CHAPITRE III – L’ACQUISITION D’UNE CULTURE NUCLEAIRE (1963-1976)  

Tandis que l’occident restait obnubilé voire obsédé par la doctrine Sokolovski, les Soviétiques n’ont cessé de poursuivre leur réflexion sur le nucléaire. Plus précisément, ils vont s’imprégner d’une culture nucléaire qui fait défaut dans l’ouvrage de l’ancien chef de l’état-major. Néanmoins, dès la publication de la première (1962) puis de la deuxième (1963) édition du manuel de Sokolovski, des analyses sur la future guerre tentent d’intégrer la spécificité de l’arme nucléaire et de nuancer le concept officiel des frappes nucléaires massives. La crise de Cuba a joué un rôle incontestable dans la réévaluation de la doctrine affichée. Les leçons que tirent les Soviétiques de cette crise sont également tirées dans le domaine de la stratégie navale qui a toujours été le parent pauvre des armées russes et soviétiques. Enfin, il est incontestable que la confrontation des experts soviétiques et américains lors des négociations sur la limitation des armes stratégiques a contribué à l’émergence d’une nouvelle génération de penseurs militaires en URSS.

La « révolution dans la science militaire »

En dépit du fait que la stratégie affichée soit une stratégie de guerre et même de guerre nucléaire, de nombreux signes laissent supposer que, derrière cette vision volontariste et offensive, l’URSS se range progressivement au principe de la limitation d’un tel conflit et de la sanctuarisation de son territoire national. Sans changer son discours officiel, Moscou n’en modifie pas moins sa vision de l’équilibre des puissances par la relance du débat stratégique puis par l’engagement de négociations sur la limitation des armements. Il apparaît de plus en plus clairement que Moscou n’envisage plus comme seule option un conflit nucléaire mondial majeur. Certes, Moscou ne cesse d’affirmer qu’il n’est pas possible de limiter un conflit nucléaire et qu’un tel conflit ne saurait être que mondial, mais, dans le même temps, c’est vers cette éventualité d’une guerre nucléaire limitée que semble s’orienter l’URSS.

L’accord de 1963 sur une liaison directe entre la Maison Blanche et le Kremlin (« téléphone rouge ») puis la signature, la même année, d’un traité sur l’interdiction des essais nucléaires dans les trois sphères montre bien qu’il s’est produit, dans la conception soviétique, une évolution profonde. La crise de Cuba, qui a porté l’URSS, les États-Unis et le monde « au bord du gouffre », a joué un rôle primordial dans le lancement, en décembre 1963, du mot d’ordre de la « Révolution dans la chose militaire »61.

Du débat de 1957-59 sur la future guerre à la « révolution » de 1964, l’URSS est passée d’une réflexion sur la conduite d’une guerre menée avec des armes nucléaires à une réflexion sur la nécessité de penser la guerre autrement. Si, pour les Soviétiques, la guerre nucléaire reste possible, il semble qu’elle ait été progressivement exclue comme moyen de régler les différends avec les États-Unis, ennemi principal. La révolution dans la chose militaire marque véritablement l’entrée de l’URSS dans une logique nouvelle, la logique du nucléaire. La crise de Cuba a fait prendre conscience aux dirigeants politiques soviétiques – dix ans après Malenkov ! – que la fonction de l’arme nucléaire pourrait bien être, d’abord, politique.

La crise de Cuba a donné suffisamment d’arguments aux militaires pour pouvoir s’opposer aux visions d’un Khrouchtchev de plus en plus critiqué à l’intérieur du pays. Même si le discours reste inchangé – malgré la « révolution » annoncée par le ministre – la réflexion peut, dès la fin de 1963 et le début de 1964, s’orienter dans des directions qui lui étaient jusqu’alors interdites. L’armée semble prendre sa revanche sur les vexations qu’elle a le sentiment d’avoir subies depuis la fin des années cinquante : réduction drastique des forces, priorité au tout nucléaire au détriment des autres armes, retour en force des organes politiques de l’armée, quasi-disparition de la marine… L’objectif de la révolution dans la chose militaire est bien de « corriger certains erreurs concernant la sur-évaluation du rôle du nucléaire ». Dès lors, les débats vont s’orienter à la fois vers des thèmes théoriques mais aussi opérationnels. On reparle – discrètement – de Clausewitz mais aussi de l’opération en profondeur qui avait été quelque peu négligée depuis la guerre. La révolution dans la chose militaire correspond à un moment où se dissocient deux discours stratégiques : un discours de plus en plus politique qui continue de prôner le « concept sokolovskien » – quand bien même Sokolovski ne croit plus en son propre discours ! – comme étant la « ligne » de la doctrine soviétique ; et un discours plus opérationel qui se manifeste par la publication d’articles et d’ouvrages qui relativisent cette doctrine, quand ils n’en sont pas la simple négation.

L’une des manifestations de ces débats stratégiques est le retour en grâce de Clausewitz62, même si le nom du général prussien n’est pas toujours mentionné. L’absence de référence explicite à Clausewitz tient au fait qu’il y a incompatibilité entre ses visions, encore qualifiées « d’idéalistes » et de « métaphysique bourgeoise », et le caractère « scientifique » de l’idéologie marxiste-léniniste. Dans cette perspective, se développe un discours sur la distinction entre la bataille et l’objectif de la guerre, la victoire, qui est désormais susceptible d’être obtenue dans une seule bataille décisive. Avec l’arme nucléaire, la stratégie et la tactique voient leurs objectifs unifiés ; le but et les moyens de la guerre se trouvant alors confondus. La guerre absolue dans le domaine du politique – inconciliabilité des systèmes et victoire finale du communisme – peut devenir aussi absolue dans le domaine purement militaire : la bataille peut réaliser les objectifs mêmes de la guerre.

