DEUX PRE-MAHANIENS FRANÇAIS : BOUËT-WILLAUMEZ ET PENHOAT

Étienne Taillemite

 

Parmi les officiers de la marine qui, pendant la seconde moitié du xixe siècle, prirent la peine de réfléchir sur leur métier et d’exprimer leurs idées sur certains aspects du service, deux se distinguent : Louis-Édouard, comte Bouët-Willaumez et Jérôme-Hyacinte Penhoat. Appartenant à la même génération, ils sortirent l’un et l’autre du Collège naval d’Angoulême, ce qui prouve que cette institution, bien que bizarrement située, était capable de produire et d’éduquer de brillants sujets. Leurs carrières maritimes furent extrêmement actives. On était à l’époque où les officiers naviguaient énormément et, du fait de la lenteur des navires, faisaient d’interminables séjours à la mer (Charuer passa ainsi près de vingt-sept ans de sa vie entre ciel et mer), ce qui leur assurait une irremplaçable expérience.

Ni l’un ni l’autre n’ont rédigé de traités théoriques, comme ce fut le cas de l’amiral Grivel que nous avons étudié dans un volume précédent, mais Bouët-Willaumez s’est livré à de sérieuses études historiques dont il s’est efforcé de tirer les enseignements et s’est attaché aussi, comme nous le verrons, aux questions de tactique, discipline bouleversée par l’irruption de la vapeur et les progrès de l’artillerie. Penhoat, de son côté, se préoccupa surtout de problèmes de matériel et, lui aussi, de tactique.

Après avoir rappelé brièvement le déroulement de leurs carrières, nous essaierons de dégager l’essentiel de leur pensée à une époque de transformations fondamentales du matériel naval et de son emploi.

BOUët-willaumez

Louis-Édouard Bouët était né à Brest le 24 avril 1808. Il ajouta à son nom celui de Willaumez lorsqu’il fut adopté en 1844 par son oncle l’amiral Jean-Baptiste Willaumez qui n’avait pas d’enfant1. Sorti du Collège naval d’Angoulême en 1824, il fit aussitôt campagne en Méditerranée, dans l’océan Indien et participa en 1827 à la bataille de Navarin. En 1830, il était à la prise d’Alger et en 1832 au blocus d’Anvers lors du conflit qui allait aboutir à l’indépendance de la Belgique. Devinant l’avenir de ce mode de propulsion, Bouët se passionna dès ce moment pour la navigation à vapeur. Lieutenant de vaisseau en 1836, il reçut le commandement de l’aviso à vapeur l’Africain avec lequel il remonta le fleuve Sénégal avec mission de développer le commerce français dans la région. Bouët va d’ailleurs devenir un spécialiste des côtes occidentales d’Afrique sur lesquelles il effectuera de longs séjours. Commandant La Malouine en 1837, il mena un campagne d’exploration de la côte depuis la Guinée jusqu’au cap Lopez et signa en février 1839 un traité de commerce avec le roi Denis qui régnait sur une partie du Gabon. Remontant ensuite vers le nord, il travailla à l’hydrographie des côtes marocaines et leva un plan du mouillage de Mogador, qui sera bien utile lors des opérations de l’escadre commandée par le prince de Joinville en août 1844. Promu capitaine de corvette en septembre 1840, Bouët repartit aussitôt pour les eaux africaines, commandant le Nisus et la station navale des côtes d’Afrique, ce qui lui donna l’occasion de signer un nouveau traité avec un souverain gabonais, le roi Louis, le 18 mars 1841. Gouverneur du Sénégal l’année suivante, il s’efforça de développer le commerce français dans le golfe de Guinée en créant des comptoirs à Assinie et Grand Bassan, tout en exposant au gouverneur que cette politique était dépassée et qu’il fallait pénétrer dans l’intérieur du pays. En 1843, il signa un nouveau traité franco-gabonais.

Bouët prit part en 1844 à l’expédition de l’escadre du prince de Joinville sur les côtes marocaines et se distingua au bombardement de Mogador, ce qui lui valut sa promotion de capitaine de vaisseau. L’année suivante, il devenait chef d’état-major de l’amiral Montagniés de la Roque, commandant la station navale des côtes occidentales d’Afrique qui venait d’être sérieusement renforcée en raison du traité franco-anglais récemment conclu à Londres pour la répression de la traite clandestine des Noirs, interdite depuis les traités de 1815. En 1848, Bouët prenait le commandement de la station de l’Atlantique Sud et signait en juillet 1851 un nouveau traité avec un des rois du Dahomey. De cette longue expérience africaine, Bouët-Willaumez tira en 1848 un ouvrage intitulé Commerce et traite des Noirs aux côtes occidentales d’Afrique qui conserve un vif intérêt puisqu’il a été réédité en 1978.

La seconde partie de la carrière de Bouët-Willaumez se déroulera en Europe et le mènera aux plus hautes responsabilités de la flotte. Chef d’état-major de l’amiral Hamelin, commandant d’escadre de Méditerranée en 1853, promu contre-amiral en août 1854, il se révélera, pendant la campagne de Crimée, comme un organisateur de premier ordre, concevant et dirigeant remarquablement les débarquements de septembre 1854 aux environs de Sébastopol. Commandant la station navale du Levant en 1855, membre du Conseil des Travaux en avril 1859, Bouët-Willaumez reçut le commandement d’une division dans l’escadre envoyée en Adriatique pendant la guerre d’Italie aux ordres de l’amiral Romain Desfossés. Fort de l’expérience de Crimée, il fut chargé de la préparation de l’attaque prévue contre les défenses extérieures de Venise et qui fut arrêtée par l’armistice de Villafranca.

En juillet 1860, il était promu vice-amiral et nommé préfet maritime de Cherbourg puis, en mars 1861 de Toulon. À ce moment, le capitaine de frégate Souville dressait de lui un portrait qui ne manquait pas de piquant. « Celui-ci est une des personnalités les plus marquantes et les plus originales de la marine. À voir son air tapageur, son intempérance de parole, son charlatanisme, on serait tenté de douter de sa grande valeur réelle. C’est un butor non pas bretonnant mais gasconnant. Impérieux et cassant, il est avec tout cela d’une humeur joviale et d’un abord facile. Il ne s’est jamais épargné lui-même et sa vigueur athlétique est sortie intacte d’interminables séjours au Sénégal et de fatigues extraordinaires ». Mais le nouveau préfet maritime ne brillait pas toujours par la diplomatie. « Dès le jour de son entrée en fonctions, le nouveau chef du port de Toulon, donna sa mesure. Devant tous les corps de la marine rassemblés, il tint un discours si outrecuidant quant à lui-même et si inconsciemment blessant pour l’honorable vieillard auquel il succédait qu’il révolta tout le monde »2. Mais, révolté ou non, il fallut marcher et tout se ressentit aussitôt d’une impulsion nouvelle. C’est qu’en effet les attelages s’étaient réellement endormis. Sous la main et le fouet du nouveau maître, ils se réveillèrent surpris et pas contents, mais qu’importe ! Il fallut changer d’allure et on repartit grand train3.

Bouët-Willaumez fut un préfet maritime très actif et plein d’initiatives. C’est ainsi qu’à peine en fonctions et soucieux d’utiliser au maximum le capital représenté par les nombreux vaisseaux en bois figurant dans la flotte, il proposa de leur installer un blindage qui, selon lui, leur aurait redonné une valeur militaire. À sa demande, six ingénieurs présentèrent des projets mais le coût élevé de l’opération et ses résultats aléatoires entraînèrent son abandon et le ministre Chasseloup-Laubat opta sagement pour les constructions neuves. En mai 1862, Bouët-Willaumez développa une autre idée et demanda aux ingénieurs de l’arsenal d’étudier un projet de garde-côtes cuirassés destinés à la protection des ports et des rades. Les navires, destinés au combat par le choc, étant « complémentaires de notre flotte cuirassée devraient être des espèces de béliers marins cuirassés munis d’un éperon et d’un toit en fer ». Ce projet sera repris par Dupuy de Lôme et aboutira aux garde-côtes à éperon du type Taureau, construits à Toulon en 1863-1864. Le bâtiment de 2 588 tonnes représentait un gros progrès par rapport aux batteries flottantes utilisées à la fin de la guerre de Crimée4.

Très apprécié de Napoléon III pour ses multiples compétences et ses talents d’organisateur, Bouët-Willaumez reçut en 1864 le commandement de l’escadre dite d’évolutions qui constituait alors le fer de lance de la flotte, ce qui lui permit d’étudier et de mettre au point les tactiques d’emploi des nouveaux bâtiments cuirassés. Il publia ainsi en 1864 une Tactique supplémentaire à l’usage d’une flotte cuirassée, ouvrage de base qui fera l’objet d’une nouvelle édition en 1868. En 1865, il était promu amiral, ce qui lui valait automatiquement un siège au Sénat. Les perspectives de conflit avec la Prusse devenant de plus en plus préoccupantes, c’est à Bouët-Willaumez que l’Empereur confia en 1867 le soin de préparer des plans opération contre cet ennemi potentiel et en particulier une attaque des côtes avec diversion en Baltique. Il était donc normal qu’il reçût, lorsque la guerre éclata en juillet 1870, le commandement de l’escadre chargée de tenter la mise à exécution de ces projets. On ne peut entrer ici dans le détail de ces opérations, de son conflit avec le ministre de la Marine, l’amiral Rigault de Genouilly, les deux hommes se détestaient. Cette campagne, manquée a été parfaitement étudiée dans la thèse de Michèle Battesti à laquelle il convient de se reporter5. Bouët-Willaumez fut certainement très affecté par cet échec. De plus, sa santé, pourtant robuste, avait été éprouvée par ses longues campagnes africaines et il mourut à Maisons-Laffitte le 10 septembre 1871.

