Après ces interventions, quelques précisions sont apportées sur le service militaire. La conscription fut inventée en Prusse après le désastre d’Iéna, perfectionnée pendant toute la première moitié du XIXe siècle, comprenant de nombreuses innovations techniques et la constitution d’un véritable état-major.
Le système de la Révolution, quant à lui, a été très désordonné, la conscription en 1789 étant rejetée de façon quasi unanime, comme attentatoire aux droits de l’homme. Le volontariat s’est fait « au son du canon ».
De fait, la levée en masse s’effectue non pas dans un cadre permanent mais pour la défense immédiate face à un danger ponctuel, ceci étant véritablement l’expression du devoir militaire.
La loi Jourdan a été décidée par un régime instauré par un coup d’État militaire et veut pallier le caractère volatile des troupes levées en masse puisque celles-ci « foutent le camp ». Aussi, au lieu de maintenir ces troupes, on y fait appel à dose homéopathique. Il s’agit d’une conscription extraordinairement inégale.
Sous la Restauration, avec l’article 12 de la Charte (seul article populaire au demeurant), la conscription est abolie. À l’époque, l’idée du service militaire obligatoire pour tous n’est pas du tout entrée dans les mœurs et ne le sera pas avant la IIIe République. Celle-ci, en effet, a instauré ses propres réformes, en avançant l’idée qu’elle parachevait les idées de la grande Révolution.
Le service militaire sous la IIIe République était relativement libéral, en comparaison des conditions prévalant dans les usines ou les fermes. Les règles instaurées étaient en effet en avance sur le siècle et, pour beaucoup de jeunes français, la vie sous les drapeaux n’offrait pas de difficultés majeures.
Au cours du débat qui a suivi, certains ont fait observer que les Républicains se sont appropriés le modèle prussien et l’ont adapté à la société française au moment du passage à la société industrielle. Le débat sur la conscription ne s’est vraiment développé qu’en 1904-1905. Aussi la réforme actuelle correspond-elle à un moment de l’évolution de la société française et européenne. Ils conviennent toutefois que la disparition de la conscription ajoute un élément aux incertitudes en cours.
D’autres voient la conscription comme une traduction de la citoyenneté. À Valmy, au lieu de crier « Vive le roi« , on criait « Vive la nation » et on chantait « Aux armes citoyens« . Il ne s’agit peut-être pas de la conscription au sens juridique, mais c’est l’appel au citoyen pour défendre son pays, et non pas l’appel à une troupe de spécialistes recrutés de longue date. De fait, on ne connaît pas de démocratie qui, face à un danger réel pour son existence, n’ait pas recouru à l’ensemble de ses citoyens.
La décision de professionnaliser les armées correspond à une décision politique. Les arguments mis en avant, à savoir l’impossibilité prétendue d’absorption du contingent et les problèmes économiques, sont discutables.
Enfin, face à la professionnalisation, l’armée devrait se poser la question suivante : comment garder charnellement, par l’expérience vécue, un contact entre l’armée professionnelle et une part représentative de l’élite future du pays, à savoir les étudiants ?
Un autre problème majeur est celui du changement des missions. En effet, tout se passe comme si la mission de défense n’avait plus pour objet la survie du pays.