CHAPITRE VI – LES DOCTRINES POST-SOVIETIQUES

Le putsch du 19 août 1991 dans lequel le ministre de la Défense, le maréchal Jazov, était directement impliqué a incontestablement eu des répercussions directes et indirectes sur l’évolution de l’armée soviétique, sur son organisation et sur les concepts stratégiques. Outre le changement des personnels par trop directement engagés en faveur des « GKTchéPistes » – les membres du comité d’État pour l’état d’urgence – c’est l’ensemble du fonctionnement de l’armée que les « nouveaux » Russes entendent revoir. Certains des débats qui n’avaient pas encore trouvé leur issue – départisation et dépolitisation, démocratisation… – ont subi l’électrochoc nécessaire à leur issue. Par ailleurs, la dynamique des processus d’indépendance, engagée pendant et après le putsch, conduit à une nécessaire révision des structures territoriales et du déploiement des forces armées. Mais à côté des bouleversements considérables que subit alors le fonctionnement de l’armée soviétique et/ou russe, il est une chose qui est restée relativement stable : le nucléaire et sa fonction stratégique.

La fin de l’URSS

Les premières déclarations émanant de la nouvelle hiérarchie militaire désignée après le putsch ne laissaient aucun doute quant à ses priorités. La quasi-totalité des textes publiés par les nouveaux responsables de l’armée dans les semaines qui suivent le putsch ne parlent que de régler les problèmes politiques, sociaux, structurels et organisationnels. Dans ces textes, le ministre de la Défense, le chef d’état-major ou les commandants en chef des différentes armées n’abordent pas les questions de doctrine ou de stratégie169. Certes, une telle attitude peut paraître normale dans la mesure où il ne convient pas d’énoncer une doctrine ou une stratégie tant que l’on ne connaît pas l’outil militaire dont on disposera ni l’étendue du territoire qu’il faudra défendre. De plus, les grands principes de la suffisance, défensive ou raisonnable, ont d’autant moins de raisons d’être remis en cause après l’échec du putsch que leur définition était restée très large.

Au cours de l’automne 1991 – cette période hybride au cours de laquelle l’URSS n’est déjà de fait plus l’URSS – deux solutions paraissaient se faire jour quant à l’avenir de l’armée soviétique. Soit celle-ci, et ses armes nucléaires en particulier, reste un outil commun à l’ensemble de l’Union – ou de la « communauté » – ex-soviétique ; et c’est le sens de toutes les interventions de la nouvelle hiérarchie militaire. Soit – et l’exemple ukrainien aurait pu, un temps, servir de modèle pour les autres républiques170 – la république de Russie garderait le contrôle de l’ensemble de l’arsenal nucléaire sur son propre territoire, quitte à garantir une protection nucléaire aux autres républiques de l’ex-URSS. Dans un cas comme dans l’autre, Moscou n’a pas réellement de raison de modifier les grandes lignes de sa doctrine stratégique compte tenu d’une part de l’arsenal nucléaire important qui restera encore longtemps à sa disposition et, d’autre part, parce que la Russie demeure, en tout état de cause, une puissance continentale considérable et que ses contraintes géopolitiques ne changent pas.

Il ne s’agissait plus alors que de parachever le débat stratégique interrompu d’abord par l’IDS, puis par le gorbatchévisme, par la crise du Golfe et, enfin par le putsch manqué d’août 1991. Le général Maksimov – qui est resté à la tête de la force des missiles stratégiques – affirmait ainsi : « Les forces des missiles, à la base des forces nucléaires stratégiques, représentent un facteur décisif de dissuasion et de prévention des conflits. Elles doivent être fiables, disposer d’une efficacité au combat suffisante et le potentiel nécessaire pour mener une action en riposte » 171. Les Soviétiques – les Russes – auraient ainsi pu conserver les grandes lignes de leur doctrine stratégique. Une question, néanmoins, reste posée, et elle ne se pose pas seulement à Moscou : des armes nucléaires, mais pour faire face à quelle menace ?

C’est dans ce climat de grande incertitude que, le 8 décembre 1991, les trois présidents des trois républiques slaves de l’ex-URSS proclament la disparition de l’URSS « en tant que sujet du droit international et que réalité géopolitique » et la création d’une Communauté des États Indépendants (CEI). Composée, dans un premier temps de la Biélorussie, de la Russie et de l’Ukraine, la CEI est ouverte à toutes les autres républiques de l’ex-URSS. L’une des tâches prioritaires de la Russie – et de la CEI – a consisté à régler la question du devenir de l’armée soviétique. Jusqu’au début de 1992, prévaut l’idée qu’il serait possible de maintenir une armée unique destinée à défendre un espace stratégique unique ; cette idée est soutenu par l’état-major et par le pouvoir russe et notamment par son président, Boris Eltsine. C’est dans cette perspective que sont créées des forces armées unifiées de la CEI à la tête desquelles un commandant en chef a été désigné le 21 décembre 1991 : « partant de la décision de laisser sous commandement unique l’espace stratégique commun, les forces unifiées de la CEI… seront commandées par le maréchal d’aviation Evgeni Chapochnikov » 172.