L’amiral laissait une œuvre importante. Outre son étude déjà citée sur le commerce des côtes occidentales d’Afrique, il a publié en 1855 un ouvrage historique intitulé Batailles de terre et de mer jusques et y compris la bataille de l’Alma. En avril 1852, il avait donné à la Revue des deux mondes une analyse intitulée La flotte française en 1852 et nous avons évoqué son traité de tactique pour la flotte cuirassée. Enfin, à la veille de sa mort, en juin 1871, il publia une brochure : questions et réponses au sujet de nos forces navales, qui faisait le point sur la situation de la flotte et pouvait être considérée comme son testament.

De cet ensemble de travaux variés se dégagent un certain nombre d’idées qui montrent la grande ouverture d’esprit de Bouët-Willaumez et l’intérêt qu’il porta à tous les aspects du problème naval : matériel, personnel ; entraînement, doctrines d’emploi, enseignements historiques. Bien qu’il ait vécu à une époque de transformations sans précédent du matériel naval, l’amiral appartient néanmoins à ce que l’on appellera plus tard l’école historique, en ce sens qu’il ne considère pas que cette révolution technique considérée comme une panacée remette en cause certains grands principes de la guerre. Nous verrons certaines de ses idées annoncer celles que soutiendra l’amiral Castex.

Les études historiques menées par Bouët-Willaumez l’amenèrent à s’interroger sur la notion même de stratégie qu’il définit comme « l’art de déterminer les points décisifs du théâtre de la guerre et les lignes ou routes générales suivant lesquelles les armées doivent se mouvoir pour y arriver ». Il considérait d’ailleurs que ce terme « n’a pas de sens bien précis en ce qui concerne les flottes » car, sur mer, il n’existe aucun obstacle naturel ou accident de terrain qui détruise les « combinaisons stratégiques ». Cette vision quelque peu réductrice du terme était courante à l’époque et correspond à la définition qu’en donne Littré. Bouët-Willaumez adoptait, sans la romancer, la théorie de Clausewitz sur le Schwerpunkt : « Les combinaisons de tactique d’un bon général de terre ou de mer doivent tendre surtout à opérer, avec des forces supérieures un effort combiné sur un point décisif », ce qui proscrit à son avis l’ordre parallèle qui constituait « l’enfance de l’art ou plutôt l’adresse de tout art », car il ne pouvait entraîner de résultat décisif6.

Étudiant les opérations de la guerre d’Amérique, Bouët-Willaumez notait que, dans ces luttes d’escadres, « nous allons assister à des manœuvres aussi difficiles que brillantes, à des passes d’armes maritimes qui dénotent autant de coup d’œil que d’habileté chez les amiraux mais n’amèneront pas de grands résultats, de grands désastres parce qu’aucune de ces manœuvres ne conduit à envelopper, attaquer l’ennemi sur un point décisif avec des forces supérieures »7. Il met bien en valeur l’habileté de Guichen qui, lors de ses trois combats de 1780, fit échouer toutes les tentatives de Rodney cherchant à écraser l’arrière-garde française. Au contraire, de Grasse, aux Saintes, avec une ligne mal formée, se laissa couper par Rodney. La fumée empêcha de voir les signaux, argument spécieux, notait Bouët-Willaumez, qui, « à lui seul fait établir comme règle que l’amiral en chef doit, autant que possible, prévoir, avant le combat, la manœuvre à faire et qu’une fois le feu engagé, les capitaines doivent être tellement pénétrés des méthodes d’attaque et des intentions de leur amiral que les signaux cessent alors d’être une nécessité de leur action »8.

Bouët-Willaumez, qui a beaucoup étudié les travaux de Clerk of Eldin, partageait l’admiration de celui-ci pour Rodney et Suffren qui « avaient porté une rude atteinte à cette espèce de fétichisme que les amiraux professaient depuis si longtemps pour la longue ligne de bataille ». Critique qui sera largement reprise par Castex dans les Idées militaires de la marine au xviiie siècle.

À propos de la bataille de Trafalgar, Bouët-Willaumez insistait à juste titre sur l’importance extrême de l’entraînement des états-majors et des équipages. Dans l’escadre de Villeneuve, « fort peu de vaisseaux ont acquis cette confiance en eux-mêmes, cette force relative que donnent un long armement et des exercices répétés de la manœuvre et du canon, l’arme de combat maritime par excellence ; force relative qui fait qu’au bout du sixième mois d’armement un vaisseau vaut le double de ce qu’il valait dans le premier mois et qu’au bout d’un an cette valeur a presque triplé ». Il insistait sur le manque de cohésion de la flotte franco-espagnole, « par cela seul qu’elle est une flotte combinée, renferme en elle un principe de faiblesse qui contraste avec la parfaite communauté de sentiments, de vues et de tactique des vaisseaux de sa rivale placée sous les ordres de Nelson ».

Différence essentielle entre les deux adversaires, la flotte anglaise était « préparée par le mémorandum de Nelson à appliquer la nouvelle méthode de guerre, c’est-à-dire se porter rapidement et en force sur la partie faible de l’ennemi pour l’écraser avant l’arrivée des secours ». Le célèbre mémorandum préconisant « le combat de près et décisif » de sorte que les commandants « sauront suppléer aux instructions qui manqueraient faute de signaux », car il revenait sur l’idée que ceux-ci sont inutiles, « quand chacun est disposé à faire son devoir, la grande affaire pour nous est de nous aider l’un l’autre ». Ce ne sera pas le cas à Trafalgar où Villeneuve n’avait aucune confiance dans ses officiers, tout juste capables de tenir leur poste mais inaptes à « prendre la détermination d’une manœuvre hardie ». Pour Bouët-Willaumez, la préparation au combat était donc une nécessité impérieuse, idée aujourd’hui banale mais qui ne l’était guère, semble-t-il, au xixe siècle. Nelson restait le modèle par son esprit de prévoyance, par « la clarté de l’exposé de la méthode qui embrasse tous les cas généraux sans sortir des bornes d’une concision de style toute militaire ». Les grands succès sont à ce prix ; que de gens ignorent les travaux préliminaires qu’ils nécessitent et combien de désastres sont dus à l’esprit ignorant ou paresseux des chefs qui ne se croient appelés à jouer un véritable rôle que le jour même du combat. « Et il rappelait cette vérité d’évidence, si souvent oubliée en France » : la plus héroïque bravoure ne peut suppléer l’habileté nautique, pas plus dans les équipages que chez les officiers et les amiraux9.

Bouët-Willaumez abordait aussi le problème très controversé des chances de succès d’une attaque de fortifications terrestres par des vaisseaux. On connaît la boutade de Nelson selon laquelle tout marin qui cherche à réduire les batteries à terre avec des vaisseaux est un fou. Cet avis était loin d’être partagé unanimement. Latouche-Tréville, par exemple, soutenait au contraire qu’il n’existait guère de batteries terrestres capables de « tenir contre le feu nourri d’une escadre intrépide »10. L’affaire de Saint-Jean d’Ulloa au Mexique en décembre 1838 sembla donner raison à ce dernier et Bouët-Willaumez remarquait à quel point ce succès des forces de l’amiral Charles Baudin avait frappé les esprits au point que Wellington déclara devant le Parlement britannique que « la prise de la forteresse de Saint-Jean d’Ulloa par la division de frégates françaises était le seul exemple qu’il connût d’une place régulièrement fortifiée prise par une force purement navale ». Mais Bouët-Willaumez s’empressait de tempérer cet enthousiasme en remarquant que le succès avait été grandement facilité par l’incurie des défenseurs mexicains, qui laissèrent sans réagir les frégates françaises s’embosser à l’endroit le plus favorable et, de plus, lorsque le combat s’engagea, leur feu se révéla d’une totale inefficacité.

Les bombardements de Tanger et de Mogador, en août 1844 démontraient que « des vaisseaux pourvus d’une artillerie formidable et bien servie pouvaient presque impunément attaquer des fortifications de pierre redoutables sinon par l’extrême habileté de leurs canonniers, du moins par le nombre de leurs bouches à feu ». Mais, à Ulloa comme à Mogador, les amiraux avaient fait preuve de beaucoup d’audace en s’engageant résolument près de la terre dans des eaux très peu hydrographiées. De plus, à Tanger et à Mogador, les bâtiments à vapeur jouèrent un rôle essentiel en amenant les vaisseaux en position de tir.

Bouët-Willaumez ne pouvait manquer d’évoquer l’expérience toute récente acquise en Crimée. Il soulignait d’abord les progrès considérables réalisés par l’artillerie depuis l’époque de Nelson et de Latouche-Tréville : canons à la Paixhans tirant à tir tendu des projectiles explosifs, pièces rayées tirant des projectiles ogivo-cylindriques, obusiers, sans oublier l’amélioration des méthodes de pointage et de conservation des poudres dans des caisses de cuivre. Ces transformations avaient amené l’Aide-mémoire des officiers d’artillerie à soutenir qu’ »une batterie de quatre pièces de gros calibre établies à terre a l’avantage sur un vaisseau de 120 canons ». Bouët-Willaumez ne partageait pas ce point de vue. Il reconnaissait que, les vaisseaux devant s’approcher à 400 mètres pour rendre leur tir efficace, ils pourraient éprouver des difficultés mais, avec les frégates à vapeur portant sur le pont des pièces de gros calibre tirant à 3 000 mètres, les choses changeaient de face. D’ailleurs, il a pu constater que le vaisseau Ville-de-Paris, à bord duquel il se trouvait le 17 octobre 1854 lors de l’attaque de Sébastopol, a fort bien résisté au tir russe. Il reçut quarante et un impacts d’obus et de boulets dans la coque et à peu près autant dans la mâture mais, en définitive, les avaries subies restèrent mineures et le bâtiment ne se trouva nullement hors de combat.

