Je suis le primitif d’un art qui reste à découvrir – Paul Cézanne
Fasciné par l’art en général, et la peinture en particulier, le général Lucien Poirier aimait faire appel à cette citation de Paul Cézanne pour illustrer la modestie de son approche à la stratégie. Un rapide coup d’œil à sa littérature démontre, pourtant, une réflexion sur le sujet autant abondante que percutante. Les très nombreux ouvrages et articles qu’il a écrits sur la stratégie témoignent d’une force, et même d’une puissance, absolument phénoménales dans son travail intellectuel. François Géré parla de lui comme l’un des « quatre généraux et l’apocalypse » pour montrer à quel point l’influence de sa pensée stratégique fut déterminante sur la doctrine nucléaire française[1]. N’est-ce pas celui d’entre eux dont la réflexion avait permis, au milieu des années 1960, de mettre en musique, alors qu’il officiait « seulement » en qualité de lieutenant-colonel, au Centre de prospective et d’évaluations (CPE) du ministère des Armées, la conception théorique du faible au fort sur laquelle s’était appuyée la doctrine nucléaire de notre pays ? Mais, il serait erroné de la circonscrire aux seules questions nucléaires puisqu’il travailla sur la pluralité de l’ensemble des formes de la guerre et sur la diversité de la globalité des aspects de la stratégie.
L’originalité de l’itinéraire intellectuel du général Poirier est à la mesure de l’atypisme du personnage et du chemin sinueux qui balisa son parcours au sein de l’armée entre 1938, année durant laquelle il commença sa scolarité à Saint-Cyr, et 1992 lorsqu’il se retira dans sa maison à Versailles. Soixante années dans l’armée dont trente-six en activité (il fut en 2e section entre 1974 et 1998) apparaît, à première vue, comme une période particulièrement riche dans la vie d’un officier[2]. Pour autant, un examen plus attentif de son parcours démontre ce qui s’apparente surtout à une inadéquation entre, d’une part, ses capacités intellectuelles et, d’autre part, ses affectations – et son avancement – au sein de l’armée. À la lecture de ses notations militaires, peut-on lire des jugements de ses supérieurs soit parfois dithyrambiques, soit souvent critiques ; tous, en tout cas, faisaient état de son « hypertrophie » intellectuelle, pour les uns, les plus nombreux, un handicap et pour les autres, les quelques rares clairvoyants, un atout.
Pour autant, eût-il fallu qu’il eût été uniquement un guerrier dépourvu d’intellect pour que ses chefs pussent accepter un avancement plus rapide dans la hiérarchie militaire ? Tant il est vrai que, tout au long de sa carrière, son caractère entier, son indépendance intellectuelle, son esprit permanent de recherche et d’ouverture, son expression écrite très recherchée et « verrouillée » ont visiblement perturbé plusieurs de ses supérieurs. Il affectionnait, avec un brin de raillerie, de qualifier ceux-ci de « têtes carrées », davantage normatives et bien plus sensibles à la dimension de commandement opérationnel qu’intellectuelle.
Né en août 1918 à Ingré dans la banlieue orléanaise, il grandit dans le régime fondé par la IIIe République laquelle portait sur les fonts baptismaux une vocation républicaine de l’école, ouverte aux jeunes Français, nonobstant leur statut social. Cette école dispensait son enseignement grâce à ses « hussards noirs », de véritables missionnaires laïcs d’une révolution par la loi du système éducatif français. Celui du jeune Lucien s’appelait Monsieur Ledentu.
Je me rappelle de mon instituteur Monsieur Ledentu auquel j’estime devoir tout ce que j’ai fait par la suite et en particulier les études que j’ai faites à mon lycée et dans les conditions que j’ai faites. […] Je lui dois tout c’est-à-dire que s’il ne m’avait pas introduit dans la curiosité des choses, je n’aurais rien fait au lycée Pothier[3].
La famille de Lucien était une famille de minotiers. Si elle était loin d’être antimilitariste, elle n’en était pas, pour autant, un milieu propice à la réalisation de son rêve d’entrer dans les armes.
Je n’ai jamais eu d’autre vocation que celle d’être militaire. À l’école primaire, avant que je passe mon certificat d’études, je voulais être général. Pour moi, c’était le summum. Je n’ai jamais envisagé d’être autre chose[4].
Mais ses parents ne tenteront pas de le détourner de cette vocation « à laquelle rien, dans ma famille et mon heureuse enfance terrienne ne me prédestinait »[5]. Parlant de son père :
La vocation militaire ne le séduisait pas du tout mais il ne m’en a jamais détourné. Mon père m’a dit « fait ce que tu veux à condition de réussir ». C’était la mentalité élitiste. On faisait de bonnes études, on avait tous les droits et on avait accès à ce qu’on voulait[6].