Ces réflexions ont conduit certains auteurs à développer aussi une théorie de la crise à l’âge nucléaire fort peu courante en URSS à l’époque. Ainsi Nikolaj Nikolski publie-t-il en 1964 un ouvrage – qui sera ensuite violemment critiqué – dans lequel il affirme que « pour le politique, la victoire militaire n’est plus la question centrale ; pour le militaire, au contraire la victoire est l’essence de la guerre. La politique obtient souvent la victoire sans guerre » 63.

Et il ajoute, propos imprudents à l’époque en URSS, que « si la guerre ne peut plus servir de moyen pour obtenir les buts [de la politique], la crise devient un instrument de la politique ». Autant de considérations qui ressortissent à un débat sur la dissuasion, une notion qui reste largement au niveau du non-dit à l’époque, tout au moins chez les politiques. D’autres auteurs, tel le général Talenski qui avait déjà fait entendre sa différence dès 1953 et dont les idées seront régulièrement condamnées – tout en étant autorisé à publier ! -, méritent quelqu’attention. Rétrospectivement, ses idées semblent avoir été plus largement partagées dans les milieux militaires que ses censeurs voulaient bien l’affirmer ; elles seront d’ailleurs réhabilitées ultérieurement64.

Poursuivant ses réflexions développées dans les années cinquante, Talenski s’interroge, à partir de 1963, sur les conséquences d’une guerre nucléaire et, plus largement, sur la relation entre guerre et politique, autre thème constant du débat militaire en URSS. En mars 1963, Talenski fait ainsi une brève allusion à la possibilité d’instaurer un principe de « dissuasion minimum » dans son commentaire des plans de désarmement proposés simultanément par l’URSS et par les États-Unis. Il affirme à ce sujet : « L’Union soviétique est d’accord pour qu’une partie des fusées intercontinentales et des armes thermonucléaires restent à la disposition des États-Unis et de l’Union soviétique… à titre de force de dissuasion minimum. En outre, il est admis que les moyens de défense anti-aérienne et anti-missiles seront conservés » 65 (voir plus loin). Mais c’est surtout à partir de la fin de 1963 que Talenski commence à formuler une conception qui n’est pas sans rappeler celle que Malenkov avait tenté d’imposer en 1953-54. Il affirme ainsi que « l’arme nucléaire… donne à la guerre éventuelle un caractère qualitativement nouveau. Ne pas le comprendre signifie ne pas voir l’évolution qui se déroule dans le monde » 66. Ce qui est sans doute le plus important dans cet article – et l’on peut penser que Talenski en est l’initiateur, compte tenu de ses antécédents – est cette considération selon laquelle « la bombe réduit jusqu’à un certain point les possibilités qu’a ce régime [impérialiste] de provoquer une catastrophe universelle » 67.

Talenski a, en effet, toujours été un partisan fervent de l’introduction de la notion de dissuasion – nombre de ses écrits en témoignent. Parmi ceux-ci, un article paru en 1964 s’attaque au concept de stratégie anti-forces, développé aux États-Unis et considéré comme un concept de première frappe. C’est à l’occasion de cette critique des conceptions occidentales qu’il reprend et développe ses deux idées majeures et, pourrait-on dire, constantes. La première est que l’arme nucléaire « a rendu la guerre absolument inconcevable sur le plan politique. Cela aurait des conséquences catastrophiques pour l’humanité toute entière » 68. Sa seconde grande idée consiste à penser que « du point de vue de la stratégie, de puissantes forces de dissuasion, jointes à une défense anti-fusées efficace, élèvent substantiellement la stabilité de la dissuasion réciproque » 69. Certes, Talenski précise que, à la différence de l’URSS, le principe sur lequel est fondé la dissuasion aux États-Unis est un « système de dissuasion par la terreur ». Mais il n’en reconnaît pas moins implicitement le principe de l’équilibre stratégique – même si le terme ne fait pas encore partie du « vocabulaire international » courant – qui est garanti par l’existence d’une dissuasion mutuelle entre les deux systèmes. Il en déduit que les armes nucléaires soviétiques ont, elles aussi, une fonction dissuasive, même si l’URSS ne peut reconnaître l’aspect « menaçant » de ses armes.