L’arrivée des batteries flottantes cuirassées utilisées à l’attaque de Kinburn allait également bouleverser les données du problème. Tirant entre 400 et 600 mètres, elles ont obtenu des résultats spectaculaires et Bouët-Willaumez cite le mot d’un officier qui visita le fort après le bombardement : « C’était superbe de dévastation ». Et celui-ci s’empressait d’ajouter : « Maintenant il faut se mettre l’œuvre pour faire encore mieux. L’essai est bon mais il y a encore à perfectionner : les machines ne sont pas assez puissantes et les coques sont peu convenables pour naviguer. Mais il y a une chose bien prouvée, chose convenable et principale, c’est l’invulnérabilité des batteries flottantes »11. Bouët-Willaumez partageait ces idées et nous avons vu qu’il s’attacha à pousser les progrès de ces engins redoutables.

En conclusion de son livre d’histoire, il s’essayait à la prospective. L’arme qui lui paraissait la plus apte à jouer un rôle grandissant était l’artillerie car ses progrès lui promettent « une puissance destructrice tellement grande que cette arme pourra véritablement devenir le fléau de l’humanité ; un jour viendra donc où l’art des batailles sera porté presque exclusivement sur les effets de l’artillerie qui s’érigera en arme principale, en assignant aux deux autres des catégories secondaires ». Vue remarquable qui sera largement confirmée par les deux guerres mondiales. Bouët-Willaumez considérait qu’il en serait de même sur mer où l’artillerie était vouée à jouer un rôle de plus en plus déterminant, d’autant que le canon continuerait sûrement à se perfectionner. Curieusement, il ne renonçait pas cependant au combat à l’abordage pour lequel il souhaitait le formation de fusiliers12. Dans sa Tactique de 1865, il accordait une grande importance au combat par le choc puisqu’il écrivait dans ses principes généraux : « Le vaisseau cuirassé, dont le choc par la proue constitue la principale puissance et dont les sabords sont les point les plus vulnérables, trouve son avantage à présenter à l’ennemi plutôt l’avant que le travers ».

Notons enfin qu’à l’occasion de ses études historiques, Bouët-Willaumez soulignait l’importance de la coopération entre armée et marine. Lors des campagnes de Morée, d’Algérie et d’Anvers, il a été sensibilisé à la « connexité des opérations de guerre des deux armées » et à la « confraternité d’armes qui résultait naturellement de ces opérations ». Il ajoutait que l’introduction de la propulsion à vapeur allait peut-être développer cette aspiration car, en diminuant les contraintes du vent, elle permettait aux flottes de « se rapprocher davantage de la pression des mouvements d’une armée ».

Il n’oubliait pas non plus l’importance de la logistique et exprimait sa satisfaction pour les résultats obtenus dans ce domaine lors de la campagne de Crimée. « Le transport et le ravitaillement d’une armée considérable à une distance comme celle qui existe entre la France et la Crimée sont un fait sans précédent dans l’histoire et dont les expéditions antérieures ne purent donner qu’une faible idée. Mais grâce au parti qui fut tiré et de notre matériel naval et d’un personnel d’officiers et de matelots dont le zèle et les talents nautiques surent manier un matériel, le pays put faire face avec régularité aux nécessités d’une armée de cent mille hommes sans avoir à redouter aucun des désastres de 1812 »13. Il était vrai que la vapeur ouvrait des horizons presque jusque-là inconnus à la notion de projection de puissance.

On ne s’étonnera pas de voir Bouët-Willaumez s’intéresser de fort près aux problèmes liés à l’actualité, ce qui lui donna l’occasion de rédiger deux études spécialement dignes de remarque car elles encadrent en totalité l’époque du Second Empire. La première, parue dans la Revue des deux mondes dès avril 1852, s’intitule tout simplement « La flotte française en 1852 », la seconde, publiée quelques mois avant la mort de l’amiral, était une sorte d’interview qui, sous le titre de « Questions et réponses au sujet de nos forces navales », faisait le point sur l’état de la flotte et n’hésitait pas à remettre en question certains programmes. Il s’agissait en fait d’une intervention au Sénat que Bouët-Willaumez se proposait de présenter en juillet 1870 et qui fut reportée en raison de la guerre.

L’étude très complète de la flotte en 1852 amenait son auteur à déplorer en premier lieu ce mal bien français constitué par les incohérences budgétaires. Après les crises de 1815, 1830, 1848, le budget de la marine fut victime de compressions qui organisaient, dit-il, « cette décadence maritime où la France était entraînée depuis 1848 ». Celui de 1852 amorçait une reprise mais « il importe de le doter, non d’une flotte sur papier, mais d’une flotte effective ».

Il commençait par analyser la situation du personnel, pour lui primordiale car celui-ci est la raison d’être d’une marine. Le corps des officiers généraux lui paraissait suffisant avec trente deux personnes : deux amiraux, dix vice-amiraux et vingt contre-amiraux, mais il laisse entendre que ceux-ci sont, dans l’ensemble, trop âgés et il cite un passage des mémoires inédits de l’amiral Willaumez selon lequel « l’histoire de la marine prouve à ceux qui veulent la méditer que les flottes commandées par les plus vieux amiraux ne sont pas celles qui ont eu les affaires les plus avantageuses ».

Le nombre des capitaines de vaisseau était alors de 110 et celui des capitaines de frégate de 230. La loi sur l’avancement prévoyait que des promotions de capitaines de frégate se ferait par moitié à l’ancienneté et par moitié au choix, ce qui présentait l’inconvénient de promouvoir de vieux lieutenants de vaisseau trop âgés. Il constatait que « les officiers supérieurs faits au choix depuis quelques années l’emportent de beaucoup sur ceux faits à l’ancienneté » et, à son avis, le favoritisme et l’intrigue ne jouèrent que faiblement. Rappelons que l’avancement des officiers était alors régi par les lois des 20 avril 1832 et 14 mai 1837 qui seront modifiées par celle du 28 mai 1853. Ces textes, il est vrai, manquaient de précision. La loi du 20 avril 1832 sur l’avancement dans l’armée navale prévoyait que les deux tiers des lieutenants de vaisseau et la moitié des capitaines de corvette et de frégate seraient promus à l’ancienneté, le reste au choix du roi ainsi que tous les grades supérieurs à capitaine de frégate, mais elle ne précisait pas dans quelles conditions s’opérerait le choix et il n’était pas question de tableau d’avancement. Les articles 22 et 25 spécifiaient seulement que les promotions et nominations seraient aussitôt publiées au Moniteur et dans les Anales maritimes « avec l’indication du tour d’avancement, du nom de l’officier qui était pourvu du grade vacant et de la cause de la vacance ». La loi du 14 mai 1837 modifiait légèrement la précédente en décidant que la moitié des capitaines de corvette seraient promus à l’ancienneté et que tous les grades supérieurs à ce dernier passeraient au choix du roi.

Un autre texte important parut le 14 mai 1841 sur l’organisation de l’état-major général de l’armée navale. Pour la première fois, semble-t-il, apparaissait la notion de limite d’âge et de deuxième section pour les officiers généraux dont le nombre était fixé à deux amiraux, dix vice-amiraux et vingt contre-amiraux. Les amiraux, qui ne pourront être choisis que par les vice-amiraux ayant commandé en chef une armée navale en temps de guerre, n’étaient pas soumis à limite d’âge. Celle-ci était fixée à 68 ans pour les vice-amiraux, 65 ans pour les contre-amiraux sauf cas d’infirmité ou blessures. Quant à la loi du 28 mai 1853, elle se bornait à ramener les limites d’âge à 65 ans pour les vice-amiraux et 62 ans pour les contre-amiraux. Dans aucun de ces textes n’était prévu de tableau d’avancement, ce qui provoquait des protestations de certains officiers généraux. Ainsi, le 9 mars 1848, l’amiral Charles Baudin, commandant en chef de l’escadre de Méditerranée, écrivait au ministre François Arago : « L’avancement des officiers de la marine n’est réglé par aucun système, ou plutôt le seul système en vigueur depuis quelques années est celui du favoritisme et de l’arbitraire. En vain, les chefs sous les ordres desquels les officiers ont servi et qui sont nécessairement les meilleurs juges de leurs mérites et de leur capacité, font-ils pour eux des propositions d’avancement. Ces propositions demeurent sans effet. Il en résulte chez beaucoup de bons officiers un profond dégoût du service ». Baudin suggérait donc que fût établi un tableau d’avancement comme c’était déjà le cas dans l’armée de terre et il ajoutait cette remarque, qui en dit long sur les pratiques en vigueur : « Telle était alors l’effronterie de la corruption que le directeur du personnel m’écrivait : l’avancement des officiers et les autres faveurs sont la menue monnaie dont nous avons besoin pour payer les députés »14. Selon Michèle Battesti, les tableaux d’avancement étaient examinés par le Conseil d’Amirauté mais l’auteur ne précise pas à partir de quelle date cette pratique s’est établie.