Autre anecdote : ami de son père, Jean Zay, alors élu d’Orléans et ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-Arts du Front populaire, tenta sans succès de persuader Georges Poirier de convaincre son fils de faire Normale sup’ comme ses prédispositions intellectuelles semblaient le prédestiner : non ! Lucien, faraud à l’idée de porter l’uniforme, voulait être militaire.
Entré à l’École spéciale de Saint-Cyr en octobre 1938, le sous-lieutenant Lucien Poirier de la promotion « La Plus Grande France » dont la formation n’aura duré qu’une seule année, fut affecté au 113e régiment d’infanterie le 1er septembre 1939. Il fut fait prisonnier, comme bon nombre des fantassins de sa promotion[7], par l’ennemi. Le 17 octobre, soit deux semaines après son baptême du feu, il fut interné à l’Oflag IV-D situé sur le territoire de la commune d’Elsterhorst (aujourd’hui Nardt), à 50 kilomètres au nord-est de Dresde. Puis, à partir de février 1945, il fit partie de ces 1 200 prisonniers français transférés – alors que lui-même était si épuisé par la maladie qu’il ne dut son salut que grâce à un camarade qui le transporta sur son dos –, à la forteresse de Colditz (Oflag IV-C) à mi-chemin entre Leipzig et Dresde, jusqu’au 16 avril de la même année, jour de sa délivrance par les troupes américaines du 5e corps de la 9e Armée.
Après sa libération, craignant que sa période de captivité ne le privât d’une réintégration dans l’armée, il voulut rattraper ses années « gâchées » sur un plan opérationnel – mais certainement pas sur un plan intellectuel. Cependant, il fut sabré à la notation lors de son passage à l’École d’état-major par des officiers qui, vraisemblablement, ne comprenaient en rien le personnage lequel, par nature, ne faisait d’ailleurs aucun effort pour dissimuler sa condescendance, voire son mépris, pour ceux qui ne le déchiffraient pas. Les postes auxquels il pouvait prétendre étaient subalternes et ne l’intéressaient d’ailleurs pas à l’exception, peut-être, de son court passage au cabinet militaire du ministère de la Guerre à la Section des informations militaires ; il était alors en charge des rubriques bibliographiques de la Revue militaire d’information. Mentionnons aussi, et surtout, la période durant laquelle, durant la guerre d’Indochine, il travailla, en qualité de chef d’information et de presse au Cabinet militaire du général de Lattre de Tassigny alors gouverneur de l’Indochine et de commandant en chef du corps expéditionnaire français en Extrême-Orient. Les relations entre le capitaine Poirier et le futur maréchal étaient excellentes mais le décès prématuré de ce dernier, en janvier 1952, le priva d’un sérieux appui pour la poursuite de son parcours. Ses affectations ultérieures, en Algérie, qui, même si elles démontraient sa valeur, ne lui permirent pas de gravir plus rapidement les échelons. Ainsi, ce n’est qu’à l’âge de 40 ans qu’il quitta le monde des officiers subalternes. En plus, ce fut grâce à une intervention du Cabinet du ministre qu’il fut inscrit à « titre exceptionnel » au tableau d’avancement. Il passera commandant (chef de bataillon dans l’Infanterie) le 1er janvier 1959, soit après … onze années au grade de capitaine ce qui n’était certes pas si exceptionnel à cette époque mais qui dénotait, tout de même, un certain malaise de la hiérarchie militaire pour promouvoir un officier aussi atypique alors même qu’il était pourtant reconnu comme le meilleur spécialiste de la guerre subversive. Ainsi, affecté au Service d’action psychologique et d’information du cabinet du Ministre, son potentiel était carrément estimé à celui de « général de division ».
Pressentant la défaite, il n’en restait pas moins un militaire légaliste mais craignant d’être marginalisé et enfermé dans un cul-de-sac, il songea à quitter l’armée lors de la fin de la guerre d’Algérie. Mais pour faire quoi ? Anticipant des difficultés matérielles pour subvenir aux besoins de sa famille, il préféra raisonnablement patienter. Sa sagesse fut récompensée : alors que l’état-major de l’Armée de terre le sollicita pour qu’il présentât les doctrines américaines en matière d’armes nucléaires tactiques et, de façon plus générale, la pensée stratégique de l’âge nucléaire, il fut affecté au 2e bureau de l’Armée de terre où il se consacra à la physique et à la stratégie nucléaires. Grâce à son camarade de promotion à Saint-Cyr et compagnon d’armes Maurice Prestat qui le fit connaître à son ami d’enfance Pierre Messmer et appuyé en cela par le directeur de cabinet du Ministre qui avait été prisonnier de guerre avec Lucien Poirier, ce dernier, promu le 1er juillet 1963 lieutenant-colonel, entra au Centre de prospective et d’évaluations (CPE) en 1965. Cette période fut particulièrement féconde puisqu’il put mettre son talent de théoricien de la stratégie au service du politique. Les travaux séminaux qu’il y entreprit, notamment ceux ayant trait à la dissuasion, rencontrèrent un écho favorable auprès des responsables politiques au point de former l’ADN du futur Livre blanc (1972). Rongeant son frein dans l’espoir de devenir général, il aura finalement, après avoir été admissible à la liste d’aptitude en 1972 et 1973, ses deux étoiles en 1974, mais, encore une fois, sur intervention du cabinet du ministre, ce coup-ci, en plus, à condition qu’il démissionnât dans les six mois. Lucien Poirier n’aura donc pas eu la possibilité de concrétiser son rêve d’avoir un « grand » commandement. Il parviendra, cependant, à parachever sa carrière militaire dans la réflexion et l’enseignement au service de la promotion de la pensée stratégique que ce fût à l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) comme chef de la section des études militaires, à la Fondation pour les études de défense nationale (FEDN) en qualité de directeur des études ou bien à la Sorbonne (Paris I), à Assas (Paris II), à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et à l’École normale supérieure (ENS) comme enseignant.