Mais c’est dans le dernier article publié avant sa mort que Talenski tire les conclusions qui s’imposaient de ses écrits antérieurs à un moment où certains auteurs, plutôt « conservateurs », admettent, même si cela est sans enthousiasme, que les armes nucléaires soviétiques remplissent une fonction effectivement dissuasive70. Pourtant, dans cet article, publié en 196571, Talenski ne parle plus de dissuasion. C’est, semble-t-il, au moins pour lui, une chose considérée comme acquise et sur laquelle il a d’autant moins de raisons de revenir que, justement elle semble avoir été admise. Par contre, il traite de l’un des principes sur lesquels la dissuasion est fondée : la relation entre guerre et politique. On sait que les Soviétiques ont toujours été très attachés à la « formule » de Clausewitz revue par Lénine. Or, Talenski affirme, dans ce texte, que « de nos jours la pire des illusions serait de croire que la guerre thermonucléaire peut encore servir d’instrument de la politique, que l’on peut simultanément atteindre des buts politiques en employant l’arme nucléaire et s’en tirer soi-même sans dommages ; que l’on peut trouver des formes acceptables de guerre atomique ». Puis, après avoir critiqué la stratégie anti-forces des États-Unis, il conclut : « la guerre a cessé d’être un moyen politique pour se transformer en instrument de suicide national et social » 72.

Comme Malenkov en son temps, Talenski, avec quelques autres tel N. Nikolski, est donc l’un des rares auteurs soviétiques à chercher à penser la guerre en termes stratégiques, au-delà du dogme établi, et à tirer de véritables conclusions. Quoique marginalisé depuis le début des années cinquante, Talenski peut également être perçu comme le porte-parole d’une « hétérodoxie officielle », comme un « iconoclaste organique », permettant aux autres auteurs de mieux fixer une ligne qui, pour n’être pas nécessairement stratégiquement fondée, n’en doit pas moins préserver sa propre logique – ou tout au moins en préserver l’apparence. Mais, pour certains, cette dissuasion ne saurait être qu’une dissuasion ex post (intra-war deterrence) dans la mesure où sa fonction concerne d’abord les relations soviéto-américaines tout en conservant l’hypothèse du déclenchement d’un conflit en Europe.

La guerre limitée et le retour de l’opération
en profondeur

Parallèlement au débat sur la dissuasion, se déroule un débat sur la possibilité de mener une guerre limitée, nucléaire ou non, sur le continent européen. Malgré les apparences, ces deux débats ne sont pas contradictoires, tout au moins dans les conditions de l’URSS et de cette époque. Car le débat sur la dissuasion se rapporte bien à l’interdiction d’un conflit avec l’autre superpuissance mais non à la possibilité d’affronter l’adversaire idéologique sur un théâtre tiers, en l’occurrence européen.

Quelque peu délaissée depuis l’apparition des armes nucléaires et balistiques et la priorité absolue que Khrouchtchev avait accordée à ces armes, la question de l’opération en profondeur revient à l’ordre du jour à partir de 1964. Certes, l’on peut estimer que le concept « sokolovskien » des frappes nucléaires massives pourrait être conçu comme une variante – avec d’autres moyens et à une autre échelle – de l’opération en profondeur73. Mais la reprise de cette question en 1964 est aussi la marque d’un changement radical d’attitude au sein de l’armée au moment où une transition politique s’engage à la tête de l’État. La conjoncture politique n’est pas la seule raison de la résurgence de cette notion première de l’art opératif soviétique car il apparaît, de plus en plus, que l’armée soviétique est bien acquise au principe d’une guerre limitée au continent européen. D’ailleurs n’est-ce pas cette hypothèse conflictuelle qui a les faveurs des politiques comme des militaires depuis 1945 – la question ne se posant pas avant 1940. De 1945 à 1957-61, l’URSS ne dispose en effet d’aucun moyen pour porter la guerre ailleurs qu’à sa périphérie immédiate – essentiellement en Europe. A partir de 1963, c’est la logique du nucléaire qui se met en place – tout au moins implicitement – conduisant à une situation de dissuasion mutuelle de fait entre les deux superpuissances. La raison fait alors suite à la nécessité. Par contre, la période 1961-63 constitue une parenthèse dans les conceptions stratégiques soviétiques au cours de laquelle les Soviétiques ont les moyens de leur discours offensif et de leur politique volontariste.

Une série d’articles paraît dans la presse militaire sur cette question de l’opération en profondeur à partir du début de 196474. Le rythme des publications sur ce thème s’amplifie au cours de l’année suivante, notamment dans la revue confidentielle de l’état-major ainsi que dans la revue d’histoire militaire – mais, comme souvent, l’histoire est un prétexte pour parler du présent. En 1965, l’auteur d’un article consacré à l’art opératif dans les années trente affirme par exemple que l’opération en profondeur, quoiqu’insuffisamment élaborée avant la guerre, reste toujours d’actualité75. Et cet auteur d’ajouter encore plus clairement : « La révolution dans la chose militaire n’exclut en rien la possibilité d’utiliser à l’avenir les différentes formes d’action militaire qui ont prévalu dans le passé » Et ce d’autant plus que « la presse militaire étrangère attire l’attention, ces derniers temps, sur la possibilité d’actions militaires sans usage de l’arme nucléaire » 76.

Pour sa part, la revue de l’état-major publie, en 1965, au moins trois articles sur ce sujet. En novembre 1965 notamment, le général d’armée P. Kourotchkin, alors directeur de l’Académie Frounze, rappelle l’actualité de l’opération en profondeur en insistant sur le rôle central des blindés et du soutien aérien dans les opérations modernes en précisant : « Bien sûr, le soutien des groupements de chars sera considéré d’une toute autre manière en raison de l’utilisation des armes nucléaires, y compris par l’aviation. Dans le même temps, il est impossible de ne pas compter sur l’aviation, porteuse de munitions classiques tant dans une guerre nucléaire que dans une guerre non nucléaire » 77.

