Arrivé au pouvoir, Kennedy est très vite absorbé par Cuba, les élections au Congrès, les négociations sur les armes nucléaires, l’Amérique Latine, la crise des missiles… Aussi, il a peu de temps pour se pencher sur le problème du Viêt-nam.
C’est pourquoi, durant les premiers mois de son investiture, il délègue le problème du Sud-Est asiatique à ses conseillers. La confiance qu’il a en McNamara et l’ambassade américaine à Saigon l’amène à se ranger dans le camp des optimistes et à sous-estimer l’importance du problème vietnamien.
3.1. Méconnaissance du terrain
La nouvelle équipe hérite et accepte la conception monolithique du bloc communiste. Cette vision des choses résulte d’une ignorance et méconnaissance profonde de l’histoire asiatique et des diversités entre les différents pays de cette partie du monde. Faut-il être étonné d’une telle approche ? Non et cela pour différentes raisons.
Comme le reconnaît McNamara : « Je n’avais jamais visité l’Indochine et je ne comprenais rien à son histoire, à sa langue, à sa culture, à ses valeurs. Je n’y étais en rien sensible. On pourrait en dire autant, à divers degrés, du président, John Kennedy ; de son secrétaire d’Etat, Dean Rusk, de son conseiller à la sécurité nationale, McGeorge Bundy ; de son conseiller militaire, Maxwell Taylor ; et bien d’autres. Quand il s’agissait du Viêt-nam, nous nous trouvions en position de décider d’une politique pour une terra incognita. »[1] Contrairement à la richesse d’experts concernant l’Union Soviétique comme George Kennan, Charles Bohlen, …Washington est confrontée à un manque d’experts sur l’Asie du Sud-Est. Aussi, l’administration néglige toute analyse critique. Comme le déclare S. Hoffmann : « Nous (=les Etats-Unis) avons tendance à aborder d’une façon beaucoup trop confiante les situations les plus complexes, à les réduire à des simples questions d’organisation et très souvent sous-estimer la façon dont l’histoire et les traditions des autres pays déterminent leur attitude à l’égard des problèmes en cause. »
Cette méconnaissance de l’histoire et cette vision monolithique du bloc communiste s’explique également par l’héritage des années 1950. Cet héritage se compose de plusieurs éléments [2]:
n la perte de la Chine, la guerre de Corée et la politique asiatique du secrétaire d’Etat Foster Dulles (pactomanie) ;
n le Bureau of East Asian and Pacific Affairs est purgé de ses spécialistes, par suite du maccarthysme. La seule politique tolérée est celle de l’endiguement, de l’isolement de la Chine et l’instauration de réseaux d’alliances ;
n La vulnérabilité et sensibilité de la nouvelle administration concernant l’Asie est grande à cause du maccarthysme, mais également à la marge de victoire limitée aux élections présidentielles. Aussi, l’administration est méfiante de prendre trop vite des décisions concernant l’Asie. D’ailleurs le Bureau of East Asian and Pacific Affairs est le dernier à être remanié. Il faut attendre la nomination d’Averell Harriman comme Assistant Secretary en décembre 1961, avant que certains changements aient lieu. Cependant, trop préoccupé par les négociations concernant le Laos, Harriman ne parvient ni à modifier la composition du Bureau of East Asian and Pacific Affairs, ni d’y ramener les experts.
3.2. Mai 1961 : tentative de définition de l’engagement américain au Viêt-nam
Après une visite du vice-président L. Johnson au Viêt-nam au mois de mai 1961, une tentative de définition de l’engagement américain au Viêt-nam est mise au point. Certains, comme Rostow et le général Taylor envisagent l’envoi d’un nombre substantiel de troupes pour nettoyer le terrain et former l’armée sud – vietnamienne.[3] Le sous-secrétaire d’Etat, Bowles envisage une nouvelle conférence sur l’Indochine afin d’obtenir une Asie du Sud-Est neutre et la suspension de l’aide à Diem. [4]Le sous-secrétaire U.A. Johnson, préconise l’envoi de 200 000 hommes. Harriman, Forrestal et Hilsman estiment que seul le Viêt-nam du Sud peut gagner la guerre et que des réformes au sein du régime s’imposent. L’ambassadeur Nolting et le général P. Harkins présentent le gouvernement Diem comme un régime dirigé par une personnalité incontestablement difficile, mais ayant l’étoffe d’un homme d’Etat et en tout cas irremplaçable. La Task Force sous Gilpatric recommande un ensemble d’actions économiques, militaires et de propagande. Elle conseille également un engagement explicite des Etats-Unis auprès du Viêt-nam du Sud afin de prendre toutes les mesures nécessaires pour défendre le Viêt-nam du Sud.
Dès le début les avis divergent entre les différents conseillers du président. Une chose qui dans les mois suivants ne va que s’aggraver.
Le 11 mai 1961 à travers le NSAM-52[5] certaines décisions recommandées par la Task Force sont approuvées : l’armée vietnamienne est portée à 200 000 hommes, instauration des hameaux stratégiques (Cfr.infra), envoi de 400 militaires, la majorité étant les fameux Bérets verts[6] et l’aide à Diem est conditionnée à l’évolution du Viêt-nam du Sud vers un pays démocratique. Officiellement, seuls des conseillers militaires sont présents au Viêt-nam et ont un rôle actif de formation, officieusement la puissance de feu américaine s’installe (T 28, F102, hélicoptères, napalm, interventions clandestines contre le Viêt-cong des RVNAF[7] sous commandement des Bérets verts,…) Toutes ces opérations clandestines sont mieux connues sous le nom OPLAN 34A, OPLAN 37-64,….
