Chapitre V. Boyd, Warden et l’évolution de la théorie de la puissance aérienne  

La façon dont les hommes créent de la richesse et la façon dont ils font la guerre sont inextricablement mêlées¼ On n’a pas encore pleinement réalisé que la grande époque de l’industrialisme est derrière nous. Les mécanismes de base permettant de créer de la richesse sont en train d’être bouleversés – et la guerre, comme d’habitude, subit une mutation en parallèle.

Alvin et Heidi Toffler ,
“War, Wealth, and a New Era in History”,
World Monitor

Vers le milieu du XXe siècle, le monde moderne amorça une lente métamorphose, le faisant passer d’une société industrielle à une société de l’information . Cette transfiguration se poursuit aujourd’hui, alimentée par les percées continuelles réalisées dans les domaines des ordinateurs et des communications. Il est intéressant de noter, comme le suggère notre exergue, que les méthodes de la guerre aérienne  semblent vouloir changer parallèlement. John Boyd et John Warden sont des personnages de transition dans cette évolution de la théorie de la puissance aérienne  stratégique. Alors que la paralysie  reste en toile de fond de toute pensée relative à ce sujet durant le XXe siècle, la trans­formation théorique dont Boyd et Warden sont les représentants fait passer d’une guerre visant l’économie par attaque des capacités industrielles à une guerre s’attaquant à la conduite des opérations  par un choix d’objectifs liés à l’information. il convient maintenant de présenter une étude plus détaillée de cette évolu­tion, dans le domaine de la théorie sur la paralysie stratégique.

Le passé : Paralysie par attaque de l’industrie dans une guerre visant l’économie     

Durant la première moitié du premier siècle de l’histoire de la puissance aérienne , les doctrines aériennes stratégiques qui se développèrent tant en Grande-Bretagne  qu’aux États-Unis  étaient façonnées par la théorie de la paralysie  stratégique. Elles étaient également marquées par la conviction que la meilleure manière d’obtenir cette mise hors d’état de fonctionner d’une nation et de ses forces armées se trouvait être l’attaque directe du potentiel économique soutenant son effort de guerre .

La doctrine du bombardement stratégique  de la Royal Air Force  (RAF) traduit la personnalité de son chef entre les années 1919 et 1928, l’Air Marshal Sir Hugh Trenchard . Le but déclaré de la politique aérienne de Trenchard était de provoquer la désintégration et l’effondrement de l’économie de guerre de l’ennemi. À la fin des dix années passées à la tête de la RAF, dans un mémorandum adressé à ses alter ego des autres armées, il formule la déclaration sans doute la plus claire sur ses convictions relatives à la guerre aérienne . Trenchard y propose la mission de guerre suivante pour la RAF : “L’objectif de la Royal Air Force est de casser les moyens de résistance de l’ennemi en attaquant les objectifs les mieux adaptés à cette finalité”. Il poursuit en caractérisant ces objectifs comme étant les “centres vitaux ” de l’ennemi en matière de production, de transport et de communication, et constituant la source de son effort de guerre [1].

Trenchard  met en lumière les effets de telles attaques sur le moral ennemi, affirmant qu’elles “terroriseraient les travailleurs (hommes et femmes) des usines de munitions, à tel point qu’ils ne viendraient plus travailler, que les dockers abandonneraient le chargement des bateaux de munitions par peur d’une attaque aérienne sur le quai ou l’usine concernée” [2]. Ainsi, la politique aérienne stratégique britannique avait-elle une double nature, se concentrant sur la destruction des capacités et de la volonté de l’ennemi à résister. Elle recherchait la paralysie  stratégique générée par le bouleversement psychologique et la terreur, résultats de la désorganisation et de l’effondrement économique.

Pendant ce temps, aux États-Unis , l’Air Corps Tactical School  (ACTS) conduisit le développement de la doctrine améri­caine du bombardement stratégique.  Ce développement fut, bien sûr, influencé par les “sermons” de William Mitchell,  mais égale­ment par les idées d’un vétéran de la Première Guerre mondiale , le colonel Edgar Gorrell . En tant que chef de l’Air Service Technical Section du corps expéditionnaire américain en France  (AEF), Gorrell était responsable du programme stratégique aérien de la Première Guerre mondiale. Après la guerre, Gorrell écrivait : “l’objet du bombardement stratégique est de larguer des bombes, du ciel, sur les centres commerciaux et les lignes de communications, en des quantités telles qu’elles réduiront à l’état de ruines les points visés et interrompront les approvisionnements indispensables à une armée déployée” [3]. Il continuait en comparant les forces armées ennemies à un foret de perceuse ; la “pointe” de l’armée reste efficace tant que la “tige” des infra­structures de soutien reste intacte. Cassez la “tige” et le foret devient inutile.