Pourtant, très rapidement, ces projets, qui avaient le mérite de la simplicité, se sont avérés inapplicables. Chaque république – ou tout au moins les plus importantes d’entre elles – a en effet décidé de procéder à la formation de ses propres forces armées destinées à garantir une indépendance nouvellement acquise. En mars 1992, Boris Eltsine décide alors de créer des forces armées nationales russes dont il prend provisoirement la direction. Dès lors se pose véritablement la question de doter ces forces armées – comprenant l’essentiel des forces armées soviétiques et notamment de son encadrement – d’une doctrine militaire. Celle-ci doit tenir compte du partage de l’héritage soviétique qui implique notamment, une fois encore après 1990, un recul des premières lignes de défense à l’intérieur du sol russe.

C’est dans ce contexte encore très trouble qu’apparaît, au cours du même mois de mars 1992 – et la coïncidence n’est sans doute pas fortuite – la notion d’étranger proche. Cette notion est qualifiée par l’un de ses initiateurs – et ce qualificatif sera largement repris – de « doctrine Monroe pour la Russie ». L’étranger proche peut être considéré comme une forme réduite du panslavisme visant à faire de la Russie le protecteur « naturel » des peuples de l’ex-URSS et/ou de la CEI. Le développement de cette idée répond également aux intentions du gouvernement russe – mais aussi sans doute de la majorité de la population – de préserver un espace stratégique unique, défendu par des forces armées qui seraient dominées par les forces russes. D’ailleurs, il subsiste une ambiguïté quant à la définition géographique de l’étranger proche, un ambiguïté que les Russes continuent de cultiver. L’étranger proche couvre-t-il les seuls douze pays membres de la CEI ou bien les quinze républiques de l’ex-URSS173 ? Recouvrirait-il des espaces encore plus vastes allant jusqu’à la Pologne incluse, comme l’a laissé entendre l’ambassadeur de Russie à Varsovie en 1993174 ?

L’étranger proche est également considéré comme l’axe prioritaire de la politique étrangère russe. Ceci se conçoit d’autant plus aisément que, si les diplomates ont acquis une grande pratique des relations avec tous les autres pays du monde, ils ont quelque difficulté à se représenter la nature des relations qu’ils doivent entretenir avec des États qui, jusqu’en 1991, étaient du ressort de la politique intérieure. Sans même parler des difficultés à concevoir la réduction de leur glacis protecteur. Cette préoccupation se manifeste régulièrement à l’occasion des sommets de la CEI. Ainsi, en 1995 la Russie a-t-elle tenté – sans obtenir de véritable résultat – de faire signer par ses partenaires un traité sur la défense commune des frontières extérieures de la CEI. Il s’agit en effet pour la Russie de définir en priorité son espace de sécurité. Or, paradoxalement, alors que ses intérêts la porte vers l’Occident, son espace de sécurité la déporte vers l’Orient. Au traité de sécurité collective de Tachkent (15 mai 1992) n’ont, par exemple, souscrit, outre la Russie, que des républiques d’Asie centrale – à l’exception du Turkménistan – et du Caucase – sauf l’Azerbaïdjan, la Géorgie, qui ne faisait alors pas partie de la CEI, y souscrira plus tard. Seule république européenne, la Biélorussie, adhèrera au traité en 1993. Les préoccupations russes sont donc portée vers ces régions encore mal stabilisées ; ce qui redonne au mémorandum de Gortchakov de 1864 toute son actualité (voir introduction). Car c’est bien ainsi que l’on peut expliquer, au moins en partie, l’attitude de Moscou dans le Caucase – conflits en Abkhazie et dans le Haut-Karabakh – comme en Tchétchénie. Tradition panslaviste et hantise de l’agitation aux frontières sont les principaux déterminants de l’action du pouvoir russe dans ces régions, hier comme aujourd’hui.

De plus, si l’on retrouve cette préoccupation de l’agitation aux frontières, l’on trouve également chez les dirigeants russes la hantise de l’encerclement par des puissances potentiellement hostiles. Moscou a certes fait savoir, dans un premier temps, qu’elle ne se concevait pas d’ennemi désigné mais, assez vite, pour des raisons tant internes qu’externes, l’image d’un ennemi réapparaît, un ennemi qui n’est guère différent de celui qui était perçu dans les temps soviétiques. Dès 1992 et surtout à partir de 1993, la Russie va s’inquiéter des perspectives d’élargissement de l’OTAN vers l’est et s’interroger, non sans raison, sur l’adversaire ainsi visé par un tel élargissement. Car, si les Polonais, les Hongrois et, dans une moindre mesure, les Tchèques perçoivent une véritable menace venant de l’est – de Russie – l’adhésion de ces pays à l’OTAN est à son tour ressentie par Moscou comme le retour de la menace de l’époque de l’affrontement est-ouest. La demande d’adhésion des trois Républiques baltes marque encore plus les esprits à Moscou car il ne s’agit plus seulement d’anciens alliés de l’URSS mais de pays issus de l’Empire lui-même. Pourtant, ces préoccupations ne se retrouvent que très partiellement, dans le premier document sur la doctrine militaire. Préparé par le Conseil de sécurité de la Fédération de Russie depuis le mois de mars 1993 et rendu public le 2 novembre suivant, il reflète encore en partie les illusions russes sur un possible rapprochement avec l’Occident175.