Le militaire dans l’âme que je suis aurait aimé un commandement, disons un commandement de division, ou Saint-Cyr par exemple, mais j’ai eu une vie pleine comme un œuf. J’ai rencontré des personnes passionnantes qui ont satisfait ma boulimie de connaissances sans trop savoir ce que j’allais en faire[8].
Cette insatiabilité allait se concrétiser par la production d’une pléthore d’études, certaines publiées, d’autres restées en l’état de manuscrit ou de tapuscrit, d’articles et d’ouvrages consacrés à la stratégie[9].
Leur point commun est d’être empreint d’un style particulièrement complexe qui pouvait expliquer que des apprentis stratégistes préféraient jeter l’éponge après la lecture des premières lignes de ses écrits, jugés trop hermétiques, plutôt que de tenter de le comprendre tant il semblait effectivement affectionner la culture d’un style d’une exceptionnelle complexité et d’un vocabulaire hyper-sibyllin, abscons, nébuleux, en tout cas malaisément abordable[10], héritage d’une pluralité de différentes disciplines quelles qu’elles fussent. Remarquons, d’ailleurs, que les détracteurs du général Poirier qui tempèrent l’influence de ce dernier sur la pensée stratégique française mettent d’ailleurs souvent en avant ce qu’ils croient déceler comme étant une certaine fatuité, attestée, en tout cas, par le caractère confus du style « poiriesque », comme pour mieux le démonétiser. Plaquer un discours pompeux sur des idées, d’après eux, ne font pas de celles-ci de bonnes idées même si, ou plutôt surtout si, elles sont assorties d’un jargon indéchiffrable, mâtiné d’arguties précieuses et spécieuses, comme pour mieux cacher le creux de la pensée, voire l’absence réelle d’arguments. Par exemple, Jean Guisnel et Bruno Tertrais notent, d’un style mâtiné de gouaille, que « le colonel Poirier a écrit plusieurs études, assez théoriques, et parfois même absconses, entre 1965 et 1967. Il fera connaître l’essentiel de ses idées dans des publications au cours des années 1970. Mais ses textes ne sont pas un livre saint »[11]. Sic !
Le style « poiriesque », de premier abord, peut s’avérer effectivement difficile, tant il semble contredire le sage conseil de Nicolas Boileau lorsque ce dernier écrivit « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément ». Caractéristique d’une époque où la nécessité de jargonner doctoralement était synonyme de qualité ? Manifestation d’un certain pédantisme ? Emploi d’archaïsmes superflus ? Ou bien s’agissait-il simplement d’un style qui lui était propre ? Aurait-il pu faire de la rigueur théorique, n’en déplaisant aux sycophantes, pour mieux mettre en avant la « réalité » dominante et obturante, avec un style ne relevant pas d’un « charabia philosophique journalesque »[12] ? Même s’il est vrai que « la pensée stratégique suppose une tournure d’esprit tournée vers l’abstraction »[13], le général Poirier n’aurait-il pas pu rendre plus intelligible ses écrits pour mieux les rendre abordables et éviter ainsi un « galimatias-repoussoir » ?
Mais, Poirier se défendait d’être un « diseur de phébus ». Parlant de critiques de son ouvrage, La Crise des fondements, il rapporta que ceux-ci…
ont observé que je ne faisais aucune concession au lecteur, que « (mon) style et (mon vocabulaire) sont malheureusement rébarbatifs et qu’il est dommage que je … ne (m)’ exprime pas dans la langue de tout le monde ». Comment écrirais-je sur la stratégie comme tout le monde puisque je ne la pense pas comme tout le monde ? Je tente, au contraire, d’ajouter ma pierre […] à l’édifice toujours en chantier des discours stratégiques ; d’étendre et d’affiner la connaissance d’un objet-stratégie qui ne cesse de se transformer dans l’espace et le temps, et dont les morphogénèses successives ne sauraient être dites avec l’outillage intellectuel usité par des états antérieurs. […] J’admets volontiers qu’accorder un statut aussi souverain au langage n’est pas sans inconvénient pour Monsieur-tout-le-monde […] Quiconque consent à me lire doit admettre que je suis toujours en recherche […] Le langage m’est donc un outil d’expression et de découverte plutôt que de propositions assurées sur mon objet. Sa puissance herméneutique et heuristique m’oblige à ne pas craindre de m’aventurer dans le choix de sémantèmes apparemment insolites quand ils me semblent les seuls capables de formuler les nouveaux êtres stratégiques[14].