Les instructeurs de l’ACTS améliorèrent les idées de Gorrell  sur la guerre économique, transformant la “tige du foret” en un réseau industriel aux mailles fines, nécessitant l’emploi du bom­bardement de précision pour le dénouer[4]. L’ACTS ne minimisa pas les effets potentiellement incapacitants découlant d’un tel bombar­dement de précision, en particulier la baisse de moral consécutive aux privations et restrictions. Toutefois, leur principal centre d’intérêt (au moins vis-à-vis du public) était d’abord la paralysie  physique induite par l’attaque précise de l’industrie, par opposition à l’accent mis par les Britanniques sur la paralysie physique et psychologique que l’on pouvait attendre du bombardement des zones économiques.

Les deux versions de cette guerre visant l’économie à travers des attaques aériennes stratégiques seraient spectaculairement testées après que les raids éclairs effectués par l’Allemagne  sur la Pologne  et la France  eurent ouvert la Seconde Guerre mondiale .

Le présent : Paralysie par la guerre du C2

La fin de la Seconde Guerre mondiale  coïncide avec l’aube de l’Âge de l’information . Comme le soutiennent Heidi et Alvin Toffler , cette révolution de l’information est une réplique de la révolution industrielle de la fin du XIXe et du début du XXe siècle ; elle transformera autant la façon de faire la guerre que les processus de création de la richesse. Alors que la notion de paralysie  stratégique obtenue par la guerre visant l’économie n’était pas encore totalement éliminée, une nouvelle forme de guerre cherchant à frapper l’adversaire d’incapacité  s’annonçait très prometteuse : la guerre de la conduite des opérations , visant les systèmes de commandement  et de traitement de l’information de l’ennemi[5].

John Boyd est un théoricien contemporain qui se consacre à l’étude de la paralysie  résultant de la guerre de la conduite des opérations[6] . Plus spécifiquement, il se concentre sur la désorien­tation de l’esprit du commandement  ennemi provoquée par la désorganisation du processus par lequel il exerce le contrôle et le commandement. Boyd représente ce processus par la boucle OODA [7]. Comme nous l’avons vu, la victoire s’obtient en s’assurant un avantage temporel sur l’ennemi vis-à-vis de la durée de réalisation d’un cycle de la boucle OODA ; finalement, cela provoque la paralysie psychologique du mécanisme de prise de décision et d’action de l’ennemi.

Plus qu’un cycle décrivant un mécanisme de direction, le modèle OODA  décrit le processus de recueil, d’analyse et de diffusion de l’information.  En ce sens, Boyd révèle clairement l’influence de Sun Zi  sur sa réflexion, soulignant l’importance de l’infor­mation dans l’obtention de la victoire. Il attribue le succès à la rapidité de parcours et à la précision du cycle de décision des chefs, aux niveaux stratégique, opératif et tactique. Celui qui a le meilleur contrôle du flux d’information peut observer, orien­ter, décider et agir de façon plus opportune et mieux appropriée et, par là-même, manœuvrer à l’intérieur de la boucle OODA de l’adversaire. Ce contrôle donne l’opportunité de paralyser et/ou d’exploiter les moyens d’information de l’ennemi tout en proté­geant les siens propres.

De la même manière, John Warden plaide pour la réalisa­tion de la paralysie  stratégique par l’intermédiaire d’une guerre de la conduite des opérations  basée sur l’attaque du comman­dement . Cependant, à la différence de la théorie de Boyd centrée sur les processus, celle de Warden se concentre sur les formes que prend l’exercice du commandement et du contrôle. La cible dans son modèle des cinq cercles,  le pouvoir, est décrite par euphémisme comme le cerveau et ses informations en prove­nance des sens. Si une “balle dans la tête” n’est pas directement envisageable pour des raisons politiques et pratiques, une atta­que indirecte peut être aussi efficace (destruction, perturbation et/ou exploitation des canaux d’information  et de contrôle du cerveau).