La doctrine militaire de 1993

Le texte de la doctrine tel qu’il a été publié se subdivise en trois parties dans lesquelles l’on retrouve – avec une subdivision supplémentaire – la dualité de la doctrine établie par… Frounze (voir chapitre 1). Le document comprend en effet trois parties consacrées respectivement à l’aspect politique de la doctrine, à son aspect militaire et à son aspect technique et économique. Le ministre de la Défense a également donné des éléments d’information supplémentaires, non inscrits dans le document public, lors de la conférence de presse qui a suivi la présentation du document.

L’aspect politique de la doctrine pose trois grands principes. En premier lieu, la « Fédération de Russie ne considère aucun État comme son ennemi », en d’autres termes, la Russie est sortie de la logique de l’affrontement idéologique et bipolaire des années précédentes. Ensuite, la Fédération de Russie n’utilisera ses forces armées contre aucun État sauf dans le cadre de l’autodéfense individuelle ou collective ; elle garantit également le non usage de l’arme nucléaire contre les États signataires du TNP ne possédant pas l’arme nucléaire sur leur sol, rappelant que l’arme nucléaire ne saurait être un moyen de conduire la guerre mais un « moyen politique de dissuasion ». Il est pourtant un point qui reste quelque peu ambigu dans l’énoncé de ce dernier principe : cette politique de dissuasion concerne non seulement la Russie mais aussi ses alliés. Or, de quels alliés s’agit-il ? Le texte ne le précise pas mais il conduit naturellement à se rapporter à la définition de l’étranger proche. S’il paraît clair que le « parapluie » nucléaire russe est accepté par plusieurs pays de la CEI et notamment par ceux qui ont signé le traité de Tachkent, la vision de Moscou se limite-t-elle à ce seul espace de sécurité collective ? N’y-a-t-il pas là aussi une affirmation du rôle de « grand protecteur » de la Russie sur ce qu’elle considère comme ses intérêts vitaux, à savoir l’ensemble de la CEI voire de l’ex-URSS. Ce dont, notamment, ni les Ukrainiens ni les Baltes ne veulent entendre parler. Sans même mentionner l’extension de ce parapluie aux anciens « alliés » de l’URSS dans le Pacte de Varsovie ! En d’autres termes, derrière cette apparence de retour à la « normalité » de la Fédération de Russie, pourraient se cacher des ambiguïtés qui correspondent à une certaine permanence des représentations géopolitiques d’hier et même d’avant-hier !

Ces trois grands principes constituent donc le cadre politique général dans lequel s’inscrivent, comme par le passé, les autres éléments de la doctrine qui sont plus proches des réalités, tels les principaux risques conflictuels auxquels la Russie est désormais susceptible d’être confrontée. Si la menace d’une agression directe massive contre le territoire russe a fortement diminué, elle n’en subsiste pas moins. Par contre, la sécurité de la Russie est surtout menacée par des conflits locaux et notamment par ceux qui se déroulent à proximité de ses frontières ; viennent en suite : la prolifération nucléaire, une rupture dans l’équilibre stratégique, l’ingérence dans les affaires intérieures, le terrorisme et l’élargissement des blocs militaires176. Étant entendu que la véritable, la principale menace à laquelle la Russie est confrontée est d’ordre essentiellement intérieur.

Ces préoccupations se retrouvent dans la partie militaire de la doctrine dans laquelle il est notamment rappelé que « l’emploi de l’arme nucléaire, même limité dans un conflit local, peut déboucher sur un emploi massif de cette arme avec ses conséquences catastrophiques ». Mais ce à quoi s’attache surtout l’aspect militaire de la doctrine est d’ordre nettement plus conjoncturel puisqu’il s’agit des conflits locaux qui constituent les principaux risques pour la fédération de Russie. Les exemples cités par le document sur la doctrine sont particulièrement significatifs : Yougoslavie, Haut-Karabakh, Abkhazie et Tadjikistan. Face à de telles menaces locales, la Russie doit intervenir le plus tôt possible afin de préserver le toutes les chances d’un règlement pacifique des conflits – le conflit en Tchétchénie qui éclate l’année suivante mais couvait depuis 1991 – pourrait en constituer le contre-exemple parfait ! Plus globalement, et l’on retrouve les leçons tirées de l’opération Tempête du désert, les forces armées russes doivent être préparées à mener toutes les formes d’action « tant offensive que défensive dans la perspective d’un emploi de tous les moyens actuels et futurs de destruction face à tout type de guerre ». En d’autres termes, l’armée russe doit être à même d’assumer une « riposte adéquate contre n’importe quelle menace ».

