Chapitre II – Ses responsabilités de stratège

II.1- La base de ses écrits

 1.1- Ses campagnes

a) Le combat à Ping Hai

En 1560 (l’an 39 Jia Qing), QI Jiguang reprend ses fonctions car, pendant la période immédiate qui précède la formation de ses troupes, il était  en disgrâce suite à sa défaite en 1559. Aussi, il se trouve à nouveau au Zhejiang avec les nouvelles troupes qu’il a pu entraîner et devient le responsable militaire des affaires de la défense de 3 villes qui sont Taizhou (aujourd’hui, Linhai province du Zhejiang). Jinhua, et Yinzhou . Parmi ces trois villes, la ville de Taizhou est la plus importante car elle est composée de 6 districts: Ninghai, Linhai, Huangyan, Tiantai, Taiping. Cet ensemble de communes longe la côte sur une distance de plus de 200 li (= 100 km). L’arrière pays est constitué principalement  de petites montagnes.

Au début de la Dynastie des Ming, il  existe dans cette province du Zhejiang, 2 garnisons composées de 6 postes de garde. Mais, ne faisant plus l’objet d’attaque depuis fort longtemps, leurs défenses se sont émoussées : équipements obsolètes ; effectifs manquants et non qualifiés ; grand âge d’une large partie de la troupe; aucun entraînement ni motivation…. Depuis le commencement des troubles occasionnés par les Wokou, la population locale, mal défendue par ses militaires a beaucoup souffert.

Dès son arrivée  le général,  décide de prendre les choses en mains : tout en continuant à entraîner les troupes qu’il a recruté à Yiwou (province du Henan) , il prend également des mesures pour la mise des garnisons existantes en ordre de marche.

1.

Nomination d’un haut coordonnateur civil : compte tenu de la longueur des côtes et du manque d’organisation, il demande qu’un haut fonctionnaire civil soit nommé pour coordonner les affaires de la défense. Dans les premières années des Ming, les fonctionnaires civils ne participaient pas aux affaires militaires. Mais cette pratique, commencée dans les années de Zheng Tong est devenue une tendance générale au détriment des places occupées auparavant par les fonctionnaires militaires. De nombreux fonctionnaires militaires expriment leur mécontentement, mais QI, pour la bonne organisation a demandé la nomination d’un fonctionnaire civil, cette requête très appréciée par le préfet Hu Zhong Xian a été satisfaite sans trop retarder et Hu Zhong Xian a nommé Tang You Chen. QI Jiguang s’entend parfaitement avec ce dernier et cette entente ne fait que faciliter les conditions de travail pour QI.

 

2.

Remplir les effectifs : dans certains postes de garde, plus de la moitié des soldats ne sont pas présents pour différentes raisons : désertions ; mutations temporaires ; détournements d’emploi…. Alors, le général a usé de tous les stratagèmes pour les rappeler à leur poste afin de pouvoir, sans faire appel à de nouveaux  recrutements, réaliser les effectifs.

3.

Constitution des troupes embarquées de la marine : C’est en effet la 1ère fois que QI a sous sa responsabilité les troupes embarquées de la marine. Alors, il en a profité pour faire construire 44 bateaux de combat. Il a demandé que ces bateaux soient de 3 modèles et 3 tailles différentes, les plus grands : modèle FU HAI ; les moyens, le modèle HAI CANG ; les plus petits : TONG XIAO. Ce dernier modèle  est une invention de QI car la taille du bateau  est juste plus grand que celui des Wokou afin d’être efficace dans l’attaque mais, assez petit pour être facile à manipuler. Une escadrille est alors composée de 2 FU CHUAN, d’1 HAI CANG et de 2 TONG CUAI. Les 2 escadrilles composent une flotte. En mars de l’an 40 de Jia Qing, les 44 bateaux ont levé l’ancre. Il en attribue 20 à Zhong Mei : 2 flottes entières qui sont chargées de la défense sud et sud-ouest des côtes ; et 20 autres à Hai Mei pour la défense nord et nord-est. Les 4 restantes, sont  gardées en réserve, à la disposition de QI Jiguang.

Ainsi, les deux avant postes de ces flottes se combinent et agissent de concert : les grands bateaux, très efficaces servent pour la chasse et la poursuite hauturière. Par contre, les bateaux de taille moyenne et de taille plus petite sont plus adaptés pour les combats rapprochés et ceux qui ont lieu dans les ports et détroits.

Le général a aussi renforcé l’équipement des armes à feu à bord de ces bateaux. Par exemple,  un FU CUAI est équipé de :

  • §        1 gros canon;
  • §        20 canons à feu = HOU PAO
  • §        6 catapultes ; =DA FU LANG JI
  • §        3 petits obusiers; =WAN KO TONG
  • §        10 mousquets =NIAO TONG
  • §        60 tromblons = PEI TONG
  • §        100 grenades = YAN TONG
  • §        300 fusées = HOU JIN
  • §        100 briques à feu = HOU ZHUAN

En plus des armes à feu ci-dessus (légèrement mal listées en raison du manque de dictionnaires appropriés), les armes blanches ne manquent pas non plus : flèches, gaffes,  fléchettes, javelots, boucliers en rotin, boites de cendres.

Ainsi, les armes s’ajustent : à longue distance, on utilise les canons et les armes à feu à longue portée, à courte distance, ceux sont les armes à feu de précision et les armes blanches que l’on utilise.

Ainsi, le système mis au point par QI est complet et consiste à[1]:

–                                au niveau des équipements : des armes à feu et des armes blanches qui se couvrent.

–                                au niveau de la flotte : des bateaux de taille et de vitesse différentes qui sont complémentaires ;

Ce système qui est destiné à se défendre et à attaquer dans un rayon de 100 pas, est vraiment redoutable pour les adversaires.

4.

Renforcer les postes de contrôle et d’observation : QI a fait restaurer les postes existants et fait construire d’autres postes complémentaires. Dans le système d’observation et de garde qu’il a fait établir, 5 soldats doivent se relayer jour et nuit, qui ne peuvent pas quitter ces points d’observation sans permission préalable. L’alerte est donnée en journée par des drapeaux et des coups de fusils ; si c’est la nuit, par des torches et des coups de fusils. QI Jiguang a aussi renforcé le contrôle de toutes les entrées de bourgs ainsi que les villages alentour avec un système de mots de passe et des rondes permanentes de 3 personnes en temps de paix et de 5 personnes en temps de menace.

Ainsi, au lointain il y a des postes d’observation ; au plus près, des contrôles d’accès et des grands carrefours. Les ennemis ne peuvent pas s’approcher sans être aperçus.

5.

Harmoniser tout le système de défense : QI réforme les postes de garnison ; crée les troupes d’embarquées de la marine, améliore l’entraînement des troupes et le rend obligatoire, renforce les postes de contrôle. Pour rendre toutes ces mesures plus efficaces encore, QI a aussi beaucoup réfléchi sur l’engagement coordonné dans les actions de combat des troupes de la marine, des troupes de garnison et des troupes recrutées et formées par lui-même. Les troupes de la marine au nombre de 4 flottes constituées de 4 bataillons chacune, défendent les zones littorales. A l’intérieur de chaque flotte, lorsque qu’un bataillon part en mer pour une patrouille, un autre  reste au port en état d’alerte afin de pouvoir intervenir dans les plus brefs délais. Ils forment ensemble une ligne de défense sur la mer. Si l’attaque ennemie est de faible importance, chaque bataillon peut intervenir indépendamment. S’ils sont en plus grand nombre, les bataillons se joignent pour combattre ensemble.

Sur terre, les troupes des garnisons sont responsables de la défense des bourgs et des villages. Par contre, les troupes de QI sont plus mobiles et se chargent essentiellement des attaques et des contre attaques ainsi que des poursuites de l’ennemi.

En mer et à terre ; troupes de défense et d’attaque ; courage et stratégie ; jour et nuit…, voilà le stratégie de QI : tout s’accorde et tout se complète, pas de faille exploitable par l’ennemi. C’est en effet la clé des nombreux succès au combat obtenus par le général dans la lutte contre les wokou.

b) La victoire à Taizhou

Début Avril 1561 (l’an 40 de Jia Qing), plusieurs centaines de bateaux des wokou ont été repérés par des postes de surveillance. Dix à vingt mille wokou attaquent en même temps une dizaine de villages côtiers de la Province du Zhejiang (graphiques 3). Parmi eux, 2000 wokou avec une cinquantaine de bateaux sont au large de Ningbo et Shaoxing, ils sont rassemblés au large et attendent l’occasion pour attaquer. Les chefs lieux attaqués sont sous le contrôle de QI. Ce dernier, dès l’alerte, se prépare aux combats. Le 12 avril il est monté lui-même à bord du bateau de commandement et croise au large pour observer ses adversaires. Les wokou, impressionnés par l’allure de la flotte et des bataillons embarqués de QI n’osent pas s’approcher et  quittent leurs positions. Le 19 avril[2], nouvelle alerte. Les wokou qui ont réussi à débarquer au port du bourg de Xifen qui dessert Fenghua au nord de Taizhou, se dirigent vers le sud et prennent le bourg de Ninghai. Ils pillent et dévastent tout le village de Ninghai. Ce village n’est pas très éloigné de Taizhou (Linhai, aujourd’hui). Après avoir analysé cette nouvelle situation, QI Jiguang décide de diviser ses troupes en 3 groupes :

–                                une partie reste à Taizhou pour assurer sa défense ;

–                                une autre partie se charge de la défense de Datian, un autre bourg à proximité ;

–                                une troisième partie dirigée par lui-même fait route vers Sanmen pour anéantir les wokou.

Le matin du 22 avril, QI Jiguang quitte Taizhou pour Ninghai. Le jour même, les wokou ont appris cette nouvelle par le biais d’informateurs locaux. Sachant que Taizhou n’est défendue que par une petite partie des troupes de QI, les wokou se précipitent pour l’attaquer par 3 côtés :

–                                500 wokou en 3 grands bateaux débarquent à Lipu et s’approchent de Taozhu  le 22 avril;

–                                Plus de 500 wokou montés sur 8 bateaux débarquent par le port Zhouyang et se dirigent vers le bourg de Jiaojiang entre le 22 et 23 avril;

–                                Une troisième partie, plus de 2000 wokou répartis sur 18 bateaux débarquent par Jiantiao le 25 avril.

La situation devient critique. Après avoir étudié toutes les données , QI en conclut que les wokou de Taozhu et de Jiantiao ne causent aucune menace sérieuse pour le chef lieu qui est Taizhou malgré le fait qu’ils sont nombreux. Par contre, ceux qui ont débarqué par le port de Zhouyang, mieux organisés doivent être maîtrisés assez rapidement, car le bourg de Jiaojiang est le point stratégique le plus proche de Taizhou. Si les wokou arrivent à avoir Jiaojiang, les troupes auront beaucoup plus de mal à défendre Taizhou. Alors, QI Jiguang soutenu par sa hiérarchie supérieure, le fonctionnaire civil Tang Xiao Chen qui a fait un rapport à Hu Zong Xin, le préfet, a pu obtenir un accord total pour sa stratégie d’attaque.

Le 24 avril, les wokou, après avoir pillé les villages autour de Huaqiao (graphiques 4) s’approchent de la cité. Les hommes robustes et forts sont partis avec QI et les soldats restant d’un nombre largement insuffisant s’inquiètent. L’épouse de QI Jiguang ainsi que les autres femmes de soldat se portent en avant. Elles s’habillent en costume militaire et montent dans les postes de garde afin de renforcer le défense. Ensemble, ils ont mis des drapeaux partout, crient très fort et tirent sur les wokou qui essayent de s’approcher de la ville. Les wokou trompés par cette apparence en croyant qu’il y a beaucoup plus de soldats à l’intérieur ne veulent pas prendre de risque en l’attaquant immédiatement, alors, ils encerclent la ville et préparent leur attaque.

Le 25 avril, QI a reçu une communication de la part de Tang Xiao Chen dans laquelle ce dernier lui précise que les troupes de renfort sont arrivées pour libérer Ninghai. Suite à cette nouvelle, QI Jiguang repositionne ses troupes et les dirigent immédiatement vers Jiaojiang. Il a ordonné une marche forcée.

Le matin du 26 avril, les wokou recommencent leur attaquent pour entrer dans Xinhe. Avant midi, les troupes de QI apparaissent soudainement derrière les wokou. Surpris, les wokou abandonnent l’attaque de Jiaojiang et sont obligés de se battre avec les troupes de QI. Sans être capable de tenir plus longtemps, ils se replient dans un ensemble de maisons. Les troupes de QI, au lieu de conduire l’assaut, se déploient et attendent. Vers 4 heures de l’après-midi, les wokou  tentent de s’enfuir. A ce moment précis, les troupes de QI se découvrent et ouvrent le feu. Une centaine d’hommes sont tués ou blessés. A la tombée de la nuit, les troupes entrent dans la ville. Les wokou qui fuyaient vers Wenling ont été rattrapés par les autres troupes des Ming sauf une petite partie qui a réussi à s’échapper vers Dajing.

Deux cents wokou ont été tués lors de ce combat, le bourg de Jiaojiang a été préservé.

Une fois que le risque majeur a été écarté par l’anéantissement des ennemis les plus dangereux, les troupes impériales commencent à s’occuper des autres. Il reste ceux qui s’approchent de Taozhu et ceux qui font mouvement vers Sanmen.

Afin d’anéantir les wokou qui s’approchent de Taozhu par Jinqing ( à 20 li de Linhai) dans le but également d’attaquer Taizhou, QI Jiguang a décidé de diriger ses troupes immédiatement vers Taizhou. C’est à présent le 27 avril. Lors du départ des troupes de QI vers Ninghai, le 22 avril, chaque soldat n’a porté que 3 jours de provision pour ne pas être trop chargé dans la marche forcée. Depuis, ces soldats marchent et combattent et ils n’ont eu aucun repos. Arrivé au 27 avril, toute provision est épuisée, les soldats n’ont plus de quoi se nourrir  depuis 2 jours. L’espoir de pouvoir se reposer et de se ravitailler à Jiaojiang a été déçu par cette nouvelle marche forcée ordonnée par QI Jiguang. QI est bien au courant de la situation et promet aux soldats un repas dès l’arrivée à Taizhou.

Les wokou de Jing Jin Si ont appris les échecs de leurs compères et décident de se diriger le plus vite possible vers Taizhou afin de pouvoir y parvenir avant les troupes de QI, de piller la ville et de repartir tout de suite après. Ainsi ils pensent pouvoir éviter l’affrontement direct avec les troupes de QI. Si ils doivent les affronter, ils seront à l’intérieur de Taizhou et QI Jiguang à l’extérieur. Mais, ils sous estiment les troupes de QI car elles sont sur place dès le petit matin du 27 avril. Elles ont déjà parcouru plus de 70 Li et sont arrivées juste avant les wokou. En effet, ces derniers ne sont seulement qu’à 2 Li du chef lieu quand les troupes de QI arrivent et ferment les portes de la ville. Les wokou, désagréablement surpris et pour ne pas laisser le temps aux troupes de s’installer, s’engagent immédiatement dans l’attaque. Les troupes de QI, passablement épuisées se mettent en position de combat. Face et flanc  gauche : chef du bataillon Ding Bang Yin ; face et flanc droit : chef du bataillon Chen Da Cheng, et au milieu deux compagnies dirigées par Chen Hao et Hu Da Shao. Les troupes locales sont dirigées par le sous-préfet ainsi que les hommes armés de la ville, qui sont répartis dans les postes de garde. QI Jiguang dirige l’ensemble de la manœuvre par drapeaux et  tambours. Les pionniers attaquent les wokou avec les armes à feu et ils sont suivis par les soldats qui utilisent les armes traditionnelles de précision (arcs, arbalètes, lances…). Les wokou essayent d’attaquer du mieux qu’ils peuvent : ils concentrent toutes leurs forces pour attaquer les troupes de Ding Bang Yin qui se trouvent à l’avant gauche. Ces derniers, renforcés par les compagnies du centre se défendent avec un courage hors du commun et ne cèdent aucun pouce de terrain ni aucune habitation. Les wokou se heurtent à la même résistance lorsqu’ils tentent leur 2ème chance en se jetant sur les troupes de Zhen Da Cheng. Les wokou ont compris qu’ils n’ont aucune chance d’entrer dans Taizhou et sont contraints de changer de stratégie en organisant leur retraite. Les troupes de QI profitent de leur avantage et poursuivent les Wokou pendant plus d’une journée. Ils sont tous anéantis, soit dans le cours d’eau Gua Lin Jing par Chen Da Cheng ou soit dans le Xin Qiao par Ding Peng Yin à plus de 10 Li de Taizhou. Les troupes de QI, victorieuses, se regroupent et s’offrent un banquet pour fêter ce combat. Ils ont eu en total 308 têtes de wokou sans compter ceux qui sont morts noyés. Deux chefs sont emprisonnés et les troupes impériales récupérèrent plus de 650 armes.

Malgré cette victoire, le danger n’est pas écarté, car le corps principal des wokou mouille au large de Jin Tiao, ils sont plus de 2000. Le 28 avril, ils débarquent et le 1er mai, ils se rassemblent à Ta Tian Zhen et prévoient eux aussi d’attaquer Taizhou. A ce moment, une partie des troupes de QI Jiguang sont à Jiaojiang et Wenling, il n’y a que 1500 soldats à Taizhou. Pour encourager les soldats, il procède de la façon suivante :

D’abord, il fait la « morale » aux soldats de façon que ces derniers nourrissent à l’égard de l’ennemi la plus grande haine ;

Ensuite, il double les récompenses pour chaque wokou tué. Après cela les soldats brûlent d’impatience de combattre pour protéger le pays.

Enfin, il donne les règles spécifiques pour cette bataille – 3 consignes bien précises:

– Ne pas chercher à gagner les récompenses à tout prix;

– Ne pas reprendre les matériaux des ennemis ;

– Ne pas tuer les coreligionnaires (chinois enrôlés par les japonais)

Une fois les travaux préparatifs au combat terminés, les soldats de QI Jiguang, que l’on prénomme « troupes de la famille QI » partent pour Dianqian (nord-ouest de Linhai) pour s’embusquer. Les wokou ayant aperçus l’arrivée des troupes de QI n’osent plus avancer et reculent jusqu’à Xiage afin d’attaquer Xianju et Lishui. Selon les analyses de QI, les wokou vont probablement traverser la rivière par Zhongdu en passant par Shangfengling et en sortant par Baishuiyang ( côté ouest de Linhai). Le sud de Shangfengling est un ravin. Alors, QI  décide de faire une embuscade à cet endroit – là. Il a demandé que ses troupes y montent à toute vitesse et y rester sans bouger. Chacun doit tenir une branche d’arbre afin de se dissimuler. Le 4 mai, les wokou, sans remarquer les pièges de QI, décident d’emprunter Shangfengling pour arriver à Xianju. Leur troupes avancent en colonne simple sur une distance de 20 Li. Les wokou observent avant de s’y engouffrer. N’apercevant personne, ils s’engagent dans le ravin sans méfiance. QI Jiguang sait que les wokou mettent souvent leurs soldats les plus forts devant et derrière lors de la marche et ceux du milieu sont plutôt médiocres. Alors, il attend que les wokou entrent complètement dans le ravin et ordonne de l’on attaque avec les armes à feu du haut vers le bas. Les soldats de QI Jiguang en formation (une des formations d’attaque répétées à l’entraînement) UNE TETE, DEUX AILES ET UNE QUEUE jettent par terre leur branche d’arbre et tirent sur les wokou et plus spécialement sur ceux qui se trouvent au milieu. D’un seul coup, dans le ravin, à la place des branches et des arbres, on voit surgir partout les soldats de QI Jiguang et on entend les détonations. Les wokou, totalement pris au dépourvu, sont dans l’incapacité d’organiser leur défense. Ils reculent et se regroupent sur une petite colline située au nord du ravin afin de résister à l’attaque. A ce moment, deux autres compagnies « de la Famille de QI » arrivent et poursuivent les wokou jusqu’au pied de la colline. L’assaut ne sera pas  une partie facile car il faut attaquer du bas vers le haut. Mais avant de donner l’assaut, QI a fait installer un grand drapeau blanc et demandé aux plusieurs centaines de soldats de crier ensemble dans la direction des ennemis : «Les coreligionnaires qui veulent se rendre en venant tout de suite sous ce drapeau ne seront pas châtiés». Après quelques instants d’hésitation, plusieurs centaines de wokou se rendent en déposant leurs armes sous le drapeau. Les acharnés ne voulant pas reconnaître leur défaite entreprennent de monter jusqu’au sommet de la colline afin de mieux résister. Cette colline aux abords très escarpés possède à son sommet un plateau bien dégagé, un seul chemin de chèvre peut y accéder. Une seule personne peut l’emprunter à la fois. C’est véritablement un endroit qui est  facile à défendre et difficile à attaquer. Tenter de l’escalader, c’est prendre le risque de périr dans le torrent. Les wokou, s’appuyant sur cette protection naturelle pensent qu’ils peuvent résister à l’attaque. Mais, « les troupes de la famille QI » qui osent escalader une montagne d’épées et braver une mer de flammes ne reculent pas devant cet obstacle. Les braves des troupes de QI se succèdent les uns après les autres pour escalader. Les premiers échelons avancent en se protégeant avec les boucliers de rotin contre les flèches et fléchettes que les wokou lancent du haut vers le bas. Les arbalétriers protégent les grimpeurs en faisant des tirs de protection. Les autres unités, plus loin de la colline tirent aux armes à feu. Une fois que les premiers échelons atteignirent le sommet, ils attaquèrent avec des lances et des haches pour anéantir le maximum de wokou afin que les autres soldats puissent accéder au sommet également. Ainsi les troupes de la famille de QI ont réussi à occuper la colline et les wokou ont été soit tués au sommet, soit précipités dans le vide du haut de la colline. Seuls quelques dizaines de wokou ont eu le temps de s’échapper et courent vers Baisuiying afin de se cacher dans la cour de la Famille Zhu (commerçant influent de la sous région). Les troupes de QI Jiguang les poursuivent. Les wokou n’arrivant pas à briser l’encerclement sont aux abois : ils se suicident ; ou bien sont brûlés à mort ou encore se rendent. Les troupes de la famille de QI ont encore une fois gagné le combat. Elles ont décapité 344 têtes, fait prisonnier 5 chefs et récupéré plus 1490 armes. Elles ont libéré plus de 1000 personnes prises par les wokou. Les troupes impériales ne déplorent qu’une vingtaine de tués lors du combat, c’est une vraie victoire.