En fait, le NSAM-52 réaffirme le soutien économique, politique, psychologique et militaire américain au régime de Saigon. Aussi, la première vraie décision sur le Viêt-nam vient en novembre 1961, après la mission Taylor-Rostow.
3.3. Le rapport Taylor-Rostow et ses suites
Après que la situation se soit aggravée fortement durant l’été 1961( différents attentats et assassinats), Kennedy décide d’envoyer une mission d’experts au Viêt-nam afin de se rendre compte de la situation.
3.3.1. La mission Taylor-Rostow
A la tête de la mission, il y a le général Maxwell D. Taylor et W. Rostow. L’objectif de la mission est d’étudier la situation au Viêt-nam sous ses différents aspects : militaires, politiques, économiques et de propagande.[8] Le trois novembre le général Taylor et W. Rostow remettent un rapport au président Kennedy, afin de demander un envoi substantiel de troupes américaines (8 000 militaires) au Viêt-nam.[9] Celles-ci auraient comme objectif de renforcer le moral des troupes sud-viêtnamiennes et de montrer le sérieux de l’engagement américain en Asie du Sud-Est (intérêt de réputation). Sur le terrain, les troupes rempliraient des opérations d’autodéfense et maintiendraient la sécurité dans les lieux où elles seraient déployées. Entre le moment de la présentation de ce rapport le 3 novembre et l’adoption d’une adaptation de ce rapport le 22, plusieurs membres des différents départements donnent leur avis sur les recommandations.
3.3.2. Réactions au rapport
Le JCS estime que l’envoi de 8 000 militaires doit être considéré comme un premier pas dans un engagement plus large et que d’autres envois suivront.[10]
G.Ball sous-secrétaire d’Etat s’oppose à un engagement américain au Viêt-nam. Il estime que les troupes américaines ne sont pas adaptées à la topographie vietnamienne et que si l’administration suit la voie tracée par le rapport Taylor-Rostow en moins de 5 ans, 300 000 hommes se retrouveront dans les champs de riz au Viêt-nam.[11] En fait, Ball (européaniste) craint surtout qu’un engagement à la périphérie, remette en cause le dessein d’un grand partenariat politique et économique de l’Atlantique.
Dans un premier rapport, daté du 8 novembre 1961, McNamara soutient le point de vue du rapport Taylor-Rostow : « (….)The introduction of a US force of the magnitude of an initial 8000 men in a flood relief context will be of great help to Diem. (…) »[12]Dans un second rapport, co-rédigé avec D. Rusk, daté du 11 novembre le point de vue de McNamara est un peu plus nuancé : « (A)Units of modest size required for the direct support of South Viet-Namese military effort such as communications, helicopters and other forms of airlift, reconnaissance aircraft, naval patrols, intelligence units, and (B) larger organized units with actual or potential direct military mission. Category (A) should be introduced as speedly as possible. Category (B) units pose a more serious problem (…) that they are much more significant from the point of domestic and international political factors and greatly increase the probabilities of Communist bloc escalation.» [13]
Cependant cela ne les empêchent pas dans le même mémorandum de préparer des plans pour une intervention militaire américaine : « (…)The department of Defense be prepared with plans for the use of United States forces in South Vietnam under one or more of the following purposes :
(a) Use of a significant number of United States forces to signify United States determination to defend Vietnam and to boost South Vietnam morale ;
(b) Use of substantial United States forces to assist in suppressing Viet Cong insurgency short of engaging in detailed counter-guerrilla operations but including relevant operations in North Vietnam ;
(c) Use of United forces to deal with the situation if there is organized Communist military intervention. »
3.3.3. Adoption du rapport Rostow-Taylor
Le 15 novembre, après de nombreuses discussions le département de la Défense, le département d’Etat et le JCS approuvent les recommandations faites par Taylor et Rostow. Une semaine plus tard, le 22 novembre Kennedy approuve le document NSAM-111, qui approuve un déploiement de conseillers[14] mais en un nombre moins important que celui recommandé par Taylor. Bien que rejetant l’introduction de troupes terrestres, Kennedy n’exclut nullement une intervention plus puissante : « If this doesn’t work perhap’s we’ll have to try Walt’s Plan Six ; that is, direct attack on North Vietnam. »[15]En outre, le soutien à Diem est renforcé.
Vu que l’administration dans le NSAM-111 ne s’attaque pas de manière décisive aux problèmes majeurs, c’est-à-dire Diem et les voies d’infiltration la situation sur le terrain s’aggrave durant le début de l’année 1962 : détérioration de la situation économique et sociale, tentative d’un coup d’Etat par de jeunes officiers,… L’impopularité de Diem a également des conséquences dans l’effort de guerre, dans lequel l’armée sud-viêtnamienne est de moins en moins motivée. Aussi dès le début de 1962, le JCS renouvelle sa demande d’envoyer des forces terrestres.
3.3.4. Demande du JCS de l’envoi de forces terrestres
Le 13 janvier 1962, les chefs d’Etat-major dans un mémorandum soutiennent que l’intervention de forces combattantes américaines serait un moyen efficace d’empêcher la perte du Sud et de renforcer le moral des troupes sud-viêtnamiennes. Ils renouvellent donc leur demande d’envoi de forces terrestres combattantes. Les militaires estiment que cette décision serait en harmonie totale avec la politique américaine puisque depuis 1954 Washington a clairement affirmé qu’un des objectifs inaltérables est de prévenir la chute du Sud face à l’agression communiste.