Les moyens destinés à remplir ces missions sont également présentés dans cette partie militaire de la doctrine. La priorité pour Moscou concerne la création de forces mobiles susceptibles d’être envoyées rapidement dans une région déterminée pour renforcer des forces prépositionnées en temps de paix dans les régions stratégiques et les théâtres d’opération (TVD). Étant précisé que l’intérêt de la sécurité de la Russie et de la CEI peut impliquer que soient déployées des forces russes hors des frontières de la Fédération de Russie177. La mise sur pied de ces forces, qui devaient être opérationnelles en 1995, semble avoir quelque retard et elles n’étaient toujours pas prêtes en 1996.

Enfin, l’aspect technique et économique de la doctrine garantit la dotation des forces armées en matériel le plus moderne et performant et en quantité suffisante pour assurer la défense des intérêts vitaux du pays. Ceci implique une restructuration du complexe militaro-industriel, son ouverture aux marchés étrangers à l’exportation mais aussi le lancement de programmes d’armement sur dix à quinze ans. Mais la réalisation de tels programmes a pris un retard considérable compte tenu des difficultés de la Russie à sortir de la crise économique globale dans laquelle elle se trouve.

Telles sont les grandes lignes de la doctrine telles qu’elles sont contenues dans le document présenté 2 novembre 1993. Mais, à l’issue de cette présentation, le ministre de la Défense, le général Gratchev, a apporté quelques précisions qui ne se trouvent pas dans ce document mais sans doute dans le texte complet de la doctrine qui, lui, n’a pas été rendu public. En premier lieu, le ministre précise un point qui a fait couler beaucoup d’encre tant en Russie qu’à l’ouest car il touche à l’un des éléments essentiels du concept de dissuasion. La Russie aurait renoncé à l’une des constantes de la stratégie déclaratoire de l’URSS : le non-emploi en premier de l’arme nucléaire. L’éventualité désormais admise d’un « emploi en premier » de l’arme nucléaire a étonné certains « vieux généraux » russes et inquiété certains observateurs occidentaux. Mais cette reconnaissance de « l’emploi en premier » peut également être perçue comme une preuve de l’entrée véritable de la Russie dans la logique de la dissuasion. Car la proposition, régulièrement avancée par les Soviétiques depuis 1977, visant à la signature d’un accord sur le non-emploi en premier de l’arme nucléaire, ne se situait guère dans cette logique.

La deuxième précision apportée par le général Gratchev concerne l’engagement des forces armées russes dans des opérations de maintien de l’ordre intérieur « en collaboration avec les organes du ministère de l’intérieur et pour soutenir les troupes des garde-frontières afin de circonscrire un conflit dans une région [de Russie] ». La décision de faire appel à l’armée dans une telle situation ne reviendrait pas au ministre de la Défense. Le conflit tchétchène qui éclate en décembre 1994 est l’illustration de cette nouvelle fonction de l’armée qui a heurté les conceptions de nombreux militaires. Sans même parler de l’impréparation des unités à mener une telle opération, nombre d’officiers n’ont apprécié, ni d’être appelés à mener des opérations de police, ni de se trouver rapidement sous l’autorité du ministère de l’Intérieur. Toutefois, force est de constater que l’opération en Tchétchénie est conforme au contenu de la doctrine sur la nature d’ordre strictement interne des menaces auxquelles est confrontée la Russie.

Pourtant, l’énoncé de cette doctrine militaire est intervenu prématurément, ce qui en réduit nécessairement la portée. Deux mois à peine après la publication de ce document, s’engagent en effet dans la presse russe plusieurs débat sur le contenu de la doctrine elle-même, sur le rôle des armes nucléaires stratégiques et, surtout, sur la définition des intérêts nationaux de la Russie. Or, il est clair que l’absence de définition préalable des intérêts nationaux, conduit à nuancer certains principes avancés dans le document de 1993. Sans oublier que ce document a été élaboré avant même que la Russie ne ratifie le traité START II, un traité dont l’application devrait conduire à modifier profondément les conceptions de la stratégie russe.

Intérêts nationaux, sécurité nationale
et perception des menaces

La construction de l’édifice stratégique de la nouvelle Russie connaît indubitablement un déficit d’ordre culturel. Peut-on concevoir une doctrine militaire sans avoir une claire représentation du monde environnant, sans avoir défini l’un des principaux éléments constitutifs de la « stratégie intégrale » ? N’est-il pas essentiel, pour pouvoir définir la stratégie d’un État, de définir préalablement ses intérêts, les valeurs qu’il est prêt à défendre ? Un tel débat a longtemps tardé à s’instaurer, laissant la Russie dans un état de dépendance à l’égard d’autres États, d’autres systèmes de valeur. Certains experts, tant civils que militaires, vont donc tenter de lancer, à partir de 1994, cette question de l’intérêt national russe.