La marine se heurtait alors à des problèmes d’effectifs en officiers qu’elle traînait depuis l’Ancien Régime. Pour les grades subalternes, 650 lieutenants de vaisseau et 550 enseignes complétaient l’effectif, chiffres qui, selon Bouët-Willaumez, n’avaient rien d’excessif en temps de guerre mais, parmi ces officiers, trop nombreux étaient ceux qui se trouvaient « incapables d’un service actif, les uns par suite de leur âge avancé, les autres par suite de leurs infirmités ». L’avancement restait beaucoup trop lent, mal dont souffrait la marine depuis l’Ancien Régime. Trop d’officiers ne parvenaient péniblement au grade de capitaine de frégate qu’au bout de trente ans de service et « on comprend le peu de perspective qu’a devant elle la majorité des jeunes gens pour parvenir au grade supérieur ». Bouët-Willaumez proposait donc d’abaisser les limites d’âge et de constituer, avec les officiers ainsi retirés du service actif, un corps de réserve. Il déplorait aussi la complexité et quelquefois l’incohérence des textes régissant le corps des officiers, ceux-ci ayant été au nombre de vingt entre 1808 et 1848¼ « Ce qu’il importe avant tout, c’est de donner de la vie, du mouvement aux cadres de la flotte ».

À propos des équipages, il souhaitait la formation de marins de métier en gardant cinq ans au service les inscrits maritimes, ce qui leur donnerait « le caractère de permanence qui leur manque ». La création en 1837 par l’amiral de Rosamel, alors ministre de la Marine, des compagnies de matelots canonniers à Brest et à Toulon a produit d’excellents effets et la marine dispose maintenant d’excellents éléments dans cette spécialité. Il faudrait seulement, comme en Angleterre, leur affecter un vaisseau-école et non une corvette ou une frégate, ce qui sera fait en 1857 avec le Louis XIV. Bouët-Willaumez insistait sur la création, à son avis indispensable, de compagnies de matelots fusiliers à l’imitation des Marines anglais et américains. Celles-ci devraient être encadrées par des officiers de marine « qui prendraient l’engagement, grâce à certains avantages concédés en échange, de se consacrer exclusivement, pendant plusieurs années, à l’étude spéciale des manœuvres d’infanterie, des tirs des armes à feu, des fortifications passagères », ce qui ne les empêcherait pas de faire le quart et le service à bord quand ils seraient embarqués. Cette création, très souhaitée par les officiers de marine, comblerait une lacune importante dans le système des spécialités. De même, on aimerait constituer un corps de gabiers ou matelots d’élite tenu constamment au service. « Ce qu’on doit conclure de ce vœu presque unanime, c’est que la mobilité des équipages est un vide généralement senti aujourd’hui et qu’il importe d’y remédier le plus tôt possible ». Dès cette époque, la marine, arme dont les techniques devenaient de plus en plus poussées, s’accommodait mal des modes de recrutement du temps de la voile. Les grands décrets des 5 juin, 15 août et 3 décembre 1856, organisant les spécialités, lui donneront, au moins en partie, satisfaction15.

Bouët-Willaumez abordait ensuite la question du matériel. L’ordonnance du 22 novembre 1846, préparée par l’amiral de Mackau, alors ministre de la Marine, prévoyait 40 vaisseaux dont 24 à flot, 16 prêts à lancer, « plus une réserve indéterminée de vaisseaux à moitié construits ». Ce programme a été réalisé puisqu’en 1852 on trouvait 25 unités à flot et 21 en chantier dont 16 achevés aux 22/24e et 4 au 14/24e. À son avis, il était nécessaire de porter le nombre des vaisseaux à flot à 30 et il en expliquait les raisons. L’histoire démontrait, en effet qu’une

 

armée de 25 ou 30 vaisseaux bien organisés comme ils le sont aujourd’hui est sur le pied d’égalité avec tel déploiement de forces ennemies que ce soit, elle joint à la force la facilité d’évolutions, la promptitude de mouvements et la possibilité de ravitaillement : c’est avec des armées de 30 vaisseaux qu’ont été livrées les batailles les plus mémorables. Les grandes armées combinées de 60 vaisseaux et plus ne donnèrent jamais de résultats16. L’amiral Hardy avec 20 vaisseaux se maintint devant des armées très nombreuses sans qu’elles parvinssent à le joindre17. Les grandes flottes ne purent empêcher Rodney de ravitailler Gibraltar avec 23 vaisseaux. Enfin Nelson a soutenu dans son fameux mémorandum, et ne l’a que trop bien prouvé ensuite à Trafalgar, qu’une armée de 40 et quelque vaisseaux de ligne ne présentait pas d’avantages réels contre une armée bien organisée de 25 à 30 vaisseaux, lesquels pouvaient parvenir à détruire une partie de la première avant que l’autre partie fût venue à son secours. Une flotte de 25 à 30 vaisseaux est donc la base d’une guerre avec quelque nation que ce soit, elle a la mer ouverte, et loin d’éviter l’ennemi, elle doit le chercher, l’attaquer en toutes circonstances.

 

Résolument partisan de ce que nous appelons aujourd’hui la force d’action navale, Bouët-Willaumez estimait qu’il était indispensable de maintenir en permanence et prêtes à appareiller deux divisions de six vaisseaux, une à Toulon et une à Brest, avec douze autres en commission de port, c’est-à-dire susceptibles d’être mises en état de prendre la mer très rapidement.

L’ordonnance de 1846 prévoyait 50 frégates dont 40 à flot et 10 achevées aux 22/24e. Ce nombre lui paraissait « rationnel », car les frégates seraient appelées en temps de guerre à « inquiéter l’ennemi, à entreprendre de lointaines croisières, à exercer presque à coup sûr des déprédations nombreuses contre le commerce« . Sa préférence allait donc à de fortes frégates dotées d’une large autonomie qui pourraient être endivisionnées pour opérer des croisières. Les souvenirs de l’Empire restaient très présents puisque, envisageant sans le dire une guerre contre l’Angleterre, il prévoyait douze divisions de frégates opérant, huit dans l’Atlantique et quatre dans l’océan Indien, « sous la direction de chefs de division entreprenants, rompus à la navigation de l’océan et partis de France avec carte blanche« . En temps de paix, douze frégates devaient être armées en permanence et douze autres en commission de port, ce qui permettrait de « faire face avec une égale confiance aux premières éventualités d’une guerre de course comme à celles d’une guerre d’escadres, le cas échéant« .

Où en était-on dans le domaine des bâtiments à vapeur ? L’ordonnance de 1846 en prévoyait 100 : 10 frégates, 40 corvettes et 50 avisos. Le chiffre était atteint en 1852 mais, parmi les bâtiments à flot, il existait de nombreuse non valeurs du fait de leur âge, de leur médiocre armement et aussi parce qu’il s’agissait quelquefois d’anciens paquebots transformés vieillissant très vite du fait du progrès technique. À propos de cette marine à vapeur, il écrivait : « chacun sait que cette dernière serait surtout propre, en temps de guerre, à jeter rapidement une armée sur le territoire ennemi« . Il est étrange, alors que le Napoléon était en chantier à Toulon, que Bouët-Willaumez n’y fasse pas la moindre allusion et ne semble pas envisager le possibilité pour un vapeur de devenir un navire de combat. Il abordait cependant la question des bâtiments-mixtes munis d’une machine auxiliaire qui leur donnait « une puissance précieuse pour les circonstances de calme ou d’avaries de mâture dans un combat« . Pour lui donc, et pour les grands vaisseaux, la vapeur n’était qu’un auxiliaire d’assez faible puissance, 150 à 200 CV, comme ce qui était prévu sur le Montebello. Il estimait en effet qu’une machine plus puissante, comme celle qui allait être montée sur le Charlemagne, nuirait aux qualités nautiques, à l’armement et à l’autonomie. À la veille de l’entrée en service du Napoléon, Bouët-Willaumez ne semblait donc pas entrevoir la révolution qui se préparait dans le matériel naval. Il émettait toutefois le vœu qu’à la suite d’expériences faites en Angleterre, toutes les frégates soient transformées en mixtes, ce qui, en cas de guerre de course, les mettrait à l’abri des attaques des vaisseaux à voiles et les affranchirait des calmes.

L’ordonnance de 1846 prévoyait 90 bâtiments légers : 40 corvettes et 50 bricks, nombres qui devaient être réduits en raison des progrès techniques. Seules les corvettes à batteries couvertes, dites à gaillard, qui sont de véritables petites frégates, pourraient, en cas de guerre, être utilisées à la course. Bouët-Willaumez concluait par cette remarque significative : « Naturellement, la guerre survenant, toute cette poussière navale serait désarmée pour faire place à des armements de vaisseaux, de frégates et de vapeurs« . Il n’avait donc aucune confiance dans la valeur militaire de bâtiments de faible tonnage.

Dans la dernière partie de son étude, Bouët-Willaumez s’attachait aux diverses utilisations possibles des forces navales et donnait une priorité à la projection de puissance. « Notre marine de guerre protège notre commerce maritime et nos colonies : à la tête des marines secondaires, elle n’a cessé de dépendre depuis des siècles des grands principes de la liberté des mers¼ En cas de guerre, la marine multiplie les armées ; elle les transporte à de grandes distances, elle les recrute et les approvisionne ; elle permet d’attaquer l’ennemi partout où il est vulnérable« . Il imaginait différents scénarios : un conflit avec la Russie, qui permettrait de l’attaquer en mer Noire et en Baltique, ce qui sera le cas deux ans plus tard ; avec l’Autriche, il prévoyait un débarquement dans la région de Trieste pour marcher sur Vienne ; avec la Prusse, une attaque en Baltique dans le secteur de Dantzig ; avec la Hollande, une menace sur Amsterdam et sur les Indes néerlandaises. Enfin, en cas de guerre contre l’Angleterre, il n’hésitait pas à « lancer hardiment une flotte de 25 à 30 vaisseaux contre sa propre flotte, ruiner son commerce maritime à l’aide d’une nuée de frégates-corsaires croisant dans les mers lointaines, puis, à l’aide d’une flotte de cent vapeurs, opérer des descentes sur ses côtes« .