Au niveau de la stratégie, QI a  bien su analyser la situation des deux camps et leur rapport au terrain. Après, le choix de l’endroit pour l’embuscade, au cours de l’embuscade, il a su attaquer le point le plus faible des wokou.

         1.2-Son expérience sur la frontière Nord de l’empire

Trois ans plus tard, QI Jiguang fut muté dans le nord. Bien que les succès qui l’avaient rendu célèbre eussent été le résultat d’une situation particulière au milieu du XVIème siècle, il n’en était pas moins redevable en grande partie à un fonctionnaire civil qui lui avait accordé sans réserve son aide et son soutien. Parmi les bureaucrates, Tan Lun était une personnalité douée d’aptitudes peu communes. Titulaire du diplôme de docteur, il fit dans la région côtière de l’est une carrière administrative qui le mena au poste de gouverneur du Fujian et au cours de laquelle il réalisa l’exploit de devenir spécialiste des questions militaires.

Quand QI Jiguang offrit d’entraîner des volontaires, Tan cautionna ce projet. Ensuite, il avait veillé à ce que ce corps de volontaires fût convenablement approvisionné, ne fût pas trop accablé pendant les opérations sur le terrain et par dessus tout que ses mérites fussent  reconnus. Il avait également joué un rôle dans la promotion de QI au grade de commandant en chef. En 1567, quand Tan Lun, fut nommé gouverneur général du nord du Zhili, chargé des installations de défense autour de Beijing (graphique 5), il était tout naturel qu’il suggéra au trône la mutation de QI Jiguang à son commandement pour y être chargé de l’entraînement des troupes. Arrivant au début de 1568, QI devait plus tard devenir le commandant en chef de Jizhou (Jixian aujourd’hui), la principale ville de garnison du nord Zhili pour une période de quinze ans. Pendant ce temps, Tan Lun fut promu ministre de la guerre et mourut en fonction, mais auparavant lui et QI Jiguang avaient donné au commandement de Jizhou une nouvelle impulsion.

         Le général QI eut à faire face à de nombreux problèmes. Immédiatement après son arrivée, QI découvrit que même son statut personnel n’était pas précisé. La situation au Zhili était embarrassante du fait que les militaires étaient depuis si longtemps soumis à la domination civile, que les officiers supérieurs n’avaient aucun moyen d ‘exercer leurs fonctions administratives. Bien des généraux étaient, au mieux, à demi lettrés. Leurs subordonnés, en garnison dans les districts locaux, étaient aux ordres des magistrats du service civil et des préfets. Les services logistiques leur échappant, ces chefs militaires avaient été forcés de se contenter de mener leurs troupes au combat[3]. Quand QI Jiguang fut élevé à un poste où il devait superviser et diriger tous les éléments qui dépendaient de son commandement en temps de paix, cela créa une situation qui s’éloignait de la pratique normale.

Par nature un commandement dans le nord était très différent des conditions du sud. La frontière mongole était une menace constante.  La sécheresse qui sévissait périodiquement forçait les hordes nomades à lancer des attaques sur la frontière chinoise où l’impréparation militaire invitait à des incursions plus profondes et plus fréquentes. Le plus grand avantage des mongols était leur mobilité et la concentration de leur force de frappe. La charge de cavalerie était leur mode de combat dominant, mais parfois aussi ils assiégeaient des villes. Au cours d’un assaut, ils pouvaient lancer 100.000 cavaliers dans la bataille. Altan Khan réalisa l’unité des steppes qui, d’est en ouest, s’étendaient sur plus de mille milles de long, les forces des frontières de la dynastie prises au piège dans leur position de défense et trop éparpillées, ne purent trouver le moyen d’arrêter les raids annuels.

Jizhou (graphique 6) était une des neuf régions de défense de la frontière nord. Avec les villes de garnison qui en dépendaient, elle formait une zone de protection autour de Beijing, mais elle était séparée de la garnison de la capitale. Selon les prévisions elle aurait du comprendre 80.000 hommes sous les armes, plus de 22.000 chevaux de combat[4]. Mais en réalité personne ne savait à quoi se montait sa force. Parmi les soldats qui dépendaient organiquement du commandement, il y avait des conscrits venant des colonies militaires. On les appelait « soldats-hôtes » et ils étaient en principe pris en charge par la localité. D’autres soldats étaient mutés de districts extérieurs à la zone de défense, on les appelait « soldats-invités ».

Bien que leur transfert fût en fait permanent, les districts dont ils étaient originaires n’étaient jamais libérés de la responsabilité de leur charge. Le gouvernement central accordait aussi des subsides au commandement. De plus, il y avait des soldats issus de familles militaires héréditaires des provinces de l’intérieur dont le service à la frontière était limité aux mois du printemps et de l’automne. Pratiquement peu d’entre eux se déplaçaient en personne ; ils se faisaient remplacer par des gens qu’ils payaient, et dont le nombre ne correspondait généralement pas à celui qui était prévu à l’origine. Le système suivant lequel les soldats étaient fournis stipulait que le commandement devait être composé de corps combattants dont la solde venait de différentes sources, dont certaines n’existaient que sur le papier. On pouvait s’interroger sur la qualité de ces combattants qui était aussi hypothétique. Ce manque d’organisation et cette absence d’intégration n’étaient pas complètement dénués d’intention. Derrière eux, on devinait l’appréhension qu’un grand général trouvât tout seul la réponse à toutes les questions politiques. L’histoire avait fourni de nombreux exemples de généraux installés dans le district de la capitale qui avaient marqué le commencement de la fin d’une dynastie. C’est pourquoi l’ambition de QI Jiguang d’augmenter la puissance de commandement de Jizhou allait se heurter à des obstacles dont certains seraient dressés par le service civil et la force de la tradition.

         Heureusement pour QI, ses projets avaient l’approbation d’un important personnage de l’entourage de l’empereur, Zhang Juzheng, qui devint grand secrétaire de l’empire et qui avait dans ses intentions de rajeunir les forces armées et le commandement de Jizhou était au premier plan de ses préoccupations. QI Jiguang ne devait pas tarder à découvrir qu’il n’avait pas besoin de s’occuper des problèmes politiques. Tout ce qui devait être fait avait déjà été organisé par le gouverneur général Tan Lun et le grand secrétaire Zhang Juzheng. Ce qu’ils ne parvenaient pas à obtenir était vraiment hors d’atteinte.

Voici comment se produisirent les changements dans le commandement de Jizhou. La proposition que fit QI au commencement  et qui aurait placé sous ses ordres 100.000 recrues sélectionnées pour un entraînement intensif de trois ans, était trop ambitieuse pour devenir effective[5]. Aucun effort ne fut fait par la suite pour intégrer les contingents de soldats du nord. Mais on permit à QI d’amener dans la zone de défense les volontaires qu’il avait recrutés dans le sud ainsi que leurs officiers. Le groupe comprenait 3000 hommes ; les forces autorisées furent augmentées continuellement jusqu’à atteindre vingt mille hommes[6]. Pour faire ressortir le côté inhabituel de la fonction de QI, Zhang Juzheng parvint pendant une brève période à lui conférer le titre de surintendant des affaires militaires de Jizhou. Aucun titre semblable n’avait jamais été accordé à un officier dans toute l’histoire de la dynastie. Comme cela provoqua force commentaires, le grand secrétaire s’inclina devant l’opinion publique et changea par la suite le titre en commandant en chef. Mais d’autres officiers supérieurs de cette zone de défense furent mutés pour laisser à QI une autorité sans partage. Sur proposition de Tan Lun, tous les fonctionnaires civils du district reçurent des instructions explicites leur enjoignant de ne pas intervenir dans la gestion de QI. Tan suggéra en outre que, pour une période de trois ans, QI Jiguang devrait être exempt  des critiques des censeurs.

         Au commencement, le commandement de Jizhou reçut une allocation supplémentaire de chevaux de combat et des fonds pour la fabrication d’armes à feu et de chariots. Bien qu’elles fût  limitée en nombre, cette attribution causa néanmoins des jalousies et des conflits. Puis il y avait aussi des rivalités entre les gens du nord et les gens du sud, entre les conscrits locaux et les recrues, et entre les officiers de la vieille école et ceux du nouveau programme d’entraînement. Dans sa correspondance privée, Zhang Juzheng enjoignait à QI Jiguang de pratiquer l’humilité.

         La façon la plus adéquate de décrire la tactique créée par QI Jiguang à Jizhou pourrait être : « l’idée que se fait un fantassin de l’emploi des armes combinées ». Cependant, toutes les critiques doivent tenir compte de ses limitations sur le plan de la technique. Les armes à feu modernes dont il disposait étaient encore en enfance, et il ne pouvait qu’assumer une attitude défensive. Puisqu’il ne pouvait compter sur les troupes du nord, il devait se fier aux volontaires du sud. Ce qui revient à dire qu’il était censé arrêter l’avance de l’immense cavalerie mongole avec des formations de bataille de la taille d’une simple brigade.

         Dans sa méthode de combat, le chariot de bataille était une pièce essentielle. C’était fondamentalement un grand chariot à deux roues attelé d’un mulet ; mais à la place des côtés redressés il y avait un écran de bois fait de huit sections qu’on pouvait rabattre à plat sur la plate-forme du véhicule. Pendant le combat, les mulets étaient dételés. Le chariot était placé de côté, une roue face à l’ennemi et l’écran redressé derrière la roue pour offrir une surface de quinze pieds. Les chariots en position de bataille étaient alignés les uns à côté des autres pour former un mur continu. Les sections des extrémités de l’écran servaient de portes battantes qui permettaient aux fantassins d’entrer et de sortir[7]. Chaque chariot de bataille portait deux pièces d’artillerie légères appelées couleuvrines (fo lang chi), probablement d’origine européenne. Plus près d’un fusil à gros calibre que d’un canon selon les normes modernes, la couleuvrine était coulée dans du bronze ou du fer. Sa longueur variait de 3 à 7 pieds, son calibre n’excédait pas deux pouces. Le boulet de plomb était introduit par la gueule. La cartouche contenant des charges propulsives était faite du même matériel et avait la même puissance que le canon, mais était en forme de poire et était placée dans l’extrémité arrière de l’arme qui était découpée. Une tige de fer insérée dans des trous de chaque côté de l’affût du canon servait de verrou. Le modèle le plus redoutable avait une portée de six cents mètres. La couleuvrine ainsi que les arquebuses faisaient feu du chariot de bataille, par des trous prévus à cette intention dans les écrans[8]. QI affectait vingt soldats à chaque chariot de bataille. Dix d’entre eux ne devaient jamais quitter le véhicule. Ils le manœuvraient, le mettaient à sa place et s’occupaient de la mise à feu de la couleuvrine. Les dix autres formaient une équipe d’assaut autour du chariot. Bien que quatre soldats de ce dernier groupe fussent aussi armés d’arquebuses, quand l’ennemi approchait, ils se servaient tous d’armes de combat rapproché comprenant des boucliers en rotin, des javelots fourchus et des épées à long manche, pour se livrer à des combats au corps à corps. Mais ces actions devaient être menées en équipes. L’équipe d’assaut ne devait jamais s’aventurer à plus de sept à huit mètres du chariot. Quand elle avançait, le chariot devait suivre. Parfois, des escouades d’infanterie supplémentaires prenaient part au combat. Elle suivaient essentiellement les tactiques que QI avait fait prévaloir dans le sud contre les pirates, excepté que désormais les soldats qui portaient les boucliers et les épées s’attaquaient uniquement aux genoux et aux sabots des chevaux ennemis qu’ils tailladaient tandis que ceux qui portaient des lances en portaient des coups aux cavaliers. Le bambou était encore considéré comme une arme utile pour arrêter l’adversaire[9].

Dans un  texte soumis à l’empereur, QI donnait d’autres détails concernant sa tactique. Une brigade mixte devrait avoir 3000 cavaliers, 4000 fantassins, 128 chariots de combat lourds et 216 chariots légers. Face à l’ennemi, la cavalerie formait d’abord un écran derrière lequel prenait place les véhicules. Les chariots étaient disposés soit en carré, soit en cercle. Pour permettre le passage des chevaux, des espaces étaient laissés entre les chariots ; mais des abattis et d’autres obstacles mobiles comblaient les vides. Quand les cavaliers mongols approchaient, la cavalerie se retirait, se mettant à couvert à l’intérieur. On négligeait une formation ennemie de moins de cent montures. Autrement, les soldats ouvraient le feu quand les mongols étaient à moins de 250 pieds. En plus des couleuvrines et des arquebuses, l’armée avait aussi des flèches propulsées par des fusées allumées par des javelots fourchus. Parfois des canons lourds accompagnaient les unités combattantes sur le terrain. L’un d’eux, qui répondait au surnom de « généralissime » fonctionnait suivant le principe d’un canon à percussion. La cartouche en  forme de cruche semblable en apparence à celle de la couleuvrine était bourré dans son logement. Mais elle contenait des explosifs, des galets et de petites boules de fer entassées par couches ; il était bouché à l’avant par un morceau de bois scellé avec de la boue. Le « généralissime » était utilisé pour le tir horizontal. Bien qu’il fut transporté sur un chariot, il pesait plus de 1300 livres. Il fallait avant de l’utiliser, planter dans le sol des béquilles de bois pour le maintenir. Un mortier léger de deux pieds de long était aussi utilisé. QI Jiguang n’avait pas de canons à obus explosifs. Dans le plan tactique de QI , la contre-attaque de l’infanterie avait beaucoup d’importance. Des sonneries de clairons appelaient les fantassins à sortir par vagues, en courant, des chariots de combat, par les côtés et par dessous. Dès que l’élan de la charge ennemie était arrêté et sa formation rompue, la cavalerie lui donnait la chasse. Mais la cavalerie de QI n’était guère plus que de l’infanterie à cheval. Les soldats d’une même escouade étaient équipés de diverses armes de combat rapproché et il leur était recommandé de maintenir la « formation en canards mandarins » au combat[10]. Aucun effort n’était fait pour imiter les hordes mongoles qui arrivaient en masse, sabres brandis et comptaient sur l’impact initial de leur lancée. Le sort voulu que ce plan, organisé dans ses moindres détails, ne fût jamais mis sérieusement à l’épreuve sur le champ de bataille pour pouvoir devenir une procédure standardisée de l’armée impériale[11].

         Il n’y avait pas moins de trois ans que QI avait pris son commandement à Jizhou quand Altan Khan vint faire sa soumission à la cour des Ming en échange de subsides annuels et de privilèges commerciaux. L’organisation de sa confédération mongole perdit toute signification sur le plan militaire[12]. La tribu mongole des Tumen orientaux resta en dehors de ce traité ; et firent des raids à Liaodong (dans la Liaoning), loin du territoire de QI Jiguang. Les quelques engagements locaux contre les tribus auxquels prirent part les troupes de Jizhou ne furent pas décisifs. Toutefois pour traiter avec les nomades qui continuaient à causer des troubles à la frontière, le grand secrétaire choisissait les promesses ou l’intimidation, ne considérait le recours à la force que comme un dernier ressort. Il écrivit à QI Jiguang :  « le nombre de soldats sous votre commandement qui peuvent réellement se battre n’est pas très élevé ». Il disait explicitement au général qui avait toute sa confiance : « notre souci principal est la défense. Si les nomades sont contenus dans leurs frontières, c’est déjà une réalisation importante. Tant que Jizhou reste en paix, votre mission a été accomplie ».

         La plus grande difficulté au sein des troupes de Jizhou venait de la coexistence des conscrits du nord et des volontaires du sud. QI pouvait se fier à ces derniers et compter sur leur discipline. Quant aux premiers, il ne pouvait ni compter sur eux, ni les congédier. Ainsi, bien qu’il ait scrupuleusement recruté ses volontaires sur les bases de la paysannerie, aux yeux des autres, il avait tout de même fondé un  corps d’élite qui bénéficiait, d’attributions de faveur, et dont les services d’intendance étaient plus sûrs. QI Jiguang avait proposé à l’origine  de faire instruire le gros de l’armée par ses unités mieux entraînées. Mais quand on voit le grand nombre d’hommes du sud qu’il devait amener à Jizhou et la lettre que Zhang Juzheng lui écrivit, il est évident que son but ne fut jamais atteint. Pour ne pas laisser inemployée toute cette force humaine et pour renforcer la défense de façon permanente, QI proposa de construire le long de la grande muraille des tours de guet à l’allure de châteaux forts, les premières de cette espèce. Il proposait que des bataillons de construction de 250 hommes fussent organisés, chaque bataillon devant achever soixante-dix tours par an. Cet ambitieux programme fut par la suite révisé de fond en comble car en réalité le gouvernement impérial n’accorda à Jizhou que la construction de 1200 tours sur les 3000 proposées jusqu’en 1581 au moins, soit plus de dix ans plus tard.

         La tour de guet prévue par QI (graphique 7) avait trois niveaux et un minimum de douze pieds au sommet. Elle devait loger entre trente et cinquante soldats avec leur équipement. Les matériaux de construction comprenant des pierres, des briques et du ciment étaient produits par la main-d’œuvre elle même, soldats du nord pour la plupart enrôlés pour cette réalisation. La subvention accordée par le gouvernement civil, petites quantités d’argent payées directement aux groupes de travaux, était réduite au minimum. Les officiers du nord s’étaient montrés très hostiles au projet. Mais, soutenue par l’influence personnelle toute-puissante de Zhang Juzheng, la fortification fut construite et devint en fait, après sa mort, la seule contribution durable du grand secrétaire à l’empire. Bien qu’on en fasse rarement mention, la construction des tours et la stratégie de défense qui s’y rattachait étaient aussi reliées à la logistique. Dans ses écrits, QI fait ressortir que, alors que chaque donjon pouvait loger un peloton de fantassins, entre cinq et dix seulement de ceux-ci faisaient partie de ses volontaires sudistes, les seuls qui devaient y être stationnés en permanence. Le reste, étant composé de soldats du nord et donc mal payés et en principe subvenant en partie à leurs besoins, était autorisé à rechercher des moyens d’existence quand le service actif lui en laissait le loisir[13]. Cet arrangement fut rendu officiel et le resta pendant quelque temps après que QI Jiguang eût abandonné son poste de commandant  en chef. Après avoir lui même recommandé que ses troupes fussent réparties dans ces forts, QI n’avait aucun motif de s’en plaindre. Mais, ses écrits suggéraient continuellement que si il avait eu le choix, il aurait de beaucoup préféré attaquer et faire une guerre de mouvement.

         La durée du commandement de QI Jiguang à Jizhou – quinze ans – est égale au temps qu’y  passèrent en tout ses dix prédécesseurs. Sa charge l’occupa amplement. Il adorait les manœuvres, les inspections, les cérémonies et faire des conférences. En dépit, de toutes ces activités, il parvint aussi à produire des œuvres littéraires. Son deuxième traité sur l’entraînement des troupes, LIANBING SHIJI fut publié en 1571.

           1.3-Ses libres réflexions sur la stratégie chinoise de son époque

Il est un fait entendu que la théorie stratégique chinoise fut principalement élaborée avant l’unification de la dynastie des  QIN (221-206). Depuis, elle semble avoir stagnée. Bien qu’un nombre important de publications ait été effectué en rapport avec le sujet, la base de la théorie n’a véritablement pas évoluée. D’après les informations que l’on peut détenir, la plupart des livres touchant à la chose militaire ont été rédigés  au cours des périodes fondatrices des dynasties qui ont succédé à la fondation de l’Empire. Selon les écrits du professeur Lu[14], presque 60% du total des 805 fascicules militaires connus et écrits après l’époque QIN, ont été rédigés au cours de trois dynasties. Avec 268 travaux, la dynastie des MING a été la plus prolifique, suivie par la dynastie des SONG (104) et plus récemment, la dynastie des QING (101). Chacune de ces dynasties ont eu à affronter des agressions majeures de la part d’ennemis extérieurs à l’empire et furent de nombreuses fois vaincues, défaites par eux. Il est dans ces cas, pas faux de dire que l’étude de la théorie militaire entre autres choses était une nécessité sociale. Les crises ont obligés les contemporains à lutter pour leur survie et cela a conduit à l’émergence de nouvelles idées.