Même si la Russie a conservé les principales caractéristiques géopolitiques de l’État dont elle est l’héritière, elle se cherche encore une culture politique qui lui soit propre. Car la Russie, qui ne s’est jamais conçue que comme empire, a quelque difficulté à se définir désormais comme État voire comme État-nation. La Russie doit-elle s’orienter vers des espaces résolument européens et occidentaux, doit-elle insister sur ses caractéristiques asiatiques ou doit-elle cultiver sa spécificité eurasiatique ? Il est clair que tant que la Russie n’aura pas déterminé ses choix, sa phase de transition vers une société nouvelle ne pourra être véritablement mise en œuvre. Et, comme le précise un politologue russe, à hésiter trop longtemps entre « l’Orient-Express et l’Atlantique-Express, la Russie risque de se retrouver au même niveau que le Brésil ou, pire, que l’Inde » 178. C’est en grand partie dans le cadre de ce débat culturel général qu’il convient d’inscrire le débat sur la sécurité et les intérêts nationaux qui se développe à partir de 1994. Ce débat peut être résumé dans un tableau récapitulatif de l’ensemble des intérêts nationaux de la Russie, présenté un officier général de l’état-major :

Intérêts nationaux de la Russie

Intérêts vitaux

Intérêts majeurs

Intérêts

Développement progressif de la Russie comme État souverain. Réalisation et défense des droits et libertés des individus. Garantie de conditions favorables au progrès social et spirituel.
Renforcement de l’unité nationale. Conservation et croissance du bien-être matériel et spirituel. Garantie de la paix civile, réalisation de la justice sociale.
Garantie de l’intégrité et de l’inviolabilité du territoire de la Fédération de Russie. Garantie de la sécurité de la société. Respect des valeurs des Anciens, de l’histoire nationale, de la culture, de la tradition.
Prévenir une agression contre la Russie et ses alliés. Prévenir le crime organisé. Préserver et défendre l’environnement.
Prévenir les guerres et les conflits armés. Garantir la stabilité internationale et la sécurité régionale et globale. Amitié et coopération égales en droit avec les pays étrangers.

Source : Général-colonel V. Manilov, « Sécurité nationale : valeurs, intérêts et objectifs », Voennaja Mysl’, n° 6, novembre-décembre 1995, p. 38

À côté de ces intérêts nationaux propres à la Russie, le général Manilov énonce également deux « valeurs nationales » traditionnelles entre lesquelles il convient de choisir : la valeur « Russie » et la valeur « Puissance ». La première, héritière de l’empire tsariste, comporte l’inconvénient de limiter les perspectives de rapprochement avec les non-Russes tels que les Ukrainiens, les Biélorusses ou les Kazakhs ; la seconde – la valeur « Puissance » – est plus permanente dans l’histoire et, avec sa dimension de « souveraineté », peut favoriser le sens de l’appartenance à la communauté internationale. Par contre, elle peut avoir une connotation expansionniste et le terme de « puissance russe » peut ne pas attirer les populations non-russes179. Tel est donc l’un des dilemmes dans lesquels se débattent les Russes.

Ce débat sur la sécurité et les intérêts nationaux peut certes être sans fin mais il a trouvé un premier aboutissement avec la publication d’un document sur « La politique de sécurité nationale de la Fédération de Russie (1996-2000) ». Ce document reprend l’essentiel des considérations présentées durant les débats, rappelant en introduction que : « Du point de vue géopolitique, la Russie occupe une position géographique unique qui, combinée avec une politique bien pensée, lui donne la possibilité de jouer un rôle stabilisateur dans l’équilibre global des forces » 180. Pourtant, ce qui caractérise ce document est que, dans le domaine de la définition des menaces, il reprend certes les considérations déjà avancées dans le document sur la doctrine militaire de 1993, c’est-à-dire qu’il conçoit des menaces essentiellement internes. Mais il énonce aussi l’existence de menaces externes auxquelles la Russie est à nouveau confrontée et qui étaient absentes en 1993. Cet ajout essentiel entre dans la logique de l’évolution des débats qui depuis 1993 ont, dans l’ensemble, abouti à la conclusion que la Russie ne peut plus admettre le fait qu’ »aucun État ne représenterait une menace à son encontre ». Quelles sont ces menaces, telles qu’elles sont, à nouveau, perçues par la Russie ?

Considérant l’affaiblissement des positions géopolitiques de la Russie, deux officiers de l’état-major estimaient que la réduction de son espace géographique augmentait sa vulnérabilité à toute sorte de menaces en lui ôtant la plupart de ses « zones-tampon » à l’est, au sud et à l’ouest181. Selon ces officiers la situation de vulnérabilité et de crise sociale interne dans laquelle se trouve la Russie ne lui permet plus de maintenir des forces armées sur l’ensemble de ses frontières d’où la nécessité de constituer ces forces mobiles dont il est déjà question dans le document de 1993 sur la doctrine militaire. Mais ceci implique également de revoir, d’une part, la fonction de chaque arme et de chaque armée dans la défense du pays ; d’autre part, de prendre en compte le fait que certains districts militaires internes de l’URSS (Moscou, Volga, Oural) qui avaient surtout une fonction de formation des réserves, sont devenus des districts frontaliers nécessitant de revoir leurs infrastructures en raison de leur situation nouvelle. Enfin, les menaces telles qu’elles sont présentées dans cet article proviennent de toutes les directions : Extrême-Orient, Proche et Moyen-Orient, Occident.