Ces quelques exemples montrent bien qu’un mutation est en train de se produire dans la réflexion stratégique soviétique, une mutation que, imperceptiblement, l’on peut ressentir a posteriori dans les deuxième et troisième éditions de Sokolovski. Certes, ce dernier n’aborde pas directement la question de l’actualité de l’opération en profondeur. Mais, liée à cette dernière, l’évolution de son appréciation de la guerre limitée montre aussi qu’il réussit à faire passer le message du changement. Sur le chapitre de la guerre limitée, Sokolovski reste dans la plus pure orthodoxie estimant qu’il est impossible de limiter une guerre surtout « si les puissances nucléaires sont engagées dans ce conflit ». Par contre, il précise en ajoutant dans la deuxième édition que « la stratégie soviétique doit étudier également les moyens de mener de telles guerres [locales] de sorte qu’elles ne se transforment pas en guerre mondiale et que l’on puisse obtenir une victoire rapide sur l’ennemi » 78. Mais surtout, allant dans le même sens, une phrase qui se trouve dans les deux premières éditions du Manuel disparaît dans la troisième : là où il estimait, en 1962 et 1963, que si, dans une guerre locale, des armes nucléaires étaient employées, cette guerre se transformerait nécessairement en une guerre nucléaire mondiale, en 1968, ces considérations ont disparu. Ceci laisserait suggérer que, dans un conflit local, voire limité, l’emploi du nucléaire ne déboucherait pas nécessairement sur l’apocalypse et le « grand échange américano-soviétique ».

Cette dissociation entre guerre – limitée – en Europe et guerre mondiale, entre champ de bataille européen et sanctuarisation des territoires des deux superpuissances a incontestablement contribué à ce que les Soviétiques aient accepté de s’asseoir, à partir de 1968, à la table des négociations sur les armes stratégiques qui déboucheront sur la signature de l’accord SALT en 1972. Mais, outre l’accord intérimaire sur les armes stratégiques, SALT comprend surtout un traité sur la limitation des systèmes antimissiles. Cette question, qui a été l’objet d’un débat en URSS, a surtout provoqué une importante polémique entre Washington et Moscou.

De la PVO aux ABM

La défense anti-aérienne a été, dans les années cinquante, l’une des priorités de l’URSS. Mais la crainte d’une guerre nucléaire aérienne change d’échelle avec le développement des missiles. Les Soviétiques cherchent désormais à se prémunir aussi d’une frappe balistique intercontinentale. Le discours soviétique public de la fin des années 1950 et du début des années 1960 insiste alors sur deux points : d’une part, la supériorité militaire indéniable de l’URSS et du camp socialiste ; d’autre part, son invincibilité compte tenu, de ses traditionnels avantages géographiques et géopolitiques et surtout de ses capacités antiaériennes et anti-missiles.

C’est en fait surtout à partir de 1961 que l’URSS affirme la nécessité d’une défense anti-missile efficace, comme elle l’exigeait pour la défense antiaérienne. Cette date n’est pas innocente. Elle tient compte non seulement de l’évolution du facteur technique mais également du facteur politique. Techniquement, l’URSS dispose alors d’une deuxième génération de missiles, qui sont désormais véritablement intercontinentaux (SS 7, SS 8) et d’une première génération d’ABM ; les États-Unis disposant, quant à eux, du Minuteman et, surtout des SLBM Polaris. Dans le domaine politique, 1961 est l’année du XXIIe Congrès du PCUS c’est-à-dire un moment de la vie politique soviétique où est fixée la « ligne » pour au moins les cinq années à venir. Mais c’est aussi le moment où la tension est-ouest atteint apogée avec la première crise de Cuba et la crise de Berlin qui, engagée trois ans auparavant, trouve son dénouement dans l’érection du Mur. Enfin, l’année précédente, l’incident de l’avion-espion U2 abattu en territoire soviétique avait fortement marqué les esprits en URSS et renforcé l’idée que la menace américaine viendrait bien de l’espace aérien. Ces années 1961-63 sont bien les années de tous les dangers !

C’est dans ce contexte qu’un article, paru dans la presse militaire, fait état de nouvelles menaces de guerre mondiale, y compris des risques de son déclenchement par erreur, en raison notamment de la présence permanente dans le ciel ouest-européen de bombardiers stratégiques porteurs de l’arme nucléaire. Ces appareils étaient, écrivait l’auteur de cet article, « susceptibles d’être victimes d’accidents, de perdre une bombe ou leur présence d’être mal interprétée par les radars… et donc provoquer l’engagement d’un conflit » 79.

En tout état de cause, cette préoccupation d’ordre défensif ne préjuge en rien des principes stratégiques déclarés qui restent essentiellement offensifs. De plus, les Soviétiques ont toujours estimé – mais ceci tient plus du discours politique que de la stratégie militaire -, qu’ils avaient sur l’ouest, et surtout sur l’Europe occidentale, un avantage géographique indéniable. L’immensité de leur territoire permet la dispersion des objectifs économiques et militaires ce qui les prémunit d’une destruction totale en cas d’attaque adverse. Ceci dit, les bombardiers stratégiques, puis, surtout, les missiles ont considérablement affaibli voire anéanti l’un des principaux « alliés » de la Russie – soviétique ou non – : « le général Hiver » ; comme d’ailleurs, ils ont fait perdre aux États-Unis leur situation d’insularité qui les avait jusqu’alors préservé de tout adversaire crédible. Il devenait par conséquent indispensable de penser à réduire les effets d’une attaque atomique contre le territoire soviétique quand bien même il n’était pas concevable qu’il fût totalement détruit. Cette préoccupation d’une défense anti-missile se fait publiquement ressentir dès la première moitié des années 1960, essentiellement entre 1962 et 1967, c’est-à-dire au moment où l’URSS commence à déployer ses premiers systèmes ABM. Tout en valorisant amplement cette « réalisation de la science soviétique », on remarque pourtant quelques allusions – fort discrètes – aux difficultés rencontrées dans l’élaboration de ces armes.