Bouët-Willaumez était très hostile à la guerre de course unique, et il s’appuyait ici encore sur l’histoire. « L’expérience des guerres passées a prouvé que la guerre de course, pour être destructive, avait besoin d’être secondée par une guerre d’escadre et des divisions de frégates peuvent s’attaquer au commerce et aux lignes de communications« . Il rappelait à cet égard les enseignements des guerres de l’Empire qui virent précisément les échecs de la guerre des frégates, faute de soutien par des escadres puissantes et actives.

Quant à la formule des descentes sur les côtes anglaises effectuées avec des bâtiments à vapeur, Bouët-Willaumez constatait qu’elle suscitait une vive inquiétude chez nos voisins qui multipliaient les défenses côtières, créaient des ports de refuge et surtout armaient en permanence une « escadre avancée » constituée de vaisseaux et de frégates prêts à prendre la mer à la première alerte. La hantise provoquée outre-Manche par la flottille de Boulogne restait vivace. « L’épouvantail de l’Angleterre est toujours, on le voit, l’arrivée d’une armée française sur son territoire et elle a hérissé ses côtes de forts, de vaisseaux et de ports fortifiés« . Les travaux en cours à Cherbourg inquiétaient beaucoup le gouvernement britannique et Bouët-Willaumez constatait que celui-ci n’épargnait rien quand il s’agissait de fortifier son armée et sa flotte. Il souhaitait que la France en fît autant pour se préparer à toute éventualité.

Cette étude de 1852 était donc fort intéressante en ce qu’elle nous montre bien quelles conceptions l’un des plus brillants éléments des corps de la marine pouvait alors élaborer. En 1852, pour lui, la machine à vapeur n’était encore qu’un auxiliaire alors qu’elle va devenir très bientôt l’essentiel de la propulsion. Les choses vont évoluer avec une rapidité foudroyante puisque, trois ans plus tard, en 1855, il publiera, en annexe de son livre sur les batailles de terre et de mer, un projet de tactique navale pour une flotte de vaisseaux à vapeur, « ébauche bien imparfaite » dira-t-il, qu’il reprendra en la perfectionnant en 1865.

Dix-neuf ans plus tard, quelques mois après l’effondrement de Second Empire, Bouët-Willaumez faisait à nouveau le point dans une sorte de conversation au cours de laquelle il n’hésitait pas à remettre en question les programmes préparés et en grande partie exécutés par le régime disparu. Il se voulait d’ailleurs la mémoire de ce processus puisqu’il était le seul survivant de la Commission chargée, à la fin de 1855, de tirer les enseignements de la guerre de Crimée et de préparer ce qui sera le programme de 1857. Cet instance, présidée par l’amiral Hamelin, ministre de la Marine, comprenait les amiraux Parseval-Deschênes, Romain-Desfossés, Le Prédour et les contre-amiraux Aubry-Bailleul, Guillois et Bouët-Willaumez18. Le texte de 1871 est beaucoup moins complet que celui de 1852 car il traite presque uniquement des problèmes de matériel en reprenant point par point ce qui avait été prévu en 1857. Ce programme très ambitieux comportait 439 bâtiments : 40 vaisseaux à bélier, 20 frégates à hélice, 30 corvettes, 6 avisos, 20 batteries flottantes, 72 transports, 125 bâtiments de flottille à vapeur, 2 bâtiments-école et 70 bâtiments à voile.

À son avis, il aurait fallu revoir ces chiffres à partir du moment où le cuirassement avait radicalement bouleversé la situation et rendu chaque unité de combat plus puissante mais aussi plus coûteuse. Le vaisseau « devenu frégate cuirassée à éperon est aussi invulnérable aujourd’hui qu’il l’était peu naguère« . Comme nous l’avons vu et comme nombre de ses contemporains, Bouët-Willaumez accordait une grande importance au combat par le choc et, à propos des frégates cuirassées, il écrivait : « tout en conservant sa force agressive en artillerie, ce terrible engin de mer en possède une nouvelle, bien autrement redoutable, celle de sa masse elle-même, agissant comme bélier à toute vitesse contre la coque ennemie pour l’entrouvrir et l’abîmer sous les flots« . Il en concluait que vingt frégates cuirassées seraient suffisantes car leur puissance équivaut largement à celle de quarante vaisseaux en bois à bélier. Il serait ainsi possible d’armer en permanence deux escadres de six frégates cuirassées en Méditerranée et dans l’Atlantique, quatre unités restant en réserve. À son avis, les corvettes cuirassées à éperon pouvaient « figurer dans une mêlée de frégates cuirassées » et dix bâtiments de ce type suffiraient car elles constituaient « une puissante en même temps qu’économique unité de combat » en Europe comme dans les mers lointaines. Bouët-Willaumez était bien conscient du fait que les types allaient continuer à se perfectionner et il préconisait ardemment l’abandon de la construction en bois au profit des coques métalliques, ce qui ne sera réalisé que beaucoup plus tard.

Venaient ensuite les corvettes à hélice non cuirassées qui devaient être affectées aux stations lointaines et, en temps de guerre, faire la chasse au commerce ennemi. Une vitesse relativement élevée leur était donc nécessaire ainsi qu’une « artillerie peu nombreuse mais à longue portée« . Vingt unités de ce type lui paraissaient suffisantes à condition qu’on les améliore car il trouvait celles qui étaient en service inférieures à leurs congénères anglaises et américaines. Soixante avisos et canonnières alimenteraient en complément les stations navales d’outre-mer.

Dix batteries flottantes assureraient la protection des côtes mais « il ne faut pas oublier qu’aujourd’hui les torpilles sont appelées à jouer un grand rôle » dans ce domaine.

Bouët-Willaumez exprimait ensuite son hostilité à la grosse flotte logistique prévue par le programme de 1857 et le chiffre de 72 unités lui paraissait « exorbitant« . À son avis, « cette flotte est un des chancres rongeurs de nos arsenaux, de nos budgets« . Trente bâtiments de ce genre suffiraient « aujourd’hui surtout que nos compagnies de paquebots, moyennant indemnités et contrat passé d’avance, s’offrent à prendre l’engagement de nous en fournir bon nombre, hormis les transports-écuries« . Il convenait donc de réduire sensiblement cette flotte de transport, ce qui soulagera les arsenaux de frais d’entretien « coûteux autant qu’inutiles« . De même, les 105 bâtiments de flottille et les 70 navires à voiles lui paraissaient pléthoriques et il proposait de les réduire à 60 et 30.

Bouët-Willaumez préconisait donc une flotte de 20 frégates cuirassées, 10 corvettes cuirassées, 20 corvettes rapides non cuirassées, 60 avisos, 10 garde-côtes, 30 transports à hélice, 60 bâtiments de flottille et 30 voiliers, soit en tout 240 unités au lieu des 439 prévues par le programme de 1857. Mais dans son esprit, cette considérable réduction de format, comme nous dirions aujourd’hui, n’impliquait pas une diminution de puissance car, tout au moins pour les grands bâtiments de combat, la valeur unitaire avait progressé de façon telle, suivant d’ailleurs une loi historique constante depuis le xviiie siècle, qu’elle permettait un réduction numérique.

Se posait ensuite la question de l’armement de cette flotte en temps de paix, « un des problèmes les plus compliqués et les plus difficiles que se soient jamais posé les marins militaires« . Si on jugeait utile par mesure d’économie de désarmer une partie des navires, les équipages formés et entraînés se disperseraient et on aura toutes les peines du monde à les récupérer en cas de besoin. Prenant exemple sur les marines russe et prussienne dont les escadres restaient armées en permanence, Bouët-Willaumez se déclarait résolument partisan de cette formule car « il n’est pas douteux qu’avec la promptitude qui préside aujourd’hui aux déclarations et aux opérations de guerre, bien des succès inattendus ne soient assurés à toute nation qui aurait tenu prêt le matériel de sa flotte et, sous la main, le personnel marin le plus nécessaire pour bien l’armer« . La réduction sensible du nombre de bâtiments qu’il préconisait permettrait de réaliser suffisamment d’économies sur le matériel pour permettre de tenir la flotte armée en permanence.

L’expérience tout récente qu’il venait de vivre en première ligne en 1870 lui fournissait maints arguments dans ce sens. À la veille de la guerre, 188 bâtiments seulement étaient armés par 1 350 officiers et environ 27 000 hommes. En juillet, arrive l’ordre d’armer de toute urgence 14 frégates en corvettes cuirassées, 15 garde-côtes, 4 corvettes à bélier, 16 avisos et 30 transports, le tout nécessitant 780 officiers et 15 700 hommes. Si l’on ne rencontra pas trop de problèmes avec les officiers et les officiers-mariniers, il n’en fut pas de même avec les quartiers-maîtres et les « marins spéciaux brevetés : gabiers, timoniers, canonniers, fusiliers, chauffeurs qui avaient été congédiés¼ Aussi avons-nous encore présent à la pensée l’effarement qui régna dans nos ports lorsqu’il fallut faire tête à ces exigences et cela presque immédiatement« . Et il ajoutait : « Heureusement que nous avions affaire à un ennemi peu puissant, peu audacieux sur mer« . Il fallut en effet plusieurs semaines pour effectuer les armements prescrits et encore ne furent-ils réalisés qu’imparfaitement.

Le remède a une telle situation se trouvait donc, à ses yeux, dans une réduction du nombre des navires, ce qui permettait « de donner aux cadres du personnel d’élite de nos équipages une permanence qui leur a fait défaut jusqu’à ce jour« . 12 à 15 000 quartiers-maîtres et marins brevetés seraient ainsi embarqués soit sur les navires armés soit sur ceux placés en réserve, ces derniers étant périodiquement remis en activité pour exercices.