Dès lors, l’énoncé des menaces extérieures devient l’un des thèmes récurrents au cours des années suivantes. Parmi les thèmes qui reviennent fréquemment l’on trouve celui de la Russie, rempart naturel du monde occidental face à une menace islamique. La dénonciation régulière de cette menace a plusieurs fonctions : en premier lieu, une fonction de cohésion nationale interne, notamment à l’adresse des régions de la périphérie méridionale de la Fédération face à un intégrisme – pour le moment plus supposé que réel – qui s’y développerait. Ensuite, lié au point précédent, un tel discours permet de justifier la présence, aux frontières extérieures de la CEI, des « forces d’interposition de la CEI », composées essentiellement de soldats russes. Enfin il pourrait aussi s’agir d’un message lancé à l’adresse des Occidentaux pour qu’ils contribuent à mieux aider une Russie dans sa lutte contre ce qui est présenté implicitement comme une menace commune.

Plus concrètement, Alexeï Arbatov affirme pour sa part, mais reflétant l’opinion de nombreux autres experts, que « l’armée russe a un ennemi potentiel ». Cet ennemi potentiel se trouve surtout sur les frontières méridionale et orientale de la Russie : « La Turquie, malgré les échanges commerciaux est, sur le plan géopolitique, sinon un ennemi tout au moins le principal concurrent régional ; l’Iran est un autre ennemi potentiel, susceptible de s’allier à l’Afghanistan et au Pakistan… Mais aussi la Chine qui, lorsque, dans une dizaine d’années, elle aura modernisé son armée avec notre technologie et aura développé son potentiel nucléaire, pourrait avoir des revendications territoriales dans la région du Baïkal ou dans les provinces maritimes » 182. Enfin, ajoute A. Arbatov, si l’OTAN ne constitue pas une menace militaire directe, elle peut le devenir indirectement en armant massivement les républiques de la CEI ou de la Baltique, en concentrant ses troupes aux frontières de la Russie après une adhésion de l’Ukraine, en favorisant les séparatismes, notamment dans le Caucase.

En d’autres termes, toutes ces prises de position confirment que la doctrine militaire de 1993 est résolument périmée. Aussi, en novembre 1996, est annoncée la présentation prochaine d’une nouvelle doctrine militaire, qui partira du principe que la stratégie de la Russie doit désormais être tous azimuts. Car, comme l’affirmait le secrétaire du Conseil de défense, Iouri Baturin, en présentant les grandes lignes de la future nouvelle doctrine : « Depuis trois ans, la situation géopolitique, économique et politique de la Russie a radicalement changé. Il convient de modifier les principales approches des questions de sécurité militaire. La doctrine doit répondre aux exigences de demain » 183. Et parmi ces exigences nouvelles, le facteur nucléaire est loin d’être négligeable.

Le retour de la menace occidentale ?

La situation de crise dans laquelle se débat l’armée depuis la fin des années quatre-vingt explique sans doute l’importance que les Russes accordent à l’arme nucléaire qui est toujours considérée comme la meilleure garantie de la sécurité du pays et, de surcroît, une garantie au moindre coût. Car, durant toutes ces années, même si en 1993 la Russie affirmait ne pas se connaître d’ennemi potentiel, le maintien en état de l’arsenal nucléaire est resté l’une de ses priorités majeures incluant notamment la modernisation de cet arsenal avec les missiles Topol (SS 25) et surtout les nouveaux Topol M (SS-X-29), déployés à partir de 1996. Consciente de sa vulnérabilité en matière d’armements classiques face aux forces occidentales, notamment américaines, les Russes sont « plus que d’autres intéressés à maintenir un niveau d’incertitude le plus haut possible… en conservant le rôle dissuasif de leurs armes nucléaires. L’expérience de la guerre du Golfe a montré la supériorité classique de l’OTAN excluant, de ce fait, une riposte symétrique de la Russie face à un éventuel défi de l’OTAN » 184.

Cette attitude est le reflet de deux préoccupations de la Russie : la première tient à l’incertitude quant à la ratification de START II par la Douma ; la seconde concerne les perspectives d’élargissement de l’OTAN à l’est. Sur le premier point, la Russie est confrontée à une situation de vulnérabilité dans laquelle elle estime devoir se retrouver à l’exécution de l’accord. Car si les deux ex-superpuissances vont continuer de disposer d’un nombre à peu près égal de têtes nucléaires, la priorité, donnée par les États-Unis, à la composante navale, placerait la Russie dans une situation d’infériorité qualitative de fait. De plus, il est incontestable que, au moins psychologiquement, l’abandon, imposé par l’accord, de la prééminence de la composante terrestre est difficile à accepter pour une puissance qui a toujours misé sur sa dimension continentale. Sans entrer dans le détail des débats sur la ratification de START II, force est de constater que, outre les considérations qui ressortissent à la politique politicienne, les arguments techniques et militaires ne manquent pas aux adversaires de ce traité185. Mais la question de la ratification de START II est également utilisée dans un autre débat où se retrouvent synthétisées la plupart des questions dans le domaine politico-stratégique qui se posent à la Russie : l’élargissement de l’OTAN.