Le 4 mars 1961, les Soviétiques expérimentent avec succès leur premier système antimissiles80. Mais l’information ne sera rendue publique que près de deux ans plus tard lorsque le général Biriouzov, commandant en chef des forces des missiles stratégiques, annonce que « l’URSS a résolu avec succès le problème de la destruction des missiles adverses en vol » 81. Un réseau de missiles anti-missile – « Griffon » selon le nom de code OTAN – est déployé dès 1962 autour de Leningrad. Mais sa faible efficacité conduit les Soviétiques à le démanteler dès 1964. La même année, une deuxième génération de ces missiles – système « Galosh » – est déployée, cette fois autour de Moscou. Dès 1963, politiques et experts militaires insistent sur la supériorité et la prééminence dont ils disposent sur les Américains dans ce domaine. Il est d’ailleurs intéressant de relever que les arguments qui sont alors échangés pour ou contre les systèmes ABM entre l’URSS et les États-Unis se retrouvent, mais inversés, vingt ans plus tard à propos du projet IDS.

Pourtant, à côté du discours politique triomphaliste sur les ABM, les milieux militaires paraissent plus dubitatifs quant aux effets de ces systèmes. Tout en glorifiant cette technique nouvelle et en exigeant de « trouver des moyens nouveaux pour parer aux coups adverses » 82, certaines voix se font entendre qui mettent en garde contre l’optimisme ambiant. L’un des plus dubitatifs, ou tout au moins des plus prudents dans ce domaine, a été le maréchal Sokolovski. Tant dans son manuel de stratégie que dans divers articles, il fait preuve d’un certain scepticisme quant à l’efficacité d’un tel système. Il affirme certes que les moyens anti-missiles auront dans la future guerre une fonction croissante. Mais, dans le même temps il s’empresse de montrer les difficultés auxquelles sont confrontés les Américains83. On retrouve cette même perspective dans un article qu’il publie en 1964 dans l’organe du ministère de la défense84.

Dans le même état d’esprit, on peut lire, dans l’un des rares ouvrages consacrés à l’arme atomique et publié en 1964, que « dans les conditions de l’utilisation de munitions nucléaires, une défense absolue des objectifs est pratiquement impossible à l’ouest » 85. Il s’agit certes de l’ouest, mais comment ne pas penser que ce discours puisse être également à usage interne tentant de limiter le scepticisme ambiant. L’auteur de cet ouvrage ajoute en effet que : « dans cette question de défense active, il ne faut pas sombrer dans des appréciations pessimistes quant aux possibilités de défense contre les moyens de destruction ». Pourtant, hymne obligé à la science soviétique, le chapitre s’achève sur la conclusion que « la science peut trouver les moyens correspondants [pour la défense], aussi efficaces que les moyens pour l’offensive » 86. Après le limogeage de Khrouchtchev, les Soviétiques se montreront encore plus prudents sur ce chapitre et, conscients de leur difficultés, accepteront d’engager des négociations sur ces systèmes. Ce qui n’empêchera pas le savants soviétiques de poursuivre les recherches dans cette direction, même après la signature du traité SALT I.

Les années soixante-dix

La décennie soixante-dix a été plus marquées par les négociations sur la limitation des armes balistiques que par un véritable débat stratégique. Qualifiées, à partir de 1985, d’époque de la « stagnation », les années brejnéviennes ne sont pas pour autant insignifiantes dans le domaine de la réflexion stratégique. Certes, la réflexion officielle est effectivement limitée à la publication par le ministre de la Défense d’un ouvrage qui n’apporte que quelques impedimenta idéologiques au dogme sokolovskien87. Mais, dans le même temps, les Soviétiques cessent de revendiquer une supériorité stratégique, largement factice au cours des années soixante, pour réclamer et proclamer le principe de la parité et de l’équilibre stratégique. Ce changement de discours permet d’effectuer une « pause » dans la course quantitative aux armements et de signer, en 1972, le premier accord de limitation des armements nucléaires, SALT 1. Cette parité, mutuellement reconnue par l’accord, permet ainsi aux Soviétiques d’admettre, au moins implicitement, l’existence d’une situation de dissuasion mutuelle entre les deux superpuissances et, par là, la sanctuarisation de leurs territoires respectifs. Cette situation de parité stratégique conduit alors Moscou à aborder, une fois encore, à la fin de la décennie soixante-dix, la question de la guerre limitée en Europe (voir chapitre 4).

