VICTOR EMMANUEL THELLUNG DE COURTELARY Un théoricien maritime suisse du début du xixe siècle

Jean-Jacques Langendorff

En 1808 paraissait à Zurich et Leipzig, chez Ziegler et fils, un ouvrage en deux volumes intitulé Darstellung der Marine. Ein Versuch über den Kriegsdienst zur See von V.E. Thellung von Courtelary, Obristleutnant in Königl. Niederländischen Diensten1, qui connut un certain succès puisqu’il fut réédité en 1818 avec la mention « édition augmentée et corrigée », ces augmentations et corrections se réduisant d’ailleurs à fort peu de choses2. Mais il s’agissait là d’un « truc » fréquemment employé par les éditeurs de l’époque afin de relancer les ventes.

Bien que de nombreux lecteurs ne pourront réprimer un sourire, écrit l’auteur dans son avant-propos, en se voyant proposer, depuis les montagnes de la Suisse et par un Suisse, un essai sur la marine, je crois cependant être autorisé à traiter de cette matière car j’ai été, durant la guerre d’Amérique – de 1780 à 1784 – officier de marine régulièrement nommé de la flotte hollandaise. Il en résulte que je possède les connaissances nécessaires pour le service en mer à bord d’un navire de guerre3.

Avant d’analyser le contenu de l’ouvrage, il convient de se demander qui était l’auteur, fort versé dans le domaine maritime et naval, de ce traité.

Victor Emmanuel Thellung4, né le 26 octobre 1760 à Bienne, descendait d’une des familles les plus anciennes de cette ville, mentionnée dès 1340 et dont les membres s’illustrèrent sur différents champs de bataille au service de la France, de la Sardaigne, de la Hollande, des Confédérés ou de la république oligarchique de Berne, comme dans la carrière administrative ou diplomatique, ce qui lui valut d’être anoblie en 1653 par l’empereur Ferdinand III. L’oncle de Victor Emmanuel avait achevé sa carrière comme maréchal de camp au service de la Sardaigne. Quant à son père, après un passage sous les drapeaux hollandais, il était devenu fonctionnaire dans sa ville natale de Bienne, membre du grand et petit conseil, trésorier, commandant de la milice locale. Cette ville de Bienne, avec tout juste 2 000 habitants, dans laquelle Victor Emmanuel vit le jour, située à l’embouchure de la Suse dans le lac de Bienne, dépendait de l’évêque de Bâle, qui y avait un bailli. Mais, depuis les guerres de Bourgogne, elle entretenait des relations étroites avec la Confédération, notamment avec Berne, Fribourg ou Soleure, envoyant même des députés aux Diètes fédérales. Rien ne semblait prédestiner le jeune garçon au métier des armes et moins encore à une carrière maritime. Non seulement il était d’une constitution fragile mais ses facultés intellectuelles étaient bien en deçà de celles des enfants de son âge. Alors que ses parents désespéraient, ses talents s’épanouirent soudainement dans des proportions inattendues. D’excellents précepteurs le guidèrent sur les voies du savoir. Outre un don réel pour la poésie, il s’intéressait vivement à la théologie et à la philosophie. Bienne n’étant pas encore la ville bilingue qu’elle est aujourd’hui, il fit un séjour à Neuchâtel où il apprit le français, auquel il adjoignit plus tard l’anglais et le hollandais. Il parla toutes ces langues à la perfection, rédigeant ses œuvres en allemand, en français ou en néerlandais. Alors que ses proches le voyaient déjà devenir un paisible érudit, il opta pour une carrière dans la marine militaire néerlandaise. S’il a choisi la Hollande, c’est probablement parce que son père y avait servi mais également parce que le service étranger des Suisses y avait une longue tradition remontant au début du xviie siècle. Nous ignorons pourquoi il s’est tourné vers la marine. Peut-être les exploits navals de Johann Ludwig von Erlach, nommé vice-amiral danois en 1678 – originaire de ce canton de Berne voisin si lié à Bienne – enflammèrent-ils sa juvénile imagination ? Ou encore eut-il connaissance de la curieuse querelle entre « antiquaires », comme on disait alors, certains d’entre eux prétendant que le fameux Jean Bart n’était pas né à Dunkerque mais dans le village de Corban – bernois à partir de 1815 – dont sa famille était originaire ?5