Le général Poirier unissait « plus que tout autres la culture du philosophe et la rigueur du logicien à l’expérience du planificateur »[15] pour mieux penser la stratégie. Son camarade, le général Claude Le Borgne, aimait citer Paul Valéry pour expliquer le très haut degré d’abstraction de la pensée du général Lucien Poirier : « s’il est des obscurités qui tiennent à l’impuissance de celui qui parle, d’autres tiennent aux choses dont on parle »[16]. Affectionnant les effets de style, les procédés rhétoriques et les audaces sémantiques, il aimait donner une expressivité particulière à ses écrits, bien qu’hostile aux tournures superfétatoires. Donnant parfois l’impression d’être « capillotractées », ses subtilités langagières étaient pourtant calculées au plus juste. « La formation des figures est indivisible du langage lui-même, dont tous les mots abstraits sont obtenus par quelque abus ou quelque transfert de signification, suivi d’un oubli du sens primitif » aimait à dire le même Paul Valéry[17]. Encore fallait-il être conscient de la nécessaire rigueur de son langage ! « Je n’écris pas pour être lu » aimait dire le général Poirier avec un mélange de malice et d’ironie. De toute façon, s’il n’était certes que parfois lu, il était rarement compris.
L’éclectisme recouvert par son champ mental, qu’il s’agît des sciences ou des arts, avait pour vertu d’infuser sa réflexion. Profondément influencé par le général Poirier, Hervé Coutau-Bégarie écrivit dans son opus Traité de stratégie :
Le stratège peut faire usage de tout. A priori, on ne songerait pas à inclure le Portrait de Monsieur Pouget dans une bibliothèque stratégique. Ce livre de Jean Guitton a pourtant joué un rôle décisif dans l’itinéraire intellectuel du général Poirier. La stratégie, plus qu’aucune autre science, tire profit de n’importe quelle discipline[18].
Certes, la stratégie bénéficie de toutes les disciplines. Mais, en plus, la littérature sur la stratégie ne s’arrête pas à celle des livres ; Poirier avait ainsi forgé le néologisme « stratégothèque », à savoir « la mémoire des siècles, le stock d’informations constitué par les œuvres des générations de stratèges et de stratégistes »[19], pour suggérer l’analogie avec la bibliothèque. Il existe aussi une pluralité et une variété de supports que l’on peut inclure dans cette « stratégothèque ».
par littérature, j’entends non seulement les écrits, mais aussi les autres langages de représentation donnant à voir quelques aspects de la violence armée : les bas-reliefs assyriens comme la colonne Trajane, les toiles de van Der Meulen comme celles de Goya et du baron Lejeune, le Guernica de Picasso. L’Espoir est le titre d’un roman de Malraux, mais aussi celui de son film sur la guerre d’Espagne. Les actualités cinématographiques tournées au cours des deux guerres mondiales et sur les conflits postérieurs, les films de documentation technique et d’instruction, les scénarios d’anticipation sur une éventuelle guerre claire, ne sont-ils pas des documents signifiants sur la guerre et la stratégie militaire ?[20]
Tirant sa réflexion de l’éclectisme de ces disciplines, et de ces divers supports, le général Poirier a abondamment publié. Il est même l’officier-général qui a probablement le plus publié[21], du moins dans le champ de la théorie stratégique, ce qui d’ailleurs peut apparaître a priori singulier lorsque l’on sait qu’inversement à la période de la IVe République d’une richesse inouïe en matière de production d’articles et d’ouvrages traitant de questions stratégiques, celle de la Ve République est nettement plus chiche.
Le politologue Samy Cohen, dans son ouvrage La Défaite des généraux, rapporte une réflexion malicieuse d’un ancien chef d’état-major du Président Giscard d’Estaing : « Les Présidents et leurs ministres de la Défense sont d’accord pour que les militaires s’expriment mais seulement pour glorifier leurs prises de position. Le reste est assimilé à de l’insubordination et conduit à un arrêt de la carrière »[22]. Le général Lucien Poirier est une exception mais qu’il convient, en même temps, de relativiser : il commença à mener à bien sa réflexion pour publier en menant son exceptionnelle carrière d’écrivain et de pédagogue sur les questions stratégiques seulement après qu’il eut été nommé général en 1974 pour partir à la retraite six mois après[23]. Même si, comme le relevait Hervé Coutau-Bégarie, en stratégie « la marginalité résulte rarement d’un choix délibéré »[24], ce marginal, « mais non hérétique »[25] avait une réputation qui le mettait à l’abri de toutes pressions, qu’elles fussent militaires ou politiques. En plus, comme c’était lui-même qui avait porté sur les fonts baptismaux la doctrine française en matière de dissuasion nucléaire, personne ne pouvait sérieusement le suspecter de mécréance et qu’il voulût la remettre en cause d’autant plus qu’il a toujours été soucieux de publier des articles et des ouvrages de manière extrêmement posée. Si « les armées sont faites comme pour les jésuites Perinde ac cadaver, comme « un cadavre a l’autorité politique » »[26], lui, a toujours été suffisamment précautionneux pour ne jamais publier des articles d’humeur ou à l’emporte-pièce[27].