Mais la grande réforme que souhaitait aussi Bouët-Willaumez consistait à renoncer « à l’imitation de toutes les autres marines¼ à ce coûteux et périlleux système des flottes de guerre en bois pour nous lancer radicalement dans les constructions navales en fer« . Deviendraient alors inutiles « ces énormes et dispendieux approvisionnements de bois accumulés dans nos ports pour y sécher lentement : capitaux morts qui effraient l’industrie, toute prête au contraire à nous construire nos vaisseaux quand ils seront charpentés de fer et de tôle sous le contrôle de nos ingénieurs« . Il serait alors possible de fermer une partie des ateliers des arsenaux et donc de réduire sensiblement les frais de gardiennage et d’administration. L’économie ainsi obtenue permettant d’augmenter les dépenses de personnel maintenu en activité. Un autre avantage de cette réduction du volume de la flotte est qu’elle rendrait possible un allégement des contraintes de l’inscription maritime, institution très critiquée à une époque qui n’était plus celle de Colbert.

Penhoat

Moins abondante et moins variée fut l’œuvre écrite de l’amiral Penhoat. Celui-ci se préoccupa uniquement de problèmes contemporains avec des études sur la tactique à adopter pour les bâtiments à vapeur et une autre, plus générale, dans laquelle il exposa en 1875 ses conceptions sur la composition de la flotte en fonction des armes nouvelles.

La carrière de Jérôme-Hyacinthe Penhoat fut, elle aussi, très active. Né à Roscoff le 26 mars 1812, fils d’officier de marine, il était entré en novembre 1827 au Collège de marine d’Angoulême dans la dernière promotion puisque celui-ci fut fermé peu après et transféré à Brest sur l’Orion. Aspirant en octobre 1828, il fut affecté à la station du Brésil et de La Plata où il effectua des travaux hydrographiques. Enseigne de vaisseau en mars 1834, il embarqua sur l’Héroïne pour une campagne de protection des pêcheurs de baleine qui lui fit faire le tour du monde. Lieutenant de vaisseau en avril 1837, il fit campagne aux Antilles et, en 1839-1840, sur la Belle-Poule avec le prince de Joinville pour le retour des cendres de Napoléon. Second de la corvette à vapeur Pluton en 1842, il publia l’année suivante un travail sur « la Tactique des bâtiments à vapeur à roues » et participa, en 1844, à la campagne de l’escadre commandée par Joinville sur les côtes marocaines et aux bombardements de Tanger et de Mogador. Second du Henri IV en 1850, il était au bombardement de Salé, pour l’escadre Dubourdieu en novembre 1851. Promu capitaine de frégate en février 1852, il était second du vaisseau à hélice Napoléon lors de l’expédition de Crimée où il se distingua en dirigeant en octobre 1854 le débarquement de Yalta puis en commandant une batterie à terre. Sa conduite au bombardement de Sébastopol d’octobre 1854 lui valut d’être cité à l’ordre du jour et promu capitaine de vaisseau. Membre du Conseil des Travaux en 1855, il commanda l’année suivante le Cléopâtre aux Antilles puis, en 1861, la frégate cuirassée la Couronne avec laquelle il contribua de manière essentielle à la définition des méthodes d’emploi de ces nouveaux bâtiments. Il tira de cette expérience deux études : un Essai sur l’attaque et la défense des lignes de vaisseaux (1862) et un Essai sur les évolutions d’une ligne de bataille (1865).

Major général à Brest en août 1864, il fut promu contre-amiral et prit en novembre 1866 le commandement de la Division navale du Pacifique avec pavillon sur la corvette cuirassée La Belliqueuse, premier bâtiment de ce type à partir en campagne lointaine. Il gagna le Pacifique par le cap Horn, effectua en avril 1869 une mission au Japon et rentra en France par l’océan Indien en bouclant ainsi un tour du monde qui démontra la bonne endurance des bâtiments cuirassés. En juillet 1870, Penhoat commanda en sous-ordre l’escadre du Nord avec pavillon sur la Savoie. Nommé commandant en chef de cette force, il la quitta en novembre pour aller prendre le 2 décembre à Gien le commandement de la 2e division d’infanterie du XVIIIe corps. Avec cette unité, il alla rejoindre l’armée de l’Est avec laquelle il participa aux combats de Villersexel (9-10 janvier 1871) et d’Héricourt (15-17 janvier). Promu vice-amiral en février, il reçut le commandement en chef de l’armée des Vosges dont il assura la dissolution après la signature de l’armistice.

Préfet maritime de Cherbourg en juin 1871, membre du Conseil d’Amirauté, préfet maritime de Toulon en octobre 1875, Penhoat fut maintenu en activité sans limite d’âge pour avoir commandé en chef devant l’ennemi et mourut à Paris le 14 juin 1882. Il avait publié en 1878 et 1879 deux nouvelles études sur la tactique des armées navales à vapeur et en 1873 le journal de marche de la 2e division d’infanterie, puis un rapport sur la dissolution de l’armée des Vosges.

Dans son travail de 1862 publié à Cherbourg, Penhoat exposait les fruits de son expérience toute récente de la manœuvre des bâtiments à vapeur et il en tirait quelques conclusions plus générales sur l’utilisation des forces navales. Bien conscient que le rôle des bâtiments à voiles en tant qu’unités de combat était terminé, il voulait néanmoins résumer les règles d’attaque et de défense des lignes de vaisseaux à voiles pour évaluer dans quelle mesure elles seraient applicables aux frégates à vapeur. Il insistait, en premier lieu, sur la prudence à conserver dans les engagements en rappelant des notions évidentes mais qui avaient néanmoins été gravement négligées par la marine aux époques précédentes. « Il est en effet essentiel, écrit-il, si l’on n’a pas de moyens de réparation et d’approvisionnements suffisants d’éviter de s’engager complètement afin de pouvoir continuer à tenir la mer« . Une flotte appuyée par de bonnes bases « peut attaquer plus vivement que si elle en était privée. C’est qu’en effet la puissance navale se compose non seulement de vaisseaux mais encore d’arsenaux ou magasins d’approvisionnements échelonnés sur des mers que l’on veut dominer« . Ce souci de logistique devra être encore plus pris en compte avec les navires à vapeur devenus « une machine de précision qui a besoin, à des époques rapprochées, de charbon, d’ateliers et de bassins« .

Il était bien évident qu’avec des bâtiments à vapeur les improvisations à la Suffren devenaient impossibles, vérité première que la marine oubliera trop souvent jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.

Penhoat estimait que bien des manœuvres coutumières aux navires à voile restaient applicables aux vapeurs. D’ailleurs, en 1862, tout combat à la voile ne lui paraissait pas exclu dans les mers lointaines ou encore dans le cas d’une escadre en panne de combustible. Il considérait donc que « l’instruction d’un officier de marine serait incomplète s’il ne connaissait pas la nature des mouvements des lignes de vaisseaux sous voiles et tout le parti que l’on peut tirer d’un bâtiment ou d’une escadre au moyen des voiles« .

Il reconnaissait néanmoins que, depuis quelque temps, « la marine a éprouvé une transformation assez considérable pour produire, dans le maniement des forces navales, des modifications telles que les règles d’attaque et de défense déduites de l’ancien état des choses doivent être profondément modifiées« . Les quatre éléments nouveaux étaient : l’indépendance à l’égard du vent, l’augmentation de portée et de puissance de l’artillerie, le blindage des coques, l’éperon. En 1862, on manquait encore d’expérience sur l’utilisation à la mer et au combat de ces nouveaux bâtiments. L’artillerie était toujours disposée sur les flancs des vaisseaux et frégates mais elle commençait à monter sur les ponts, dégagés en partie par la réduction de la voilure, ce qui allait permettre le tir vers l’avant et l’arrière, celui-ci étant « moins altéré par les mouvements du bâtiment que le tir exécuté sur les côtés« . Les pièces à longue portée devaient donc être disposées en chasse et en retraite. À cette époque, la portée maximale efficace ne dépassait pas encore 2 000 mètres bien que l’angle de pointage supérieur ne fût plus limité par la taille des sabords. Penhoat pensait que « dans les combats livrés à la mer, le tir à grande portée n’a pas une grande importance et que l’on doit s’attacher plutôt à développer la puissance de l’artillerie de mer par le calibre que par la grandeur des portées« . Il soulignait bien le danger des tirs plongeants capables d’atteindre les machines et préconisait l’emploi de mortiers placés sur le pont, lançant soit des obus, soit des gerbes de grenades antipersonnel. Il n’était pas encore question de ponts blindés.

Penhoat restait solidement partisan du maintien d’une voilure sur les bâtiments à vapeur, malgré les grands inconvénients que présentait la mâture au combat : la voile permettait d’économiser le combustible et d’augmenter l’autonomie du navire en cas de défaillance des machines. Il souhaitait des bâtiments n’ayant pas un trop fort tirant d’eau de manière à leur permettre de s’approcher des côtes et s’inquiétait de l’allongement des coques, en voie de dépasser largement celui des navires à voile, car il pensait que celui-ci nuirait à leurs qualités nautiques en augmentant en particulier le rayon de giration auquel il accordait une énorme importance car, selon lui, « de deux bâtiments, on peut dire que celui qui tourne le plus vite et dans un moindre espace battra l’autre« . Il lui paraissait donc indispensable que les grands navires pussent accomplir des « mouvements giratoires prompts et peu étendus« . L’invention, quelques années plus tard, par l’ingénieur Joëssel, du gouvernail compensé contribuera puissamment à améliorer ces qualités nautiques indispensables dont il soulignera sans cesse l’importance pour les cuirassés qui devaient pouvoir naviguer « par tous les temps et dans toutes les mers« . Il estimait d’ailleurs que les types adoptés par la marine impériale remplissaient bien ces conditions, ce qui était sans doute une vue un peu trop optimiste.