Mais, simultanément, l’on assiste à la montée en puissance de l’armée – ainsi que de la diplomatie et du renseignement – dans le processus de prise de décision politique. En 1973 les ministres de la Défense et des Affaires étrangères ainsi que le chef du KGB font leur entrée au Bureau politique du PCUS, l’instance suprême de décision en URSS. Le principe d’automaticité de la présence de ces trois organes qui semble être alors établi en fait désormais des instruments essentiels de la vie politique en URSS. Cette mutation dans l’organisation du pouvoir tient au fait que, confronté aux Américains lors des négociations SALT, le pouvoir soviétique a pris conscience de ses carences dues à l’imperméabilité presque absolue existant entre les trois grands secteurs de l’action extérieure. Car, si la négociation SALT n’a pas à proprement parler provoqué de nouveau débat officiel sur la stratégie, il a incontestablement révélé un certain nombre de faiblesses dans l’organisation et la réflexion stratégique en URSS88. C’est vraisemblablement à ce moment que le chef de la délégation militaire soviétique à SALT, le général – futur maréchal – Ogarkov prend conscience de la nécessité de revoir le dogme sokolovskien. Or, tant que le maréchal Gretchko dirigeait le ministère de la défense, toute réflexion stratégique de fond semblait devoir être figée, au moins officiellement. Il faut attendre la disparition du ministre en 1976 et son remplacement par un homme du complexe militaro-industriel, Dimitri Oustinov, pour que cette réflexion puisse commencer à s’exprimer.

C’est ainsi que se met en place, à partir du milieu des années soixante-dix, ce que l’on peut désigner comme une « coalition techno-bureaucratique » d’hommes de l’appareil qui, conscients de l’impasse dans laquelle se trouve l’URSS, prône une réforme globale du système soviétique, destinée à éviter que le pays ne perde son statut de superpuissance. Les trois hommes à la tête de ce mouvement « réformateur » sont justement trois des principaux responsables de la puissance du pays : le ministre de la Défense, un homme du complexe militaro-industriel ; un officier opérationnel qui, en 1977, devient chef de l’état-major général, le maréchal Ogarkov ; et le chef du KGB, Iouri Andropov. Mais ce mouvement « réformateur » – à ne pas confondre avec un quelconque mouvement « démocrate », même si des éléments de démocratie doivent être introduits dans le système afin d’en préserver la puissance – ne pourra faire entendre sa voix qu’à partir de la fin de la décennie (voir chapitre suivant). Il est pourtant un domaine de la pensée stratégique soviétique dans lequel la première moitié de cette décennie apporte un changement radical : celui de la stratégie navale.

La « doctrine Gorchkov »

Parent pauvre des armées russes et soviétiques, la marine a traditionnellement un rôle de protection des frontières maritimes. Or, entre la fin des années soixante et le milieu des années quatre-vingt, la marine soviétique connaît un essor considérable. Cet essor est le résultat de la conjonction d’une vision stratégique, d’un projet politique visant à faire de l’URSS une puissance mondiale et d’une conjoncture internationale favorable à ce projet. Mais cette « rencontre » est aussi, une fois encore, le fruit des leçons tirées de la crise de Cuba au cours de laquelle, selon les propos du maréchal Malinovski, « Khrouchtchev a bien regretté de ne pas avoir eu de porte-avions ». Le commandant en chef de la marine, l’amiral Gorchkov, avait été désigné par Khrouchtchev en 1956 pour remplacer l’amiral Kouznetsov, personnalité trop forte au goût du pouvoir politique et aux exigences trop explicites en faveur de la marine. L’amiral Gorchkov est alors nommé pour gérer docilement la pénurie de son arme au service d’un pouvoir politique qui ne pense alors qu’en termes de nucléaire stratégique. L’amiral Gorchkov sert, dans un premier temps, ce pouvoir mais commence à relever la tête dès le lendemain de la crise de Cuba. Il exige alors une modernisation des forces navales visant à développer une flotte de haute mer89, Khrouchtchev étant encore premier secrétaire du PCUS. Dès le limogeage de ce dernier, son successeur, Léonide Brejnev, souscrit plus volontiers aux pressions des marins et engage l’URSS dans un vaste programme de constructions navales tirant, au moins en partie, les leçons de Cuba. Par ailleurs, la phase de décolonisation qui s’engage en 1960 crée, en Afrique notamment, de nombreux vides politiques qu’il convient de combler. Or, jusqu’à présent, toute superpuissance qu’elle ait été depuis 1945, l’URSS n’en était pas moins restée une puissance essentiellement régionale. Si l’on excepte ses missiles intercontinentaux, sa capacité d’intervention extérieure se limite à ses frontières immédiates : l’URSS n’a pas les moyens de projeter sa puissance au-delà des mers. Le lancement de ce programme de constructions navales va naturellement de pair avec l’engagement, par Moscou, d’une politique qui devient véritablement mondiale.