Cependant, ces efforts ont seulement porté sur la quantité de travaux écrits sans véritablement apporter une rupture théorique avec les préceptes militaires classiques. Cet échec peut en partie être du à l’égale stagnation de la société culturelle et politique chinoise tout au long des dynasties qui ont succédé à la dynastie QIN et HAN, en particulier. L’entraînement militaire fut séparé de l’éducation civile, les soldats ne versèrent pas plus dans la littérature et le paysan ordinaire devint indifférent aux affaires d’intérêt national et par conséquent peu enclin à servir dans les forces armées. Ce changement et la cause de la perte du sens chinois du devoir. Le professeur Lei Bai-Lun[15] décrit ce phénomène comme « une culture sans soldat ». La qualité des troupes chinoises dès lors déclina régulièrement. De plus beaucoup de travaux au cours de cette longue période furent rédigés par des fonctionnaires civils bien plus que par des chefs militaires en activité. Sans expérience de la chose militaire, ces lettrés confucianistes reproduisirent largement les idées des écrits militaires classiques, tels que rédigés par Sun Zi ou Taigong, ou rapportèrent avec force et détails des épisodes de la vie militaire sans intérêt. Les points suivants semblent avoir été les principales sources d’intérêt pour les chroniqueurs de la chose militaire au cours des siècles qui suivirent la publication des classiques militaires chinois. C’est ainsi que Qi Jiguang les répertoria.

a) Du dispositif des troupes :

Le dispositif des troupes  concerne en fait le déploiement des troupes en opération, on parle aussi à l’époque de ‘’formation’’ ;  déploiement et combinaison des troupes qui peut à la fois satisfaire aux opérations offensives comme défensives. Les principes de la stratégie et de la tactique sont en premier lieu décidés par les systèmes d’armes et les équipements employés.  La discussion sur ce thème était au centre des préoccupations des stratèges. Un des plus célèbres du début de la dynastie Ming, He Liangchen[16], ayant une réelle expérience militaire s’ingénia à décrire les postures qu’il convenait de ne pas adopter au combat, et sa conclusion sur ce thème était que plus un dispositif est compliqué, plus il a de chance de ne pas être appliqué sur le terrain. Tant il est vrai que les écrits de cette époque prônaient encore les formations des classiques, telles que celles de Li Quan, en substance, lorsque deux armées se rencontraient sur le champ de bataille[17], elles s’échangeaient des émissaires qui étaient responsables de convenir mutuellement des conditions de date, d’heure, de lieu pour s’affronter. Allant jusqu’à aménager le terrain retenu afin de faciliter les mouvements. Cette vision du dispositif était allée trop loin et par conséquent complètement inapplicable. Le plus grave, remarquait QI Jiguang était que ces observations ne se limitaient pas au niveau tactique et mettaient le plus souvent en jeu des dispositifs de plusieurs centaines de milliers de soldats.

b) L’accent sur le développement technique :

Bien que les lettrés reconnaissaient que tout ce qui pouvait être dit et écrit sur le sujet l’avait été au travers des œuvres de Sun Zi et Sun Bin[18]. En conséquence, ils se contentèrent de compléter ces écrits en décrivant plus en détail les techniques utilisées sans pour autant en amorcer les modifications tactiques et stratégiques induites. L’ensemble de ces travaux décrivaient très précisément  les techniques de fabrication de murs de protection, d’abris, de tunnels, de fossés, d’arbalètes et bien d’autres instruments de défense, tels que du matériel de franchissement des rivières, de moyens de propagation du feu,  mais aussi sur l’utilisation de bannières, de tambours… . Sous la dynastie Ming, des plans de dispositifs de combat et de campements furent dressés, et de nombreux fascicules décrivent en illustration les différentes postures à la monte et à la descente du cheval. Ces écrits ont néanmoins eu un mérite, celui de créer des manuels à l’usage des jeunes soldats et officiers sans expériences du combat, qui pouvaient en user comme manuel de formation et se forger au fil du temps une opinion quant aux affaires militaires.

c) La fabrication d’armes :

Beaucoup de travaux sur l’art militaire sous la dynastie Ming s’intéressèrent à la fabrication de l’armement. La plupart d’entre eux comportaient des esquisses d’armes et outre la façon de les utiliser, décrivaient la façon de les fabriquer. Wang Heming[19] par exemple, s’intéressa aux mousquets et à la poudre, aux ingrédients de la poudre à canon et la façon de les obtenir et de les mélanger. Les discussions sur les systèmes d’armes dans les publications militaires sous la dynastie Ming sont liées également à des circonstances historiques particulières. En effet, depuis le début du XVIème siècle, les contacts entre l’Europe et la Chine sont croissants. Les armes occidentales commencent à être introduites dans l’Empire par les frontières maritimes du sud, notamment par les comptoirs de Hong-Kong et Macao. Les études portent donc sur des comparaisons de capacité entre les mousquets occidentaux, les mousquets japonais et les roquettes traditionnelles chinoises.

Bien que les armes à feu n’étaient que très occasionnellement utilisées dans l’armée impériale sous la dynastie Ming, aucun stratège n’avait analysé l’impact de telles armes sur la stratégie globale et la conduite de la guerre. En fait, les théories classiques de la stratégie avaient atteint un tel niveau de sublimation intellectuel dans la conscience de l’élite impériale qu’elles ne pouvaient être remises en cause. La prééminence des armes traditionnelles qu’étaient l’arbalète, la lance, la fourche, le fléau et bien d’autres armes en bois ou faiblement métallisées était indiscutée, et même QI Jiguang ne perçu pas complètement le niveau de changement que les armes à feu introduisaient dans la conduite d’un combat et bien au-delà, à tel point qu’il privilégia pour l’équipement de ses troupes, les armes traditionnelles. Les armes à feu étaient pourtant présentes, mais représentaient en quelque sorte un épiphénomène.

d) Le Yin, leYang et la superstition :

Alors qu’aucun stratège classique ne mentionne sérieusement la superstition comme stratégie circonstancielle, toutes les références à de tels travaux sont datées de la dynastie Tang et surtout avec l ‘apparition du Taoïsme. En effet, de nombreux travaux sur la stratégie font mention du ciel, de la terre, des astres, de la nature, de l’opportunité, de l’univers et de bien d’autres termes métaphysiques. On ne peut pas nier dans une certaine mesure que les théories militaires représentent une part de la culture nationale et ont leur racine en elle. De ce fait la stratégie militaire de cette époque ne pouvait pas s’affranchir du courant majeur dans lequel était baigné la culture nationale. La théorie du Yin et du Yang et de la divination, bien qu’interdite dès la fin de la dynastie Han, avait pénétré très profondément la conscience collective et encore sous les Ming, de nombreux lettrés, tout confucianistes qu’ils étaient, portaient en eux une part d’irrationnel et qui influençait la conduite globale des affaires de l’Empire, dont la conduite de la guerre était.  

II.2-Ses écrits militaires

         2.1-Ji Xiao Xin Shu (théorie complète sur l’art de diriger l’Armée)

a) Sélection des soldats, formation des troupes, enseignement sur l’utilisation des armes et leur fabrication :

Combattre ce n’est pas se bagarrer et faire la guerre n’est pas se battre : Le rassemblement de quelques personnes pour batailler, n’équivaut pas au rassemblement d’une armée. Pour former une armée digne de ce nom, il faut  des règles bien précises : comment la composer; comment sélectionner les soldats selon leur origine, comment les former et comment les commander. Chaque dynastie, chaque génération ont leurs propres règles selon leurs besoins propres. La Dynastie des Ming a été établie suite à des révoltes  paysannes. Par conséquent, ses armées sont essentiellement composées de gens d’origine paysanne. Depuis sa fondation, les premiers empereurs se sont efforcés de garder toujours un œil sur l’armée, et sur les éventuelles réformes possibles  pour l’améliorer. Il a été établi le dispositif de garnison (WEI SOU =siège) et on pratique le système héréditaire des simples soldats aux officiers supérieurs, à l’exception des généraux. En effet, le fils d’un soldat sera soldat, et le fils d’un officier sera officier. Un proverbe chinois dit :  « le dragon  génère le dragon ; le phénix met au monde un phénix et le fils du rat sait faire le trou, mais pas le chat ». Toutefois, dès le début des années de Jia Qing, ce système est presque entièrement paralysé. Les fils des soldats même incapables sont soldats malgré eux, les héritiers des officiers paient souvent pour éviter d’être engagés dans l’armée. La conséquence, est que lorsqu’il se produit des attaques  wokou, neuf fois sur dix les troupes de Ming perdent le combat. QI Jiguang a bien cerné le problème et est fermement décidé à le résoudre là où il se trouve. Il a décidé alors de former une nouvelle armée, son armée qui sera différente des autres armées de garnison. Pour cela, il a établi tout une théorie complète de l’entraînement et du commandement, puis l’a mise en application. Selon les expériences, il complète son corpus théorique et sa théorie est devenue une partie essentielle du fond  théorique stratégique militaire chinois.

-Sélection des soldats-

Chaque dynastie a ses propres critères dans la sélection de ses soldats. Dès l’époque  des Printemps et Automne (de 722 à 453 avant J.C.), les guerres sont très fréquentes, et le besoin de soldats est prégnant, alors, la sélection se fait moins rigoureuse, et de façon très large. Que ce soit du point de vue de la qualité des hommes  ou du point de vue de la provenance géographique, c’est la quantité qui prime. Pour les Ming, un empire uni, les guerres et les combats sont moins fréquents. C’est plutôt la qualité des soldats qui prime. La qualité c’est tout d’abord attacher une grande importance à l’origine des soldats. QI Jiguang sélectionne de préférence les paysans et les mineurs, proches de la terre ainsi que les gens habitués aux combats de toute nature. Par contre, les citadins astucieux des bourgs et des villes ainsi que les gens rusés sont à éviter dans la sélection. Ensuite, entre en ligne de compte la nature. On ne se contente pas de voir s’il a l’air « fertile et grandiose », ni s’il sait oui ou non manipuler l’arme ou encore s’il est fort ou adroit, ce qui compte le plus, le critère essentiel du recrutement c’est le courage. C’est à dire que l’accent est mis sur le courage, et les autres qualités n’interviennent qu’ensuite. « L’esprit saint et l’aspect courage se combinent »[20] . En 1559, lors du recrutement effectué par QI Jiguang à Yiwou, c’est précisément selon ces critères que les soldats sont sélectionnés. Cette troupe est devenue, après un entraînement intensif, une troupe d’élite nommée et connue sous l’appellation : « troupe de la Famille de QI ».

Si QI Jiguang met l’accent sur le courage des hommes dans le recrutement de ses troupes, c’est en effet pour répondre à une réelle carence. Car selon QI Jiguang, si les troupes de Ming, perdent dans la lutte qui les oppose aux wokou, c’est essentiellement du au fait que les hommes qui les composent manquent de courage et ne veulent pas combattre. Quand les ennemis sont loin, ils arrivent à se défendre avec les armes à feu mais dès qu’ils  s’approchent, les soldats s’enfuient en une véritable débandade afin de sauver leur propre vie en abandonnant tout leur équipement. Le problème ainsi identifié appelle ce remède approprié. C’est ainsi que le courage de l’homme devient le critère N°1 dans le recrutement. Cette méthode est assez spécifique et se distingue des méthodes de recrutement des autres hauts fonctionnaires militaires. Car, à la même époque, les autres fonctionnaires militaires recrutent selon des critères plus classiques. Par exemple :

– Tan Len préfère les jeunes de bonnes familles et capables de soulever plus de 200 jin  soit environ 100 kilogrammes.

– Quant à Yu Da Yu,  il sélectionne les hommes  entre 20 et 30 ans

dotés d’un regard perçant, capables de soulever un sac contenant des pierres d’un poids d’environ 200 jin (=100 kilogrammes environ).

– Xu Qi Guang a mis la barrière plus haute, car pour lui,

il faut que les futurs soldats possèdent les 4 qualités essentielles que sont le courage ; la force ; la vitesse ; et la maîtrise de l’art du combat (arts martiaux).

En comparant avec les critères de QI Jiguang, les uns mettent trop l’accent sur la force physiques et les autres, sont trop exigeants sur la qualité car bien peu de personnes peuvent répondre en même temps à ces 4 critères. Ce qui explique qu’ils ont du mal à recruter et à obtenir des troupes aussi combatives que celles de QI Jiguang. En ce qui concerne la réalisation de son recrutement, QI Jiguang a préféré que la hiérarchie supérieure choisisse la hiérarchie inférieure, le chef de troupe sélectionne les officiers, les officiers choisissent les sous-officiers et ces derniers choisissent les simples soldats. Ainsi d’une part, les soldats sont choisis par les chefs qui les connaissent et qui croient en eux pour remplir correctement les fonctions et les tâches qu’ils auront à leur confier plus tard. D’autre part, si les gens sélectionnés manquent de rigueur dans leur travail et leur comportement, sa hiérarchie supérieure est directement concernée et mise en cause. Par conséquent, les hiérarchies sont doublement liées entre elles. Elles sont unies et agissent comme une seule personne, que ce soit tant dans la vie quotidienne qu’au combat.

– La formation des troupes–

Bien sélectionner ses soldats tel est le principe de base pour la constitution de la troupe, mais, ce n’est qu’un début. L’étape suivante concerne justement la formation de la troupe. Sur ce point, Tan Len, Yu Da Yu et QI Jiguang partagent le même point de vue, c’est à dire que le contrôle des troupes doit accompagner fermement la formation, il s’agit presque d’un préalable. Selon QI Jiguang, « les troupes sans contrôle ne font guère une armée »[21]. Le contrôle issu de la formation des troupes signifie concrètement que l’organisation des rapports entre les soldats et les officiers est basée sur une différenciation par le grade : chef de bataillons, chef de compagnie, chef de section et chef d’escouade. La hiérarchie supérieure a le contrôle total et réel de celle qui lui est inférieure et c’est ainsi du haut vers le bas dans toute l’armée. Ce système garanti l’efficacité des ordres donnés.

Une autre idée directrice prévaut dans la formation des troupes. Il s’agit de faire correspondre cette formation aux futurs combats à mener et de maintenir continuellement une mise à niveau de celle-ci. Par exemple, l’une des formations essentielles et réellement efficace dans la lutte contre les wokou est la « formation du canard mandarin = Yuan Jang Zheng». Ainsi, lors de la formation des troupes, on doit en tenir compte et faire en sorte de la rendre facilement réalisable et adaptable. Dans ce but l’escouade (12 soldats) est l’unité de base pour l’engagement des troupes, car c’est également l’unité de base pour la réalisation de « la formation du canard mandarin » lors des combats. L’escouade permet aussi les adaptations de « la formation du canard mandarin » qui sont « San Cai Zhen = la formation à trois talents et Liang Yi Zhen = la formation à deux prestances ». Par contre, pour les troupes qu’il formera plus tard au nord de la Chine pour la lutte contre les cavaliers mongols, l’unité de base sera le bataillon. Car, les bataillons de chariots seront les formations de combat les plus utilisées, et qui  s’adapteront le mieux aux impératifs des combats. Cette logique d’adaptation a plusieurs avantages : simplifier la gestion et faciliter les entraînements afin de créer une harmonisation globale à l’intérieur de l’armée. Dans la vie quotidienne, les hommes d’une escouade vivent et s’entraînent toujours ensemble, le chef connaît ses soldats et  les soldats se connaissent entre eux. Lors des combats, ils coordonnent leurs efforts et sont solidaires en formant une unité fortement soudée. C’est une façon efficace de transformer le combat, en leur combat.

Cette organisation explique bien la différence des formations entre les troupes communes des Ming et celles de QI Jiguang. Lors de la lutte contre les wokou, au sud de la Chine, il forme des escouades composées de 12 soldats. 4 escouades forment une section, 4 sections une compagnie, 4 compagnies un bataillon. Chacune des formations est en mesure d’exécuter « la formation du canard mandarin » : une tête , deux ailes, et une queue. Cette formation est différente de celle appliquée dans l’armée des Ming, car en effet :

– il n’y a pas de corrélation entre la formation à l’entraînement des troupes et celle qu’elles adoptent au combat ;

– la formation des troupes des Ming est plutôt un système quinternaire ou déca ternaire. Par exemple, 10 petits drapeaux forment un cent-poste. 10 cent-poste forment un mille-poste et 5 mille-poste forment un WEI, équivalent d’un régiment. Dans 1 petit drapeau, il y a 11 soldats. Mais, QI Jiguang  n’a pas tout modifié, car dans 1 petit drapeau des troupes de Ming il y a 11 soldats. QI Jiguang dans ses propres troupes  a ajouté 1 chef cuisinier ce qui fait en total une escouade composée de 12 soldats.

Un proverbe chinois dit que « Avec l’indigo on fait le bleu qui est plus foncé que l’indigo ». C’est ce que fait expressément QI Jiguang. Car après avoir étudié le système militaire des troupes des Ming, QI Jiguang essaie de l’améliorer et de l’adapter plus au combat. Dans le chapitre intitulé « Contrôle des troupes » du Tome n°18 de Ji Xiao Xin Shu, il a également fait remarqué que « les règles viennent des lois mais ne doivent pas en toute circonstance être suivies à la lettre ».

– Equipement des troupes–

La troisième étape après avoir recruté les soldats, formé une armée et équipé les hommes : on ne peut pas faire de combats sans être armé. La question est comment les armer. Selon QI Jiguang, « les armes à long manche et celles à petit manche se mélangent ; les armes d’attaque et celles de défense se combinent[22] ». Il a également écrit dans le Chapitre n° 3 « les mains et les pieds » Tome n°14- Ji Xiao Xin Shu que :

–         si l’on a beaucoup de soldats pour l’attaque à distance et peu de soldats pour la défense proche, on perd lors des luttes au corps à corps ;

–         s’il y a peu de monde pour l’attaque à distance et beaucoup dans la défense proche, on peut perdre le combat dès le début sans même avoir eu le temps de se défendre ;

–         si le nombre des soldats disposés pour l’attaque à distance et pour la défense rapprochée ne s’harmonise pas, même si l’on est plus nombreux, c’est comme si l’on était très peu nombreux.

Ce qui montre que l’armement d’une armée n’est pas une affaire à prendre à la légère, il faut suivre un certain nombre de règles pour obtenir un juste équilibre. Ces règles sont le mélange des armes de différents effets et la combinaison des armes selon leur fonction et leur portée. L’équipement de l’escouade dans « la formation du canard mandarin » est un bon exemple du respect de cet équilibre : devant il a placé 2 boucliers en rotin suivis de deux Lang Xian = bâton avec les dents de loup, après, 4 arbalètes et à la fin, c’est 2 Tang Ba = armes à petits manches. Ainsi les deux boucliers et les bâtons avec les dents de loup servent à se protéger contre les flèches et coups de cimeterre, donc ce sont des armes de défense. Les deux Tang Ba, armes à petit manche sont placées juste derrière les arbalètes et ferment  la formation. Ainsi les arbalètes, armes décisives, sont protégées devant par les bâtons et boucliers et derrière par les Tang Ba afin que les ennemis ne puissent pas s’en emparer. L’association de ces types d’armes avec des fonctions et des portées différentes peuvent ainsi accroire la capacité d’une unité d’attaque. Les soldats d’une même escouade avancent, se défendent ou encore attaquent tous ensemble en formant un ensemble homogène et dont la puissance est optimisée par cette formation. Les victoires remportées par QI Jiguang sont les meilleures preuves de cette association bien réussie.

QI Jiguang essaie non seulement de bien associer les armes entre elles, mais aussi les hommes avec les armes. En effet, «les armes différentes sont attribuées aux hommes selon leur nature et leur force[23]». Cela veut dire concrètement que les soldats d’âges, de capacité physique, et de nature différente ne doivent pas utiliser les mêmes armes. Bien au contraire, ils doivent avoir des armes qui correspondent à leur propre état. C’est ainsi que l’on arrive à optimiser à la fois la puissance de l’arme et la capacité de l’homme. Par exemple, dans « la formation du canard mandarin », les personnes les plus calmes et en possession d’une grande force sont sélectionnées pour utiliser les arbalètes. Quant aux plus jeunes et plus rapides, ils manipulent plus facilement et efficacement les boucliers en rotin. Les plus robustes et expérimentés se voient attribués les bâtons avec les dents de loup. « A chacun de déployer ses talents » et « A chaque arme de fournir le maximum de ses capacités».

– Fabrication des armes–

Maintenant que l’on possède des hommes organisés et formés prêts à manipuler une arme adaptée à leur capacité. Quel choix d’arme opérer ? Les ancêtres ont dit « permettre aux soldats d’utiliser des armes non efficaces, c’est donner la vie de ces soldats aux ennemis». Car les armes non efficaces exposent la vie des soldats inutilement. C’est pour cette raison précise que QI Jiguang est très exigeant au niveau des armes. Il indique que, « c’est  vain d’avoir des soldats d’élite si ils ne sont pas équipés par des armes de pointe[24] ». Il  explique même le procédé de  fabrication des armes à feu dans son livre au chapitre 3- Les mains et les pieds- tome n°14 : « Pour avoir de bonnes armes à feu, il faut travailler le fer lorsqu’il est chaud, on enveloppe les deux côtés tout d’abord et après, on le tape sur une enclume et on réalise un long évidement dans le tube d’acier ainsi obtenu. Le trou doit être assez petit pour avoir une meilleure précision… ». QI Jiguang a aussi précisé la fabrication des autres armes. Il tient également à ce que ses armes soient fabriquées dans les meilleures manufactures, et non comme cela se passe encore trop fréquemment, par des artisans qui viennent fabriquer sur place dans les casernes et de manière rudimentaire. Car il a la certitude que les armes fabriquées en manufacture ont une qualité meilleure. Il tient également à ce que les chefs militaires s’investissent eux-mêmes dans la surveillance de la fabrication au lieu de confier tout simplement la commande à un service et attendre la livraison, car sans la participation directe des hommes qui vont utiliser ces armes. La fabrication non « motivée » ne peut pas être de la meilleure qualité. Aussi, si il y a des problèmes de fonctionnement, ce sera trop tard pour les corriger au moment de la livraison. D’ailleurs, la conception et la fabrication des 44 bateaux de combat commandés pour la marine, engagée dans la lutte contre les wokou, ont été suivies par QI Jiguang lui même. En résumé, Pour la fabrication des armes, il faut utiliser les meilleures techniques et les meilleurs artisans et les faire travailler dans les meilleures conditions. Il convient en plus, de faire exercer par les chefs militaires, une surveillance constante tout au long du processus de fabrication. Tel est, selon QI Jiguang,  le secret pour avoir les meilleures armes.