Je ne fus inquiété qu’une seule fois, durant la guerre d’Algérie. J’ai publié, dans la Revue militaire d’information, deux articles sur l’organisation politique ou administrative du FLN[28], pour lesquelles j’utilisais mes travaux effectués à Alger, au 2e bureau de l’état-major du commandant en chef ce contre quoi celui-ci protesta fort justement[29]. Mais comme ces articles m’avaient été demandés par mon nouveau patron, à Paris, cet incident n’eut pas de suite[30].
Il n’est jamais intervenu dans les médias pour critiquer ad hominem qui que ce fût, a fortiori un responsable politique, à l’exception, peut-être, de son article « Le deuxième cercle » dans Le Monde diplomatique (juillet 1976). On peut d’ailleurs s’étonner de la virulence de son article contre le discours que venait de tenir le chef de l’État, Valéry Giscard d’Estaing, à l’IHEDN. Mais, comme il l’expliqua…
la plupart de mes écrits de circonstance n’ont pu éviter de dériver vers l’interface politique stratégie. Dans mon article du Monde diplomatique (juillet 1976) – le deuxième cercle –, j’ai dénoncé le non-sens du concept de sanctuarisation élargie avancée par le chef de l’État et le chef de l’EMA de l’époque. Je fondais bien ma critique sur les implications logiques du risque nucléaire et la formulais dans le langage objectif de l’analyse stratégique ; mais celle-ci touchait […] aux orientations concrètes de notre politique étrangère. Cette fois encore, on ne m’en tint par rigueur…[31]
Même les nombreux militaires de l’Armée de terre, notamment ceux de la 1e Armée, en tapinois hostiles à ses prises de position en matière d’armements nucléaires tactiques[32] n’ont jamais pu lui couper les jarrets dans ses publications[33].
L’action et la réflexion du général Lucien Poirier se sont construites dans un contexte, national et international, particulier. Né alors que se profilait la fin de la Grande Guerre, il a grandi dans l’atmosphère de la France victorieuse et fut le témoin, par la suite, de tous les conflits armés dans lesquels notre pays fut belligérant et dans lesquels, lui-même, fut un belligérant, la seconde guerre mondiale, l’Indochine et l’Algérie, sans parler du désastre de Suez même s’il n’y participa pas. Lui dont la promotion de Saint-Cyr portait le nom de « La Plus Grande France », a vu l’Empire français, à la mesure du mouvement de décolonisation, se réduire comme peau de chagrin.
Transformer l’échec en expérience pour mieux préparer la victoire sera ainsi sa motivation. Le traumatisme de la défaite est, à cet égard, un aspect profondément psychologique dans sa démarche.
La grande affaire qui m’a mobilisé et marqué, c’est l’opération de Suez en 1956, et la collusion implicite de Washington et de Moscou. Je suis de la génération des « plus jamais ça » : plus jamais la défaite de 1940 et l’occupations du territoire. Plus jamais l’Indochine ni l’Algérie. Plus jamais Suez. Ma génération d’officiers n’a fait que recevoir des coups de pieds au cul. Mais les traumatismes sont à l’origine de toutes les grandes écoles de pensée[34].
Observateur affuté et analyste infatigable des grands événements internationaux dans lesquels notre pays était à la fois acteur et spectateur, il lisait abondamment et réfléchissait tout aussi profusément. Il fut aussi le témoin de la mutation des conflits et surtout de la rupture que constitua l’apparition du nucléaire et de la dissuasion.
La guerre froide ne fut donc pas seulement un affrontement entre deux blocs stabilisés par l’équilibre nucléaire car elle fut traversée par une série de crises et de guerres révolutionnaires que le monde, dont la France, dut affronter. Le contexte à cette époque était donc double : d’une part, la rupture politico-stratégique provoquée par l’équilibre nucléaire ; d’autre part, les guerres mettant fin aux empires coloniaux. Nous devions donc traiter deux types de conflits internationaux impliquant deux pensées stratégiques différentes : l’une, la liquidation d’un ordre établi – l’ordre colonial ; l’autre, la réflexion sur l’avènement d’un nouvel ordre mondial[35].