Si l’OTAN n’est plus immédiatement perçue par les Russes comme un ennemi potentiel, la perspective de son élargissement à l’est fait resurgir les vieux démons d’un passé récent mais aussi plus ancien : formation d’un front anti-russe face à un État qui a perdu son glacis protecteur, menace d’encerclement, isolement de la Russie dans un environnement hostile, translation de la Russie vers des espaces non-européens… Pour toutes ces raisons, Moscou ne peut admettre ce qui est considéré à la fois comme un renversement d’alliance et comme un rapprochement des premières lignes d’un front à nouveau perçu comme hostile en direction de ses frontières. Certes, certains reconnaissent que le refus de Moscou de voir l’OTAN s’élargir est plus du ressort de la psychologie que de considérations d’ordre militaire et stratégique. Mais, rien n’est plus lent à changer que les mentalités186. Par ce refus obstiné de l’élargissement – qu’ils utilisent les arguments de la menace ou ceux de la raison – les Russes manifestent aussi leur déception à l’égard des Occidentaux qu’il considèrent désormais comme ayant plus fait pour détruire leur pays que pour les aider à sortir de sa crise187.

Ce que proposent les Russes est donc – vieille idée soviétique mais qui dans le contexte nouveau devient pertinente – la constitution d’un vaste système de sécurité collective dans une « Europe de Vancouver à Vladivostok « dont la Russie ne saurait être exclue. Si un tel système ne peut se mettre en place, la Russie menace implicitement de consolider le traité de sécurité collective de la CEI signé à Tachkent le 15 mai 1992. Or la constitution d’un « bloc » de Tachkent qui s’opposerait à une Alliance atlantique, à nouveau perçue comme un « bloc », ne laisse pas d’inquiéter certains des voisins de la Russie et en premier lieu l’Ukraine188.

Mais, plus menaçante encore, la Russie envisage également que, en cas de déploiement d’armes nucléaires sur le territoire de pays anciennement membres du Pacte de Varsovie, notamment la Pologne et la République tchèque, elle pourrait déployer des armes identiques en Biélorussie. En d’autres termes, la reconstitution d’un affrontement est-ouest dont le front se serait déplacé vers l’est mais dont l’essence serait identique. L’état-major russe a également laissé publier un plan de frappes contre ces pays d’Europe centrale en cas de crise entre l’OTAN et la Russie, affirmant que « ce sont les États-Unis et leurs alliés qui représentent la menace principale pour la sécurité nationale de la Russie » 189. Tel qu’il a été présenté dans la presse, ce plan prévoit, « en cas de déclenchement d’un conflit entre l’OTAN et la Fédération de Russie, de lancer des groupes de forces terrestres sur le territoires des pays baltes et placer sous son contrôle les côtes et la frontière entre la Pologne et la Lituanie. Après l’emploi par l’Alliance atlantique d’armes nucléaires tactiques, la Russie pourra effectuer des frappes nucléaires en riposte sur les troupes du premier échelon des forces intégrées de l’OTAN déployées en République tchèque et en Pologne » 190. En d’autres termes, l’état-major applique ici des dispositions de la doctrine militaire de 1993, à l’égard d’adversaires non-nucléaires mais « alliés de puissances nucléaires » dans l’éventualité d’un conflit nucléaire limité en Europe. Cette hypothèse se retrouve également incluse dans le projet de la future doctrine, présenté en novembre 1996. Ce dernier insiste notamment sur le fait que la « Russie doit conserver ses capacités de dissuasion nucléaire pour tous les niveaux d’agression dont elle ou ses alliés seraient l’objet » ; tout en affirmant plus loin que en cas de risque de « transformation d’un conflit régional en guerre à grande échelle, la Russie pourra utiliser l’arme nucléaire la première pour porter des frappes anti-forces (« désarmantes ») sur des objectifs militaires » 191.

Cependant, l’on peut raisonnablement penser, d’une part, que ce scénario est plus politique que militaire et s’inscrit dans les moyens de la stratégie déclaratoire russe visant à prévenir tout élargissement de l’Alliance atlantique ; d’autre part, corollaire du point précédent, que, étant donné l’état de délabrement dans lequel se trouve actuellement l’armée russe, elle ne serait pas à même de mener une telle opération offensive en Europe centrale192. Enfin, il convient néanmoins de considérer que, indépendamment de ces deux facteurs, ce scénario reflète assez exactement l’état d’esprit dans lequel se trouve une majorité des officiers russes, voire une majorité de la population, face aux perspectives d’élargissement de l’OTAN. Et ce pour des raisons plus culturelles que militaires.

