Mon mari, le général Poirier

Madame la générale Simone Poirier

Voilà dix ans que mon mari est parti. À mon échelle de cente­naire, dix ans c’est peut-être si peu … mais c’est, en même temps, beaucoup. Aussi loin que je souvienne, lorsque j’étais jeune fille, je souhaitais épouser un militaire. Mes proches me taquinaient en disant que c’était en raison de mon goût pour l’uniforme. Ils n’avaient peut-être pas tort finalement !

Alors que la fin de la guerre se profilait, infirmière-secouriste de l’air, je voulais aider mes compatriotes. Le hasard, durant l’année 1946, a voulu qu’on m’envoie à Reims et qu’alors que je déjeunais exception­nellement dans un mess, je tombai sur un groupe de militaires qui devait rendre les honneurs à Maurice Thorez, alors en déplacement dans la ville. L’un d’eux me plut. Nous fîmes connaissance. Puis, nous commençâmes à nous fréquenter et, depuis, nous ne nous sommes plus quittés.

Mon mari est né dans une époque de victoire. Imagine-t-on le choc qui a été le nôtre en France en 1940 ? Pourtant, mon mari aimait à dire « mes plus belles années, c’étaient les années de captivité. J’y ai gagné vingt ans dans ma vie ». En effet, ce sont durant ces cinq années qu’il a appris ce que jamais il n’aurait pu apprendre autre part. Ses professeurs, prisonniers militaires comme lui, étaient tous issus de la fine fleur intellectuelle française. Cet enseignement fut, par la suite, déterminant pour lui et dans l’accomplissement de ses missions au cours des différentes affectations qu’il a reçues ; Potsdam, l’Indochine, l’Algérie, le Centre de prospective et d’évaluations, l’Institut des hautes études de défense nationale, la Fondation pour les études de défense nationale, l’enseignement à l’Université constituèrent des expériences qu’il n’aurait pas pleinement vécues dans leur entièreté sans cet ensei­gnement dont il a bénéficié lors de ses années de captivité.

J’aimais passionnément l’entendre parler. Sa culture et sa passion pour l’art impressionnaient tout le monde… moi y compris. Même si mon mari avait un caractère irascible – je l’ai toujours considéré comme un « vrai sauvage » –, je me suis toujours plu à être à ses côtés et je me réjouis que l’on se souvienne encore de lui. Je suis bien placée pour savoir que l’armée peut parfois être ingrate. Depuis son décès, je trouvais tellement injustifié que l’on ne se mobilise pas et je suis heureuse que des jeunes qui l’ont connu, comme Benoit et Roland, mais aussi plus récemment Matthieu, s’investissent pour faire perdurer sa mémoire mais aussi ses enseignements. Je suis tellement enchantée que l’idée de Matthieu de faire cet ouvrage dont il m’exposait la teneur lors de nos différents entretiens ait pu aboutir.

Je forme le vœu que le lecteur de cet ouvrage sache à quel point mon mari fut exceptionnel et que sa réflexion dans le domaine de la stratégie le fut tout autant.

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