QI Jiguang insistent non seulement sur le fait qu’il faut avoir des armes de bonne qualité, mais en plus il veut que ces armes soient supérieures en tout point à celles des wokou. Il dit « Quelles sont les armes utilisées par l’ennemi ? Nous devons exiger que les nôtres soient bien meilleures. De la sorte, avant même que les  armes ennemies n’arrivent à nous toucher, nous ripostons et  l’atteignons ». Ainsi les armes ennemies, même miraculeuses, ne servent plus à rien car elles sont moins performantes que celles des Ming[25]. Il a aussi précisé « En ce qui concerne les affaires d’armes, les performances des unes ne peuvent pas compenser les défauts  des autres, c’est la raison pour laquelle chacune de nos armes doit être meilleure que celles des wokou. Par exemple, s’ils ont des  arcs et des flèches performantes, alors avec quoi allons nous pouvoir les surpasser. Si ils ont de très bonnes armes blanches, alors avec quoi allons nous pouvoir les vaincre. Si ils attaquent avec des chevaux et des chariots par milliers, alors, avec quoi pourrons-nous nous défendre ». Cette énumération met en évidence qu’aucun système d’armes ne doit être négligé et que pour chacun d’eux, les troupes de QI Jiguang doivent  en être mieux dotés. Mais, quand QI Jiguang parle de supériorité d’une arme, il faut comprendre quelque chose de parfois plus global et qui ne se limite pas uniquement à la qualité, mais englobe des notions telles que la quantité et la combinaison dans le combat. Par exemple, les wokou sont très habiles dans le maniement des arbalètes et ces armes sont en général de bonne qualité. Alors, les troupes de QI Jiguang doivent  utiliser la combinaison de plusieurs sortes d’armes pour les surpasser : le bouclier, l’arme à feu, le bâton à long manche…. Les envahisseurs mongols sont redoutables au niveau de l’utilisation des arcs et des lances, pour les vaincre, QI Jiguang a en priorité fait équiper ses troupes avec des armes à feu et des canons qui lancent des cailloux. De cette façon les armes ou bien la combinaison des armes sont choisies pour que les armées des Ming soient toujours en mesure de se défendre ou de défendre une position, laissant à l’adversaire  nul avantage dans aucun domaine pour qu’il puisse  triompher.

Pour y arriver, il faut sans cesse améliorer, réformer et créer de nouvelles armes ainsi que de nouveaux équipements de campagne. QI Jiguang aimait à dire :« les armes usées doivent être remplacées, les armes détériorées doivent être réparées, quant à celles qui n’existent pas, on doit les inventer ».C’est ce qu’il a fait. Lorsqu’il est au sud de la Chine, ce n’est pas lui qui a inventé le bâton de dents de loup (Lang Xian), mais, c’est bien lui qui à grande échelle, a commencé à équiper les troupes avec cette arme. Il a de même, créer le bateau Tong Jiao. Pendant ses exploits au nord de la Chine, il a amélioré le canon de tigre assis (Hou Dui Pao) et inventé deux autres types de canon. En un mot, au sud comme au nord, QI Jiguang cherche toujours à améliorer l’équipement de ses troupes c’est pour cette raison que son armée est réellement mieux équipée que ses adversaires, un autre secret de ses victoires.

Des soldats de haute qualité intégrés dans une organisation rigoureuse et équipés d’armes performantes suffisent-ils pour gagner une guerre ou même un combat ? La réponse que formule QI Jiguang  est négative, car, les troupes ainsi constituées doivent être entraînées pour pouvoir combattre.

b)Entraînement aux ordres, à l’art du combat, à la formation des troupes et au courage :

En chine aujourd’hui, les livres ou les  films, qui ont pour thème les guerres de  l’ancien temps, mettent souvent en avant un commandant des troupes très héroïque qui charge seul  les soldats adverses et qui en abat tellement en si peu de temps, que ses propres troupes ne servent que de décor pour l’ordre de bataille, et se contentent  de suivre leur chef  en criant très fort pour le seconder. La réalité fut tout autre chose. Selon QI Jiguang « les chefs doivent vraiment être très courageux, mais, eux seuls  ne peuvent attaquer plusieurs ennemis à la fois, encore moins plusieurs dizaines et sûrement pas plusieurs milliers. Pour gagner un combat, il faut compter sur les soldats ».

De tout temps, les soldats ont toujours été la masse principale de la guerre. Même les chefs militaires les plus brillants, sans des soldats courageux, bien entraînés et qui ne sont pas saisis d’effroi au moindre  bruit de l’ennemi, ne peuvent espérer obtenir une victoire. C’est la raison pour laquelle, QI Jiguang insiste sur l’entraînement des soldats. « Etre bien entraînés, c’est le travail des soldats[26] »..Il a également dit :« La guerre doit commencer par l’entraînement des soldats » (Ming Jing Shi Wei Bian). Mais également, « on doit s’entraîner à l’attaque, mais aussi à la défense » (Tome 4 = Les paroles à Deng Xie =Deng Xie Kou Shao de « Les notes diverses de Lian Bing Ji Shi = Lian Bing Ji Shi Za Ji).

– Entraînement à l’obéissance et aux ordres–

Selon QI Jiguang « les ordres, les drapeaux et les tambours sont les gestes les plus importants pour  maîtriser une armée une fois que celle-ci est formée en rangs » (Tome 2 = Les ordres, dans Ji XiaoXin Shu et Er Mu Pian du Tome 3 de Lian Bing Shi Ji). Si les soldats ne connaissent même pas les ordres, comment peut–on parler de l’entraînement? Dans l’ancien temps, les ordres sont donnés par des drapeaux et des tambours comme indiqué dans le chapitre « la guerre » de « Sun Zi Bing Fa » « pour les combats de nuit, on utilise le plus souvent les gongs et les tambours ; pour ceux de jour, les drapeaux ». Sans les moyens modernes de transmission des ordres, on fait retentir les tambours pour faire avancer les soldats et les gongs pour les faire arrêter ou reculer. Il faut toujours suivre la direction indiquée par les drapeaux. Pour entraîner ses soldats à obéir aux ordres donnés par le chef, QI Jiguang a procédé de la façon suivante :

# Retenir les codes par cœur.

En effet, il a établi une convention complète des ordres transmis au moyen des drapeaux, des gongs et des tambours. Il fait imprimer cette convention sous forme de livrets et les distribue aux soldats. Chaque escouade doit se rassembler pour les étudier code par code. Les soldats qui savent lire les lisent aux autres. Après la lecture, c’est la compréhension. Les soldats discutent ensemble afin que  tout le  monde ait bien compris chaque ordre, chaque code.

Pour QI Jiguang, la compréhension ne suffit pas, « il faut surtout  retenir par cœur chaque code et sa signification ». Lors des examens et des contrôles du savoir tactique : Un article oublié par un soldat se solde par un coup de bâton. En revanche, si un soldat commet une faute sans gravité, et s’il arrive à réciter la plus grande partie de l’article, il peut éviter les coups de bâton.

# Obéissance aux ordres et aux codes et application absolue.

« Lors de tout entraînement ou tout combat contre les adversaires, les ordres et les codes doivent être appliqués au mot à mot ». Par exemple, quand les tambours sonnent, les soldats doivent avancer, peu importe qu’il y ait de l’eau ou du feu devant eux, ils doivent avancer si les tambours n’arrêtent pas. Quand les gongs sonnent, les soldats doivent arrêter, peu importe qu’il y ait des montagnes d’or et d’argent. S’ils ne se sont pas arrêtés au moment des gongs et continuent à avancer, ils doivent reculer jusqu’où ils devaient s’arrêter[27].. Afin que les soldats obéissent de façon absolue aux ordres, QI Jiguang a également mis en place les mesures nécessaires à l’obéissance. Ces mesures sont très simples, ce sont les punitions. « Si quelqu’un n’obéit pas aux ordres reçus, mais que cela n’a pas occasionné de conséquences graves, l’attacher et le frapper suffira à le punir. A contrario, si quelqu’un n’obéit pas aux ordres reçus, et de ce fait génère de graves conséquences, on doit lui appliquer la punition militaire, qui peut aller jusqu’à la mort[28]». On peut dire que QI Jiguang a rédigé des instructions disciplinaires très sévères, car même l’auteur d’une désobéissance ou d’une mauvaise compréhension des ordres qui ne  génère aucun conséquence, doit  aussi être attaché et frappé. C’est de cette façon que le général QI Jiguang est toujours parvenu à faire obéir sans exception l’ensemble de ses soldats aux ordres.

La transmission des ordres par les drapeaux, les tambours et les gong est un art du commandement militaire, mais faire obéir les soldats à ces ordres donnés en est un autre. Nombreux sont les stratèges classiques qui ont eu l’occasion de s’exprimer sur le 1er point.  Sun Zi dans son livre « Sun Zi Bing Fa » ou encore Cao Cao dans « les commentaires de Sun Zi Bing Fa ». Selon Sun Zi « Commander une armée, c’est comme commander une petite troupe, la différence se trouve dans les moyens de transmission des ordres ». Mais sur le second point, c’est à dire comment s’assurer de la parfaite obéissance aux ordres, aucun « classique » n’a donné plus de précision et démontré autant d’intérêt que le général QI Jiguang. Il a justement rempli ce vide, car il a traité de ce sujet dans les détails.

Entraînement à l’art du combat

L’art du combat c’est la technique d’utilisation des armes à feu ou des armes blanches, donc l’art d’anéantir les ennemis. « Si l’on fait combattre des soldats n’ayant pas la maîtrise des armes, cela équivaut à les envoyer se faire tuer par les ennemis »(Chapitre 10-Commentaires sur les armes à long manche et à court manche= Chang Ping Tuan Ping Shuo Pian – Tome 18 Ji Xiao Xin Shu). Plus d’un tome sur les 18 tomes de son livre traitent de l’art et des techniques de manipulation des différentes armes. QI Jiguang a vraiment mis l’accent sur ce sujet pour deux raisons : l’une parce qu’il est convaincu que l’art du combat est primordial pour un soldat ; l’autre raison est pour renverser la mode de l’époque. Il existe deux écoles dans cet art, l’une consiste à faire de l’art pour l’art, c’est l’art du combat pour la démonstration. Très varié dans la formation, il est très impressionnant à voir, QI Jiguang l’appelle « l’art fantaisiste ». Quant à la 2ème école, elle est plus réaliste mais les postures sont  peu variées, QI Jiguang l’appelle « l’art vrai ». car chaque attaque est dirigée vers un point précis et mortel. QI Jiguang explique dans ses livres qu’il faut surtout éviter la 1ère école car lors d’un combat c’est une question de vie ou de mort, on ne peut pas se permettre de commettre la moindre erreur. « En ce qui concerne l’art du combat, il faut l’apprendre comme un vrai art pour attaquer les ennemis ou encore pour lutter contre eux, il est interdit d’apprendre « l’art fantaisiste ». « Chaque jour d’entraînement doit avoir son effet.  Maîtriser une arme, c’est s’assurer un avantage pour gagner »    ( Le préambule de « Les questions sur Ji Xiao » = Ji Xiao Hou Wen, de « Ji Xiao Xin Shu »).

Alors comment faire pour que les soldats arrivent à maîtriser cet art ?. Tel est le procédé appliqué par QI Jiguang :

1/ Initier la propre conscience des soldats

Il explique clairement aux soldats dans le Chapitre 4 -Les ordres d’interdiction importants et conseillés aux soldats = Yu Ping Jin Yao Jin Ling Pian du Tome 18 de Ji Xiao Xin Shu. QI Jiguang s’exprime ainsi : « En ce qui concerne l’art du combat, ce n’est pas un service que tu as promis de rendre aux officiers, mais un moyen  qui doit te permettre de te défendre, d’acquérir les mérites, de tuer les ennemis et de sauver ta propre vie. Si tu le maîtrises bien, tu arrivera à anéantir ton adversaire, alors, comment peut-il te tuer ? Si tu le maîtrises moins bien que ton adversaire, il te tuera. Celui qui ne veut pas s’entraîner est un idiot qui ne vaut pas sa vie ». Dans le même tome de ce livre, dans le Chapitre intitulé « La récompense et la punition des concours de l’art du combat = Bi Jiao Wu Yi Shang Fa Pian, il indique « il faut que tout soldat connaisse l’avantage et le plaisir de l’entraînement et de la maîtrise de l’art du combat de façon qu’il ne veuille plus s’arrêter de s’entraîner, car ce n’est pas pour remplir un service qu’il le fait ». Il tient vraiment à ce que tout le monde comprenne cette évidence : s’entraîner,  pour soi-même, et non pas pour les autres.

2/Enseigner.

Les chefs militaires doivent expliquer aux soldats les fonctions, ainsi que les techniques propres au maniement de chaque arme. Quant aux arts martiaux, il faut les enseigner position par position jusqu’à une réelle maîtrise.

3/La récompense ou la punition suite au contrôle

Le niveau de chaque soldat doit être contrôlé régulièrement. Lors d’examen, on mesure le niveau réel de chacun face aux ennemis. Pour les armes à feu, on installe des cibles, et pour les armes blanches, on fait s’affronter les soldats entre eux. On classe à la suite des examens les soldats en 3 classes : supérieure, moyenne, inférieure. Chaque classe est divisée en 3 niveaux. Dès le 1er examen , on attribue une note à un soldat qui pourrait être par exemple, «niveau de la classe moyenne », cette note est enregistrée. Lors de l’examen suivant, « celui qui avance d’un niveau sera récompensé d’un Feng d’argent ( le Feng est une unité de mesure de poids), celui qui réussit à avancer de 2 niveaux, 2 Feng d’argent, celui qui accède au niveau supérieur, 5 Feng d’argent. Par contre pour ceux qui restent au même niveau sans aucune progression  et si c’est la 1ère fois qu’ils stagnent, ils n’encourent pas de punition, en revanche si c’est la 2ème fois, ils doivent être corrigés de 5 coups de bâton, la 3ème fois, c’est 10 coups de bâton. Plus de 5 fois, sans progression :40 coups de bâton ou encore, ils sont affectés à des tâches non guerrières et pas forcément moins pénibles[29]». La punition ne se limite pas aux soldats contrôlés mais s’applique également à leurs sous-officiers et officiers responsables de leurs escouades. Autrement dit les responsables hiérarchiques sont liés aux  résultats obtenus par leurs soldats et auront les récompenses ou à l’inverse, les punitions méritées suite aux examens. Si le résultat global est supérieur au plus bas niveau de la classe supérieure, ils seront récompensés. Si ce résultat est inférieur au plus bas niveau de la classe moyenne, ils seront punis selon la gradation suivante: chef du bataillon, 10 coups de bâton ; chef de compagnie, 20 coups bâton, chef de section, 30 coups de bâton. Si le résultat est franchement médiocre, les punitions seront très lourdes. Les responsables des unités qui obtiennent de tels résultats seront dégradés et pour ceux qui ont les plus mauvais résultats, il y aura  destitution ou ils ne recevront que la moitié de leur solde jusqu’aux prochains examens. Face à une telle pression, l’entraînement dans l’art du combat n’est plus une affaire personnelle, mais collective : les intérêts de chaque individu sont liés entre eux. Non seulement les soldats doivent bien s’entraîner mais aussi leurs chefs doivent tout faire pour les y encourager.

L’entraînement des soldats à l’art du combat est assez courant dans les armées de la Dynastie des Ming. Toutefois, aucun écrit ne le détaillait, et il dépendait pour beaucoup de la plus ou moins bonne inspiration des généraux locaux. QI Jiguang, a non seulement mis l’accent sur la nécessité de l’entraînement, mais également sur l’art qu’il faut enseigner aux soldats (l’art réel). Il a fondé une organisation complète pour que cet entraînement soit efficace mais pas un devoir à remplir pour la bonne conscience des officiers. L’aspect le plus novateur dans sa démarche a été de lier les intérêts des uns avec les autres, les soldats avec leur chef hiérarchique. Il est parti de l’idée que dans le combat, la préservation de leur vie est liée à la performance de chacun d’entre eux, par conséquent, dans la vie quotidienne, notamment lors de l’entraînement leurs intérêts doivent également être liés afin de créer une unité solidaire et harmonieuse.

–Entraînement aux formations de combat–

La formation de combat c’est la position et le contribution de chaque soldat lors des combats. Tous les stratèges de l’ancien temps parle de la formation de combat. Sous la période Ming, il existe deux tendances : l’une consiste à rechercher la perfection, la formation est ainsi devenue tellement complexe qu’on a de plus en plus de mal à la réaliser sur le terrain. L’autre consiste à nier  la nécessité des formations de combat pour mener les combats. L’un des mandarins de Ming, Cai Kuan se moque de son prédécesseur, le mandarin Yang Yi Qing qui est fervent adepte de tels entraînements, en écrivant les phases suivantes : « les intellectuels sans courage ni stratagème entraînent et répètent tous les jours des formations de combat, ce qui est tristement risible ». Pour lui, des soldats courageux et des chefs décidés suffisent pour gagner un combat. Quand les ennemis sont repérés, les chefs donnent l’ordre d’avancer et ces derniers ne font qu’avancer sans reculer, à quoi peut donc servir les formations de combat ?. On mesure la portée de ce point de vue, si  un haut fonctionnaire pense ainsi, que peut-t-on attendre des simples chefs militaires ?.

QI, quant à lui ne veut suivre aucune des deux tendances, et pense que les formations de combat sont des outils pour gagner un combat donc, elles ont  leur place dans la stratégie militaire, mais encore faut-il les adapter. Il a inventé la « formation du canard mandarin », la « formation d’une tête, deux ailes et une queue », la « formation des chariots/fantassins /cavaliers » etc. Il a dit :« maintenant que les soldats connaissent les ordres, les règles d’obtention des récompenses et de d’application des punitions, ils doivent être entraînés sur les champs de bataille afin d’apprendre les règles d’attaque, de défense et de repli, et surtout les formations de combat qui seront appliquées lors des batailles» (Tome 8 – l’entraînement des formations de combat avec les drapeaux et les tambours- Cao Lian Ying Zhen Qi Gu Pian- chap.10 de Ji Xiao Xin Shu). Ici, encore comme pour l’art du combat, il insiste pour que les soldats s’entraînent à réaliser des formations pratiques et faciles  donc efficaces, mais pas celles qui sont compliquées et jolies à voir, aussi faciles à briser pour l’ennemi. Car « les armes combinées ainsi que l’art du combat et les formations de combat, servent à tuer les ennemis, pour cela il est inutile d’être agréable au regard. » (les questions et réponses de Ji Xiao-Ji Xiao Xin Shu Hou Wen), donc, « lorsque l’on s’entraîne  au quotidien, on doit exécuter les mêmes gestes que ceux appliqués lors des véritables combats. ainsi lors des vrais combats, on n’a juste qu’à appliquer ce que l’on a répété au quotidien ».

Les grands stratèges organisent eux aussi leurs troupes selon des formations différentes et les utilisent lors des combats. Dans « Wu Zi », lorsque la formation est en cercle, on la transforme en carré ; lorsqu’elle est en avance, on l’arrête ; lorsqu’elle est divisée, on la regroupe ; lorsqu’elle est unie, on la divise. Il faut étudier chaque changement, chaque transformation et après, les enseigner aux soldats. » Mais, malheureusement, il n’a porté aucune précision sur la façon d’entraîner les soldats pour qu’ils arrivent à transformer une formation initiale en une autre formation. QI Jiguang a pu apporter d’importantes contributions dans les deux domaines suivants :

1/ La progression par étape.

Tout d’abord, chaque soldat doit s’entraîner à maîtriser l’arme, (graphique 8) qu’il utilise et l’art du combat. Une fois que le contrôle est passé, et que l’on a la certitude que chaque soldat a des acquis suffisants, alors, on démarre l’entraînement pour la formation de combat. L’entraînement commence par escouade, et une fois que les escouades connaissent chacune leur propre position, on les rassemble quatre par quatre, donc on commence l’entraînement par section. Après, on rassemble les quatre sections pour former la compagnie, ainsi de suite pour les bataillons et pour l’armée.

2/ La combinaison des entraînements au camps et sur le terrain

QI Jiguang ne pense pas qu’il faut se contenter de l’entraînement aux formations  dans les camps. Car selon lui « une fois que les exercices sur les champs de manœuvre sont finis et maîtrisés, il faut sortir du camps et aller dans les villages et les campagnes pour pouvoir s’entraîner sur les véritables terrains de combat, ainsi, lors de combat, on ne commettra plus d’erreur. Sinon, les soldats entraînés uniquement dans les terrains d’exercice sans jamais connaître les campagnes, auront des problèmes de coordination au cœur de la bataille. Mais, si au contraire, les troupes ne sont pas entraînées dans les camps, étape par étape, mais directement engagées dans les campagnes, les soldats agiront sans connaître les règles et  seront vulnérables[30] ». Même quand il entraîne ses soldats sur les terrains d’exercice, il essaie toujours d’adapter l’entraînement en rapport avec les campagnes environnantes là où auront lieu les combats. Par exemple, lors des entraînements anti-embuscade, il fait dessiner des chemins tortueux sur le terrain et avec des panneaux en bois, il indique la position des maisons, des champs et des puits …. Ces entraînements seront suivis d’ exercices en terrain libre. Cela ressemble beaucoup à ce que l’on fait actuellement, mais, la différence est que QI Jiguang l’a fait 400 ans auparavant et de sa propre initiative.