Warden reconnaît également l’importance de la gestion de l’information  dans l’efficacité de fonctionnement du système ennemi[8]. Il suppose que les cinq cercles  stratégiques puissent être retenus par un “boulon d’information”. Ce boulon main­tiendrait les cercles en place et, en cas de destruction, les composants à l’intérieur des cercles pourraient échapper à tout contrôle[9]. Ceci suggère que les liens informatifs entre les cercles pourraient bien constituer le paramètre permettant de démolir tout le système ennemi.

Ensemble, Boyd et Warden ont transformé la théorie de la paralysie  stratégique dans ses aspects relatifs à la puissance aérienne  stratégique conventionnelle[10]. Ils ont déplacé les cen­tres d’intérêt, de l’industrie soutenant la guerre vers le comman­dement  soutenant la guerre, de la guerre de l’économie vers la guerre du contrôle . Cependant, Boyd et Warden ne représentent qu’une étape. Comme beaucoup de visionnaires le prédisent, la révolution de l’information  continuera à peser sur la manière dont les gouvernements et leurs forces militaires conduiront la guerre.

Le futur : Paralysie par la guerre du contrôle  
et attaque de l’information

L’Air Marshal Sir John Slessor  écrivit : “S’il existe une attitude plus dangereuse que de supposer que la prochaine guerre se déroulera juste comme la dernière, c’est d’imaginer qu’elle sera tellement différente que nous pouvons nous permettre d’ignorer toutes les leçons de la précédente” [11]. L’une des plus importantes leçons tirées de l’usage stratégique de la puissance aérienne  durant la guerre du golfe Persique en 1991 fut l’efficacité de la domination de l’information [12]. En détruisant les yeux, les oreilles et la bouche de l’Irak,  et en utilisant les plates-formes de recueil de données – de surface ou spatiales -, les forces de la Coalition ont rapidement établi une forme de “supériorité de l’information” qui a peut-être été aussi décisive que la maîtrise plus tradition­nelle de l’espace aérien. La dépendance croissante des matériels de guerre à l’égard d’un traitement efficace de l’information continuera de créer des possibilités pour empêcher, désorganiser, manipuler le recueil, l’analyse et la diffusion des informations du champ de bataille[13]. Il n’est donc pas insensé de suggérer que les guerres futures puissent ressembler à Desert Storm  au moins dans un domaine important : la recherche de la domination de l’informa­tion, aux niveaux stratégique et opératif, via le contrôle de la “datasphère” de l’environnement de combat[14].

John Arquilla  et David Ronfeldt , de la RAND Corporation , ont créé, pour ces futures batailles visant la domination de l’information , le terme de “cyberwar ” [15]. Ils le définissent ainsi :

Cyberwar  se réfère à la préparation à la conduite, et à la conduite d’opérations militaires selon des principes liés à l’information . Cela veut dire désorganiser, si ce n’est détruire, les systèmes d’information et de communication sur lesquels se base l’adversaire pour se “connaître” lui-même : qui il est, où il est, ce qu’il peut faire, quand et pourquoi il se bat, quelle menace contrer en premier, etc. Cela signifie tout connaître d’un adversaire tout en l’empêchant de nous connaître. Cela veut dire faire pencher “l’équilibre de l’information et de la connais­sance” en notre faveur, tout spécialement si l’équilibre des forces ne l’est pas. Cela signifie utiliser la connais­sance afin de dépenser moins de capital et de travail [16].

D’une manière très concrète, Arquilla  et Ronfeldt  parlent de provoquer la paralysie  stratégique en attaquant (physiquement et/ou électroniquement) les centres de gravité  critiques traitant de l’information , voire leurs connexions ou nœuds principaux de connexion.

Les progrès futurs dans les technologies du C4I  (Command, Control, Communications, Computers and Intelligence) et leur intégration aux plates-formes de tir promettent un accroisse­ment radical du rythme de la guerre au XXIe siècle[17]. Les boucles OODA  amies et ennemies vont “se resserrer” énormément au fur et à mesure que le recueil, l’analyse, la diffusion et l’exploitation des informations du champ de bataille ne nécessiteront plus des jours mais des minutes. En conséquence, le contrôle de la “datasphère” recevra la plus haute priorité au cours de la plupart, si ce n’est la totalité, des futurs conflits puisque “empêcher la collecte ou la diffusion de l’information  (de laquelle les « tireurs » seront extrêmement dépendants pour réussir leurs attaques) équivaudra à la destruction de la plate-forme elle-même” [18]. Obtenir la maîtrise de l’information sera la clef de la victoire militaire, puisque cela permettra à la fois de rester correctement orienté et de désorienter l’ennemi. Dans ce sens, il est possible de disposer d’avantages relatifs au niveau de la vitesse d’exécution et de la précision du cycle OODA.