Quoi qu’il en soit, Thellung quitta sa ville natale en mai 1781. Un mois plus tard, il commença sa carrière comme aspirant sur le vaisseau de ligne Van Tromp où il entreprit de préparer ses examens d’officier, qu’il passa brillamment. Fin février 1782, il fut nommé commandant d’un détachement d’infanterie de marine sur la frégate Oraniensaal et, en 1783, lieutenant de vaisseau sur les frégates Bellone puis Pollux. Cette période permit à Thellung de se forger une vaste expérience pratique. En effet, l’Angleterre avait déclaré en 1780 la guerre aux Pays-Bas qui se refusaient de rompre leur neutralité dans la guerre opposant les Américains aux Britanniques. Bien que très inférieure, la flotte hollandaise releva le défi, faisant courageusement front, comme dans la bataille navale du Dogger Bank, le 5 août 1781. Thellung prit part à plusieurs engagements ainsi qu’à des expéditions sur les côtes d’Angleterre, de Norvège et de Guinée6. À la paix de Paris qui, en 1783, mit fin à la guerre navale entre l’Angleterre et la Hollande, Thellung, dont les services n’étaient plus requis, quitta la marine et s’engagea en juin 1785 comme premier lieutenant d’infanterie dans la légion de Maillebois au service de la Hollande, que le fils du fameux Maréchal de France avait levée pour soutenir le parti démocratique. On peut se demander d’ailleurs pourquoi Thellung avait opté pour cette légion plutôt que pour le régiment suisse Escher, également au service de la Hollande à cette époque. Une chose, toutefois, est certaine : il ne devait jamais oublier, comme il le dira lui-même plus tard, la forte impression qu’exerça sur lui la vue d’une flotte – en l’occurrence la plus puissante du monde – en ordre de bataille.

Lorsque des navires font voile les uns vers les autres, on décèle d’abord un point noir à l’ultime limite de l’horizon ; c’est l’extrémité d’un mât, qui s’allonge et donne l’impression de grandir. Petit à petit, on aperçoit plusieurs de ses éléments et enfin la coque du navire. Puis apparaissent plusieurs unités, parfois des flottes entières, qui semblent émerger du giron de la mer. C’est ainsi que nous apparut en 1783, à l’entrée occidentale de la Manche, une flotte britannique venant des Indes occidentales comprenant plus de 50 navires de guerre et 100 autres bâtiments. Durant la nuit, un léger vent d’ouest se leva, une rumeur sourde dans le lointain semblait se rapprocher et nous aperçûmes une ligne interminable, qui noircissait les limites de l’horizon. Le soleil levant nous permit de voir une flotte majestueuse, toutes voiles dehors. Un coup de canon du navire amiral salua l’aube naissante. La diane, la sonnerie solennelle des cloches de tous les navires qui hissèrent au même moment leurs pavillons multicolores et leurs flammes se mêlèrent au tonnerre des canons de notre escadre saluant la flotte qui s’approchait. Aussitôt après elle répondit à notre salut. Les expressions nous manquent pour rendre dignement l’effet de tonnerre produit par les innombrables bouches à feu qui se faisaient écho, les volutes de fumée rougies par le soleil levant et la musique martiale qui retentissait sur les navires. J’ai vu de nombreuses armées dans des camps d’instruction, ou en campagne, en ordre de bataille, prêtes à combattre, mais cette vision-là les dépassait toutes7.

La légion ayant été licenciée en 1786, Thellung se retrouva pensionné. Il profita de ses loisirs forcés pour se livrer à une étude approfondie de l’histoire et de l’art de la guerre. Le 1er juin 1788, il fut enrôlé dans le régiment Grenier de l’infanterie wallone. Il portait la plus grande estime à son chef, qui fut pour lui un bienfaiteur, et lorsque celui-ci mourut il lui dédia une ode funèbre qui s’achevait ainsi :

Le voyageur, entrant sous cette voûte sombre,

S’approche du tombeau respectueusement ;

Il parsème de fleurs ce triste monument,

Et va se reposer, en pleurant son ombre.

Il lit : « Ci gît un brave, et sa mémoire est chère

Au prince, au citoyen, à l’État, au guerrier ».

À ces traits là, dit-il, je reconnais Grenier ;

Pleurez, braves Vallons, il était votre père !