Selon les dires de McNamara « ils (les chefs d’Etat-major) se trompaient : c’était justement cette décision de base qu’on n’avait pas prise. »[16] Pourtant, n’est-ce pas Kennedy qui approuve le NSAM-52 au printemps 1961[17],n’est-ce pas McNamara et D Rusk qui rédigent un mémorandum le 11 novembre 1961 quelques jours après le rapport Taylor-Rostow dans lequel est écrit : « (…)Its loss (=Viêt-nam du Sud) would not only destroy SEATO but would undermine the credibility of American commitments elsewhere(…) It would stimulate bitter domestic controversies in the United States and would be seized upon by extreme elements to divide the country and harass the administration. (…) The United States should commit itself to the clear objective of preventing the fall of South Vietnam to communism. »[18] En outre, dans le même mémorandum, Rusk et McNamara préconisent la préparation de plans pour une intervention militaire américaine.[19]
Puis, en mars 1962, un mois et demi après la demande du JCS, McNamara déclare dans le Washington Post : « L’Asie du Sud-Est est vitale pour la sécurité du Pacifique et le Pacifique est vital pour la sécurité des Etats-Unis(…) »[20] Il y déclare également(…) mais l’usage de la seule force militaire ne vaincra pas automatiquement les communistes, s’il n’y a pas de réforme économique et sociale interne »[21] Or aucunes mesures concrètes sont prises ni pour obtenir une réforme, ni pour un engagement militaire.
Quelle est dès lors la politique menée par l’administration ?
3.3.5. La voie suivie par l’administration Kennedy.
La politique suivie n’est pas celle de l’envoi de troupes terrestres et de réformes économiques, sociales, politiques et agraires, mais bien l’envoi de conseillers (fin 1963 ils sont plus au moins 16 000). Quant aux réformes, qui sont primordiales pour la stabilité du pays, elles sont renvoyées aux calendes grecques.
Aussi, toutes les mesures prises par l ‘administration en 1961 et 1962 sont des demi-mesures, qui nous paraissent souvent contradictoires avec les objectifs établis. La politique menée se caractérise par une certaine naïveté, négligence et insouciance. Nous sommes devant une administration qui schématise de manière extrêmement simple, une problématique extrêmement complexe. En lisant les documents et les ouvrages abordant cette époque, l’impression est que l’administration analyse le problème comme un problème secondaire, sans essayer de le comprendre, persuadée que le Viêt-cong est insignifiant et convaincue que les choses se solutionneront par elles-mêmes.
Il faut attendre janvier 1963 et la mission Hilsman-Forrestal du département d’Etat pour qu’une partie de l’administration, la moins influente, réalise que la politique suivie ne mène à rien. Bien que le compte-rendu de la mission n’apporte aucune nouvelle information sur la situation au Viêt-nam, Forrestal et Hilsman estiment, dans une annexe ajoutée au rapport et adressée à Kennedy, que la politique américaine est une politique de pas à pas, fondée sur aucun dessein politique. Ils constatent également les malentendus entre civils et militaires et le manque de coordination entre les différents départements et agences.[22] Mais vu l’influence du département de la Défense par rapport au département d’Etat, la politique suivie est celle des civils du département de la Défense.
Ce qui ne laisse pas de surprendre dans la politique de l’administration Kennedy c’est le refus d’accéder à la demande du Pentagone d’un engagement direct des troupes américaines. Comme le déclare D Artaud : « Pourquoi, si les enjeux étaient si élevés, s’arrêter en chemin ? Kennedy comme le remarquera N. Podhoretz par la suite, a-t-il fait preuve de la mauvaise prudence au mauvais endroit, à la mauvaise époque, « the wrong prudence, at the wrong place and at the wrong time ? » »[23] Nous en sommes persuadés et nous rejoignons le point de vue exprimé par D.Rusk qui déclare dans ses mémoires: « …had Kennedy committed one hundred thousand men in 1962, as soon as we learned that North Vietnam was violating the Laos accords negotiated that same year, if he had pushed in a stack of blue chips at the very beginning, it is just possible the North Vietnamese would have realized we were serious. (…) But our gradual response possibly encouraged North Vietnam to speculate that we did not intend to stay the course. »[24]
Cette politique, selon nous, s’explique en partie par une certaine arrogance du pouvoir, persuadé de vaincre un peuple depuis peu décolonisé sans devoir utiliser les grands moyens. Mais, elle s’explique également par une série d’incohérences : négligence de la piste Ho-Chi-Minh, de l’histoire de l’Indochine, déficience de la stratégie,…
Telle façon de mener une politique ne pouvait qu’entraîner un retour de flamme. Cela est le cas fin 1963.