La stratégie classique, « celle développée, durant deux siècles, à partir de la théorie fondatrice de Guibert, de la pratique créatrice de Bonaparte et de la théorie critique de Clausewitz »[36], n’est plus depuis 1945. « Jadis, la victoire était le critère de validité du modèle stratégique élaboré. Avec la dissuasion, il n’y a plus de critère. On ne sait jamais si la paix et le statu quo sont dus à l’efficacité propre du modèle stratégique ou à d’autres causes »[37].
Se rattachant, « pour inventer des stratégies concevables pour l’avenir »[38], aux stratèges qui exploitent les matériaux de ceux qui analysent l’action stratégique et l’expliquent, Lucien Poirier répétait, « j’insiste sur cette référence praxéologique » : la connaissance et la réflexion conduisent à des conclusions opératoires. « La pensée stratégique n’est pas réductible à une pensée pour dire, décrire et expliquer les choses. Il ne tire sa nécessité et ses attributs que de la fonction instrumentale des armes »[39].
Les deux parties qui structurent notre ouvrage seront ainsi basées sur la dualité et l’unité de la pratique (l’action) et de la théorie (pensée de et sur cette action). Cette dichotomie qui reprend celle, classique, de la science et de l’art de la guerre reflète les deux visages de Janus-Poirier, celui des stratèges et celui des stratégistes, les premiers « praticiens impliqués, par fonction, dans l’action actuelle ou future […] l’ »agir » » et les seconds « qui ruminent l’action passée, engrangée par l’histoire, ou qui se projettent dans un futur imaginaire sur lequel ils n’ont aucune prise »[40]. Il aimait à dire « comme Valéry, je distingue le « faire » et le « dire ». Le « dire » ne vaut que par le « faire » mais le « faire » ne peut pas se passer du « dire ». C’est faire la jonction qui est intéressant »[41]. Pour le « faire », nous nous baserons sur l’observation de Gérard Chaliand qui parle d’« itinéraire en saisons » pour qualifier le parcours de Lucien Poirier. C’est donc d’abord à son parcours « saisonnier » que nous nous intéresserons. Puis, pour le « dire », nous nous baserons sur une formule chiasmatique, « stratégie théorique et théorie stratégique » pour mieux englober la pensée stratégique de notre « général Janus ».
La jonction sera ainsi faite entre Lucien Poirier le stratège et Lucien Poirier le stratégiste, le savoir du premier étant au service de l’action du second et réciproquement.
Comprendre la trajectoire insolite du général et déchiffrer sa pensée stratégique sont le défi que nous ambitionnons de relever dans cet ouvrage lequel s’inscrit, par ailleurs, dans un vaste travail que des chercheurs français ont entrepris ces dernières années consacré aux grands penseurs stratégiques français du xxe siècle. Ce premier travail d’envergure sur Poirier parachève, modestement, ceux consacrés à chacun des « Quatre généraux (et l’apocalypse) ». Le regretté Christian Malis avait ainsi entrepris un travail séminal consacré au général Pierre Marie Gallois[42]. De son côté, le général Hervé Pierre a travaillé sur la pensée stratégique du général André Beaufre dans le cadre de sa thèse en science politique[43]. Mentionnons aussi le colloque très riche consacré au général Ailleret[44].
C’est aussi rendre hommage à ce que Hervé Coutau-Bégarie qualifiait de « riches heures de la pensée stratégique française »[45].
[1] François Géré, « Quatre généraux et l’apocalypse : Ailleret-Beaufre-Gallois-Poirier », Stratégique, n° 53, 1992, p. 75-115. Remarquons que, par la suite, dans l’usage courant, le « de » a largement remplacé le « et » faisant ainsi disparaître la valeur coordinatrice de la conjonction de coordination au profit d’un génitif comme pour mieux associer les quatre généraux français qui ont travaillé sur le nucléaire aux personnages célestes et mystérieux mentionnés au sixième chapitre du livre de l’Apocalypse dans le Nouveau Testament. Pourtant, François Géré parlait, non pas de « quatre généraux de l’apocalypse » mais de « quatre généraux et l’apocalypse ».
[2] Notamment lorsqu’on voit sa participation à toutes ces campagnes : France contre Allemagne (du 2 septembre au 16 octobre 1939) ; Allemagne (captivité du 17 octobre 1939 au 15 avril 1945) ; Allemagne (occupation du 15 novembre 1949 au 26 novembre 1950) ; Indochine (10 février 1951 au 21 mai 1953) ; Allemagne (occupation du 14 septembre 1953 au 4 mai 1955) ; Algérie (du 18 octobre 1955 au 13 août 1957) et Algérie (4 août 1960 au 30 novembre 1962). Il est, de surcroît, titulaire de six citations.
[3] Entretien avec le général Lucien Poirier, Partie 1 « Une jeunesse d’avant-guerre », Thierry Garcin, émission À voix haute, France culture, 10 novembre 2008.
[4] Ibid.
