ALLOCUTION  INTRODUCTIVE

M. le doyen Guy Pedroncini, Président du Comité National du Souvenir de Verdun

Messieurs et Mesdames les Parlementaires et les Élus, Messieurs les Officiers supérieurs,

Mes chers Collègues et Amis,

Mesdames, Messieurs,

 

            Au moment où s’ouvre un colloque passionnant sur l’apparition des armes nouvelles dans la Grande guerre, je voudrais remercier toutes celles et tous ceux qui en assurent la réussite.

            Je remercie les Ministres de la Défense et des Anciens combattants et victimes de guerre pour leur patronage et leur appui.

            Notre gratitude va au président Rémi Herment et à Monsieur le député-maire Arsène Lux.

            A ces remerciements j’ajoute de tout cœur ceux qui vont à tous les membres du Mémorial, en particulier au colonel Jean-Claude Farinet et à l’Institut d’Histoire des Conflits contemporains, en particulier au professeur Claude Carlier qui nous apporte son savoir faire d’organisateur chevronné de colloques ainsi que sa participation scientifique.

            Je remercie le Service historique de l’armée de Terre pour la participation de deux de ses officiers au colloque.

            Je voudrais également remercier Messieurs les repré-sentants des sociétés Aérospatiale, Dassault et Snecma qui sont des historiens de formation et d’ailleurs d’anciens étudiants du professeur Claude Carlier. Cette association du monde industriel et de l’université méritait d’être soulignée.

            Enfin, alors que les premiers essais des chars français ont eu lieu le 21 février 1916, comment le président du Comité national pour le souvenir de Verdun ne serait‑il pas heureux que ce colloque ait lieu à Verdun. Je regrette que le colonel Guilleminot n’ait pu se joindre à nous, et j’ai à vous demander d’excuser Madame Maurice Genevoix dont l’état de santé ne lui a pas permis de venir vous annoncer elle‑même une très heureuse nouvelle : l’Académie Française vient, à l’unanimité, d’accorder son éminent patronage à la Fondation « Le Souvenir de Verdun » qui assurera ce que j’appelle l’éter-nité humaine au Mémorial.

            En temps de guerre, la nécessité de vaincre devient la loi suprême. Toutes les forces des pays sont alors mobilisées, et, en particulier, l’imagination.

            Certes, les conflits sont préparés, mais ils réservent souvent des surprises. La Grande Guerre devait être brève et toute de mouvement. Or elle se révèle longue et se caractérise par une large immobilité des fronts en raison du phénomène plus ou moins dominant des tranchées.

            Comment s’adapter ? Comment retrouver le mouve-ment ? Comment abréger la guerre ?

            Dans n’importe quel conflit il faut s’adapter à ses réalités. D’abord avec les armes que l’on possède, ensuite avec celles que l’on invente ou que l’on perfectionne.

            Hors l’arme atomique et l’avion à réaction, la Grande Guerre voit apparaître des armes nouvelles qui dominent la guerre au XXe siècle.

            Les armes de 1914 cessent d’être adaptées à la guerre des tranchées : le rôle du fusil est réduit ‑ avant 1914, on évaluait souvent la puissance d’une armée au nombre de ses fusils ‑ la cavalerie est paralysée, le courage et l’élan des hommes sont vite impuissants face aux mitrailleuses qui ne s’enrayent pas. L’avion commence à peser sur le combat terrestre par le renseignement, et l’artillerie laisse apparaître ses limites : des millions d’obus, l’allongement de la portée de ses canons et des centaines de milliers de morts ‑ les années 1915 et 1916 sont les plus meurtrières de la guerre ‑ n’ont pas entraîné de modifications sensibles du front occidental. Faut‑il rappeler cette caricature allemande publiée par Demm : le messager du front qui arrive au GQG et annonce « La victoire est encore plus grande : ce n’est pas de 3,50 m mais de 3,54 m que nous avons avancé ».

            La bataille de Verdun est révélatrice des impasses de la guerre : le Trommelfeuer allemand n’a pas réussi pas à vaincre la résistance française, et les renforts en artillerie rétablissent l’équilibre, stabilisant le front. La bataille de Verdun est un écrasement sur place de l’infanterie et un gigantesque duel d’artillerie. Encore une fois, depuis octobre 1914, la guerre est dans une impasse tactique.

            Pourtant apparaissent des éléments nouveaux.

            La résistance de Verdun, de ses héroïques combattants, n’a pu être soutenue que grâce aux camions de la Voie Sacrée : le moteur devient un facteur de victoire.

            L’aviation commence à jouer un rôle non plus seulement de renseignement mais d’intervention dans la bataille terrestre : elle balaie le ciel de l’aviation adverse, elle éclaire le commandement et elle livre à Verdun la première bataille aérienne de l’histoire. Lorsque la fin de la bataille se dessine, deux notes de novembre 1916 laissent deviner le rôle que l’aviation jouera à l’avenir : non seulement le commandant du Groupe d’armées du Centre, le général Pétain, estime qu’elle peut permettre de revenir à la guerre de mouvement, mais il lui assigne comme objectif l’attaque en piqué à la bombe et à la mitrailleuse des troupes adverses démoralisées par ces attaques. Il est remarquable aussi que Verdun soit une bataille psychologique.

            Dans l’ombre également se prépare une nouvelle arme : les chars.

            D’abord baptisés tanks pour tromper l’ennemi ‑ c’est le nom des réservoirs d’eau du Deccan ‑ le secret qui entoure ses premiers pas ou ses premières chenilles n’est pas sans faire penser à ceux qui ont accompagné pendant la Deuxième Guerre mondiale l’apparition de l’aviation à réaction et surtout de la bombe atomique [1].  

            Les archives révèlent souvent d’importants secrets.  

            On avait aussi cherché une solution par les gaz. Leur emploi par les Allemands avait causé un effet de surprise, et la parade par les masques allait contraindre les belligérants à en imaginer de nouveaux aptes à franchir la barrière des masques. Le colonel Ferrandis nous exposera comment le Service de santé a fait face à cette arme nouvelle et redoutée.  

            Tandis que se déroule la bataille de Verdun, apparaît peu à peu, dans ses profondeurs, une autre guerre qui exigera une autre tactique. La guerre du moteur : le camion, le char, l’avion. Mais aussi le ravitaillement en pétrole, en essence. Apparaît également l’arme sous-marine. Là aussi est la surprise de la Grande Guerre. On attendait largement des affrontements spectaculaires entre les flottes des grands navires de ligne. On voit apparaître une guerre menée par les sous-marins : les pertes infligées par les sous-marins alle-mands atteignent le tonnage de la flotte britannique de com-merce de 1914. En pleine bataille de Verdun, le torpillage du Sussex où périt Enrique Granados rappelle soudain qu’au loin le sort de Verdun, comme celui de la guerre, se joue aussi sur et sous la mer.

            1916 voit peu à peu se dessiner la guerre nouvelle de 1917-1918 où la mobilité revient : les avions, les chars, les camions ouvrent la route à la victoire.

            C’est donc bien dans le cadre de Verdun que l’émer-gence des armes nouvelles devait être étudiée.

            Verdun réunit les deux formes de la Grande Guerre : celle de 1914-1916 et celle de 1917-1918.

            Il faut redire, sans que cela enlève rien aux autres batailles, que Verdun est le sommet, le tournant et le symbole de la Grande Guerre.

[1] Même si l’idée d’une arme atomique avait été évoquée lors de la séance du 4 octobre 1922 du Conseil supérieur de la guerre (Cf. Guy Pedroncini, Pétain, La victoire perdue, Perrin , 1995, p. 108).

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