Le successeur de Grenier, le prince Karl Wilhelm von Nassau-Usingen, le nomma, en septembre 1792, capitaine-adjudant-major. Lorsque la guerre avec la France éclata une année plus tard, il commandait une compagnie, toujours dans le même régiment. Il prit part à la campagne contre les Français jusqu’à ce que la révolution de janvier 1795 ait renversé la maison d’Orange et proclamé la République batave. Ne voulant pas servir le nouveau régime, il regagna Bienne où il reprit ses chères études militaires. Mais ce répit allait être de courte durée. Le 14 décembre 1797, les troupes françaises occupaient le Val Saint Imier (où la famille Thellung possédait de vastes terres) et le Val Moûtier, poussant des pointes jusqu’à cinq heures de marche de Berne.

Des affaires de famille m’obligèrent d’entreprendre, le 10 janvier, un voyage à Courtelary. Le chemin me conduisit au milieu des cantonnements des Francs 8 et je profitai de l’occasion pour obtenir des renseignements soit de la part de compatriotes crédibles, soit de la part d’officiers francs. Grâce à ces renseignements, j’établis à mon retour un plan d’attaque 9.

Je n’avais à l’époque pas le moindre devoir à l’égard de la France dont le comportement envers la Suisse, ma patrie, m’avait, comme tous ceux possédant le sentiment du droit, révolté. La justification d’un tel sentiment, pour autant qu’il en ait exigé une, se trouve dans les écrits des ministres et généraux francs, Carnot et M. Dumas. C’est le même sentiment du droit et de l’honneur qui me poussa après la révolution de Hollande en 1795 à rester fidèle à la sérénissime maison d’Orange et à quitter le service de la république des Pays-Bas unis 10.

Dans son texte, il plaide pour une action résolument offensive et rapide des Bernois, qui possèdent la supériorité du nombre, afin de chasser les Français de l’évêché de Bâle.

Je me suis efforcé, de ne pas attenter aux règles de l’art de la guerre et des probabilités. Il est certes contraire à la première de baser ses plans sur les fautes éventuelles de l’adversaire. Toutefois, à part le fait qu’aucune règle, est sans exception, on pouvait miser sur le fait que les Francs qui ne s’attendaient pas à une attaque ne se départiraient pas de leur insouciance habituelle, attitude que j’avais pu constater durant mon voyage et séjour à Courtelary 11.

Thellung avait l’intention de communiquer personnellement son travail au quartier-maître général de l’armée bernoise. Il avait prévu de se mettre en route le 8 février 1798 mais les Français, qui occupèrent soudainement Bienne, contrarièrent son projet. L’Évêché de Bâle et sa ville natale ayant été réunis à la France, Thellung, privé de la plus grande partie de ses revenus du fait de l’abolition des droits féodaux, décida, dès 1804, d’aller s’établir à Berne. Auparavant, il avait publié à Leipzig des Remarques sur l’ancienne constitution militaire des Suisses et son influence sur la défense du canton de Berne en 179812. En septembre 1806, il fut nommé professeur de sciences de la guerre à l’école militaire qui venait d’être créée. Dans un cours de trois ans, il enseignait la fortification, le service de l’artillerie et la haute tactique – comme on disait alors. Le gouvernement bernois fut si satisfait de ses services qu’il le nomma lieutenant-colonel en 1808. C’est à cette époque qu’il rédigea la Description de la marine. La maison d’Orange, rétablie sur le trône en 1813, ne se montra pas ingrate à son égard et honora sa fidélité. Le roi Guillaume Ier lui décerna un brevet de lieutenant-colonel dans l’armée hollandaise, le dota d’une pension considérable et l’invita à abandonner son professorat en Suisse pour s’installer à La Haye afin d’y remplir les fonctions d’officier instructeur. Disposant de nombreux loisirs, il put se consacrer de nouveau à ses chères études militaires. En 1819, il publia son Essai sur la tactique et la stratégie13. Thellung, dans cet ouvrage, a repris ce qu’il considérait de meilleur chez les écrivains militaires du début du xixe siècle. Sa démarche est intéressante car il ne se base que sur des auteurs récents, qui tiennent compte des enseignements des guerres de la Révolution ou de l’Empire. Dans son introduction, il passe en revue les définitions donnés de la tactique, ou de la stratégie, par les deux Venturini, August Wagner, Heinrich Dietrich von Bülow, etc. Même si ses préférences vont à von Lossau qu’il considère, avec son ouvrage Der Krieg. Für wahre Krieger (Leipzig, 1815) comme un maître14, c’est la classification de Berenhorst, l’auteur scandaleux des Betrachtungen über die Kriegskunst (Leipzig, 1798-1799) – qui voit dans la guerre le lieu géométrique du hasard – qu’il retient et qui va lui servir de fil conducteur pour la structuration de son œuvre. La division que Berenhorst propose en tactique élémentaire, tactique évolutionnaire et haute tactique lui paraît la plus rationnelle. La tactique élémentaire correspond à ce que le règlement nomme l’école du soldat, la tactique évolutionnaire à l’école du bataillon. Quant à la haute tactique, ou stratégie, elle est, pour reprendre la définition de von Lossau, « la combinaison des propriétés nécessaires à la conduite d’une armée ». Sous la rubrique « Tactique élémentaire », Thellung examine l’armement et l’habillement, sous la « Tactique évolutionnaire » la disposition des troupes en général, leur disposition tactique et les mouvements des bataillons en particulier, sous la « Haute tactique » la disposition de l’armée, le dispositif défensif d’une armée, la doctrine des marches et son application, le franchissement des fleuves, la tactique en général, les attaques en général, l’attaque sur une aile en ordre oblique, l’attaque par le centre, les retraites. Enfin, sous la rubrique « Conduite de l’armée », il traite de l’état-major général, du chef d’état-major (Generalquartiermeister), des reconnaissances, de l’espionnage (et là il reproduit un manuscrit qui lui a été remis par un officier français anonyme), du ravitaillement, du fourrage et de la protection des transports. Toutes ces réflexions sont marquées au sceau d’un solide bon sens, se voulant simples et didactiques. Nous citerons, pour nous en convaincre, ce que Thellung dit de la tactique en général et de sa relation avec la stratégie :