3.4. 1963 : L’année de tous les dangers
Dans son discours annuel Kennedy déclare en janvier 1963 : « The spearpoint of aggression has been blunted in South Vietnam. »[25] Aussi, de janvier à plus au moins juillet, et même encore en automne 1963 règne un certain optimisme au sein de l’administration. On n’hésite même pas à établir des plans afin de préparer un retrait du Viêt-nam fin 1965, début 1966(cfr.3.5.). Pourtant, la maîtrise américaine de la situation s’effrite petit à petit. Quatre raisons en sont la cause :
1. Les rapports sur la situation au Viêt-nam sont faussés. La raison principale est le souvenir de la situation en Chine dans les années 1940. Les officiers des différents départements à Saigon n’ont pas oublié la manière dont avaient été traités leurs collègues par les comités du Sénat pour leurs commentaires critiques concernant le nationalisme chinois. Tout rapport sur la force du Viêt-cong et la faiblesse du régime de Diem sont dès lors bannis, au risque de ne pas promouvoir dans la hiérarchie. De plus, l’ambassadeur Nolting veille personnellement à ce qu’aucun câble négatif soit envoyé.[26]
Certains fonctionnaires au sein de la CIA jouent également un rôle important dans la falsification des rapports. Ainsi en février 1962 les conclusions d’un rapport rédigé par le Board of National Estimates estime que la situation au Viêt-nam est négative : « the struggle in South Vietnam at best will be protracted and costly because very great weaknesses remain and will be difficult to surmount. Among theses are lack of aggressive and firm leadership at all levels of command, poor morale among the troops, (…) »[27] Sous l’ordre du directeur de la CIA, J.McCone les conclusions du rapport définitif sont modifiées afin de correspondre à l’optimisme des conseillers. La version finale du rapport est rédigée comme suit : « We believe that Communist progress has been blunted and that the situation is improving (…)Improvements which have occurred during the past year now indicate that the Viet-cong can be contained militarily and that further progress can be made in expanding the area of government control and in creating greater security in the countryside. »[28]
2. Le non-respect du Viêt-nam du Nord des promesses faites à Genève, le 23 juillet 1962, dans la déclaration sur la neutralité du Laos. Dans cette déclaration les pays concernés dont le Viêt-nam du Nord avaient donné leur parole [29]:
· qu’ils n’introduiraient pas au Laos de troupes étrangères, ou de personnel militaire, sous quelque forme que ce soit ;
· qu’ils n’utiliseraient pas le territoire du Laos pour intervenir dans les affaires intérieures d’autres pays ;
· que toutes les troupes étrangères, régulières ou irrégulières, les formations paramilitaires étrangères et le personnel militaire étranger devraient être retirés du Laos dans les délais les plus courts.
Or, les troupes nord-viêtnamiennes ne se retireront jamais du Laos. La piste Ho Chi Minh continue donc de fonctionner.
3. Le Viêt-cong apprend à connaître les faiblesses des armes et tactiques de l’armée sud-viêtnamienne et parvient dès lors à mieux la combattre. Un exemple est la bataille d’Ap Pac. Le 2 janvier 1963, le Viêt-cong bat l’ARVN, fortement équipée et soutenue par des hélicoptères de combat, d’artillerie,…
4. Dernier problème est la situation critique au Viêt-nam du Sud.
Kennedy et ses conseillers n’en tiennent pas compte, restant persuadés qu’ils maîtrisent encore toujours la situation. Le seul point qui leur pose problème à partir de 1963 est le régime de Saigon qui est de plus en plus dictatorial. Toutefois, il faut attendre le mois de mai et la persécution bouddhiste du gouvernement de Saigon pour enfin voir une réaction américaine à l’égard du régime de Diem et de son frère Nhu.
3.4.1. La crise bouddhiste
Avec la persécution des bouddhistes au mois de mai, le régime de Diem se retrouve dans une situation précaire. L’administration Kennedy par le biais de son chef de mission à Saigon, W. Trueheart, oblige Diem à se réconcilier avec les bouddhistes. Après quelques semaines de négociations, un accord est conclu le 16 juin. Mais très vite le bras de fer entre Diem et les bouddhistes reprend.
Ces répressions mettent l’administration Kennedy dans une situation délicate, l’opinion publique internationale critiquant le régime Diem et indirectement son créancier, les Etats-Unis. Aussi, l’ambassadeur américain Nolting, remplacé par Cabot Lodge au milieu du mois d’août, tente de convaincre Diem d’arrêter les persécutions, mais sans grand succès.
3.4.2. Réveil du département d’Etat ?
De nouvelles répressions ont lieu le 21 août sous l’ordre du général Nhu. Les différents rapports sur les violences ne parviennent cependant à Washington que le 24 août, jour où Kennedy, Rusk, McNamara, McGeorge Bundy et John McCone sont absents de Washington .C’est Roger Hilsman, convaincu que Nhu, éventuellement suivi de Diem, doit être écarté du pouvoir, qui prend les choses en main. Il est persuadé que si le duo Diem-Nhu se maintient au pouvoir, les choses ne pourront que s’aggraver.