– Entraînement pour avoir du courage–

L’entraînement au courage, c’est pour que les soldats considèrent la mort comme un retour chez soi, autrement dit, les soldats se battent contre les ennemis courageusement sans se soucier de la mort éventuelle. D’après un terme plus moderne c’est un entraînement philologique afin de lutter contre la peur. D’après QI Jiguang, « la grande puissance d’une armée vient de l’esprit des hommes qui la compose[31] »  et encore « Ce qui détermine la victoire ou l’échec lors des combats, c’est l’esprit des soldats ». Pour lui, l’esprit des soldats est le pivot d’une armée et la clef de l’issue de la guerre. L’entraînement au courage est en effet l’entraînement le plus essentiel et principal de l’armée. Alors, une question s’impose : d’où vient le courage des soldats ? Pour QI Jiguang, ce courage vient du cœur. « l’esprit manifesté vis à vis des évènements extérieurs provient du cœur », « Le cœur, c’est l’esprit de l’intérieur ; l’esprit, c’est le cœur de l’extérieur ». En d’autres termes, l’attitude courageuse n’est qu’une extériorisation des idées intérieures d’un être humain. C’est le cœur de chacun qui définit si l’on est vraiment courageux ou non. Ainsi l’esprit qui vient du cœur est le vrai esprit et si cet esprit est le courage, alors ce courage est un réel courage. Si le courage n’est pas venu du cœur, alors, ce n’est pas du vrai courage et en cas de revers, il se défait très rapidement. Il n’y a que le réel courage, le courage qui vient du fond du cœur qui puisse traverser toutes les épreuves sans défaites. C’est pourquoi, quand on parle de l’entraînement de l’esprit, c’est en effet, celui du cœur, car « en entraînant le cœur, l’esprit courageux vient tout naturellement[32] ». Le général QI jiguang en déduit qu’un chef valeureux ne peut réussir dans l’entraînement de ses hommes qu’en se montrant en exemple. Le chef doit inculquer le sens de la loyauté et de la fidélité, devancer ses soldats dans tous les exploits, les conquérir par la sincérité (Tome.2 « l’esprit courageux » de Lian Bing Shi Ji ). Voilà les principes de QI Jiguang :

1/La force de l’exemple

2/Inculquer le sens de la loyauté et de la fidélité

3/Conquérir les soldats par la sincérité

1/ Se donner en exemple

Ce qui importe, ce ne sont pas les longs discours mais l’exemple montré par les responsables militaires. La force de l’exemple n’a pas de limite. L’exemple des chefs est un enseignement et une influence sans nom qui sera suivi naturellement par les soldats. Les beaux discours ne peuvent non seulement pas produire d’effets, mais en plus risquent de provoquer la rancœur des soldats.

2/Inculquer le sens de la loyauté et de la fidélité

Mais, il n’y pas que l’exemple du chef, il met également l’accent sur l’enseignement oral. C’est ce qu’il appelle « inculquer le sens de la loyauté et de la fidélité ». Il y a plusieurs sortes de loyauté, par exemple, la loyauté envers son pays, envers son peuple, envers ses parents et aussi envers ses chefs. Celle qui importe QI Jiguang est la loyauté envers le peuple. « Vous vous rassemblez pour conquérir les mérites et servir le pays. Les soldats servent à tuer les ennemis alors que ces derniers viennent tuer les gens du peuple. Les gens du peuple ne souhaitent-ils pas que les armées de Ming  tuent les ennemis ? Si vous voulez bien tuer les ennemis, respecter les préceptes militaires[33] ». « Dès le jour de votre engagement dans l’armée, vous vous croisez les bras et restez indifférents au temps, qu’il pleut, qu’il vente, vous avez vos 3 Feng (rétribution journalière), vous avez votre solde tous les jours. Ces soldes proviennent des impôts que l’Etat a récolté auprès des paysans, là même d’où vous venez. Souvenez-vous de la peine et de la souffrance pour payer les impôts lorsque vous travailliez encore la terre, vous vous rendez ainsi mieux compte de la facilité avec laquelle vous toucher votre solde d’aujourd’hui. Sans labourer ni racler la terre, on vous prend en charge pendant un an, et tout ce que l’on vous demande, c’est de gagner un ou deux combats. Si vous ne voulez même pas les défendre en tuant les ennemis, à quoi cela peut servir de vous nourrir ? ». Avec des paroles simples et l’exemple donné par son comportement ainsi que celui de ses officiers, QI Jiguang essaie d’inculquer une certitude : la raison d’être de l’armée est « de protéger la vie du peuple ; défendre la terre du pays ». Voici la devise de QI Jiguang. C’est ce qu’il dit et également ce qu’il fait tout au long de sa lutte contre les wokou. Il a toujours mis la priorité sur la libération des gens emprisonnés par les wokou avant la victoire elle-même.

3/Conquérir les soldats par la sincérité

D’après Sun Zi « pour commander une armée, il faut user de ruses ». Mais pour QI Jiguang, les ruses c’est pour les ennemis, on ne doit pas appliquer les ruses contre ses propre soldats. Au contraire, il faut les conquérir avec la sincérité. Il faut traiter les soldats comme ses enfants : « connaître leurs habitudes, les soutenir et les secourir pendant leurs maladies, partager leur sort dans les difficultés et épreuves, prendre part à leurs joies et à leurs douleurs » et aussi « le faire sans attendre que leurs cœurs en fassent la demande, et que leurs bouches parlent.» (Tome 2 L’esprit courageux = Tan Qi Pian, de Lian Bing Shi Ji ). Concrètement, il faut aimer et protéger les soldats de façon sincère, comme un père envers son fils, sur les terrains d’entraînement, il faut être juste, si quelqu’un a transgressé une règle, on ne doit pas le couvrir avec partialité même si c’est quelqu’un de très proche. « Touchés par l’affection qu’on leur porte, les soldats aimeront l’empereur, les généraux, et leur  propre vie sera moins précieuse. Emus par la sincérité, ils ne supporteront pas d’être derrière l’empereur, les généraux, ils se soucieront d’eux avant de prendre soin de leur propre personne. Convaincus par les discours sur le bonheur et le malheur, ils ne se sentiront plus effrayés par les infortunes et seront bien déterminés à prouver leur loyauté. Imprégnés par les discours incantatoires, qu’il y ait du feu, de l’eau, ou que leur vie soit menacée, plus rien ne pourra avoir d’emprise sur leur cœur. L’affection se cumule dans la vie quotidienne et se délivre au moment des besoins » (Tome 2 – L’esprit courageux = Tan Qi Pian ).

Alors les étapes 1/ 2/ 3/ ne forment qu’une 1ère partie de l’entraînement de l’esprit courageux, et l’autre partie, consiste en « l’application de la bienveillance et de la loyauté qui doivent être associées à des récompenses occasionnelles et des punitions ». En d’autres termes, QI Jiguang pense que la punition et la récompense sont des moyens très importants non seulement au moment des combats, mais aussi pendant l’entraînement, et non seulement pour l’entraînement de l’art du combat, mais aussi pour celui de l’esprit. Et pour que cet entraînement soit efficace, il faut être très juste. Quand il faut punir même si ceux sont des personnes avec des liens de parenté il ne faut pas hésiter. Cela est aussi vrai quand il faut récompenser, même s’il s’agit de soldats qui ne sont pas toujours appréciés. Ainsi, on peut toucher le cœur du plus grand nombre de soldats : récompenser un soldat sert à encourager dix mille soldats, en punir un sert à faire obéir cent mille soldats.

L’entraînement de l’esprit ne se limite pas aux terrains d’exercice. L’art de commander les soldats ne se limite pas seulement à faire des exercices avec des drapeaux et à s’entraîner à l’art du combat. Le repos, et les distractions par les jeux font aussi partie de l’entraînement. Celui qui est habile à l’entraînement essaie toujours d’avoir une ambiance pleine d’entrain, si l’entraînement est monotone, il faut distraire les soldats. Si l’entraînement est fatiguant, il faut accorder du repos aux soldats. Il n’y a pas de règles fixes, il faut observer leurs attitudes, leurs comportements afin de mieux les encadrer. QI Jiguang fait remarquer qu’il est plus facile d’entraîner « les mains et les pieds », que l’esprit et le cœur, également, qu’il est plus facile de réaliser les entraînements quand ils portent sur des situations concrètes (il parle de formes en chinois), plutôt qu’abstraites (Les questions sur Ji Xiao = Jin Xiao Hou Wen, préambule Ji Xiao Xin Shu).

On peut dire que la théorie de QI Jiguang sur l’entraînement de l’esprit courageux est assez nouveau et original pour l’époque. Car, les autres chefs militaires de la  même époque, notamment Yu Da Yu et Heliang Zhen, parlent eux aussi de l’entraînement du courage, mais à des degrés différents :

1/ Ils n’ont pas fait la liaison entre le courage et le cœur, donc, l’entraînement au courage passe selon eux, soit  uniquement par l’enseignement de la discipline ou encore, par le jeu des récompenses et des punitions. Cette approche est moins élaborée.

2/ Comme la connaissance sur « la provenance » du courage est différente, les moyens utilisés pour l’obtenir sont aussi différents. Yu Da Yu dit que « l’entraînement au courage passe tout d’abord par celui de l’art du combat, la maîtrise de celui-ci fait du courage, et le courage renforce les soldats. » (Les méthodes d’entraînement des troupes en chariot du Bourg de Da Tong = Da Tong Zhen Bing Che Cao Fa, Chapitre 11 –Recueil du Palais de l’intégrité morale = Zheng Qi Tang). Pour He Liangchen, « Celui qui connaît l’entraînement à l’art des combats passe forcément par les formations de combat, c’est pourquoi les  formations de combat sont les leviers principaux de l’entraînement à l’art du combat, et l’art du combat est l’origine du courage ». En effet, ils pensent tous que l’entraînement au courage passe toujours par l’entraînement de l’art du combat, car avec une bonne maîtrise de l’art du combat, le courage naît naturellement. QI Jiguang quant à lui pense que l’entraînement au courage passe par l’entraînement du cœur et il a même expliqué dans son livre les différentes étapes de cet entraînement, ce qui prouve à quel point il reste convaincu de sa théorie. De nos jours, on peut être en accord ou non avec sa théorie, mais, néanmoins, il a eu le mérite de fonder une réflexion  complète et logique, différente de ce qui existait avant lui.

c) Entraînement des vertus, des talents, des connaissances et de l’art du combat :

Tous les grands stratèges chinois ont pris en considération le rôle des officiers généraux. Pour Sun Zi, les officiers généraux qui savent commander les troupes sont ceux qui tiennent en mains la vie ou la mort du peuple, et ceux qui maîtrisent la sécurité  du pays. (Chapitre sur les guerres, Sun Zi Bing Fa). Il dit également que « les officiers généraux sont les assistants de l’empereur, s’ils l’assistent bien, le pays sera puissant, s’ils l’assistent avec défaut, le pays sera affaibli » (La stratégie d’attaque de Sun Zi Bing Fa). Il faut préciser qu’à l’époque de Sun Zi, la distinction entre les fonctions civiles et militaires n’était pas très apparente. Les fonctionnaires remplissaient le rôle de chef militaire et commandaient les troupes au moment des guerres puis après, dès leur retour au Palais impérial, ils redevenaient fonctionnaires civils. Sous la dynastie de Ming, ces deux aspects du rôle des fonctionnaires se distinguaient très bien. L’empereur fondateur de la Dynastie de Ming, Zhu Yuan Zhan, appliqua une politique selon laquelle les fonctionnaires civils dirigeaient les fonctionnaires militaires et le rôle de ces derniers étaient relativement moins important par rapport à celui tenu par les fonctionnaires civils.

QI Jiguang s’inscrit en faux avec cette pensée et soutien que le rôle des mandarins militaires n’est pas négligeable, que se soit pour la sécurité du pays ou que se soit pour la vie des soldats. « Car, lorsque les ennemis attaquent, si l’on n’arrive pas à défendre les villes, les villages ou les campagnes, elles seront détruites. Si on utilise un chef militaire bien entraîné à l’art du commandement des troupes et si celui-ci arrive à chasser les envahisseurs, à sauver de nombreuses vies du feu et des tracasseries de la guerre, comment peut-on dire que cela est une petite affaire ?[34] ». Et aussi « Etre commandant des troupes, c’est être lié à la sécurité des frontières et à la vie ou à la mort des soldats ». (Tome 6-L’entraînement des chefs militaires =Lian Jiang Pian, de Lian Bing Shi Ji ). Pour lui, les victoires guerrières, la sécurité des populations, la vie des soldats dépendent toutes de la qualité des officiers généraux. C’est une façon de faire ressortir qu’une partie essentielle de l’entraînement de la troupe concerne  l’entraînement des officiers généraux. De bons officiers commandent de bons soldats. « Si l’on ne se préoccupe pas de la formation des bons officiers dans la vie quotidienne, alors le jour où ils doivent être engagés dans le combat, comment peut-on s’étonner du manque de talent! » .

Concrètement que doit recouvrir l’entraînement des officiers? Pour y donner une réponse il faut réfléchir sur la question « qu’est ce qu’un bon officier » ? Selon QI Jiguang, le bon officier est celui qui a de la vertu, du talent, des connaissances, et la maîtrise de l’art du combat. Donc, le but de l’entraînement est de former les officiers afin qu’ils possèdent toutes ces qualités.

La vertu : c’est le moral d’acier;

Le talent : c’est la compétence dans le commandement ;

Les connaissances : c’est le savoir-faire et la capacité d’analyse des situations ennemies;

L’art du combat : C’est le niveau de maîtrise des techniques militaires.

 

Parmi ces 4 critères, QI Jiguang met surtout l’accent sur la vertu. Il pense qu’il ne faut nommer que les chefs qui ont un moral d’acier, sinon, même avec les talents de Zhang Liang et Chen Ping (ce sont  deux généraux très connus dans la chine classique pour leur sagacité), il peut être inutile de les engager dans un combat. Les critères de la haute vertu sont « l’esprit honnête et fidèle, la rectitude de l’esprit et la droiture du cœur, méditer pour rester fidèle à l’empereur pour défendre son pays, pour respecter les autres, renforcer sa force militaire, aimer ses soldats et mépriser ses ennemis[35] ». « défendre la population doit être leur seule volonté » et « considérer les soldats et les chevaux comme des outils pour défendre la population et le pays ». En plus de cela, il faut aussi qu’ils se montrent magnanimes, incorruptibles, c’est à dire ne pas se laisser séduire par les intérêts financiers et les tentations sexuelles ; ne pas se montrer jaloux devant les capacités des autres ; si quelqu’un a réussi dans un domaine, il faut prendre son exemple et s’efforcer  d’en faire de même ; ne pas être obséquieux auprès de la hiérarchie supérieure. Au cours des comptes-rendus aux supérieurs, il faut annoncer les faits réels, il ne faut pas non plus être obstiné, mais, écouter les opinions des autres ; aimer et protéger les soldats, ne pas rechercher les récompenses  mais servir son pays… etc.

QI Jiguang demande aussi à ses officiers d’apprendre l’art militaires. Car un chef militaire n’est pas un savant qui connaît tout, alors, pour comprendre la tactique, il faut passer par l’apprentissage. C’est comme un médecin, s’il n’a jamais appris la médecine, il n’arrivera pas à prescrire. Un chef militaire, sans aucune connaissance de la tactique militaire, aura beaucoup de difficulté à bien commander ses soldats sauf de rares exceptions.

Alors, que faut-il apprendre?

-Selon QI Jiguang, il faut tout d’abord apprendre les classiques par les œuvres de Sun Zi et de Wu Qi. Car « si l’on ne fait que comparer nos stratégies avec les leurs au lieu d’appliquer ce qu’il y a de meilleur dans ces dernières, on n’aura plus de maîtres à suivre.» (Annexe du Chapitre 14 de L’article sur l’entraînement des chefs militaires = Lian Jiang Pian et Les questions – réponses sur l’entraînement des chefs militaires = Lian Jing Hou Wen, préambule Ji Xiao Xin Shu).

-Il faut étudier et appliquer les classiques, mais il faut aussi et surtout les adapter aux situations réelles et actuelles. « maîtriser les principes, mais sans s’en tenir strictement à la lettre ». (Tome 6, L’article sur l’entraînement des chefs militaires = Lian Jiang Pian). Autrement dit, il faut comprendre le sens essentiel mais pas simplement copier les anciens concepts.

-QI Jiguang ne partage pas le point de vue qui dit que les chefs servent à commander et que de ce fait il n’est pas nécessaire d’apprendre l’art du combat. Pour QI Jiguang, il est vrai que le travail essentiel des chefs est de commander l’action des drapeaux et des tambours, mais, pour connaître les formations ennemies ainsi que leur puissance, il faut se rendre sur place et se mettre devant les rangs. Sans la parfaite maîtrise de l’art du combat, le chef militaire ne peut se rendre parfaitement compte de sa force et de ses faiblesses. De plus, les chefs doivent enseigner l’art du combat aux soldats, s’ils ne le maîtrise pas eux-mêmes qui va pouvoir former les soldats ? Les instructeurs professionnels extérieurs à l’armée ne sont souvent motivés que par l’argent et  ne connaissent souvent pas non plus les situations rencontrées au cours des combats, donc ils n’enseignent que des techniques plaisantes à voir sur un terrain d’entraînement, mais peu efficaces au combat, ce qui peut entraîner pour les soldats la perte de vie. Si l’on exige des chefs qu’ils donnent l’exemple aux autres, alors, sans exception, dans l’entraînement des techniques de combat, ils doivent également devancer les autres. La maîtrise de chaque arme est le travail du soldat, mais la combinaison des armes, les formations des troupes, les connaissances des fonctions des différentes armes sont de la responsabilité des chefs. Comme indique QI Jiguang « Si l’on veut être un chef omniprésent, il faut connaître toutes les armes et les techniques de combat mais on n’est pas obligé de tout maîtriser. Sur cette base, il faut sélectionner une ou deux armes et s’en faire une spécialité et l’exercer jusqu’à la perfection car cela servira comme art de combat. Quant aux connaissances, elles servent à l’entraînement des soldats ».

En résumé pour QI Jiguang, la formation des chefs militaires doit se faire en deux étapes :

1/ l’études de la théorie

2/ la pratique

1/ Pour l’étude de la théorie, il faut lire les œuvres classiques. Il y a plusieurs sortes de lectures qui sont recommandées par QI Jiguang.

–         A/ celles qui concernent la culture de la morale, par exemple : « Traité de la piété filiale = Xiao Jing », « Traité du dévouement = Zhong Jing», « Meng Zi », « Da Sui », « Le juste milieu = Zhong Yong » etc.

–         B/ celles qui concernent les connaissances militaires, par exemple : « Les sept œuvres classiques de traité militaire = Wu Jing Qi Shu », « La Bibliographie des cents généraux = Bai Jing Zhuan ».

–         C/ celles qui concernent la culture générale : « La bibliographie de la Dynastie  Printemps et été = Chun Qiu Zhou Zhuan », « Zi Zhi Tong Jian ».

Pour certaines de ces œuvres, il ne faut pas seulement les lire, il faut y réfléchir, les réciter et les retenir par cœur. Par exemple, pour « La bibliographie des cent généraux », après la lecture, il faut se demander qui sont les généraux exemplaires et qui ne le sont pas ; qui a réussi à accroître sa réputation et comment ou qui au contraire, l’a noirci par sa propre conduite ; et également, si l’on se trouve dans les mêmes situations de décision qu’eux, quelle va t’être notre façon d’agir? Le but des lectures est d’établir des principes de discernement et de renforcer la détermination. QI Jiguang ajoute :« Quand l’on a la détermination dans le cœur, on n’est plus en proie au mal ni à la peur. On ne recherche pas les récompenses et on n’évite pas les punitions, enfin on garde son esprit éveillé en permanence » (Lian Pian Ji Shi Za Ji , Xu Lian Tong Luen p.145). Un chef militaire ne peut préserver son « état d’esprit » que s’il se voue tout entier à son pays. Il ne peut bien combattre que s’il contrôle tous ses désirs et ses passions égoïstes. Sans désir personnel, le courage est un vrai courage, celui qui aime la fortune a obligatoirement peur de la mort, ce qui le rend inévitablement peureux. Sans désir égoïste, l’esprit sera dégagé, et  perspicace. Avec les généraux courageux et perspicaces, on peut obtenir les victoires. Quand QI Jiguang parle d’étouffer les désirs, ceux ne sont pas tous les désirs, mais ceux qui ne correspondent pas aux critères de l’intégrité morale : courir après les titres, les récompenses, les avantages et la fortune. Mais, ici, il fait la distinction entre ceux qui les reçoivent naturellement suite à des actions d’éclat et ceux qui les recherchent à dessein.

Afin de réaliser toutes ces lectures, il demande à ses officiers d’étudier sans relâche tous les jours après le dîner et avant de dormir et surtout d’adopter un comportement autodidacte. Ceux qui savent lire doivent étudier tout seul et les autres, écouter les lectures.

Après la lecture, c’est la pratique qui doit prévaloir. La tactique ne peut être efficace que si elle est applicable aux situations des batailles menées par nos propres troupes, aux dispositions du terrain et aux réactions  ennemies. Donc, ceux qui ont l’expérience des combats doivent l’améliorer en étudiant les grandes œuvres classiques ; ceux qui ont beaucoup étudié selon les œuvres doivent les compléter par de véritables expériences au combat. Les chefs formés de cette façon seront imbattables.

 

Le début de la formation des militaires (les soldats et les chefs) remonte à la dynastie de Shang Zhou. A partir des dynasties des Song et des Ming, il existe « une école de pensée militaire », qui s’intéresse à la formation des officiers généraux. Mais, cette école de pensée s’évertue surtout à fournir les indications sur la sélection et la nomination des généraux sans s’intéresser à leur entraînement. QI Jiguang a eu le mérite de compléter cette école de pensée en traitant de l’étape aval qui concerne la formation des officiers après les avoir recrutés et nommés.

d) Les divers éléments dans le contrôle des troupes ainsi que leurs inter-relations :

QI Jiguang ne s’intéresse pas uniquement à la sélection des soldats, à l’enseignement des techniques militaires, à l’entraînement des soldats et des officiers généraux, mais en plus il étudie les principaux éléments qui composent l’armée : l’homme, l’arme, les soldats, les chefs ainsi que leurs interrelations.