La révolution de l’information  n’aura peut-être pas sur le processus de prise de décision l’impact décrit par Boyd ; elle menace par contre de modifier fondamentalement la forme du système ennemi décrit par Warden dans le modèle des cinq cercles . Ainsi que le font astucieusement remarquer Arquilla  et Ronfeldt,  cette nouvelle révolution est à deux dimensions : l’une technologique et l’autre organisationnelle. “La révolution de l’information traduit les progrès de l’information numérique, des technologies de communication et des innovations qui en décou­lent pour la théorie du management et de l’organi­sation. De nombreux changements se produisent concernant le recueil, l’archivage, le traitement, la communication et la présentation de l’information, ainsi que sur la manière de structurer les organi­sations pour bénéficier de tous les avantages de cette explosion de l’information” [19].

Dans son best-seller Megatrends, édité en 1982, John Naisbitt  prévoyait précisément pour le domaine de l’organisation les tendances qui accompagneraient le passage d’une société industrielle à une société d’information.  La centralisation céderait sa place à la décentralisation et les hiérarchies seraient remplacées par des réseaux[20]. Alors qu’elles apparaissent actuel­lement dans le monde des affaires, ces tendances produisent ce que Naisbitt appelle “un transfert de pouvoir du vertical vers l’horizontal[21]. Alors que le contrôle et le processus de prise de décision stratégique se décentralisent, la coopération horizontale entre agents et agences semi-indépendants devient plus vitale que le commandement  du haut vers le bas pour le fonction­nement efficace du système.

Concernant les opérations de combat, George Orr  définit deux styles de commandement  opposés qui correspondent à ces deux courants économiques.

Le modèle de commandement  par contrôle hiérarchique tente de faire de la totalité des forces (ou la totalité du système national) une extension du commandant (souligné par moi)… L’accent est mis sur la hiérarchie des connexions, sur la collecte globale de l’information,  sur la transmission vers les échelons supérieurs d’informations obtenues locale­ment et sur la gestion centralisée de l’ensemble de la bataille.

Le style “partage de la solution d’un problème” décrit de son côté la mission de contrôle du commandant comme limitée au pilotage d’un effort coopératif de résolution de problèmes. L’accent est mis, dans ce style, sur un fonc­tionnement autonome à tous niveaux, sur le dévelop­pement d’architectures et de systèmes distribués, sur le travail en réseau permettant de partager les éléments indispensables à la détection et à la solution de conflits possibles, et sur un processus éclaté de prise de déci­sion [22].

Bien que Orr  reconnaisse que des arguments puissent venir en soutien de l’un ou l’autre des deux camps, il conclut ainsi ses recherches : “Un système C3I dessiné pour exploiter la nature stochastique du combat et les forces des unités américaines com­battantes (ingéniosité, initiative et esprit de corps) est le mieux équipé vis-à-vis de la réalité de la guerre et du tempérament américain” [23]. Alors que Orr et (sur ce point) John Boyd soutien­nent fermement la décentralisation et l’introduction du travail en réseau au sein des forces armées des États-Unis,  ces ten­dances organisationnelles ne sont certainement pas des axiomes chez nous comme ailleurs. Comme l’envisage Alvin Toffler , des “trois grandes” organisations politique, économique et militaire, la troisième sera la dernière à évoluer d’une structure de pouvoir verticale vers une structure horizontale, en raison de son affinité particulière avec les institutions hiérarchiques. Cependant, de récents ajustements hiérarchiques au sein du monde militaire américain, introduits par le “management de qualité totale”, produisent les changements du monde des affaires et suggèrent que, même si l’institution militaire est la dernière à évoluer, le changement aura bien lieu.

Si un changement dans la répartition de la puissance militaire intervient à l’échelle planétaire, la direction nationale au centre de la cible des cinq cercles  de John Warden perdra de son importance dans le fonctionnement du système. D’un autre côté, le passage d’une répartition verticale des pouvoirs vers une autre horizontale, avec l’importance de la “solution éclatée des problèmes” [24], donnera une réelle consistance à la notion de centres de gravité  non-coopératifs, développée par John Boyd. La guerre de la conduite des opérations,  basée sur l’attaque des coopérations horizontales, pourrait très bien se substituer à la guerre de la conduite des opérations,  basée sur l’attaque des architectures verticales de commandement , devenant ainsi la “stratégie de choix” permettant d’obtenir la paralysie  au XXIe siècle.