Aussi, Hilsman rédige un câble destiné à l’ambassadeur H. Cabot Lodge dans lequel il donne le feu vert pour écarter Nhu du pouvoir.[30] Toutefois, avant d’envoyer ce câble il fallait que Hilsman obtienne l’autorisation des principaux décideurs. Avec la collaboration d’Averell Harriman et de Michael Forrestal, il va obtenir cette autorisation. Il est intéressant de reprendre un passage du livre de McNamara qui explique la manière dont l’aval est obtenu : « Les parrains du câble étaient bien décidés à le transmettre à Saigon le jour même. Ils trouvèrent G.Ball sur le terrain de golf et lui demandèrent d’appeler le président à Cape Cod. Il le fit, et J Kennedy répondit qu’il donnerait son accord à l’envoi du câble si ses principaux conseillers étaient tous de cet avis. George téléphona immédiatement à D Rusk à New York et lui dit que le président était d’accord. Dean donna son consentement, bien qu’il fût sans enthousiasme. Pendant ce temps, Averell sollicitait le feu vert de la CIA. Puisque J. McCone était absent, il s’adressa à R Helms, le directeur adjoint aux plans. Helms était plutôt réticent, mais comme D.Rusk, il donna son aval parce que le président l’avait déjà fait. »[31] [32] Il est intéressant d’observer que dans cette décision, sans que personne ait donné son accord formel, Hilsman parvient à obtenir un accord unanime. Cet accord est toutefois remis en question dès le 25 août par Kennedy, McNamara, Johnson, Taylor, Krulak et Nolting. Ils expriment de sérieux doutes sur l’idée d’intervenir contre Diem et son frère, rien ne permettant d’entrevoir que le nouveau gouvernement serait plus ouvert à des réformes. Forrestal, R. Kennedy, Harriman, Hilsman et G. Ball maintiennent par contre leur volonté d’écarter Diem, en estimant qu’en le maintenant au pouvoir, les Etats-Unis seraient obligés de se retirer. Aussi, nous constatons une division de plus en plus grande au sein de l’administration qui va se refléter dans les journaux, chaque camp divulguant des informations à la presse.
3.4.3. La mission Krulak- Mendenhall
Afin de se rendre compte de la situation, Kennedy envoie le général Krulak et J.A.Mendenhall du département d’Etat à Saigon le 6 septembre pour une visite de quatre jours. Le 10, durant une réunion du C.N.S. , Krulak estime que la guerre peut être gagnée indifféremment des défections du régime. Mendenhall rapporte par contre que la guerre contre le Viêt-cong est devenue secondaire à la guerre contre le régime et qu’il y a une grande menace de guerre civile. Kennedy semblera surpris de leurs divergences.[33]
Or pouvait-il vraiment être surpris ? Depuis le début de la crise, le Pentagone a la volonté de maintenir Diem au pouvoir, alors que le département d’Etat veut l’en écarter. A notre sens il aurait été plus sage d’envoyer des conseillers ne devant pas défendre la politique de leur département. ex. Sorensen.
Mais les désaccords ne se limitent pas au terrain politique. Ils sont également présents sur le terrain militaire. Le général Harkins, tout comme le MACV considèrent que la situation sur le terrain est en phase d’être maîtrisée, alors que les hommes de terrain estiment que la situation se détériore. Ainsi, le colonel John Paul Vann estime qu’au printemps, la marge d’erreur du body count[34] est de 40% et que la situation se dégrade.[35]
3.4.4. La mission Taylor-McNamara
Fin septembre une nouvelle mission est envoyée, la mission Taylor-McNamara. Ici encore deux questions se posent : Qu’est-ce que cette mission peut apporter de plus que la mission précédente ? Pourquoi envoyer principalement que des représentants du Pentagone ? Nous revenons sur cette dernière question.
3.4.4.1. Pourquoi envoyer principalement des représentants du Pentagone?
Les différentes missions des hauts fonctionnaires du Pentagone au Viêt-nam sont fortement contestées par le département d’Etat qui estime que ces visites sont néfastes politiquement et cela pour plusieurs raisons[36] :
Ø elles engagent les Etats-Unis de manière trop dense à l’égard du Viêt-nam et plus particulièrement à l’égard de la situation politique ;
Ø elles montrent trop leur inquiétude ;
Ø elles tendent également à faire d’un conflit vietnamien, soutenu par l’aide logistique et par des conseillers militaires, une guerre américaine.
Selon Hilsman, le président Kennedy est conscient de ce problème. Mais le JCS lui pose un problème. Le JCS étant opposé à la politique de guerre limitée appliquée au Viêt-nam, Kennedy craint une opposition publique de sa part. Une opposition qui serait probablement soutenue par une partie du Congrès et qui ramènerait les Etats-Unis à l’ère du maccarthysme. Aussi, Kennedy estime que la seule façon de ne pas mécontenter le Pentagone est de confier le dossier au secrétaire à la Défense.
Par conséquent, tant que le JCS est au courant de la politique menée par McNamara et se maintient sous son contrôle, il n’a rien à craindre.[37]
Cependant, selon nous une autre raison, que nous avons déjà développée, peut être donnée à l’influence du département de la Défense. Celle-ci est abordée dans le livre d’Hilsman, mais apparemment à son insu. Dans un des derniers chapitres de son livre , il explique que Kennedy a eu la volonté de faire du département d’Etat, l’organe principal de son administration. Cependant, Kennedy rejette la responsabilité du fiasco de la Baie des Cochons, 17 avril 1961, sur la CIA, le JCS et sur le département d’Etat. Ainsi, le département d’Etat n’ayant pas répondu à ses attentes, il s’est tourné vers le département de la Défense en désignant P.H.Nitze comme chairman of the Berlin task force et R.Gilpatric comme chairman of the Vietnam task force.[38] De plus, Kennedy trouve avec McNamara quelqu’un qui partage ses vues.
3.4.4.2. Les recommandations du rapport Taylor-McNamara
Dans leur rapport du 2 octobre, Taylor et McNamara dressent une série de conclusions et de recommandations. Ils concluent que la situation militaire progresse, mais que les tensions à Saigon sont de plus en plus importantes. Ils estiment également que rien ne permet de conclure qu’un coup d’Etat sera couronné de succès. Enfin, ils estiment qu’il n’est pas clair si les pressions exercées sur le gouvernement de Saigon porteront leurs fruits.