[5] Lucien Poirier, Le Chantier stratégique. Entretiens avec Gérard Chaliand, Paris, Pluriel, 1997, p. 177.
[6] Entretien avec le général Lucien Poirier, Partie 1, … op. cit.
[7] Bernard Philippe (général), « Une promotion s’est éteinte de « La Plus Grande France » », Le Casoar, n° 238, juillet 2020, p. 53.
[8] Entretien avec le général Lucien Poirier, Partie 5 « L’œuvre », Thierry Garcin, émission À voix haute, France culture, 11 novembre 2008.
[9] Mais aussi des romans, des poèmes et des pièces de théâtre que nous avons retrouvés dans le Fonds Poirier.
[10] Lors de la rencontre que nous avions eue le 16 janvier 2012, nous avions répondu à la question du général Poirier qui nous demanda si nous avions lu ses œuvres « oui, sans forcément avoir tout compris ». Il répliqua du tac au tac « pourquoi donc ? C’est pourtant écrit en français ». Sic ! Nous étions déjà impressionné de dialoguer avec lui et, soudainement, nous nous demandâmes d’un coup si nous étions capable de converser avec lui.
[11] Jean Guisnel et Bruno Tertrais, Le Président et la bombe, Paris, Odile Jacob, 2016, p. 207.
[12] Délicieuse formule signée Charles Lacheroy qui, alors qu’il lisait un texte de Poirier, marqua d’une apostille son désaccord. Capitaine Poirier, Un instrument de guerre révolutionnaire. Le FLN. Nous remercions ici Paul Villatoux qui a une connaissance encyclopédique de la guerre révolutionnaire de nous avoir mis à disposition ce texte, une ébauche de l’article de Poirier « Un instrument de guerre révolutionnaire : le FLN », dans la Revue militaire d’information, n° 289, décembre 1957 et sa suite dans le n° 290, janvier 1958, p. 69-92. En tout cas, nombreux ont été les Lacheroy, suant d’ahan, à se heurter au caractère difficultueux du style Poirier.
[13] Hervé Coutau-Bégarie, Traité de stratégie, Paris, Economica, 1999, p. 137.
[14] Lucien Poirier, Le Chantier stratégique…, op. cit., p. 191-192. Osons une comparaison. En matière de « langage », la recherche de la rigueur du raisonnement, associée à une force de style et d’écriture fait que Lucien Poirier est à la stratégie ce que Michel Audiard est au cinéma. Les expressions savoureuses alternent avec un usage extrêmement riche de la langue française emprunt, pour l’un, d’argot titi parisien et, pour l’autre, de références à une pluralité de disciplines et de champs scientifiques. L’usage d’un dictionnaire peut souvent s’avérer nécessaire pour comprendre autant l’officier que le dialoguiste de cinéma.
[15] Jacques Vernant, « Réflexions sur la stratégie », Défense nationale, n° 426, novembre 1982, p. 127. À travers les livres – Essai de stratégie théorique.
[16] Paul Valéry cité par Claude Le Borgne, « Le chantier stratégique », Défense nationale, n° 461, janvier 1986, p. 129. À propos de l’ouvrage de Lucien Poirier, Les Voix de la stratégie, Fayard, 1985, 490 p.
[17] Paul Valéry, Variété V, Paris, Gallimard, 1944, p. 290.
[18] Hervé Coutau-Bégarie, Traité de stratégie, op. cit., p. 131. L’ouvrage, écrit durant les années de captivité de Jean Guitton, relate l’histoire du religieux lazariste Guillaume Pouget, pétri d’érudition grâce à son intérêt pour l’étude d’une pléthore de disciplines.
[19] Lucien Poirier, Le Chantier stratégique, op. cit., p. 26.
[20] Ibid.
[21] Sans pour autant être le plus connu en France et surtout à l’étranger. Remarquons, en plus, que ses œuvres n’ont été étonnement jamais traduites en anglais. Même si lui-même avait traduit en français Basil Henry Liddell Hart – B. H. Liddell Hart, Stratégie, « Introduction » (p. 7-63) et traduction de l’anglais par Lucien Poirier, Paris, Perrin, 1998, 436 pages. Notons qu’une précédente édition de cet ouvrage traduit par Lucien Poirier avait été publiée en 1962, sous le titre français de Histoire Mondiale de la stratégie aux éditions Plon – il préférait, prétextant pudiquement des problèmes d’audition, ne pas s’aventurer à s’aventurer dans la langue de Shakespeare. Nous avons recensé une seule publication de Lucien Poirier en anglais : « Deterrence and the medium sized powers », Military Review, vol. 52, n° 11, 1972, p. 22-34. Mais cet article étant une traduction de celui paru originellement dans La Revue de défense nationale (mars 1972) sous le titre « Dissuasion et puissance moyenne », on ne peut pas vraiment la qualifier d’œuvre originale publiée en anglais. Un rapide coup d’œil dans les moteurs de recherche universitaires révèle en tout cas une écrasante majorité d’occurrences en français et les quelques-unes que l’on peut trouver en anglais sont essentiellement des publications de Français, traduites. Si, à l’étranger, on connaît Raymond Aron et les généraux André Beaufre et Pierre Marie Gallois, c’est surtout parce qu’ils parlaient anglais et que certains de leurs opus avaient été traduits et publiés dans cette langue. Mais à Londres ou à Washington, ou même dans les autres capitales, à part quelques très rares francophones, qui connaissait le général Lucien Poirier ? Il parlait du « syndrome de Polybe » pour mieux critiquer la fascination des pays européens pour la puissance impériale américaine. Or, quel meilleur canal que des publications en anglais pour faire connaître des idées alternatives ? Mais ceci est une autre histoire…
[22] Samy Cohen, La Défaite des généraux. Le pouvoir politique et l’armée sous la Ve République, Paris, Fayard, 1994, p. 92.