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Cependant, comme Alvin et Heidi Toffler  le signalent, toutes les guerres futures ne seront pas exclusivement du type “troisième vague”, ou du type guerre de l’information . Cela signifie que les guerres de types “première vague” alias agraire, “deuxième vague” alias industrielle, ne disparaîtront pas avec l’avènement de l’âge de l’information. Au contraire, voici ce que nous observerons :

Chaque conflit majeur sera identifié par une combinai­son caractéristique de ces différentes formes de guerre. Chaque guerre ou bataille aura sa propre “forme de vague”, correspondant à la manière dont les trois types de conflits se combinent. (Poussant le raisonnement plus loin, il se peut que chaque armée, voire même chaque arme de chaque armée, possède sa propre “signature”, son mélange particulier de première, deu­xième et troisième vague ou forme de guerre) [25].

Ainsi, alors que l’avenir de la théorie de la paralysie  stratégique se trouve peut-être dans le concept de la guerre de la conduite des opérations  introduit par John Boyd et John Warden, les plans réels permettant de mettre l’ennemi hors d’état d’opérer seront peut-être des “combinaisons caractéris­tiques” des trois types de paralysie abordés dans cette partie – guerre de l’économie par l’attaque des cibles industrielles, guerre de la conduite des opérations  par attaque des structures verti­cales de commandement , et guerre du contrôle  par attaque sur les structures horizontales d’information .

[1]        Cité dans Charles Webster et Noble Frankland, The Strategic Air offensive Against Germany 1939-45, Londres, Her Majesty’s Stationery Office, 1961, vol. 4, p. 72.

[2]        Ibid., p. 73. Trenchard  condamna “le bombardement aveugle d’une ville dans le but unique de terroriser la population civile”. Ceci dit, il se concentra fortement sur les effets sur le moral du bombardement stratégique . Les minutes d’une réunion qu’il présida en juillet 1923 le citent déclarant que “la politique consistant à frapper la France  et à la  faire crier avant que nous le fassions (était) plus vitale que n’importe quoi d’autre”, p. 67. De même, un mémorandum de l’état-major de l’air datant de 1924 déclare succinctement que l’emploi correct de la RAF  serait de “bombarder dès le début de la guerre les objectifs militaires situés dans des zones peuplées, avec le but d’obtenir un résultat décisif grâce à l’effet sur le moral que de telles attaques produiront, et grâce à la dislocation profonde de la vie normale du pays”. Voir Air Staff Mémo 11A, mars 1924, AIR 9-8.

[3]        Colonel Edgar S. Gorrell , “Gorrell : Strategical Bombardment”, dans Maurer Maurer (ed), The US Air Service in WWI, Washington, D.C., US Government Printing Office, 1978, vol. 2, p. 143.

[4]        On doit noter que la doctrine du bombardement stratégique  de l’ACTS n’était pas la doctrine officielle du ministère de la Guerre, présentée dans le TR 440-15, Emploi des Forces Aériennes de l’Armée. Cependant, malgré un accueil mitigé par l’Army General Staff, le principe défendu par l’école – “bombardement de jour, de précision, à haute altitude” du maillage indus­triel de l’ennemi – servit de base aux plans aériens américains durant la Seconde Guerre mondiale , et est largement reconnue comme la doctrine aérienne stratégique définitive des américains durant l’entre-deux guerres.

[5]        Cette notion de guerre de la conduite des opérations  suppose bien sûr que l’ennemi possède un système de gouvernement développé, identifiable et vulnérable, ainsi qu’un processus de traitement de l’information  dont il dépend pour la conduite de ses affaires.

[6]        Ainsi que le souligne Alan Campen : “En fait, l’Union soviétique en vint à effectuer une planification  formelle sur les cibles de commandement  et de la conduite des opérations  il y a au moins vingt ans, quand elle adopta le Combat-Radio-Électronique (REC, Radio-Électronic-Combat) comme doctri­ne officielle, et mit sur pied des forces dont la mission était de mettre en œuvre le concept d’attaques physiques et électroniques sur les systèmes de commande­ment et de contrôle de l’ennemi”. Voir Alan D. Campen, The First Informa­tion War, Fairfax, Va, AFCEA International Press, 1992, p. 21, note 6.

[7]        Dans son briefing “Organic Design for Command and Control”, Boyd déclare précisément que la boucle OODA  est, dans sa nature profonde, une boucle de commandement  et de contrôle, p. 26.