Dans ce rapport ils font également une série de recommandations :
1. ne pas encourager présentement un coup d’Etat ;
2. une série de mesures pour montrer leur désapprobation de la politique suivie par Diem ;
3. ….
Certaines de ces recommandations sont adoptées par Kennedy le 11 octobre dans le document NSAM 263. Nous vous renvoyons pour plus de détails au document reproduit en annexe, tout comme au point 3.4. qui traite de la controverse du retrait. Durant les semaines qui suivent ce rapport, l’administration échoue à instaurer une politique ferme à l’égard du régime de Diem et réalise, alors que quoi qu’elle fasse elle est d’office perdante. Aussi, nous partageons le point de vue de Gelb et Betts : « American officials wanted Diem to consolidate his Byzantine military command structures and intelligence networks eliminate administrative overlapping,and delegate more authority to subordinates. But in doing this Diem would be giving his political rivals the tools to make a coup against him. Moreover, any aid cuts that might have been substantial enough to induce Diem to do what the Americains wanted him to do would have been substantial enough to jeopardize the war effort. »[39] Entre-temps à Saigon, les généraux vietnamiens avec l’aide de la CIA et l’approbation tacite de Cabot Lodge, préparent activement un coup d’Etat. Le 1er novembre le régime de Diem est renversé. Malheureusement, le coup d’Etat, n’apporte pas les fruits escomptés. Les successeurs de Diem se disputent le pouvoir et le gouvernement est remanié pas moins de sept fois en 1964.
Le coup d’Etat a-t-il été une erreur ? Selon nous non, car le gouvernement de Diem était condamné à disparaître. Par contre là ,où les anti-Diem ont fait une erreur à notre sens, est de ne pas avoir désigné un successeur de l’envergure d’un Thieu, qui n’arrive au pouvoir qu’en 1965.
Ainsi, faut-il attendre l’été 1963 avant que l’administration réalise que la cause principale de l’échec au Viêt-nam est sa politique. Comme le déclare McNamara : « Au bout d’un certain temps, nous en sommes venus à comprendre que les problèmes dont souffraient le Sud – Viêt-nam et son chef rompu aux conflits Ngo Dinh Diem, étaient bien plus compliqués que nous ne l’avions initialement perçu. Et nous sommes restés divisés sur la façon de les traiter. Tout au long des années Kennedy, nous avons opéré sur la base de deux prémisses qui ont fini par se révéler contradictoires. L’une était que la chute du Sud – Viêt-nam, la prise de pouvoir communiste dans ce pays, menacerait la sécurité des Etats-Unis et du monde occidental. L’autre, que seuls les Sud – vietnamiens pouvaient défendre leur territoire et que l’Amérique devait limiter son rôle à assurer leur entraînement militaire et à leur apporter un soutien logistique. »[40]
3.5. La controverse du retrait
La controverse du retrait est née en 1971, quand certains conseillers du président Kennedy annoncent que Kennedy a eu l’intention de se retirer du Viêt-nam sans avoir vaincu le Viêt-cong.
Le 23 juillet 1962 à une réunion à Honolulu, McNamara impressionné par les progrès sur le terrain estime que les Etats-Unis pourront réduire progressivement leur soutien logistique et que trois ans seront nécessaires afin que l’ARVN soit entièrement opérationnelle. Deux jours plus tard le JCS ordonne une étude, Comprehensive Plan for South Vietnam, sur les recommandations faites par McNamara. Le Comprehensive Plan for South Vietnam est présenté le 25 janvier 1963 au JCS. Ce rapport estime que les Etats-Unis dans les conditions actuelles pourront se retirer entre juillet 1965 et juin 1966. En outre, le rapport suggère d’intensifier les interventions contre le Viêt-cong. Les conclusions de ce rapport sont confirmées par un autre rapport, rédigé par des faucons.
Ainsi, la position américaine en janvier 1963 est celle d’un retrait après la victoire et d’une intensification des interventions. Cette politique de soutien au Sud, tant que l’armée sud-viêtnamienne n’est pas opérationnelle, est réaffirmée tout au long du printemps et de l’été 1963.[41] Même fin août, début septembre au moment des tensions avec le régime de Saigon, le président réaffirme sa volonté de soutenir le Viêt-nam du Sud, afin de le maintenir indépendant et résistant contre l’agression communiste. Dans une interview au journaliste W. Cronkite de la CBS, il déclare le 2 septembre 1963 : « I don’t agree with those who say we should withdraw. That would be a deep mistake »[42] Dans l’interview du 9 septembre à la question, posée par le journaliste David Brinkley, de savoir s’il croit à la théorie des dominos, Kennedy répond : « I believe it, I believe it. I think that the struggle is close enough. China is so large, looms so high just beyond the frontiers, that if South Vietnam went, it would not only give them an approved geographic position for a guerilla assault on Malaya but would also live the impression that the wave of the future in Southeast Asia was China and the Communists. So I believe it. »[43] Enfin, dans son discours du 22 novembre(le jour de sa mort), il était également supposé réaffirmer son soutien au Viêt-nam du Sud et cela à n’importe quel prix.[44] Cela est confirmé par D Rusk dans son livre, As I saw it, dans lequel il déclare qu’il n’a jamais été question d’un retrait sans avoir vaincu la guérilla.[45]
La position constante de Kennedy est donc celle du retrait après la victoire. Aussi on ne peut accuser Kennedy d’une certaine duplicité. Sa rhétorique, ses discours se rapprochent fortement de sa position dans les discussions internes. De plus, le fait de crier haut et fort son soutien au Viêt-nam du Sud et ensuite de laisser tomber ce pays aurait été d’un grand cynisme et aurait remis en question l’intérêt de réputation.