– L’homme et l’arme–

Dans le Tome 4 intitulé « Les pieds et les mains » (= Shou Zu Pian, Tome 4 de Lian Bing Shi Ji et 14 de Ji Xiao Xin Shu), QI Jiguang a indiqué que « Si on possède de très bonnes armes mais que l’on n’a pas de bons soldats, ce sont des dépenses inutiles ; Si il y a de bons soldats mais qui sont dotés de mauvaises armes, c’est peine perdue ». Ce que veut nous faire comprendre le général QI Jiguang est que pour une armée, il faut de bons soldats mais également de bonnes armes, l’un ne pourra pas être efficace sans l’autre. Parmi ces deux conditions, la condition de la valeur de l’homme est déterminante, car l’arme n’est qu’un outil qui ne peut qu’être utilisé par l’homme et non le contraire donc il s’agit pour lui d’une condition secondaire. Quand les soldats sont motivés et courageux, ils arrivent à vaincre l’ennemi même avec des armes non sophistiquées.

– L’entraînement des soldats et des chefs militaires–

Tous les membres de l’armée, qu’ils soit en soldats ou généraux, tous doivent être entraînés. On ne peut obtenir de victoires qu’avec de bons soldats et de bons généraux. On ne doit pas mettre l’accent sur l’un en négligeant l’autre, car les deux sont aussi importants. Si l’on doit comparer ces deux catégories, c’est l’entraînement des chefs militaires qui est encore plus déterminant. QI Jiguang dit :« il faut tout d’abord prendre en considération l’entraînement des officiers généraux, ensuite, celui des soldats ». Quand l’on arrive à avoir de bons officiers, on aura ensuite de bons soldats. Lorsque l’on forme des chefs, c’est comme traiter le principal. Si le principal est mal maîtrisé et que l’accessoire est bien pris en compte, rien ne peut se dérouler harmonieusement ». (Tome 6, L’entraînement des chefs militaires = Lian Jiang Pian, de Lian Bing Shi Ji et Tome 8 de Ji Xiao Xin Shu). En d’autres termes, sans de bons généraux, il ne peut y avoir de bons soldats (dans le sens d’efficacité d’ensemble), l’entraînement des généraux est la base de toute la formation et de l’entraînement militaire. Des chefs mal formés, ne peuvent pas bien entraîner  les  soldats, car les soldats doivent suivre l’exemple des chefs.

– Les vertus et les talents des chefs militaires–

Selon QI Jiguang, les chefs doivent avoir les qualités suivantes :la vertu, le talent, les connaissances, l’art du combat. Contrairement à la pensée de l’époque qui considère que le talent est la qualité essentielle pour un officier, QI Jiguang pense que c’est la vertu qui est  plus importante. « C’est bien d’avoir du talent et de maîtriser l’art du combat, mais, encore faut-il avoir l’esprit fidèle, ainsi il devient un exemple de vertu[36] ». Si le chef a l’esprit loyal, il ne se passe pas une seule journée sans qu’il ne pense aux affaires de l’Etat. Avoir le talent du commandement mais sans la conviction, c’est être un chef sans vertu donc, à la  renommée imméritée. Si l’on ne tient pas compte de ce précepte et qu’un tel chef est choisi pour diriger les troupes, alors, il se comportera en chef opposé, fier et égoïste. Comment peut-on compter sur de tels chefs pour protéger la population et défendre le pays ? c’est pourquoi l’entraînement des généraux et extrêmement important, et est basé sur l’entraînement de l’état d’esprit.

– L’entraînement de l’esprit courageux et de l’art du combat–

Dans l’entraînement des soldats, il y a l’entraînement de l’esprit courageux et celui de l’art du combat. Parmi ces deux domaines, c’est le 1er qui est plus important, car l’esprit courageux couvre toutes les qualités foncières du soldat. QI Jiguang dit : « l’entraînement au courage est essentiel » et  « le contrôle de l’esprit est le pivot du commandement[37] ». Il n’approuve pas le point de vue de Yu Da Yu qui pense que le soldat aura le courage que si il possède la bonne maîtrise de l’art du combat ; il ne partage pas non plus l’avis de He Da Liang, qui dit que « l’art est à l’origine du courage ». En effet, pour QI Jiguang, l’art du combat ne peut rendre les soldats plus courageux qu’ils ne le sont. Mais pour ceux qui ne le sont pas, le fait de maîtriser quelques notions de l’art du combat ne suffisent pas à elles seules à les rendre courageux, il faut en plus et surtout former la nature psychologique des soldats afin d’améliorer leur esprit courageux.

– Le cœur et l’esprit–

Pour QI Jiguang,  « l’esprit courageux  a une apparence visible sur les individus, mais sa racine est dans le cœur de l’homme». En effet, le courage peut n’être que le  reflet de la bonne formation de la nature psychologie du soldat. Alors que le courage qui provient essentiellement du cœur est un vrai courage donc, il est durable et ne recule devant aucun obstacle. L’esprit et le cœur sont à la fois différents et intimement liés. Pour obtenir un résultat visible de l’extérieur, il faut travailler son intérieur.

– Le vrai et le faux esprit courageux–

Selon le général QI Jiguang, il existe deux sortes de courage : le vrai et le faux courage. Le vrai courage vient du cœur, et le faux, vient d’ailleurs que le cœur, par exemple, le courage basé sur la maîtrise de l’art du combat, l’exaltation,  l’entraînement militaire. Mais, ce genre de courage ne peut pas durer car, il s’estompe bien souvent aux premières rencontres d’ obstacles. Il n’y a que le vrai courage qui est indémontable et qui peut traverser les « cent preuves » sans aucune défaillance. Parfois, quand bien même ce courage subirait quelques baisses d’intensité, par le biais de l’entraînement du cœur, on arrive à le recharger. Ce qui rend encore plus nécessaire cet entraînement, même pour les gens naturellement courageux.

– La bonté et l’autorité–

Pour que l’entraînement soit efficace, on doit utiliser à la fois la récompense et la punition, la bonté et la prestance. Car, l’utilisation uniquement de l’affection, de la récompense et des faveurs ne suffisent pas, il faut en plus les compléter par la punition, la menace et l’autorité, on ne peut pas réussir pleinement l’entraînement si l’un de ces deux aspects manquent. Selon QI Jiguang, « la grâce est comme l’apparence et l’autorité, son ombre. Quand la forme est en mouvement, son ombre la suit. La forme, c’est l’apparence, et quand elle est en immobile, son ombre l’est aussi. Si la forme est grande, l’ombre l’est également, son contraire est aussi vrai ». QI Jiguang pose le problème de la manière suivante : « Comment peut-on accorder des faveurs si l’on a supprimé l’autorité, c’est un peu comme avoir un objet sans son ombre. Comment peut-on l’emporter si l’on ne démontre que de l’autorité sans bonté, c’est comme avoir une ombre errante. Si l’on prend comme exemple un bateau, la bonté représente la coque du bateau, et l’autorité, le gouvernail » (œuvre complémentaire de QI, « Zhi Zhi Tang » . de Yu Yu Gao ).

– L’art du combat régulier et l’art du combat fantaisiste–

QI Jiguang, en accord avec le contexte réel de l’époque et ses propres expériences, distingue deux sortes d’art du combat : le vrai et celui qu’il qualifie de « fantaisiste ». Pour lui, les soldats doivent apprendre et s’entraîner selon les règles de l’art du combat régulier et utile, c’est à dire, l’art que l’on peut appliquer concrètement quand l’on affronte l’ennemi. Chaque formation, chaque position doit correspondre le plus possible à des situations réelles ; chaque jour passé à l’entraînement doit prouver son efficacité lors du combat. Chaque arme doit démontrer son utilité dans la formation de combat. A l’opposé, il est tout à fait contre l’idée d’entraîner les soldats avec un genre d’art du combat, qui selon lui, n’est utile que pour la démonstration artistique. C’est art est souvent très sophistiqué et esthétique, mais aussi inefficace pour causer des dommages à l’adversaire, que pour assurer sa propre défense. Le général QI Jiguang  interdit formellement l’usage de cet art du combat fantaisiste, car il estime que ce genre d’art de combat non seulement fait perdre beaucoup de temps lors de l’entraînement et en plus peut causer de très graves torts

En résumant tout ce que l’on a vu ci-dessus, on peut dire que parmi toutes les œuvres de QI Jiguang, la théorie sur l’entraînement de l’armée est l’une des plus complètes, innovatrices et sophistiquées. Car, dans cette théorie, il ne s’agit pas uniquement de donner un canevas pour conduire l’entraînement, mais en plus, il exprime ses points de vue sur :      

  • §    les facteurs à prendre en compte;
    • §        les relations entre ces facteurs ;
    • §        les bases les plus importantes les unes rapports aux autres ;

Cette théorie a encore plus de valeur, parce qu’elle est logique, et s’approfondissant par palier :

–         le 1er palier stipule que pour l’entraînement de l’armée, il faut s’y prendre par les deux bouts : les hommes et les armes

–         le 2ème palier : explicite les catégories d’hommes qui composent une armée, ils sont soient  soldats (officiers, sous-officiers et militaires du rang), soient généraux. Pour ce qui concerne les armes, il explique qu’elles sont de différentes sortes et utilités.

–         dans le 3ème palier, il continue à détailler les éléments qui concernent les généraux et les soldats ;

Ainsi de suite, il dévoile étape par étape, palier par palier et bien concrètement comment arrive-t-on non seulement à former l’armée mais aussi et surtout à entraîner cette armée jusqu’à ce qu’elle devienne une armée invincible.

En plus de cela, il nous indique aussi que pour arriver à un but, il faut que tous les éléments forment un ensemble bien harmonieux : l’on commence toujours par la vision globale et entière puis, on entre au fur et à mesure dans les détails, mais pas le contraire ; et que aucun élément ne doit être négligé et aucun ne doit exister isolément.

Avant QI Jiguang, aucun stratège n’avait encore établi une théorie aussi complète sur l’entraînement et l’application concrète des grands principes. Sans avoir une armée bien formée, aucune victoire ne peut être possible. C’est bien cette pensée et son prolongement concret qui est à l’origine de toutes les victoires remportées par l’armée du vieux général. Telle est toute la valeur de la stratégie du général QI Jiguang.

2.2- Une stratégie combinée d’attaque et de défense

a) Projeter un bon plan avant de faire la guerre :

Pour engager une bataille surtout une grande bataille dans laquelle seront commis des milliers, des dizaines de milliers voire des centaines de milliers de soldats, la clef décidant de l’issue de celle-ci réside dans l’échafaudage d’un bon plan. Sun Zi disait qu’avant la guerre, si les projets (planification d’aujourd’hui) de la cour impériale pouvaient vaincre l’ennemi en raison de leurs caractéristiques très complètes, les conditions de la victoire étaient remplies. Si les projets à l’inverse n’obtenaient pas le succès escompté sur l’ennemi, c’était parce que ces derniers se révélaient être trop imparfaits (incomplets) et les conditions de succès non satisfaites. Quand les projets sont complets, les chances de victoire sont entières. Les ennemis peuvent être vaincus. Si les projets ne sont pas complets, les conditions de victoire ne sont pas suffisantes et les ennemis ne peuvent pas être vaincus. Il est inconcevable de ne pas avoir de solides projets lorsque l’on rentre en conflit, car cela signifierait l’inexistence des conditions de victoire. Par ces observations simples, il est possible de prévoir l’issue d’une bataille voire d’une guerre. Dans une guerre, il faut non seulement planifier un plan global élaboré par les mandarins de la cour impériale pour obtenir un résultat précis, mais aussi que les généraux  préparent leurs projets avant chaque bataille pour en déterminer l’issue. QI Jiguang disait : « Il existe trois types de grandes batailles ;

         -une bataille bien projetée (planifiée)

         -une bataille de grand courage

         -une bataille d’idiot ».

Une bataille bien projetée est ce qu’il y a de plus calculé. Une bataille de courage est une façon de donner son cœur à sa patrie en attaquant les ennemis, mais sans savoir exploiter au mieux les affaires militaires dans la vie quotidienne. Une bataille d’idiot se caractérise par une méconnaissance des ennemis et de soi-même[38]. QI Jiguang est tout disposé à donner son cœur à la cour, mais il ne préconise pas une bataille de courage et surtout pas une bataille d’idiot. En revanche, il préconise de toujours mener des batailles bien projetées.  Il se montre plus précis en affirmant qu’il faut calculer la victoire totale dans tous ses détails avant le commencement de la bataille[39]. Il disait également que :  « dans les affaires militaires, il ne faut pas prendre le court pour le long et qu’il faut toujours être plus fort que l’adversaire. S’il a de bons arcs et flèches, que possédons-nous pour vaincre les arcs et les flèches ; s’il a de bons sabres que possédons-nous pour vaincre ses sabres ; s’il a des dizaines de milliers de chevaux, que possédons-nous contre ses chevaux ?. Il faut rendre l’adversaire moins fort que soi à tous les niveaux ». Toutefois il est inévitable de commettre des fautes de dernier instant même si tout est bien planifié. Mais on ne peut pas dépendre de la chance (QI Jiguang dans « une lettre au supérieur pour exposer l’administration militaire » chapitre 350 du recueil des textes de l’administration de Ming). En juin 1570, QI Jiguang convoque tous ses généraux de Jizhou à sa résidence dite « zhi zhi tang » dans la région de San Tun Ying. Il leur exposa son analyse complète de la guerre à mener contre les tartares venant du nord. Il démontre que  la défense de Jizhou est différente des villes telles que xuanfu, Datong, et shan-xi …Il prévoyait qu’une attaque des tartares comprendrait plusieurs centaines de milliers d’hommes. Que les armes utilisées par les tartares dans la profondeur seraient de très forts arcs et de puissantes flèches. Que pour les combats rapprochés, les tartares utiliseront des cavaliers aux sabres courts, la puissance des chevaux est inégalable et un soldat pourra avoir plusieurs chevaux, de ce fait ils pourront mener plusieurs combats à la suite ou indépendants. De plus, les tartares affichent une parfaite motivation. QI fit le constat que même si les armées des Ming ripostaient à de telles attaques avec les mêmes moyens, armes et équipements, les formations Ming ne seraient pas aussi fortes que celles des ennemis. Il rapporte de plus, que même si les troupes Ming n’appliquent que le combat d’infanterie sans appui de la cavalerie, les armures des troupes sont trop anciennes et usées pour parfaitement les protéger contre les assauts de la cavalerie tartare. Même si les armées Ming possèdent des armes à feu, elles comportent encore beaucoup de points faibles tels que la qualité de leurs hommes et leurs méthodes de manipulation des armes. Ces principales faiblesses suffisent à gêner l’arrêt du déferlement des cavaliers tartares qui est semblable à une montagne qui s’éboule ou la terre qui se fend. Enfin, les soldats Ming sont pour la plupart âgés et physiquement peu entraînés, la cohésion des formations est quasi inexistante (mépris des officiers envers le reste de la troupe). Dans de telles conditions, il conclu qu’il est impossible de gagner la guerre.

Selon la théorie des « projets de la cour impériale », la thèse que soutien QI Jiguang sur ce sujet est perçue par les autorités comme un constat final. Mais pour QI, c’est seulement un commencement. L’inventaire des conditions de réussite ou d’échec dans un affrontement avec les tatares  n’a pas pour but de justifier à priori l’impossibilité de vaincre les mongols, mais bien de créer le sursaut nécessaire pour changer cette réalité.

L’exemple de la bataille de Jizhou (ville de Jixian aujourd’hui, et de la passe de Xifengkou, voir graphique 9) nous donne un aperçu commenté du développement de la potentialité positive que l’on doit s’appliquer à soi et la création des conditions pour vaincre les ennemis que QI Jiguang propose de développer. Il dit que : « les ennemis arrivent toujours à plusieurs centaines de milliers de combattants et face à eux les soldats de Jizhou ne sont que 100.000 ». Par ailleurs, à partir de 10.000 soldats, il n’est pas possible d’utiliser la méthode d’attaque qu’il qualifie de « clandestine » (le mot guérilla n’était pas du vocabulaire de l’époque). Il faut alors faire ouvertement face aux ennemis et remporter une victoire totale sans essuyer le moindre fléchissement ou accepter la moindre perte de terrain[40]. Il ne faut donc pas utiliser les mêmes armes que l’ennemi, il faut utiliser des armes plus performantes que celles utilisées par les armées ennemies afin que l’on puisse gagner dès l’échange des premiers coups. Comment créer les conditions favorables pour vaincre l’ennemi?. Selon la pensée militaire de QI, la première chose est de faire attention aux généraux. Il a convoqué de ce fait tous ses généraux à sa résidence de Zhi zhi Tang en demandant un changement radical dans leur comportement vis à vis de la troupe, de relancer l’esprit de défense et la volonté de victoire dans l’ensemble de la ville. Il dit à ce propos :  « si vous pouvez montrer la vrai volonté pour aimer nos armées, entraîner nos soldats et combattre, penser toujours aux meilleurs moyens de vaincre les ennemis, de bien fabriquer les armes, de bien sensibiliser les troupes sur la vie en campagne. D’assurer les tours de garde en faisant en sorte d’alterner les jours de permanence et les jours de repos, mais également de bien informer les familles sur le risque et la disponibilité que requiert notre métier. Il est important que les soldats sachent que faire la guerre c’est comme mourir, et c’est à ce prix que les batailles seront gagnées ». Il est important que selon les croyances populaires, le soldat se comporte comme un mort qui traverse une route pour vivre, sans cette considération, la fin du soldat sera la mort par l’ennemi ou par le non respect de la loi militaire.

Ce qui est important pour QI, c’est que s’opère un véritable changement de mentalité pour les soldats qui montent au combat, seule alternative pour ne pas s’engager sur « une route de mort sans libération ». L’autre aspect fondamental, est de bien diriger les généraux, qui sont la clé de voûte de son système. En effet, les généraux sont en première ligne pour entraîner concrètement les soldats, ce sont eux qui surveillent la fabrication des armes, et ce sont eux qui aiguisent la volonté de la troupe. Pour diriger les généraux, QI sait que la chose la plus importante est de diriger leur pensée. Si il réussit cela, alors toutes les conditions seront réunies pour obtenir les meilleurs résultats dans la défense de la ville de Jizhou.

Cependant, alors qu’il tentait de changer les mentalités, plus concrètement, QI faisait pourvoir à la restauration des murs frontaliers de la grande muraille, réaménageait l’articulation des armées, faisait améliorer les armes à feu et les équipements individuels de protection des combattants, tout cela afin que les troupes des Ming regagnent un avantage psychologique sur l’envahisseur et acquièrent une position supérieure digne d ‘assurer la victoire.

Toutefois, entre Sun Zi et QI Jiguang, l’interprétation de la notion de « projets de la cour impériale » est fort différente. En effet, alors que Sun Zi considère les projets de la cour impériale comme un moyen de prévoir le résultat d’une guerre[41], QI en revanche n’exclu pas cette interprétation mais ajoute que ces projets doivent être vécus comme des moyens de se préparer à la guerre. Grâce aux projets de la cour il est possible de déterminer les points faibles qui ne permettent pas d’assurer la supériorité immédiate des troupes des Ming sur l’ennemi. Néanmoins QI Jiguang apporte une précision sur l’amélioration des points faibles en ajoutant « qu’il faut le faire selon une logique globale affinée, c’est à dire du plus essentiel au plus anodin[42] ».

La méthode de « la bataille bien projetée » de QI montre non seulement qu’il faut être dans une position dominante au moment du déclenchement de la guerre, mais aussi que l’on doit l’être dans la phase de préparation de la guerre. Pour la bataille de la ville de Jizhou, QI analyse les possibilités d’attaque de la part des tartares.

         1-les ennemis  rassemblent leur force pour opérer l’attaque sur un front. Dans ce cas, QI estime qu’il peut organiser la résistance de la ville, et garder le pays de toute invasion par la passe de Xifengkou.

         2-les tartares attaquent par deux directions, l’une à l’extrême est, l’autre à l’extrême ouest, mais les colonnes sont d’inégales importance. Alors, dans ce cas il sera plus judicieux de protéger la partie exposée à la colonne la moins forte, afin d’obtenir une victoire rapide puis de basculer les forces sur la seconde colonne plus forte.

Dans les deux possibilités d’attaque, QI trouve la parade militaire ce qui fait de lui un stratège respecté, de plus il connaît bien les tartares et sait qu’ils ne joueront pas des deux possibilités en même temps. De ce fait QI prévoit deux projets de défense, l’un qui envisage une sortie en force de la ville pour surprendre et désorganiser les forces ennemies en marche sur la ville, l’autre qui n’est qu’un projet de défense des murs en plusieurs étapes (en série, traduction chinoise).

   En premier lieu, dès l’annonce de l’approche de l’ennemi, il envoie des soldats en embuscade ou en évidence pour attaquer,  pour ralentir la progression des ennemis et pour toujours les tromper quant aux véritables intentions des défenseurs de la ville. Cette tactique permet par ailleurs de bien organiser en arrière les lignes de défense.

   En second lieu, lorsque l’ennemi arrive aux pieds des fortifications de la ville, il faut le harceler afin de lui causer le plus de pertes.

   En troisième lieu, si les ennemis pénètrent dans la ville, il faut immédiatement colmater et repousser vigoureusement la pénétration en engageant de fortes troupes. Enfin, lorsque l’ennemi se repli, il faut continuer de le harceler par des embuscades de fantassins et des charges de cavalerie. Il faut poursuivre l’ennemi au plus loin, même au cœur de ses camps, QI se propose de diriger personnellement avec des troupes d’élite, ces missions. Car ce qui importe le plus c’est de mettre fin à la guerre en ayant obtenu les résultats escomptés, qui sont la destruction irrémédiable de l’ennemi (dans le vol. 350 du recueil des textes sur l’administration du monde des Ming – rapport au gouvernement pour poursuivre l’ennemi). Ainsi, QI insiste sur le fait que toutes les situations de guerre doivent être prévues, notamment dans les configurations positives pour les troupes Ming. Cet état de fait doit mettre dès le début des combats, l’ennemi dans une posture négative.