[8]        Warden déclare que la précision, la vitesse, la furtivité et la gestion de l’information  sont les ingrédients essentiels de la guerre parallèle. John A. Warden, “War in 2020”, conférence lors de l’étude Spacecast 2020, Air War College , 29 septembre 1993.

[9]        Interview de Warden, 23 février 1994.

[10]       Comme on l’a déjà vu, l’applicabilité de leurs idées aux conflits non conventionnels est discutable, même si elle ne doit pas être rejetée en bloc.

[11]       John C. Slessor , Air Power and Armies, Londres, Oxford University Press, 1936.

[12]       Andrew Krepinevich définit la “domination de l’information ” comme la compréhension comparativement supérieure des structures politiques, économiques, militaires et sociales de l’ennemi. Il soutient que l’opération décisive au cours des futures guerres pourrait être d’établir cette domination de l’information. Voir Andrew Krepinevich, “The Military-Technical Revolu­tion”, étude pour l’Office of Net Assessment OSD, Washington, D.C., automne 1992, p. 22.

[13]       Nos adversaires potentiels diffèrent nettement les uns des autres dans leur dépendance vis-à-vis des technologies modernes de l’infor­mation . Il est donc nécessaire d’adapter proportionnellement le niveau de viabilité d’une hypothèse de paralysie  résultant d’une guerre du contrôle  basée sur l’attaque de l’information.

[14]       En fait, l’édition la plus récente du Joint Publication 1, Joint Warfare of the US Armed Forces, codifie l’emploi de technologies avancées dans le but d’établir un “différentiel d’information ” avantageux. Il y est écrit : “La campagne interarmées doit exploiter pleinement le différentiel d’information, c’est-à-dire la supériorité dans l’accès et l’emploi efficace de l’information que procure à nos forces les technologies avancées ; ceci est valable aux niveaux stratégique, opérationnel et tactique”, p. 57. La National Defense University à Fort McNair, D.C., a ouvert la School of Information Warfare and Strategy en août 1994. Le cursus, long de dix mois, est consacré aux progrès des technologies de l’information, et à la manière dont ils interviennent dans la définition des objectifs de sécurité nationale et le développement de la stratégie militaire.

[15]       Pour l’origine de ce mot, voir supra, note 2 de l’introduction.

[16]       John Arquilla  et David Ronfeldt,  “Cyberwar  is Coming”, RAND Corpo­ration  Study P-7791, Air University Library, Document n° M-U 30352-16 n° 7791, p. 6.

[17]       Cette affirmation n’implique pas que toutes les futures guerres soient des guerres de l’information  hyper-rapides et hi-tech. Je suis d’accord avec le point de vue de Alvin et Heidi Toffler, selon  lesquels l’avènement de la guerre de l’information n’élimine pas les autres formes de conflit. Cependant, en général, les progrès des technologies de l’information entraîneront une accélération du rythme interne de la guerre durant le XXIe siècle, à des degrés variables suivant les capacités technologiques des adversaires.

[18]       Major James L. Rodgers, “Future Warfare and the Space Campaign”, thèse, Air Command and Staff College , Air Campaign Course Research Projects, AY1993-94, p. 116.

[19]       Arquilla  et Ronfeldt , op. cit., p. 2. Souligné par moi.

[20]       John Naisbitt , Megatrends, New York, Warner Books, 1982, pp. 1-2.

[21]       Ibid., p. 204.

[22]       Major George E. Orr , Combat Operations C3I : Fundamentals and Interactions, Maxwell AFB, Alabama, Air University Press, 1983, pp. 87-88.

[23]       Ibid., p. 90.

[24]       Ibid., pp. 41-42. “La résolution partagée d’un problème est un processus par lequel la solution s’obtient par la coopération de nombreuses personnes (généralement physiquement séparées). La vraie résolution partagée d’un problème doit être distinguée de la résolu­tion centralisée avec exécution délocalisée d’un problème. Dans le cas du partage, aucun des participants n’a accès à la totalité des informations qui seront utilisées pour obtenir la solution définitive. Les problèmes essentiels résident dans la décomposition des problèmes, dans la coopération à instaurer entre les éléments concourant à la solution, dans la gestion des communications et dans l’adaptation dyna­mique des paramètres du problème en réponse aux évolutions de la situation”.

[25]       Alvin et Heidi Toffler , “War, Wealth, and a New Era in History”, World Monitor 4,  n° 5, mai 1991, p. 52. Le passage souligné l’est par moi.

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