Le mémorandum rédigé par le général Maxwell Taylor du 2 octobre, confirmé partiellement par le document NSAM 263 du 11 octobre (c’est-à-dire les points B1 à B3) a également semé le doute chez certains historiens. Le mémorandum daté du 2 octobre annonce un retrait des forces américaines du Viêt-nam pour 1965 et un retrait de 1 000 hommes pour fin 1963. Toutefois, ce mémorandum, reproduit en annexe ne permet pas de défendre la thèse que Kennedy ait eu la volonté de retirer les forces américaines(sans victoire) et cela pour plusieurs raisons :
n Dans le point B il n’est nullement indiqué qu’ un retrait total est à l’ordre du jour. Dans le point B3, il est indiqué qu’un retrait de mille hommes se fera pour novembre 1963. A la demande de Kennedy lui-même(dans le NSAM 263), ce retrait n’est pas rendu public. Il estime que si le retrait ne pouvait se faire, l’administration serait accusée d’un trop grand optimisme. Le point B2 établit que « A program be established to train Vietnamese so that essential functions now performed by U.S. military personnel can be carried out by Vietnamese by the end of 1965. It should be possible to withdraw the bulk of U.S. personnel by that time. »[46] De ce point, confirmé dans le NSAM 263,il semble clair qu’un retrait ne se fera qu’une fois les forces armées sud-viêtnamiennes formées et la situation étant sous contrôle. Un retrait sans victoire est donc exclu ;
n Dans le NSAM 263 des instructions personnelles à l’égard de l’ambassadeur Lodge sont également inclues pour intensifier l’effort de guerre afin d’atteindre l’objectif fondamental , c’est-à-dire la victoire;
n Certains présument que le mémorandum du 2 octobre a comme objectif de forcer le gouvernement sud-viêtnamien de faire des réformes. [47] Ce qui semble, très probable puisque le mémorandum est quasi entièrement consacré au régime de Diem et aux mesures à prendre à l’égard de celui-ci.
Dans aucun des documents entre janvier et novembre 1963 il est donc question d’un retrait. Il est question d’un retrait après la victoire. Ni Schlesinger, ni Sorensen, ni Hilsman abordent dans leurs ouvrages un quelconque retrait sans victoire. Aussi, est-il intéressant de reprendre une phrase de D.Rusk qui déclare que : « President’s Kennedy’s attitude on Vietnam should be derived from what he said and did while president, not what he may have said at tea table conversations or walks around the Rose Garden. That also is the standard by which his advisers will be judged, the standard by which public servants should always be judged. »[48] Nous soutenons totalement cette affirmation.
Vu son acceptation de la théorie des dominos, sa conviction que le Viêt-nam est un exemple parfait pour combattre les wars of national liberation et sa détermination à l’égard du communisme, il est peu probable que Kennedy se serait retirer du Viêt-nam sans victoire.
[1] R.McNAMARA, Avec le recul : la tragédie du Viêt-nam et ses leçons, Paris, éd. du Seuil, 1996, p. 46.
[2] J.C.THOMSON Jr., « How Could Vietnam Happen ? – An Autopsy », The Atlantic Monthly, Volume 221, n°4, 1968.
[3] Pentagon papers, pp. 125-126 (document 19).
[4] L.H GELB,R.K. BETTS, op.cit., p. 74.
[5] On ne parle plus, sous Kennedy de documents NSC mais bien de NSAM (National Security Action Memoranda.)
[6] Bérets verts : Ces forces spéciales ont été constituées en 1952. Dès juin 1957 le Special Forces Group commence à entraîner l’armée sud-viêtnamienne à Okinawa. A partir de 1960 des Bérets Verts font des séjours de six mois au Viêt-nam. A partir de 1962, ils prennent part à un certain nombre d’opérations. La plus importante de leur mission consistait à organiser des groupes de Défense Civile Irréguliers.
[7] RVNAF :Republic of Vietnam Armed Forces
[8] L. JOHNSON, Ma vie de président, France, Buchet/Chastel, 1972, p. 78.
[9] Pentagon papers, pp.141-142 (document 26).
[10] R.D. SCHULZINGER, op.cit., p. 110.
[11] D.L.DI LEO,G. BALL : Vietnam, and the Rethinking of Containment, London, The University of North Carolina Press, 1990, p. 56.
[12] Pentagon papers, p. 149 (document 29).
[13] Pentagon papers, p. 151 (document 30).
[14] Des conseillers et non des troupes combattantes
[15] L.H GELB,R.K.BETTS, op.cit., p. 77.
[16] R. McNAMARA, op.cit., p. 53.
[17] NSAM-52 : « …The US objective and concept of operations stated in the report are approved : to prevent communist domination of South Vietnam ; to create in that country a viable and increasingly democratic society, and to initiate, on an accelerated basis,a series of mutually supporting actions of a military, political, economic, psycholigical and covert character designed to achieve this objective….», S.B. YOUNG, «LBJ’s strategy for disengagement », Vietnam, February 1998.
[18] L.H. GELB, R.K. BETTS, op.cit, p. 185.