 

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Notes:

 

169 Voir notamment l’interview du maréchal d’aviation E. Chapochnikov à l’Etoile Rouge du 30 août 1991 et sa conférence de presse du 5 septembre (Krasnaja Zvezda, 6 septembre 1991) ainsi que l’interview du général V. Lobov, chef de l’état-major général, dans les Izvestia du 31 août 1991.

170 Dans sa déclaration de souveraineté du 16 juillet 1990, l’Ukraine revendiquait le droit de disposer d’une armée indépendante et exprimait sa volonté de se situer hors de toute alliance militaire et de dénucléariser son territoire.

171 Izvestia du 29 août 1991.

172 Communiqué du sommet d’Alma-Ata, 21 décembre 1991. Documents d’Actualité internationale, n° 4, 15 février 1992, p. 68. Le maréchal Chapochnikov démissionnera de ses fonctions dix-huit mois plus tard, considérant qu’il ne pouvait continuer de commander des forces… qui n’existaient pas ! (Izvestia, 16 juin 1993).

173 Les trois républiques baltes, qui ont quitté l’URSS dès le mois de septembre 1991, ne font pas partie de la CEI.

174 Interview de J. Kaszlew (Kachlev) en date du 4 octobre 1993, “Polityka rosyjska i Polska” (La politique russe et la Pologne), Arka, n° 47, 1994, p. 37. Les autorités russes ont bien entendu démenti une telle affirmation.

175 “Principales dispositions de la doctrine militaire de la Fédération de Russie”, Izvestia, 18 novembre 1993 et Krasnaja Zvezda, 19 novembre 1993.

176 Sur ce dernier point, le Service du renseignement extérieur russe (SVR) a publié un document démontrant qu’un élargissement de l’OTAN à l’est serait plus désavantageux qu’avantageux pour la sécurité de la Russie Les perspectives de l’élargissement de l’OTAN et les intérêts de la Russie, Moscou, 1993 (rapport présenté par E. Primakov, alors chef du SVR).

177 En 1996, l’armée russe est ainsi présente dans tous les États membres de la CEI à l’exception de l’Azerbaïdjan.

178 Nezavisimaja Gazeta, 25 avril 1996.

179 Voennaja Mysl,’ art. cit., p. 33.

180 “Politique de sécurité nationale de la Fédération de Russie (1996-2000)”, Nezavisimaja Gazeta, (supplément “Scénarios”), 23 mai 1996. Ce document a été préparé sous la direction de Juri Baturin, conseiller du président pour les questions de sécurité nationale et transmis aux deux Chambres du Parlement russe. En juillet 1996, Juri Baturin sera nommé secrétaire du Conseil de défense créé au lendemain de l’élection présidentielle (décret du 25 juillet 1996).

181 Col. M. Khomtchenko, maj. I. Bizjuk, “Géopolitique : comment préparer la défense du pays”, Krasnaja Zvezda, 30 août 1994.

182 Nezavisimaja Gazeta (supplément défense), 14 décembre 1995. Alexeï Arbatov est député et vice-président de la commission de défense de la Douma.

183 Nezavisimaja Gazeta et Krasnaja Zvezda, 6 novembre 1996.

184 S. Grigorev, “Le nouveau cours stratégique de la Russie en direction de l’Occident”, Nezavisimaja Gazeta (supplément défense), 13 janvier 1996.

185 Voir notamment mon article dans Stratégique, n° 56, 1992, pp. 147-162 et les encarts dans Ramsès 1996, pp. 67-68 et Ramsès 1997, p. 103.

186 Voir notamment D. Trenin, “Une nouvelle confrontation avec l’OTAN est inacceptable”, Nezavisiamja Gazeta, 17 janvier 1996. Ce point de vue est aussi, au moins implicitement, celui du ministre russe des Affaires étrangères, E. Primakov (Nezavisiamja Gazeta, 1er mars 1996 et Krasnaja Zvezda, 2 avril 1996).

187 Ainsi, lors d’un colloque organisé par le Philip Morris Institute le 10 mai 1996, “l’observateur politique” des Izvestia affirmait-il : “Les pragmatistes occidentaux ne doivent pas oublier que le peuple russe est un peuple émotif dont les rêves les plus beaux peuvent se transformer aisément en les plus sombres tragédies. Le rationalisme des stratèges occidentaux n’est parfois pas moins ridicule que les émotions aveugles des dirigeants russes”.

188 Nezavisimaja Gazeta, 8 février 1996.

189 Dépêche AFP, 20 octobre 1995.

190 Nezavisimaja Gazeta, 7 octobre 1995. La coïncidence entre le moment où est mis en circulation ce document de l’état-major russe et celui où l’OTAN remet son “Étude sur l’élargissement” n’est sans doute pas fortuite.

191 Nezavisimaja Gazeta, 16 décembre 1996.

192 Cette incapacité des forces classiques russes à s’opposer à une éventuelle attaque occidentale a été explicitement envisagée par le général Rodionov, ministre de la Défense, lors d’une conférence de presse (Nezavisimaja Gazeta, 8 février 1997).

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