[23] Il avait certes publié dans la Revue militaire d’information et dans l’Armée avant qu’il n’eût rejoint le CPE mais c’était avant et pendant la fin de la guerre d’Algérie.
[24] Hervé Coutau-Bégarie, Traité de stratégie, op. cit., p. 236.
[25] Samy Cohen parle ainsi des généraux Gallois et Poirier : « marginaux mais non hérétiques ». Samy Cohen, La Défaite …, op. cit., p. 94.
[26] Entretien avec le général Lucien Poirier, Thierry Garcin, émission À voix haute, France culture, 13 novembre 2008. La locution latine Perinde ac cadaver, qui signifie par extension « d’une obédience aveugle », en référence à l’époque des moines du désert au ive siècle lorsque l’idéal ascétique d’obéissance parfaite (dite « aveugle ») était présenté comme la voie permettant au religieux d’accomplir infailliblement la volonté de Dieu dans sa vie. La référence du général à cette locution se comprend aisément dans le contexte militaire.
[27] Rappelons que les officiers-généraux en 2e section peuvent s’exprimer en dehors de toute autorisation ministérielle mais le statut général des militaires d’alors les astreignait, tout de même, au respect du devoir de réserve.
[28] Lucien Poirier, « Un instrument de guerre révolutionnaire : le FLN », Revue militaire d’information, n° 289, décembre 1957, p. 7-33 et dans le n° 290, janvier 1958, p. 69-92.
[29] Il s’agissait du général Raoul Salan.
[30] Lucien Poirier, Le Chantier stratégique, op. cit., p. 143-144
[31] Ibid.
[32] Le général Poirier, comme nous le verrons, n’était pas vraiment favorable à l’arme nucléaire tactique car il estimait qu’elle recélait un aveu implicite de l’échec de la dissuasion.
[33] Dans ses publications certes mais peut-être pas dans son avancement dans la hiérarchie ? Ainsi, les représentants de la 1e Armée auraient-il voulu barrer le chemin du colonel Poirier pour qu’il ne décrochât pas ses deux étoiles ? Comme nous le verrons, c’était la théorie de Poirier pour expliquer ses deux déboires successifs, en 1972 et 1973 alors même qu’il était sur la liste d’aptitude pour devenir général.
[34] Lucien Poirier cité par Jean Guisnel dans Les Généraux. Enquête sur le pouvoir militaire en France, Paris, La Découverte, 1990, p. 181.
[35] Lucien Poirier, « Entretien avec le général Lucien Poirier », propos recueillis par Emmanuel-Marie Peton, Défense nationale, Hors-série, juillet 2009, p. 50.
[36] Lucien Poirier, Des Stratégies nucléaires, Paris, Hachette, 1977, p. 12.
[37] Intervention du général Poirier à la 11e réunion du CA de la FEDN le 20 juin 1974. Document retrouvé dans les archives de la FEDN, Dossier GR21S1.
[38] Gérard Chaliand, « Une stratège dans le siècle » (p. 10), dans Lucien Poirier, Le Chantier stratégique…, op. cit.
[39] Lucien Poirier, Le Chantier stratégique, op. cit., p. 18.
[40] Ibid., p. 21.
[41] Entretien enregistré de l’auteur de ces lignes avec le général Lucien Poirier, le 16 janvier 2012, à Versailles (domicile).
[42] Christian Malis, Pierre Marie Gallois – Géopolitique, histoire, stratégie, Lausanne, L’Âge d’homme, 2009, 760 p.
[43] Hervé Pierre, Entre Paix et guerre : Variations sur la pensée stratégique du général Beaufre, Jean-Vincent Holeindre (dir.), Thèse de science politique, Paris II, soutenue le 16 septembre 2020.
[44] Colloque Le Général Ailleret et la modernisation des armées françaises, le 20 mai 2021 à l’École militaire.
[45] Hervé Coutau-Bégarie, La Recherche stratégique en France, date inconnue (probablement fin des années 1990), document polycopié (non publié).