Le projet de guerre est très important , mais alors comment préparer un bon projet ?. QI dit que « la réussite des projets établis par la cour impériale avant la guerre est liée à la bonne anticipation (compter en chinois, la notion de décompte) ». Cette notion de décompte, ou d’anticipation est certainement l’essentiel de la stratégie militaire de l’époque. Mais, il est au préalable sage de connaître l’état de ses propres forces et celui de l’ennemi. Car, si on ne détient pas suffisamment de renseignement sur l ‘ état de préparation des forces ennemies il est difficile de rédiger et de mettre en application les « projets de la cour impériale ». Appréhender le plus précisément possible la situation de l’ennemi est une condition indispensable et préliminaire pour établir les « projets de la cour impériale ». Pour bien connaître la situation de l’ennemi, il faut espionner.  QI rappelait qu’au cours de toutes les époques seuls les généraux prudents et jugés particulièrement bons étaient affectés à la surveillance des frontières et que ceux-ci avaient toujours tirés avantage des tours de vigie égrenées le long de la grande muraille et lancés des patrouilles sur longue distance afin de reconnaître et de ramener des renseignements sur les mouvements de l’ennemi. QI de rajouter que « les patrouilles et l’observation d’en haut sont les premiers gestes de l’administration militaire » (dans « les dispositions juridiques pour augmenter les patrouilles » vol.3 du recueil sur l’entraînement militaire et dans « les conventions de la route Din-Fu »). Ainsi, QI reconnaît que le renseignement sur la situation de l’ennemi est une des choses les plus importantes de la stratégie et de la tactique militaire, tant pour les opérations offensives que défensives.

Si la situation de l’ennemi n’est pas bien connue avant l ‘élaboration des projets de la cour impériale, ceux-ci seront de facto peu pertinents et par voie de conséquence la conduite de la guerre sera hasardeuse. Pour reprendre l’exemple de la préparation de la bataille de la ville de Jizhou, QI afin d’anticiper l’attaque envoya massivement des éclaireurs et des espions rechercher le moindre détail sur le comportement de l’ennemi (on avance un chiffre de 5000 hommes). QI ne fait que reproduire ce qu’il faisait déjà dans le sud au cours de sa campagne contre les Wokou, où il envoyait de nombreux éclaireurs afin de connaître à tout moment les intentions des pirates et leur environnement topographique et maritime. Avant chaque attaque, QI envoyait des éclaireurs proches d’une valeur de 100 à 200 soldats qui étaient chargés de se fondre chez l’ennemi et autour, et de rapporter tout les évènements qui touchent l’ennemi (sorties de camp, entrées, effectifs, parcours de reconnaissances…). Ainsi l’ennemi se dévoile à son insu et à partir de ces informations QI dresse soit des maquettes, soit des cartes avec des couleurs rouge et noire pour illustrer clairement la situation de l’ennemi[43]. Puisque tous les officiers des troupes de QI connaissent les positions et les intentions ennemies, ils ne peuvent que positionner au mieux leurs soldats et s’assurer de la victoire. C’est pour cette raison que QI a remporté ses nombreuses victoires dans le sud de la Chine.

A ce stade de la réflexion stratégique de QI Jiguang  « d’une guerre bien projetée », on peut résumer sa pensée de la façon suivante :

         1-avant la guerre, il faut observer et estimer le plus objectivement possible la puissance de l’ennemi (qualité des soldats et des équipements) et fournir les efforts nécessaires à l’entretien d’une ambiance favorable pour écraser l’ennemi.

         2-avant la guerre, il faut également juger les mesures et moyens pris par l’ennemi pour s’assurer de la victoire et les contrer un à un afin de ne pas compromettre nos chances de victoire.

         3-pour bien préparer les deux points observés ci-dessus la clé de voûte est la connaissance de la situation ennemie basée sur l’effort de reconnaissance et la stratégie qui en découle.

La pensée de QI Jiguang sur « la guerre bien projetée » montre une règle générale et fondamentale dans l’histoire de la guerre en Chine comme à travers le monde. Cette règle est  qu’une bonne préparation de la guerre fonde solidement les chances de succès à venir.    

b) Transformation selon les situations ennemies et préparer la victoire en accord  avec les situations ‘du moment’ :

Un pays, ou un peuple à une période donnée peuvent devoir affronter des ennemis de natures différentes. L’exemple de QI Jiguang en offre une assertion vérifiée, il a affronté au long de sa carrière les pirates japonais, il a réprimé les révoltes paysannes du centre de la chine (les brigands de montagne), enfin il a combattu les tartares sur la frontière nord de la chine. Pour faire face à autant de diversité, il aura fallu élaborer et appliquer des stratégies et des tactiques souvent variées. En effet, les Wokou agissaient par subterfuges visant à attirer les troupes impériales dans de véritables embuscades, il n’existe pas un moyen unique pour répondre à toutes les formes de combats. QI Jiguang le sait et il considère qu’un chef militaire qui sait diriger ses hommes au combat est capable de faire face à chacune des nouvelles situations ennemies[44]. Il disait également que « seul l’aspect tactique pouvait prévaloir lors d’un combat car cet aspect ne pouvait être appréhendé en temps réel par l’ennemi »(la traduction dit : que la forme ne peut être aperçue, dans le rapport de QI Jiguang sur l’administration de Guangdong – chapitre 346 du recueil de textes sur l’administration du monde des Ming). S’adapter selon la situation de l’ennemi est également une règle de portée générale que QI n’a de cesse d’asséner à ses généraux. Sun Zi a dit :  « la forme des armées est semblable à l’eau ; l’eau coule naturellement vers le bas et en suivant la topographie. Aussi, les armées doivent éviter les pleins et attaquer les vides », c’est à dire s’adapter sans cesse aux nouvelles configurations de l’ennemi. En effet, à la guerre, la puissance n’est  pas constante comme l’eau qui revêt en permanence des formes différentes, aussi celui qui veut gagner la guerre doit profiter des situations de l’ennemi, c’est ce que Sun Zi appelle le « génie » (dans l’art de la guerre – chapitre des vides et des pleins). C’est à l’origine des écrits de QI sur la transformation des armées selon les situations de l’ennemi. Toutefois, tant dans le discours que la pratique, QI Jiguang donne une interprétation de ce principe plus riche. Globalement, il existe deux points distincts :

         -Premièrement, en fonction des différentes variétés d’ennemis il est nécessaire d’utiliser différentes stratégies et tactiques. C’est autant pour s’assurer une supériorité de tous les instants que pour faire face aussi aux différentes postures et stratégies ennemies. Par exemple, pour faire face aux envahisseurs du sud (les Wokou) et du nord (les tartares), les stratégies adoptées par les empereurs Ming ont été toutes les deux défensives. Pourtant QI Jiguang  a estimé plus adapté d’appliquer une stratégie offensive vis à vis des pirates japonais en lançant des attaques, qui ont été baptisées attaques défensives et répressives pour ne pas froisser la pensée impériale. En revanche, face aux tartares du nord, la stratégie du général QI Jiguang a bien été une stratégie défensive, c’est à dire basée sur une protection poussée des passes tout au long de la grande muraille. Bien entendu, il a également combiné, chaque fois que de nécessité l’offensive et la défensive. Du point de vue tactique, QI Jiguang utilisait pendant la guerre contre les envahisseurs du sud les postures du « canard mandarin » et « d’une tête, deux ailes et une queue ». Il disait que la posture du canard mandarin était adaptée à la topographie du Zhejiang et aux manœuvres des bandes de pirates. Mais au nord de la chine, la topographie était bien différente. Il y a la présence de grandes plaines. Les tartares attaquent toujours à plusieurs dizaines de milliers de cavaliers, ce qui rend la manœuvre trop rapide pour adopter la position du canard mandarin. Au nord, QI utilise majoritairement les bataillons de chars, l’infanterie et la cavalerie.

         -Deuxièmement, au cours des combats, il est également nécessaire d’adopter différentes postures en fonction des réactions et des initiatives ennemies. Par exemple, lorsque l’on attaque l’ennemi en l’encerclant, il faut toujours laisser un côté vide (Sun Zi dans l’art de la guerre – chapitre sur la lutte militaire). QI Jiguang va plus loin en spécifiant que « la conduite d’un encerclement n’est pas unique et qu’elle dépend avant tout de la situation dans laquelle se trouve l’ennemi » (dans ji xiao xin shu – Tome.8). QI dit que « si l’ennemi exerce sur les armées Ming une poussée trop forte en raison du nombre plus important de sa troupe et d’une topographie qui peut être défavorable aux armées Ming, il est dans ce cas préférable de laisser un côté plus faible pour permettre le retrait de l’ennemi tout en essayant de le gêner par le montage d’embuscades. En revanche, si l’ennemi se révèle plus faible et que les armées de Ming le surclasse en nombre et que le terrain est globalement favorable, alors il est impératif d’encercler de toute part l’ennemi sans lui laisser la moindre chance de retraite ». Une fois de plus il faut se fier à l’observation en temps réel de la situation. Sun Zi dit qu’il ne faut pas croire à la défaite fictive, c’est à dire qu’il ne faut pas poursuivre l’ennemi quand l’impression que l’on peut se faire de sa défaite et de sa retraite paraît infondée. Sun Zi a raison reconnaît QI Jiguang, mais comment savoir concrètement si la défaite ou la retraite de l’ennemi sont fictives. QI Jiguang explique qu’il ne faut poursuivre l’ennemi que lorsque nous gagnons la guerre et sans précipitation  mais seulement centaine de mètre par centaine de mètre. Il faut prendre soin de se ré-articuler en permanence afin d’éviter d’être surpris par une réaction de l’ennemi. Ces ré-articulations sont ordonnées par les commandants des troupes engagées dans la poursuite de l’ennemi et non pas par le commandement suprême des opérations. La poursuite de l’ennemi doit s’effectuer sans répit et l’ennemi ne doit avoir de ce fait aucune opportunité de contre-attaque.  D’autre part il est tout aussi important dans une opération de poursuite, de mener des reconnaissances auprès de toutes les anfractuosités du terrain (collines, forêts…) et au plus près des fuyards afin d’éviter les conséquences de la défaite fictive de l’ennemi. En effet, celui-ci pourrait se mettre en embuscade et tenter d’encercler à nouveau les troupes des Ming. Par ailleurs, ce processus de reconnaissance couplée avec la ré-articulation constante du gros de la troupe Ming lancée en poursuite doit permettre de juger avec exactitude de la défaite réelle ou fictive de l’ennemi. Ainsi, si l’ennemi est en position d’échec avéré, QI Jiguang dit que « les troupes peuvent avancer sans hésitation et surtout sans laisser aucun échappatoire à l’ennemi ». Ces prescriptions concrètes permettent donc de ne pas tomber dans le piège de la défaite fictive et de laminer l’ennemi. QI Jiguang indiquait en plus, qu’en cas de nécessité tous les chefs de formations doivent donner des ordres pour diriger leurs batailles avec le plus de mobilité possible, sans attendre les ordres du commandement en chef. Le maître mot est bien la capacité de changer de méthodes de combat selon les circonstances imposées par l’ennemi afin d’être en posture pour l’anéantir (notion d’initiative).

c) Arranger la victoire selon la topographie :

La topographie des champs de bataille est une donnée extrêmement variable. Il y a des plaines, des montagnes, des vallées, des rivières, des rizières irriguées dans le sud de la chine et non irriguées dans le nord etc… . QI Jiguang considère que puisque la topographie est différente, les méthodes pour obtenir la victoire sur le champ de bataille sont aussi différentes (exposé sur l’entraînement dans « recueil de textes sur l’administration du monde des Ming » chapitre 347 et ji xiao xin shu chap. 8). Il prend pour exemple la tactique d’attaque du canard mandarin qui est bien adaptée aux conditions de manœuvre de l’ennemi dans le sud de la chine, mais plus particulièrement en raison de la topographie régionale du Zhejiang. En effet, cette région se caractérise par une forte présence de petites collines et de nombreuses rivières laissant le terrain très marécageux et peu propice aux grands mouvements d’ensemble et à l’engagement de moyens  de combat lourds. Mais, lorsque le terrain se fait plus ouvert, la position du canard mandarin devient la position des trois talents. De même, QI Jiguang fait remarquer que les classiques ont toujours affirmé que le combat dans les collines ne doit pas se faire vers le haut (Zhu ge lian – chap. 9 de l’administration militaire). Cela veut dire qu’il faut éviter d’avoir à attaquer des positions ennemies situées en hauteur. Face à cette assertion, QI s’inscrit en faux, car pour lui, des postures telles que le canard mandarin permet de mener des attaques victorieuses tant vers le haut que le bas des collines. En 1561 le combat de Shang Feng est un bon exemple à mettre au crédit de QI Jiguang : il s’exprima ainsi « j’étais autrefois au sud et les japonais que je combattais possédaient leurs bases dans les grandes montagnes, dans les forêts denses ou dans les vallées profondes, mais nos armées les ont vaincus au cours de combats du haut vers le bas comme du bas vers le haut ».

Mais, la topographie de la région de la ville de Jizhou (graphique 10) est très différente de celle du sud. QI Jiguang  montre que la région de Jizhou peut être partagée en trois compartiments. Une vaste plaine fait face à la ville, l’approche de ses remparts met en relief de petites zones assez escarpées, enfin de part et d’autre de la ville il y de grandes vallées et des montagnes. La différence de topographie rend nécessaire l’adaptation par la diversité des méthodes de combat.

Lorsque les tartares attaquent par la plaine, il faut utiliser une tactique mettant en œuvre les chars de combat, si ils s’en prennent aux premiers murs de fortification, il faut donner la cavalerie, enfin à l’intérieur de l’enceinte c’est le combat d’infanterie qui doit s’appliquer. C’est pour cette raison que QI Jiguang disposait toujours des trois forces au sein de ses garnisons.

Les classiques ont dit que l’avantage du « moment » (notion de temps) n’était pas plus important que celui de la position géographique. La prise d’une position avantageuse peut révéler l’intelligence d’un commandant mais celui qui tire avantage d’un environnement topographique pour vaincre l’ennemi est encore meilleur. QI Jiguang a montré que sans un terrain favorable au déploiement en sûreté des troupes Ming, tels que marais, rivières, collines, pitons…, ce qu’il appelle « des fosses à eau », les armées doivent donc occuper l’ensemble du terrain pour attendre l’ennemi et effectuer l’attaque dès que l’ennemi se présente. Dans le cas contraire, si l’ennemi ne rentre pas sur ce compartiment de terrain, il devient nécessaire de feindre une retraite afin de l’attirer dans les fosses à eau et de monter des embuscades afin de le détruire. Ainsi, connaître et s’adapter à la situation ennemie et tirer partie de la topographie avant et pendant les batailles, sont deux règles de portée générale qu’il convient de pratiquer si l’on veut obtenir le plus de succès au combat. QI Jiguang utilise l’expression suivante :  « bien sues comme mettre ses chaussures », pour bien nous en faire sentir l’aspect incontournable mais également naturel.

d) De grandes souffrances et détruire l’ennemi une fois pour toute :

QI Jiguang préconise l’attaque volontariste à l’encontre de l’ennemi afin d’arrêter son invasion. Il dit que pour faire face aux envahisseurs japonais, la seule façon de les dissuader de continuer inlassablement leurs raids, est de leur infliger de grandes souffrances et de les détruire complètement. Quand aux tartares du nord, il faut leur livrer une bataille décisive dont le succès est calculé à coup sûr (QI Jiguang in chap.2 du « livre sur l’entraînement des troupes », en ces termes- pour achever l’objectif une fois pour toujours).

Pour atteindre cet objectif, il est contre une division des moyens mais au contraire pour  une concentration de la force militaire. Il disait :  « les envahisseurs japonais ont des soldats bien entraînés. Nous devons leur opposer de très fortes et nombreuses armées, assurer un rapport de force équivalent à 5 soldats de Ming contre 1 wokou afin de s’assurer la victoire ». QI s’assure avant chaque bataille que ses troupes soient plus nombreuses et mieux équipées que l’ennemi. Lorsqu’il était commandant en chef à Taizhou dans le Zhejiang, il commandait une garnison de 4000 hommes. En temps de paix, il les divisait en deux pour assurer la surveillance simultanée de Sanmen et Lipu. Quand les japonais attaquaient, il ne divisait plus ses forces pour tenter de contrôler tous les points de débarquement des wokou, mais rassemblait toutes ses troupes en un ensemble compact et puissant pour s’attaquer successivement à chacune des escouades ennemies, toujours moins nombreuse et moins puissante que les troupes de QI Jiguang. Ainsi, il utilisait ses forces pour un seul but, réduire tour à tour chacune des formations ennemies avec comme objectif final de les défaire toutes totalement. Une autre façon d’illustrer ces propos peut être trouvée dans la bataille de Shan Feng Lin[45], au cours de laquelle QI Jiguang ne dispose que de 1000 hommes contre une troupe de 2000 wokou. Mais ces derniers sont étirés sur plus de vingt kilomètres, alors QI Jiguang applique « la position du long serpent », en concentrant ses forces pour attaquer le milieu du dispositif ennemi. Cette bataille partielle remportée, QI jiguang réussit à mettre l’ennemi en déroute puis à le réduire petits groupes par petits groupes grâce à la quantité rassemblée de ses troupes.

Quand QI s’estimait être dans une position défavorable, il se gardait bien de lancer une attaque brutale. Il s’attachait au préalable à diminuer les désavantages de sa position. Ainsi, en juin 1563, 10.000 wokou attaquent la ville de Fuzhou (dans le Fujian), QI Jiguang ne dispose sur place que de 6000 hommes pour empêcher les wokou de prendre cette ville. QI Jiguang demande des renforts de l’armée du Zhejiang et va à leur rencontre personnellement. Peu de temps ne s’écoule avant l’arrivée des renforts, ces derniers permettent à QI de disposer en tout d’une force de 10.000 hommes, soit autant que l’ennemi. Au moment où les wokou attaquent la ville de Fuzhou, chaque porte est prise d’assaut par des forces de 2000 hommes environ. Face à cela QI, concentre ses forces sur le défense d’un seul côté de la ville ce qui lui permet de briser l’élan ennemi de ce côté-ci puis il profite de ce succès pour défaire un à un les assauts ennemis sur les portes sud, est et nord. La ville ne sera pas prise et l’ennemi battu.

Au nord de la Chine, il préconise aussi de concentrer les forces pour la défense de la frontière. Il pense que la ville de Jizhou à une ligne défensive trop longue et que si on installe des soldats sur toute la longueur de cette ligne, il n’y aura certes, aucun endroit sans surveillance, mais également il n’y aura aucun endroit où la présence de soldat sera en nombre suffisant pour empêcher l’attaque ennemie. Il y a lieu donc de considérer plus précisément les postes d’observation nécessaires, les lieux qui doivent être impérativement gardés afin de concentrer les forces et de calculer le temps qu’il est exigé pour acheminer des renforts en tout point de la ligne de défense. Concrètement, d’une part QI répartissait ses soldats aux points névralgiques des murs de défense de la ville, d’autre part, il divisait son armée en trois groupes, afin de pouvoir la concentrer pour, premièrement renforcer la défense des murs de la ville, deuxièmement, si les murs tombaient à l’ennemi, la concentration des forces devait empêcher les tartares d’entrer dans la ville.

Attaquer là où la surprise est la plus totale, telle est la meilleure stratégie selon QI. Il l’utilisait très souvent afin d’atteindre l’objectif d’infliger de grandes souffrances à l’ennemi et de le détruire. Il utilisait beaucoup les tactiques de l’embuscade et de l’attaque de nuit, de la rapidité et de la mobilité dans la manœuvre, de la déception afin de cacher sa véritable force positive. Lors de la bataille de Hua-Jie (dans le Zhejiang) en avril 1561, les troupes de QI se déplacent à marche forcée jour et nuit de Ninghai à Taizhou afin de surprendre les wokou, ce qu’ils réussissent à faire, et lancent l’attaque aussi brutalement. La victoire est rapidement obtenue. C’est la surprise de cet assaut dans les rangs ennemis qui causa leur perte. Au cours du combat de Shan-Feng-Lin, QI mit en avant de ses troupes ses soldats d’embuscade dans les montagnes autour de la ville. Quand les éléments avancés de l’ennemi passèrent les cols, les hommes de QI attaquèrent si soudainement et violemment le milieu de la troupe wokou, la portion la plus faible de la longue colonne, que ceux-ci furent mis en déroute et réduits aisément. De même, en mai 1561, la bataille de Sansha (dans le Zhejiang) fut conduite de nuit à la totale surprise de l’ennemi qui fut massacré sans avoir pu répondre. En septembre 1562, QI fit courir le bruit dans les rangs ennemis, que ses troupes étaient fatiguées par un long déplacement et n’étaient pas disposées à attaquer les wokou avant plusieurs jours. Or, c’est la nuit même de leur arrivée sur zone que QI lança l’offensive, qui se solda par une mise en coupe réglée des forces ennemies. « Attaquer au moment où l’ennemi s’y attend le moins et par surprise. », ce précepte maintes fois répété de Sun zi était fort difficile à réaliser. Pourtant le général QI y avait réussit mais en plus il y avait ajouté la grande souffrance infligée à l’ennemi et la destruction de ce dernier.  