Aux moyens navals nouveaux et à la politique de puissance qui se met alors en place doit désormais correspondre une stratégie nouvelle. C’est l’amiral Gorchkov qui, dans un article publié en février 1972 dans la revue de la marine soviétique – Morskoj Sbornik – lance le débat sur l’élaboration d’une stratégie navale spécifique90. L’amiral y défend la thèse selon laquelle, outre la nécessité de se doter d’une stratégie navale distincte de la stratégie terrestre et nucléaire, la marine peut, d’une part, avoir un rôle décisif dans l’issue d’un conflit ; et, d’autre part, jouer un rôle diplomatique, également en temps de paix. De ces considérations, l’amiral conclut qu’une grande puissance doit avoir une grande marine. Il est alors pris à parti par le maréchal Gretchko, son ministre de tutelle, qui lui répond qu’il ne saurait y avoir de stratégie navale propre et qu’en aucun cas, la marine ne saurait appliquer et, à plus forte raison imposer ou déterminer, la politique mondiale de l’URSS en temps de paix. En temps de guerre, la marine doit conserver son rôle de défense côtière, les SNLE ne constituant qu’un élément des troupes des missiles – même si le commandement en est distinct – destiné à frapper le sol de l’adversaire. La polémique s’achève en 1974 avec la victoire du marin sur le terrien, du subordonné sur le supérieur. Le maréchal Gretchko est contraint – par le pouvoir politique – de reconnaître le rôle de la marine dans la politique mondiale de l’URSS. En 1976, l’amiral Gorchkov publie alors un ouvrage dans lequel il énonce les principes de la stratégie navale de l’URSS, principes qui avaient déjà été énoncés dans les article de sa polémique avec le maréchal Gretchko91.

Cette polémique éclate à un moment où, d’une part, le programme de construction navale lancé à partir de 1964 commence à produire ses effets et où les premiers bâtiments de haute mer entrent en service ; d’autre part au moment où de nouveaux « vides politiques » à combler apparaissent en Afrique australe (Mozambique, Angola) et dans la Corne de l’Afrique (Somalie, Ethiopie). Désormais, l’URSS dispose des moyens de sa politique, quand bien même il convient de relever l’absence de porte-avions dans ce programme de construction navale, seuls ayant été construits des porte-aéronefs (classe Kiev)92. Pourtant, l’URSS garde un certaine nombre de handicaps en tant que puissance navale, des handicaps qui sont dus à son histoire et à sa culture stratégique essentiellement continentale. En premier lieu, l’URSS manque de bases navales de par le monde, de relais de sa puissance. Elle ne disposera jamais que d’une seule base au sens plein du terme : la base de Cam Ranh, au Viêt-nam. Ailleurs, elle ne disposera que de points d’appuis ou de facilités de mouillage lesquelles ne peuvent en aucun cas remplacer une véritable base navale93. Ainsi, le Mozambique, pourtant allié de l’URSS, lui refusera la construction d’une base à Beira qui ne constituera jamais qu’un point d’appui.

Par ailleurs, la configuration même de l’espace soviétique ne lui permet pas d’avoir accès à des mers ouvertes en permanence pour ses bâtiments de surface, soit pour des raisons climatiques pour ses flottes du Nord (Mourmansk) et du Pacifique (Vladivostok) ; soit parce qu’elles sont fermées par des détroits contrôlés par des pays de l’OTAN ou alliés des États-Unis : flotte de la mer Noire avec les détroits turcs, flotte de la Baltique avec les détroits danois, et flotte du Pacifique avec les détroits japonais. Enfin, si le programme de construction navale a impressionné par son ampleur, la qualité des bâtiments ne pouvait guère rivaliser avec celle des États-Unis. Cette série de handicaps a ainsi conduit à s’interroger, derrière les discours officiels, sur les objectifs navals réels de l’URSS.

Si l’on observe la localisation de sa présence, essentiellement dans l’océan Indien, Moscou semble avoir, avant tout, cherché à se réserver à la possibilité de couper les routes d’approvisionnement en matières premières et énergétiques de l’Occident. La concrétisation d’un tel projet n’aurait pu se concevoir que dans deux hypothèses : soit à l’intérieur d’un conflit déjà engagé, soit comme un casus belli. En d’autres termes, malgré la prodigieuse montée en puissance des forces navales soviétiques, l’URSS n’a jamais réussi à se présenter comme une puissance maritime, susceptible d’obtenir la maîtrise des mers. Cette politique de force visant à transformer l’URSS en puissance mondiale a, en fin de compte, été un échec : échec militaire, échec politique et échec économique. C’est ce que Mikhaïl Gorbatchev a bien compris lorsque, dès son accession au pouvoir, en 1985, il remercie l’amiral Gorchkov pour ses quelque trente ans de » bons et loyaux services » et qu’il engage une politique de résolution des crises dans ces lieux éloignés qui n’avaient provoqué que troubles tant sur la scène internationale qu’à l’intérieur du pays.

L’ère Gorchkov a ainsi constitué une parenthèse non seulement dans la stratégie navale de l’URSS mais également dans sa conception de la puissance. L’URSS n’est pas une puissance navale, et a peu de chances de le devenir jamais. L’URSS est une puissance régionale, certes imposante, mais ne peut guère prétendre (re)devenir une puissance mondiale. Il n’en demeure pas moins que son arsenal stratégique lui permet de continuer de prétendre au statut de superpuissance avec ce que cela implique de responsabilités pour le maintien de la paix ou pour le déclenchement d’une guerre mondiale. Le débat stratégique de la fin des années soixante-dix et du début de la décennie suivante en témoignent.

________

Notes:

 

61 Cette “campagne” est lancée par la publication d’un article du maréchal Malinovski, ministre de la Défense : “Revoljucija v voennom dele i zadatchi voennoj petchaty” (la révolution dans la chose militaire et les tâches de la presse militaire) Kommunist Voorujennyh Sil, n° 21, décembre 1963, pp. 8-10.