[19] « (…)The department of Defense be prepared with plans for the use of United States forces in South Vietnam under one or more of the following purposes :
(a) use of a significant number of United States forces to signify United States determination to defend Vietnam and to boost South Vietnam morale ;
(b) Use of substantial United States forces to assist in suppressing Viet Cong insurgency short of engaging in detailed counter-guerrilla operations but including relevant operations in North Vietnam ;
(c) Use of United forces to deal with the situation if there is organized Communist military intervention. » ,
(Pentagon Papers, pp. 150-153.)
[20] R.McNAMARA, op.cit., p. 58.
[21] Ibidem, p. 58.
[22] R. HILSMAN,To Move a Nation, op.cit., pp. 465-467.
[23] D. ARTAUD, op.cit., p. 239.
[24] D. RUSK, op.cit., p. 439.
[25] A.M SCHLESINGER, A Thousand Days : J.F. Kennedy in the White House, Fawcett Publications INC., 1965, p. 508.
[26] J.C.THOMSON Jr., « How Could Vietnam Happen ? – An Autopsy » ; The Atlantic Monthly, Volume 221, n°4, 1968.
[27] H.P. FORD, CIA and the Vietnam policymakers : Three episodes 1962-1968, Center for the study of Intelligence, April 1997 (www.odci.gov/csi.).
[28] Ibidem
[29] L. JOHNSON, op.cit., p. 82.
[30] Le câble est reproduit dans l’annexe(document 35).
[31] R McNAMARA, op.cit., p. 65.
[32] D.L. DI LEO, G.BALL ,op.cit., p. 61.
[33] « You two did visit the same country, didn’t you ? »
[34] La notion de body count : Comme l’explique T.J. Lomperis trois séries de calculs permettent selon les Américains, de calculer les progrès réalisés sur le terrain :
a) les rapports du Hamlet Evaluation System (HES) : cette méthode regroupe les 12 000 hameaux en cinq catégories : secure, insecure, contested, enemy-infested, ennemy-held.
b) le body count des VC
c) le rapport de forces VC/NVA
De manière générale, ces méthodes posent trois problèmes majeurs : au niveau de l’interprétation des données, au niveau de la disparité de la collecte des informations et la structure politique du Viêt-cong ne permet pas de répartir les hameaux selon les catégories mentionnées au point A. Des trois, le département de la Défense estime que c’est le body count qui est le plus fiable. La pratique du body count repose sur une informatisation poussée à l’échelle de chaque base permanente. Elle doit permettre de tenir un compte précis de tout, des morts ennemis aux armes saisies ou perdues, au matériel détruit, à la quantité de rations consommées, au nombre de GI’s blessés. De manière générale la guerre repose sur une débauche technologique et une puissance de feu considérable. Les bombes sont de plus en plus sophistiquées : fragmentation,phosphore guidées avec précision ; tous les modèles d’avion sont mis au service de la guerre (B-26, B-52, Phantoms, Skyraiders,…) Les Américains ont donc pleine confiance dans leurs moyens techniques, paraissant invincibles et incomparables à ceux de l’adversaire. Les militaires américains sont persuadés que leur puissance de feu fera la différence, d’où l’importance accordée au body count qui mesure la réussite des opérations. Dans les premiers combats de 1965-1966, la proportion de un Américain tué pour quinze Viêt-cong satisfait l’Etat-major et semble conforme aux prévisions. Cependant, la précision du décompte est très relative. Durant une action il est bien difficile de compter juste et le capitaine d’une unité a tout intérêt à fournir un body count qui lui permettra d’être bien considéré à l’échelon supérieur pour obtenir la promotion souhaitée. (J. RECORD, « Vietnam in retrospect : Could we have won ? », Parameters, 1996-1997, B. COLSON, La culture stratégique américaine, op .cit., pp. 243 es.) Cette technique a donc de nombreux effets pervers. McNamara s’efforce tout de même de gérer la guerre en fonction des statistiques et de donner à toute opération réussie une dimension quantifiable. Comme le déclarera Nguyen Giap en 1969 : « The United States has a strategy based on arithmetic. They question the computers, add and substract, extract square roots, and then go into action. But arithmetical strategy doesn’t work here. If it did, they’d have already exterminated us. »
[35] M. DELAPORTE, La politique étrangère américaine depuis 1945, Paris, éd Complexe, 1996, p. 88.
[36] R. HILSMAN, The Politics of Policy-making in Defense and Foreign Affairs, op.cit., p. 6.
[37] R. HILSMAN, To Move a Nation, op.cit., pp. 507-508.
[38] R. HILSMAN, The Politics of Policy-making in Defense and Foreign Affairs, op.cit., pp. 160-170.
[39] L.H.GELB,R.K. BETTS, op.cit., p. 84.
[40] R. McNAMARA, op.cit., p. 43.
[41] N. CHOMSKY, Rethinking Camelot, South End Press, 1993.
[42] CBS Interview, September 2 and 9, 1963, « President Kennedy’s television interviews on Vietnam ».
[43] CBS Interview, September 2 and 9, 1963, « President Kennedy’s television interviews on Vietnam ».
[44] R.D.SCHULZINGER, op.cit., p. 125.
[45] « …to my recollection we never seriously considered the option of outright withdrawal and allowing South Vietnam to be run by the Communists. », cite dans D. RUSK, op.cit, p. 374.
[46] Memorandum from the Chairman of the Joint Chiefs of Staff and the Secretary of Defense to the president, October 2, 1963.
[47] T. WEINER, « Kennedy had plan for early Vietnam Exit », New York Times, December 23,1997.
[48] D.RUSK, op.cit., p. 382.