Penhoat abordait ensuite la question du combat à l’éperon. Il en voyait bien les difficultés et les dangers pour l’abordeur dont la structure pouvait être ébranlée par le choc et entraîner ainsi de graves avaries. Un bâtiment habilement manœuvré sera difficile à atteindre à moins qu’il ne soit gêné dans ses mouvements ou surpris au mouillage. Il se montrait donc en définitive assez réservé sur ce mode de combat dont, en 1862, on manquait d’expérience. Or celle-ci était « le seul guide sûr en cette matière et jusqu’à ce qu’elle ait prononcé, on ne peut émettre qu’avec une grande réserve des opinions nettes à ce sujet« . Néanmoins il n’écartait pas a priori ce type d’engagement à mener avec des bâtiments « spécialement construits pour l’usage qu’on veut en faire« .

Il en venait ensuite au combat à l’abordage dont, encore une fois, il mesurait bien les aléas avec des navires à vapeur, beaucoup plus rapides et manœuvrants que les voiliers. « Les vaisseaux à vapeur disposent de machines si puissantes qu’il sera toujours fort difficile de parvenir à lier instantanément et solidement deux vaisseaux abordés« . Il estimait donc que ce type de combat ne présenterait plus désormais que peu de chances de succès pour les navires à vapeur, à moins qu’on ne réussisse à trouver un moyen d’accrocher des vaisseaux permettant de résister à la traction des machines. Il concluait sagement : « C’est donc plus que jamais dans l’artillerie que réside la force des vaisseaux et probablement dans le choc dès que l’on sera fixé sur les moyens d’employer cette force« .

Évoquant ensuite la projection de puissance et les transports de troupes auxquels la vapeur ouvrait des possibilités inconnues jusqu’à ce jour, Penhoat insistait sur la nécessité impérieuse de distinguer « le service de transport et le service d’escorte et de combat« , contrairement à ce qui s’était pratiqué dans le passé notamment lors de l’expédition d’Égypte. Pour transporter les troupes, il convenait d’utiliser des navires de grandes dimensions assez rapides pour échapper aux croiseurs ennemis, d’assez faible tirant d’eau pour faciliter les débarquements et armés seulement de quelques pièces de chasse et de retraite. Comme Bouët-Willaumez, Penhoat n’était pas partisan d’une flotte de transport comme celle qui fut construite en vertu du programme de 1857 car, à son avis, tout navire à vapeur peut servir de transport mais « il y a là une question de limite fort difficile à résoudre et qui dépend des ressources que peut présenter la marine marchande« . Il formulait parfaitement cet axiome trop souvent oublié dans le passé : « Le vaisseau de guerre proprement dit, destiné à combattre, ne doit et ne peut avoir à bord que le personnel nécessaire pour le combat« .

Un autre aspect de la guerre sur mer préoccupait beaucoup Penhoat : l’attaque des ports et vaisseaux par une flotte à vapeur. « C’est même, écrit-il, contre les arsenaux que l’on doit s’attendre à voir un ennemi, maître de la mer, diriger ses coups les plus rigoureux« . Tirant certainement, bien qu’il n’y fasse pas allusion, les enseignements de l’attaque de Kinburn par les batteries cuirassées pendant la guerre de Crimée, il écrivait : « Les bâtiments spéciaux destinés à l’attaque des ports comme les canonnières, les batteries cuirassées etc. peuvent être si rapidement construits et si puissamment armés qu’il est devenu urgent de mettre les ports de guerre à l’abri d’un bombardement à grande distance« . Il redoutait que les passes donnant accès aux ports ne fussent forcées par des escadres cuirassées que les batteries côtières ne pourraient arrêter. « Ces bâtiments et ceux construits pour agir par le choc surprennent une flotte au mouillage, ils peuvent certainement en couler une partie par le choc et le canon et se retirer impunément à l’improviste et lorsqu’on les croit encore éloignées, tomber sur une rade la nuit ou au point du jour » et donc surprendre une flotte au mouillage. Il est certain que la vitesse de déplacement des flottes à vapeur paraissait effrayante aux marins de l’époque par rapport à l’extrême lenteur des flottes à voiles. L’armada de Bonaparte partant pour l’Égypte aurait ainsi traversé le Méditerranée, selon Michèle Battesti, à une vitesse moyenne de deux nœuds. Avec une flotte à vapeur, celle-ci se trouvait multipliée par quatre ou cinq.

Cependant, sur les conditions de combat des bâtiments à vapeur et à hélice, Penhoat posait en principes que :

1. l’artillerie est la force principale des armées navales,

2. le choc ne paraît devoir être, en pleine mer, qu’un genre de combat accidentel et ne peut être considéré que comme tel tant que des expériences précises n’auront pas fait connaître tous les effets du choc sur les deux bâtiments,

3. l’abordage n’est qu’un genre de combat accidentel et ne peut être le but spécial des manœuvres de combat.

Il déduisait de ces principes une tactique qui constitue la dernière partie de l’ouvrage, mettant en valeur la mobilité incomparablement supérieure des flottes à vapeur. Tandis qu’avec des vaisseaux à voiles, on ne pouvait adopter qu’un ordre de bataille assez simple entraînant des évolutions « peu variées et d’une exécution incertaine« , avec la vapeur au contraire les bâtiment se trouvaient indépendants du vent et, sauf accident, maîtres de leur vitesse. « Cette faculté, en permettant de former rapidement les ordres de bataille et de passer promptement de l’ordre d’approche à l’ordre de bataille, élargit beaucoup le champ des combinaisons« .

Treize ans plus tard, en 1875, l’amiral Penhoat publiait dans la Revue maritime et coloniale un article intitulé : « Au sujet du programme de la flotte » dans lequel il exposait ses théories et exprimait l’évolution de sa pensée. Il remarquait tout d’abord l’extrême difficulté rencontrée pour établir des programmes en raison des progrès techniques immenses survenus depuis une trentaine d’années dans la construction, la propulsion des navires aussi bien que dans les armes dont ils étaient dotés. Phénomène évidemment nouveau dans son accélération et tout donnait à penser que ce mouvement allait continuer. L’apparition de la torpille modifiait bien des données et « son emploi exigera probablement la création d’un type spécial de navire apte à la mettre en œuvre« . Une autre innovation importante apparaissait avec le cloisonnement cellulaire pour la protection des coques qui développait la lutte du canon contre la cuirasse. Celle-ci entraînait une augmentation sensible des tonnages et des dimensions. On construisait des coques de 110 mètres de longueur, ce qui eût encore paru inconcevable trente ans plus tôt. Toujours fidèle à son idée de 1862, Penhoat craignait que ces gros navires fussent dépourvus des qualités nautiques et de la tenue à la mer nécessaires, ce qui les rendrait « incapables de jouer sur mer le rôle qu’ils sont destinés à remplir« . Remarque fondamentale que les futurs tenants de la Jeune École eussent bien fait de méditer.

Il discutait ensuite la question de l’efficacité du cuirassement qui se trouvait alors mise en doute par certains. Dans l’état actuel de l’artillerie, la cuirasse lui paraissait indispensable et il considérait que « l’on est forcé de suivre les marines rivales dans le mouvement qu’elles poursuivent pour augmenter l’épaisseur de la cuirasse des types de la flotte de ligne« . Il remarquait au passage que, lors du combat célèbre devant Cherbourg, le cuirassement du Kearsage lui avait donné une supériorité décisive sur l’Alabama. Cette cuirasse ne devait pas être reportée uniquement sous la flottaison pour ne pas laisser les servants de l’artillerie sans protection, ce qui aurait un effet moral désastreux. Il considérait donc qu’il fallait conserver le cuirassement mais dans des proportions assez raisonnables pour ne pas accroître démesurément les tonnages. Pour lui, les grands navires ne seraient sérieusement menacés que lorsque les projectiles pourraient percer des blindages de 30 centimètres.

Passant à l’artillerie, Penhoat la divisait déjà en deux catégories : les grosses pièces de rupture destinées à attaquer la cuirasse de l’ennemi, une artillerie plus légère, 160 mm par exemple, dont la tâche serait d’atteindre les parties non cuirassées et à se défendre contre les attaques des « bâteaux-torpilles ». Le débat sur ce thème se prolongea presque jusqu’à la Première Guerre mondiale et rebondira en 1905 avec la conception du all big guns du type anglais Dreadnought. Penhoat remarquait que la transformation des navires et des canons avait beaucoup diminué les stocks de munitions. Un vaisseau de 100 canons approvisionné à 85 coups par pièce pouvait tirer ainsi 8 500 coups alors qu’un cuirassé de 1875 avec 10 gros canons à 110 coups ne disposait que de 1 100 projectiles mais d’une puissance incomparable.

Mais le canon n’était pas l’unique arme du cuirassé puisque venaient ensuite l’éperon et la torpille. Nous avons vu que Penhoat restait très réservé, beaucoup plus que Jurien de la Gravière, sur l’usage de l’éperon. Il souhaitait cependant le maintenir car, dans certains cas, il pouvait se révéler une « arme terrible » : mauvais ordre de bataille, bâtiment ennemi en avarie ou surpris au mouillage. Il incitait à nouveau sur la nécessité de doter les bâtiments de « facilités giratoires très puissantes qui réalisent la formule : tourner rapidement et dans un petit espace« .

