 1998, 235 p.

[105] Coats W.J. Jr., « Economic Reasoning and Military Strategy: Lessons from the Vietnam Era », dans Baumann F.E. & Jensen K.M., American Defense Policy and Liberal Democracy, Charlottesville, University Press of Virginia, 1989, p. 68

[106] Moran D., The Fog of Peace – The Military Dimensions of the Concert of Europe, juin 1995, U.S.A.W.C., S.S.I.

[107] Shy J., « Jomini », dans Paret P. (dir.), Makers of Modern Strategy, op. cit., p. 183.

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