62 Depuis la campagne de critique lancée par Staline en 1946 (voir chapitre 1), le nom de Clausewitz avait pratiquement disparu des écrits militaires en URSS.

63 N. Nikolski, Osnovnoj Vopros Sovremennosti (La question principale de notre temps), Moscou, MO, 1964, p. 362. N. Nikolski est chercheur à l’Institut d’Économie Mondiale et de Relations Internationales (IMEMO) de l’Académie des Sciences.

64 A. Kokochin, op. cit., p. 135 le considère notamment comme étant “l’un des principaux théoriciens militaires soviétiques de cette époque [depuis 1953]”.

65 N. Talenski “Sincère ? Oui. Réaliste ? Non”, Vie internationale, 3, 1963, p. 105.

66 N. Talenski, A. Ermonski, D. Melnikov, “Le problème majeur du XXe siècle”, Vie internationale, 9, 1963, pp. 10-17.

67 Ibid., p. 16.

68 N. Talenski, “Les systèmes anti-fusées et le problème du désarmement”, Vie Internationale, 10, 1964, p. 16.

69 Ibid., p. 17. (On reviendra plus loin sur cette question des ABM).

70 Voir notamment A. Timorin, dans le recueil des travaux de l’Académie Lénine (formation des officiers politiques), Trudy Akademii, n° 39, 1962, pp. 58-87.

71 N. Talenski, “Réflexions sur la dernière guerre”, Vie internationale, 5, 1965, pp. 16-22

72 Ibid., p. 19.

73 Ce qu’ont alors, discrètement reconnu certains en URSS, tel le général N. Lomov dans un article intitulé : “Influence de la doctrine militaire soviétique sur le développement de l’art militaire”, Kommunist Voorujennyh Sil, n° 21, 1965, p. 21. Le général Lomov était alors chef du département de stratégie à l’Académie de l’état-major.

74 Krasnaja Zvezda, 10 janvier et 6 juin 1964.

75 P. Altuhov, “L’expérience de l’histoire militaire et le développement de la chose militaire”, Voenno-Istoritcheskii Jurnal, 9, 1965, p. 5.

76 Ibid., p. 8.

77 P. Kurotchkin, “Les opérations de chars dans la profondeur opérative”, Voennaja Mysl, novembre 1964, Traduit dans Selected Readings from Military Thought 1963-1973, Washington, USGPO, 1982, pp. 83-84.

78 V. Sokolovski, op. cit., 2e édition, pp. 242 et 234.

79 N. Suchko, et al. “Le développement de la théorie marxiste-léniniste sur la guerre et l’armée”, Kommunist Voorujennykh Sil, (KVS) n° 18, 1961, p. 21.

80 A. Kokochin, op. cit., p. 213.

81 Krasnaja Zvezda, 4 décembre 1962.

82 E. Rybkin, “La nature de la guerre balistique nucléaire”, KVS, n° 17, 1965, p. 55.

83 V. Sokolovski, op. cit., (2e édition), pp. 246 et 393-394.

84 Krasnaja Zvezda, 28 août 1964.

85 S. Krasil’nikov (red.), Atom i Orujie (Atome et armement), Moscou, Voenizdat, 1964, p. 13.

86 Ibid., pp. 24-25.

87 A. Gretchko, Les Forces armées de l’État soviétique, Moscou, éditions du Progrès (en français), 1977 (l’ouvrage a été édité en russe en 1974 et réédité en 1975). Le maréchal Gretchko succède au maréchal Malinovski en 1967 et reste en fonction jusqu’à sa mort en 1976.

88 Selon H. Kissinger, ce sont les Américains qui ont fourni aux diplomates soviétiques les informations sur la composition de l’arsenal de l’URSS, ce que les experts militaires soviétiques refusaient de faire. A la Maison Blanche, Paris, Fayard, 1979, pp. 543-544.

89 Voir notamment les articles de l’amiral Gorchkov dans Krasnaja Zvezda, 5 février 1963 et 21 mars 1964.

90 L’amiral Gorchkov poursuit le débat dans chaque numéro de Morskoj Sbornik jusqu’au numéro de février 1973.

91 S. Gorchkov, Morskaja Mochtch Gosudarstava (La puissance navale de l’État), Moscou, Voenizdat, 1976 (suivi d’une 2e édition parue en 1979).

92 Il faut attendre 1991 pour que le premier porte-avions soviétique voie le jour. Compte tenu des aléas de la politique soviétique, ce bâtiment portera successivement les noms de “Léonide Brejnev”, puis de “Tbilissi” pour être finalement baptisé “Amiral Kouznetsov”, du nom du prédécesseur de l’amiral Gorchkov. Il est lancé le 1er décembre 1991.

93 A la fin des années soixante-dix, l’URSS disposait de facilités de mouillage : dans l’océan Indien en Inde (Madras, Cochin, Bombay), dans les îles Nicobar, Seychelles, Maurice ; en Ethiopie à Dahlak (après avoir perdu Berbera en Somalie), au Yémen du sud à Aden et, au large, à Socotra. En Méditerranée, elle disposait de facilités à Lataquié et Tartous en Syrie. Mais elle n’avait rien ni dans l’Atlantique nord ni dans le Pacifique.

Ce contenu a été publié dans Uncategorized. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.