QI Jiguang se plaisait à répéter à ses officiers : « si nous voulons faire trembler de frayeur nos ennemis, il faut s’en prendre à leur spécialité » (commentaire dans « textes sur l’entraînement militaire » Tome.8). Cela veut dire, qu’il faut attaquer l’ennemi là où il croit avoir un avantage certain, avantage tant de terrain, que de tactique, que d’équipement… .

QI Jiguang montra que la spécialité des tartares était d’attaquer avec une cavalerie forte de dizaines de milliers avançant en même temps, affichant une puissance semblable à une montagne s’écroulant ou un fleuve se déversant par une brèche que l’on ne peut colmater. Alors, attaquer la spécialité des tartares c’était résister à leur cavalerie et même la vaincre. La méthode proposée par le général QI Jiguang est simple, il faut résister à une force de plusieurs dizaines de milliers de cavaliers par une force équivalente en nombre et ne pas craindre d’engager le combat au corps à corps pour vaincre l’ennemi. Pour cela, il faut également utiliser conjointement des chars, de la cavalerie et l’infanterie. QI entraînait très durement une force semblable à Jizhou, afin de pouvoir mettre en œuvre cette idée de combat dès le moment venu. La suite lui a donné raison, non à l’occasion d’un combat mais par le simple fait que de maintenir en état une pareille force n’engageât pas les tartares à attaquer Jizhou, ce qui porta à croire que l’objectif de faire trembler de frayeur l’ennemi fut atteint.

Dans l’art de la guerre, Sun Zi a dit : « l’armée doit être semblable à l’eau, comme l’eau elle évite les hauteurs et se précipite dans les creux, l’armée évite les pleins et attaque les creux » (chap. 6 – du vide et du plein). Autrement dit, l’armée évite les points forts de l’ennemi et attaque ses parties faibles. Ce principe largement accepté s’est trouvé enrichi par une extension que QI à développé, l’attaque de la spécialité de l’ennemi. En revanche, comme ce n’est certainement pas le point faible de l’ennemi cette attaque se révélera plus difficile mais aussi plus payante. En effet, il peut être aisé de s’en prendre aux points faibles de l’ennemi, mais il faudra à un moment élargir les attaques et le coup fatal sera plus long et difficile à porter. Il est contrairement très difficile de s’en prendre directement à la spécialité au combat de l’ennemi, mais si ce combat est gagné alors l’ennemi ne peut que courir à sa perte. QI Jiguang a donc raison de considérer cette méthode comme véritablement novatrice. Cependant, QI reconnaît que pour s’attaquer à la spécialité de l’ennemi, il faut particulièrement bien préparer le combat. Ainsi sa pensée s’enchaîne de la manière suivante, qui veut vaincre rapidement et complètement l’ennemi doit s’attaquer  à sa spécialité, la réalisation de ce principe implique qu’il faut bien préparer la manœuvre qui permettra d’atteindre ce but. QI Jiguang résume donc sa pensée sur l’application d’une grande souffrance à l’ennemi, par une concentration de la force militaire, l’attaque surprise et l’attaque de la spécialité ennemie.

Le général QI Jiguang fait bien comprendre à ses officiers qu’il n’existe pas de modèle fixe de combat, qu’il n’y a que des principes issus de l’expérience pratique et que la pensée stratégique et tactique du chef doit s’adapter sans cesse.

e) La position du canard mandarin et la position d’une tête et deux ailes :

C’est à l’époque où QI Jiguang luttait contre les envahisseurs japonais au sud de la Chine qu’il développa les positions de combat du canard mandarin, la position d’une tête, deux ailes et une queue, ainsi que les positions des deux manières et des trois talents. Ces postures sont issues du combat d’embuscade et de contre embuscade. Ces modèles sont fondamentaux dans les écrits tactiques de QI Jiguang.

-Les positions du canard mandarin, des deux manières et des trois talents.

La position du canard mandarin est la tactique de base du combat de QI Jiguang contre les wokou. Cette position de combat est composée de 11 soldats, un capitaine en tête et le reste de la troupe répartie en deux groupes. Les premiers éléments portent des boucliers en rotin, les deux soldats suivant  mettent en œuvre des arbalètes puis les quatre sur les côtés sont armés de longues lances, enfin les deux derniers sont équipés de courtes lances.

-l’installation d’embuscade et la contre embuscade sont également deux tactiques majeures employées lors des combats menés par QI Jiguang contre les envahisseurs japonais. Pour l’installation d’une embuscade il y a deux façons de procéder : soit la monter avant l’attaque générale de l’ennemi, soit après, lors de sa retraite.

Pour le premier cas, il faut disposer les soldats d’embuscade aux points de passage obligés de l’ennemi. Le combat devant se dérouler après son passage, sur ses arrières de sorte qu’il se retrouve face à deux fronts.

Pour le second cas, il s’agit de disposer des embuscades le gênant  tant dans sa retraite que dans ses tentatives de poursuite de nos troupes, après la confrontation majeure. En mai 1561, lors de la bataille de Shan Feng Lin, cette méthode fut utilisée. Le général QI Jiguang commanda à ses troupes d’installer l’embuscade à Shan Feng Lin (colline de Shan Feng) avant  l’arrivée de l’ennemi. Ces soldats d’embuscade lancèrent leur assaut en plein milieu du franchissement de cette colline par l’ennemi, ce qui le désorganisa et conduisit à sa défaite. Ce fut un exemple important pour la théorie militaire de QI , puisque avec 1000 hommes seulement il remporta cette victoire sur un ennemi qui en comptait plus de 2000.

Si le montage des embuscades préoccupait le général, il s’attacha également aux techniques de contre embuscade. Les wokou sont maîtres dans l’art de monter des embuscades, même en cas de défaite, ce qui nuit à l’efficacité des troupes Ming. Pour cette dernière raison, QI s’est penché sur l’étude de la contre embuscade et son entraînement. L’essentiel de sa réflexion porte sur l’étude de toutes les parties du terrain favorables à la mise en œuvre de ces contre embuscades (bois, vallons, zones habitées, marécages, champs avec herbes hautes…).  La méthode consiste à disposer des troupes le long des axes de repli potentiels de l’ennemi, et en même temps d’engager des escouades pour fouiller directement les endroits susceptibles d’embuscades. En cas de mouvement, des éléments de reconnaissance sont chargés de débusquer les wokou et d’empêcher toute action d’embuscade de leur part. Dans la stratégie de QI, l’embuscade sert à détruire l’ennemi, et la contre embuscade a pour objectif de conserver les armées Ming.

Les postures fondamentales de combat que préconise QI Jiguang dans la lutte contre les wokou sont une combinaison d’actions offensives et défensives[46]. La position du « canard mandarin » possède ces deux attitudes. Dans la posture de « une tête, deux ailes et une queue » la combinaison de l’attaque et de la défense, par la tête (attaque), et les deux ailes (défense). Ces postures qui associent la défense et l’attaque ont pour but de se mettre dans une situation qui doit éviter de perdre une bataille, c’est le côté protection du dispositif et des hommes, mais également il doit permettre aux forces Ming de battre l’ennemi, c’est l’aspect offensif.

2.3- La reconnaissance en profondeur et la défense entrée / sortie.

Pour empêcher l’invasion mongole au nord, la stratégie de défense de la dynastie Ming a été très différente en fonction des périodes considérées. Sous le règne de Yung-le (1403-1425), les ordres étaient d’attaquer sans cesse les insoumis du nord, ce qui fut fait à cinq reprises jusqu’aux portes de la capitale des  « barbares ». C’était une stratégie militaire très offensive. Mais, dès l’époque de Chen-tung (1436-1450), la puissance militaire des Ming déclina et il devint impossible de maintenir une politique offensive. Les directives militaires furent de protéger l’empire par une orientation défensive des moyens militaires. Des murs frontaliers et des fortins furent édifiés. Ces constructions protégeaient quelque peu mais n’étaient pas assorties de missions de surveillance actives. En effet, les officiers lançaient des attaques contenues uniquement contre de petits éléments ennemis, mais étaient dans l’incapacité de porter de sérieux coups à la cavalerie tartare, en raison de leur faible puissance militaire. Au début,  de l’ère Cheng-De (1506-1522), le général Yang-yi Qin proposa pour défendre la frontière nord, d’envoyer des renforts de troupe pendant les périodes où les tartares étaient susceptibles d’agir. Cette idée ne fut pas suivie par bon nombre de chefs militaires qui continuaient à attendre l’attaque tartare pour réagir, souvent trop tard lorsque l’ennemi avait déjà franchi les murs de défense. C’est à l’époque Jia Qing (1522-1567), l’intendant Dung-wan da insista pour relancer la construction et la fortification de la grande muraille ainsi que pour la mise en œuvre de détachements de surveillance sur tout son long en permanence. En effet, il identifie le danger en affirmant que les tartares ne doivent en aucun cas occuper des positions stratégiques le long de cette muraille, ce qui aurait pour effet de leur permettre de lancer en sûreté des raids dévastateurs, et il ajoute que l’importance des murs de défense est liée à la présence des troupes Ming dessus. Ces murs fortifiés sont dressés aux principaux carrefours (humains, commerciaux, caravaniers) de la frontière nord. Ces positionnements stratégiques les rendent incontournables à toute action militaire.

QI Jiguang, contemporain de cette époque a bien assimilé la pensée stratégique de l’intendant et des classiques en particulier. Aux réflexions de l’intendant, il confère une illustration en volume de force à appliquer sur la frontière. Sa pensée revêt deux aspects, tout d’abord l’implantation d’une importante armée permanente sur la frontière, d’autre part le durcissement du dispositif de défense constitué par les murs fortifiés. Ce dernier point est important car, ce dispositif doit empêcher l’ennemi d’accéder au territoire impérial mais également pour gêner leur retrait si d’aventure les tartares passaient. En effet, QI expose que les tartares devront être pris dans une nasse composée d’un côté par les armées des fortifications et de l’autre par les armées venues en renfort de l’intérieur du pays. Il insiste sur cette combinaison dans la bataille, il l’appelle même « coopération organique ». Cette tactique très dynamique appliquée à la défense de la frontière est innovante et met en exergue la capacité à actionner une ligne de défense en deux dimensions contrairement à la tactique ancienne qui ne s’appuie que sur une ligne de défense (la muraille).

QI a participé activement aux travaux de durcissement des murs de la ville de Jizhou. Il fit utiliser des pierres et des briques ce qui renforça considérablement leur résistance. Toutefois, QI ne mésestime pas la capacité offensive de l’ennemi et sait que si il attaque avec grande virulence à la fois à l’est et à l’ouest de la ville, il s’offrira la possibilité de créer une brèche. Cependant QI Jiguang préconise dans ce cas de lancer chars, cavalerie et infanterie sur cette brèche pour mener les combats majeurs, pendant que l’armée de défense des murs continue de protéger l’enceinte non encore perforée sans fuir. Cette tactique, que QI Jiguang nomme « frapper le chien derrière les portes closes » permet de prendre en tenaille l’ennemi dans la ville et de le détruire. Ainsi, cette tactique permet d’utiliser les murs de protection pour éviter l’entrée et la sortie de l’ennemi. Mais le général QI Jiguang a également consacré beaucoup de son temps à mettre sur pied cette grande armée qui doit protéger l’intérieur de la ville. Ce concept repose sur l’engagement coordonné d’une division de chars, de cavalerie et d’infanterie. Ces trois moyens sont complémentaires et se renforcent mutuellement. La division de chars revêt un fort caractère défensif avec une grande puissance de frappe et de feu, c’est à elle seule un corps combiné d’attaque et de défense. QI Jiguang décrit ainsi comment dans la pratique le combat doit se dérouler et l’effet que doit produire sa division de chars. Si la cavalerie ennemie nous charge, nous devons faire feu sans cesser de toutes nos armes, arcs, armes à feu et missiles-fusées. Les chevaux tartares seront effrayés et ralentiront leur allure jusqu’à parvenir au contact. Alors les soldats des chars sortiront en lançant des fusées et se disposeront en posture du canard mandarin afin de couper les pieds des chevaux pour mettre à bas les cavaliers ennemis, qui une fois à terre seront neutralisés. L’infanterie est postée derrière les chars et est chargée de les protéger en cas de débordement de l’ennemi. La cavalerie est plus spécialement chargée de poursuivre l’ennemi en déroute de semer la panique et de l’exterminer.

   -Les armes à feu : QI Jiguang  préconise l’emploi de ces armes par l’infanterie et la cavalerie, en plusieurs vagues. D’abord des tirs au canon en ligne à plusieurs reprises pour freiner l’ennemi, puis les bataillons d’infanterie se préparent aux tirs de contact. La cavalerie est toujours en réserve d’attaque pour surprendre l’ennemi, au besoin avec des armes à feu. Mais, QI Jiguang, tout en préconisant l’emploi des armes à feu, au pouvoir dévastateur, n’a pas articulé ses postures et sa tactique autour de ces nouveaux genres d’armes, qui pourtant peuvent véritablement modifier la tournure d’une bataille. La raison majeure vient du fait qu’à l’époque la technique n’était pas encore parfaitement maîtrisée et de nombreux soldats se défiaient de telles armes. Mais aussi, elles ne paraissaient pas nobles aux yeux de nombreux généraux, et QI était l’un d’eux. En tant que stratège, il ne pouvait pas ignorer, et encore moins ne pas utiliser de tels moyens, mais il ne l’affectionnait pas.

Par la suite, le général QI entraîna pas moins de 12 divisions chars-cavalerie-infanterie, on parlerait aujourd’hui de divisions interarmes. Cela représenta 40.000 hommes, mais QI se garda bien de donner l’effectif réel et parla toujours de 100.000 hommes sachant que les tartares ne pouvaient excéder un effectif de 50 à 60.000 hommes pour une grande attaque. Ainsi, les tartares n’osèrent pas commettre de raids de grandes envergures car la crainte les rendait hésitants. La frontière était bien gardée, excepté quelques légères escarmouches qui tournèrent à l’avantage des troupes de QI. Ce qu’il faut retenir, c’est cette organisation supérieure des troupes de QI Jiguang en combinant les chars, la cavalerie et l’infanterie contre une forme unique de combat ennemi, la charge, ou le déferlement de la cavalerie. Telle est la raison prépondérante qui endigua la pénétration des tartares au nord. Le double avantage d’une armée lourde comme QI Jiguang la confectionna, était d’une part d’empêcher toute pénétration ennemie, mais d’autre part de pouvoir le poursuivre dans sa déroute sans dégarnir les troupes chargées de la défense de la muraille.

Dans Ji Xiao Xin Shu, Tome 13, QI dit que « ce qu’il faut avoir à la fois, c’est la capacité d’attaquer mais également de se défendre. Qu’il doit y avoir de la défense dans l ‘attaque et de l’attaque dans la défense ». C’est le fil conducteur de l’ensemble de sa pensée stratégique. Cantonner une grande armée à proximité de la muraille pour dissuader l’ennemi (c’est l’offensif), bien faire garder en permanence la ligne de défense que constitue la grande muraille pour éviter les incursions mêmes très légères de l’ennemi (c’est le défensif). Les bataillons de chars sont la défense dans l’attaque et les fortifications sont l’attaque dans la défense. En effet, cela peut paraître paradoxal, mais dans la vision du général QI Jiguang, les chars entourent l’infanterie et la cavalerie pour les protéger des projectiles (flèches, lances…), ils forment un obstacle difficile à franchir pour les cavaliers tartares. C’est plutôt défensif puisqu’ils coupent le passage à l’ennemi. L’infanterie et la cavalerie dépendent des chars pour attaquer l’ennemi. Donc, dans cette méthode de combat, il existe bien de la défense dans l’attaque et du combat dans la défense, c’est un corps associé d’attaque et de défense.

En revanche, les murs des fortifications, sont évidemment défensifs, mais servent aussi de base de départ pour l’envoi de troupes au-delà des murs pour fomenter des embuscades ou pour attirer ou tromper l’ennemi. C’est également un moyen pour briser l ‘élan de l’ennemi et de lancer des troupes sur lui lorsqu’il se repli. Alors, les murs de fortification sont non seulement pour la défense mais aussi pour l’attaque dans la défense.

QI Jiguang aimait à répéter « qu’un spécialiste de la guerre pense d’abord qu’il n’est pas possible de gagner le combat puis ensuite pense comment gagner la guerre ». QI a associé l’attaque et la défense dans un corps intégral de pensée stratégique. L’objectif de la guerre pour QI est de conserver la puissance de l’empire Ming et d’exterminer les ennemis ( le terme est volontairement fort). La force de sa pensée stratégique a été de fonder cet objectif sur des bases concrètes, qui englobent la préparation à la guerre jusqu’à sa conduite. C’est la transformation de la stratégie en un art tout fait d’exécution qui positionne l’armée Ming dans tous les cas de figure, afin de ne pas perdre son combat.


[1] Fan Zhong yi« Mémoires et commentaires de Qi jiguang » – p.43-66

[2] Fan Zhong yi « Mémoires et commentaires de Qi jiguang » – p.122-143.

[3] Hucker in « système de censure » p.34-35

[4] Da Ming Huidian p.129.23 et 152.14

[5] Xie et Ning in  « Qi Jiguang » p.116

[6] Xie et Ning in  « Qi Jiguang » p.124

[7] Qi in « Lianbing Shiji » p.258-261

[8] Qi in « Jixiao Xinshu » Tome.15 §24-25

[9] Qi in « Lianbing Shiji » p.103

[10] Qi in « Lianbing Shiji » p.99-100

[11] Xie et Ning in « Qi Jiguang » p.127

[12] voir biographie de Altan dans le dictionnaire (Goodrich, Carrington et Fang).

[13] Qi in « Lianbing Shiji (de l’entraînement des troupes)» p.251

[14] Lu Dajie in « an introduction to books on art of war of all ages of china » Hong-Kong – éditions Zhongson 1969

[15] Lei Bailun in « chinese culture and the chinese soldier » Taipei – éditions Wannianging 1971.

[16] He Liangchen in « a note of formation (Zhenji) » p.67-68, 87-88collection of chinese books on the art of war – éditions Li Yuri – Taïpei 1957

[17] Niquet Valérie in « les fondements de la stratégie chinoise » p.27-43

[18] Mao Yingbai in « an introduction to the arts of war of sun zi and sunbin » p.20 Hong-Kong  éditions Yinhua  1979 et Niquet Valérie in « deux commentaires de Sun zi ».

[19] Wang Heming in « Bingfa Baizhanjing » the collection of chinese books on the art of war, éditions Li Yuri Taïpei 1957

[20] Chapitre Shu Wu- Tome N°1 de Ji Xiao Xin Shu

[21] (Chapitre ‘entraînement des commandants d’unité’ – Tome n°14 de Ji Xiao Xin Shu ; et Tome n°9 de Lian Bing Ji Shi dans le chapitre intitulé « entraînement des commandants d’unité » .

[22] QI in Ji Xiao Xin Shu – Tome.1 « contrôle d’armée » chap.18

[23] Tome.1, chap.18 – Ji Xiao Xin Shu

[24] Tome.3, « Les règles militaires » in Ji Xiao Xin Shu – Tome.4 « Lian Bing Shi Ji »

[25] Tome.6 –« les comparaisons », chap.14  in Ji Xiao Xin Shu

[26] Tome n°3 -« La discussion sur l’entraînement des soldats de la province du Zhejiang » Nouveaux recueils des commentaires des points essentiels de l’ensemble des livres sur l’entraînement des soldats. =Zhong Ding Pi Dian Lei Ji Lian Bing Zhou Shu.

[27] Tome 2, 8 et 16 =Les règlements simplifiés des codes et ordres importants dans les combats = Jin Yao Cao Di Hao Ling Jian Ming Tiao Ling Pian de Ji Xiao Xin Shu

[28] Chapitre 2 « L’entraînement à la transmission des ordres = Lian Chu Ling »- Tome 16 Ji Xiao Xin Shu.

[29] Tome 6 intitulé « La récompense et la punition des contrôles de l’art du combat = Bi Jiao Wu Yi Shang Hang Fa Pian – Ji Xiao Xin Shu. C’est également la notion de comparaison des résultats par rapport à une attente.

[30] Tome.7 et 9 – Les formations des soldats lors des combats – chap.10 et14 de Ji Xiao Xin Shu.

[31] Tome.2- l’esprit courageux- de Lian Bing Shi Ji.

[32] Tome.2 – l’esprit courageux- in Lian Bing Shi Ji.

[33] Tome.4 = les ordres et les interdits les plus importants pour les soldats – Yu Ping Jin Yao Jin Ling Pian – Ji Xiao Xin Shu.

[34] Tome.6-L’entraînement des chefs militaires =Lian Jiang Pian, in Lian Bing Shi Ji.

[35] Tome.6 « L’entraînement des généraux = Lian Jing Pian », in Lian Bing Shi Ji.

[36] Tome 6, L’entraînement des chefs militaires = Lian Jiang Pian, in Lian Bing Shi Ji.

[37] Chapitre 11 L’esprit courageux, Tome 14, Ji Xiao Xin Shu.

[38] QI in « Lianbing Shiji » Tome 1 -chap.IV, recueil des discours oraux.

[39] QI in « Lianbing Shiji » Tome 1 -chap.IV, recueil des discours oraux.

[40] QI in « Lianbing Shiji » Tome 1 -chap.IV, recueil des discours oraux.

[41] Niquet Valérie in « deux commentaires de Sun zi » – Economica 1994.

[42] Fan Zhong yi« Mémoires et commentaires de Qi jiguang » – p.153-161

[43] QI in « Ji Xiao Xin Shu » chap. préliminaire

[44] Fan Zhong yi« Mémoires et commentaires de Qi jiguang » – p.162-164 , extraits du Tome.8 de Ji xiao xin shu

[45] Fan Zhong yi in « Mémoires et commentaires de Qi jiguang » – p.164-165.

[46] Fan Zhong yi« Mémoires et commentaires de Qi jiguang » – p.168-173

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