La torpille, en 1875, était encore dans l’enfance et commençait à peine à devenir automobile, les première Whitehead datant de 1867, ce qui explique le fait que Penhoat la considérait comme « une arme nouvelle plutôt défensive qu’offensive« , destinée surtout à défendre les rades. Les torpilles portées sur une hampe ou les torpilles traînantes ne constituaient « à la mer qu’un moyen de combat imparfait » car elles risquaient d’être aussi dangereuses, pour le lanceur que pour l’ennemi. Les torpilles portées restaient fragiles car elles résistaient mal aux mouvements du navire et Penhoat persistait à juste titre dans l’idée que l’emploi de cette arme « méritera probablement la création d’un type spécial de la grandeur d’un aviso rapide de 1re classe« . Il n’était donc nullement partisan du torpilleur minuscule qui fera l’objet, quelques années plus tard, d’un engouement aussi injustifié que désastreux. Pour lui, la torpille, telle qu’elle existait alors, ne présentait, en raison de sa portée réduite et de sa trajectoire irrégulière, qu’assez peu de danger à la mer. Mais elle pouvait devenir « aussi terrible que l’éperon » contre un but gêné dans ses évolutions ou surpris au mouillage. « La torpille conservera une importance d’autant plus grande qu’elle sera manœuvrée par un personnel spécial« . Malgré ses faiblesses dues à sa nouveauté, le torpille devrait donc être embarquée sur tous les bâtiments de combat avec un espar à l’avant et un système de torpilles traînantes à l’arrière pouvant être relevé facilement et rapidement.

Penhoat se livrait ensuite à des considérations sur la vitesse des navires, sujet qui donnera lieu plus tard, dans la marine française, à de longs débats. À son avis, elle ne constituait pas « un objectif de premier ordre » et, précurseur de Mahan et des mahaniens français, il jugeait que « si, après une bataille navale, on reste maître de la mer, on trouvera aisément le moyen d’entraver le commerce ennemi« . Les marines de ligne n’avaient donc pas besoin, à ses yeux, d’une grande vitesse. Dix nœuds lui paraissaient suffisants car au-delà on s’exposait à des avaries fréquentes de nature à jeter le trouble dans la ligne. Un vitesse maximale de 13 nœuds ne devait pas être dépassée car celle « que l’on voudrait leur donner en plus, inutile pour les besoins de la navigation en escadre, serait acquise aux dépens de la force militaire du navire« .

Toutes ces considérations amenaient l’amiral Penhoat à étudier les différents types de navires nécessaires car, ajoutait-il fort pertinemment, « il est impossible de concevoir un type unique qui réponde aux exigences multiples du service naval« . Résolument adepte, comme Bouët-Willaumez, de ce qui va devenir l’école historique, il soutenait que les leçons de l’expérience restaient valables malgré l’évolution des matériels.

Toute expédition navale exige, comme première condition de succès, la possession des routes de la mer. Les convois de troupes, les flottilles de canonnières destinées à l’attaque des côtes ne pourraient naviguer dans des eaux profondes sans être protégées par une flotte de ligne servant d’escorte ou qui bloque l’ennemi dans ses ports.

Il ajoutait cette prise de position très nette :

On a quelquefois avancé que le temps des guerres d’escadre est passé ; c’est là une grave erreur qu’il importe de détruire car les armées navales sont seules capables d’assurer les libres communications par mer¼ La défense des côtes et des colonies, la protection des intérêts commerciaux reposent en entier sur la flotte de ligne. Si, en effet, l’ennemi est battu dans une grande action navale, ses ports seront bloqués et il ne pourra entreprendre aucune expédition sérieuse par mer, c’est à peine s’il pourra lancer au large quelques croiseurs, très embarrassés pour trouver des points de ravitaillement ». La flotte de ligne est donc la base de la force navale « puisqu’elle permet toutes les possibilités d’action.

Quinze ans avant Mahan, l’amiral Penhoat avait donc parfaitement mis en évidence l’importance capitale que revêtait la neutralisation ou la destruction de la force organisée de l’ennemi et donc de la liberté des communications maritimes. L’amiral Castex lui rendit d’ailleurs hommage en déplorant qu’il ait été peu écouté : « L’amiral Penhoat, un des rares hommes de ce temps qui ait conservé sa clairvoyance, prêchait un peu dans le désert quand il écrivait en 1879 :  » L’instrument le plus puissant à employer pour la défense des côtes, c’est la flotte de ligne ; elle est la force mobile par excellence, capable de se porter sur les points menacés pour combattre les forces de l’ennemi « « 19.

Autre réflexion très rare à cette époque et qui ne sera que trop négligée par la suite : Penhoat insistait beaucoup sur l’importance des études préliminaires à toute construction. « Le programme de chaque type doit être l’objet d’une étude constante et de modifications successives car il n’existe pas de type normal pour les bâtiments de la flotte de ligne et il n’en a existé à aucune époque dans aucune marine« . Si cette sage maxime avait été respectée au cours des décennies suivantes, la marine française aurait construit moins de bâtiments dépourvus de toute valeur militaire. Penhoat recommandait aussi de tenir le plus grand compte des réalisations obtenues par des navires étrangers car, dans la course au progrès qui s’établissait, « dès qu’un type est créé, les marines rivales s’efforcent, par des combinaisons diverses, d’obtenir un type qui lui soit supérieur« . Malheureusement, entre 1880 et 1914, la plupart des bâtiments construits en France se révéleront nettement inférieurs à leurs congénères étrangers. C’était déjà le cas en 1875 pour les croiseurs, corvettes et avisos que Penhoat jugeait insuffisamment armés « avec des pièces de 140 trop faibles« .

Il achevait son étude par une question essentielle et toujours d’actualité : « Quelle est l’importance de la force navale que la France doit entretenir pour sa défense ? Elle doit être calculée en vue de l’obstacle qu’elle aura à surmonter. Les considérations politiques conduisent à penser que la France doit conserver la première marine du continent européen » en possédant deux armées navales dans l’Océan et la Méditerranée. Il convenait donc de mettre en place une rationalisation des dépenses et de « réaliser avec le budget actuel le plus fort effectif à flot possible en diminuant les frais généraux de production et d’entretien de la flotte, c’est-à-dire en ne conservant que les établissements absolument nécessaires à notre état naval et enfin en réduisant autant que possible les dépenses qui ne se rapportent pas directement au développement de la force navale« . Conception tout à fait moderne mais, encore une fois, Penhoat prêcha dans le désert.

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* *

Voici donc deux officiers généraux, aux carrières riches d’expériences variées, qui ont su l’un et l’autre en tirer les leçons. Aussi bien Bouët-Willaumez que Penhoat jetèrent sur la marine de leur temps un regard fort lucide et souvent critique, mesurant bien les points forts, les faiblesses et les erreurs. Ni l’un ni l’autre ne prétendirent être des théoriciens de la stratégie et leurs études portèrent surtout sur la tactique mais, dans une période de bouleversement tactique au rythme inconnu jusqu’à ce jour, qui fit quelque peu perdre la tête à certains, ils surent conserver jugement et bons sens, sans se laisser aller à des enthousiasmes inconsidérés.

Précurseurs aussi, ils le furent. On a pu parler, à l’époque suivante, des mahaniens français : Darrieus, Daveluy, Castex, qui remirent en place quelques conceptions devenues un peu folles à l’intérieur comme à l’extérieur de la marine. Il ne semble pas qu’on ait assez remarqué qu’il exista aussi, entre 1850 et 1880, ce que l’on peut appeler des pré-mahaniens français, parmi lesquels doivent figurer au premier rang les deux amiraux que nous venons d’évoquer. Précurseurs de ce que l’on appellera bientôt l’école historique, ils tomberont trop vite dans l’oubli, entraînés dans le tourbillon de la Jeune École. Ce fut dommage car si leurs recommandations dictées par l’expérience avaient été écoutées, bien des erreurs auraient été évitées et bien de l’argent économisé ou mieux dépensé.

 

 

 

 

 

 

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Notes:

 

1 Sur la carrière de celui-ci, voir amiral Maurice Dupont, L’amiral Willaumez, Paris, Tallandier, 1987.

2 Bouët-Willaumez succédait au vice-amiral Charles Jacquinot (1796-1879) qui avait fait trois voyages autour du monde avec Duperré et Dumont d’Urville dont il fut le fidèle compagnon. Il commandait la Zélée lors de la découverte de la Terre Adélie en 1840 et s’était, lui aussi, distingué en Crimée.

3 E. Souville, Mes souvenirs maritimes (1837-1863), Paris, 1914, pp. 444-445.

4 Michèle Battesti, La marine de Napoléon III. Une politique navale, Paris, 1987, tome II, pp. 716 et 740-741.

5 Michèle Battesti, op. cit., tome II, pp. 997-1056.

6 Ces idées sont exposées en 1853 dans une brochure intitulée Parallèle historique des principales batailles de terre et de mer, qui sera reprise et développée dans Batailles de terre et de mer en 1855.

7 Batailles de terre et de mer, p. 82.

8 Ibid., pp. 87-88 et 113-115.

9 Ibid., pp. 127-132 et 141.

10 Selon le général Panmphile de Lacroix, Latouche-Tréville ne cessa de soutenir cette théorie pendant la traversée vers Saint-Domingue en 1802. P. Pluchon, La révolution de Haïti, Paris, 1995, p. 300.

11 Batailles de terre et de mer, pp. 306-318.

12 Ibid., pp. 234-sq.

13 Ibid., p. 232.

14 Arch. nat. Marine BB4 653.

15 Michèle Battesti, op. cit.

16 Il oubliait Béveziers où Tourville commandait 70 vaisseaux mais ce n’était pas une « armée combinée » et de là venait sans doute sa cohésion et son efficacité.

17 En 1779 lors de la tentative d’entrée en Manche de l’escadre franco-espagnole commandée par d’Orvilliers.

18 Voir à ce sujet Michèle Battesti, op. cit., tome I, pp. 161-sq.

19 Amiral Penhoat, Éléments de tactique navale, p. 260. Cité par l’amiral Castex, Théories stratégiques, éd. H. Coutau-Bégarie, Paris, Économica, 1997, tome I, p. 176.

 

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