C’est très rarement, ou jamais, que les adversaires se lancent simultanément dans l’offensive. L’un mène une guerre offensive, l’autre une guerre défensive. Mais il ne faut pas imaginer que dans cette dernière on ne puisse ou ne doive attaquer. Au contraire il s’agit là de la meilleure et de l’authentique défensive, sous forme d’une défensive active. Au contraire, si on se cantonne craintivement dans la défensive, dans une défensive passive, elle manquera son but et entraînera les conséquences les plus fatales. […] L’attaquant possède de nombreux et grands avantages, en particulier une liberté de mouvement qui oblige le défenseur à lui soumettre la sienne propre. Par conséquent ce dernier s’assure d’un grand avantage s’il profite du moment favorable pour rejeter l’assaillant dans la défensive par une attaque inattendue, ce qui revient à le priver de sa liberté de mouvement. D’où l’expression française « tenir son ennemi en échec » (c’est-à-dire le contraindre à l’inactivité).

Il existe deux manières d’obliger une armée à abandonner sa position. D’abord par l’usage des armes, par les batailles, les combats, le coup-de-main, etc. Ensuite par la manœuvre, en exécutant des mouvements bien conçus sur l’un ou les deux flancs de l’ennemi ou même sur ses arrières, ce qui l’obligera à se retirer de telle manière que ses flancs et ses arrières ne seront plus menacés.

Le choix entre ces deux sortes d’opérations dépend de l’habileté du général et des circonstances ; il convient de savoir, entre autres, si la configuration du terrain favorise la première ou la seconde ; si la force ou l’adresse de notre armée nous assure la plus grande probabilité de vaincre et si la victoire entraînera des conséquences si favorables qu’elle vaut la peine de tenter l’entreprise. Il convient de respecter une règle fondamentale : ne jamais se mettre en situation de devoir accepter la bataille contre notre volonté et à l’encontre de nos avantages mais, au contraire, de diriger, depuis les positions initiales, toutes les marches et tous les mouvements de telle manière que l’ennemi sera contraint de livrer bataille dans une situation qui nous est avantageuse.

La tactique repose sur les positions et les mouvements des deux armées, avant et pendant le combat. Le but de ce dernier est de faire abandonner à l’ennemi ses positions et, ainsi, de contrecarrer ses intentions.

La manœuvre exécutée pour contraindre l’ennemi à abandonner ses positions est stratégique. Il s’agit là d’atteindre un point donné à un moment donné, de tourner les flancs de l’ennemi, d’exécuter des démonstrations et des diversions afin de dissimuler ses véritables intentions et ses propres manœuvres. La dissimulation de ses mouvements par des corps avancés, l’occupation d’un point important qui permet, rapidement et sans risques, d’envelopper ou de tourner l’ennemi, ou de s’opposer à lui sur un côté quelconque par une marche plus courte, permettent souvent de s’assurer d’un pays entier.

Ce que la stratégie est en grand, la tactique l’est en petit. La première formule le plan d’opérations d’une campagne pour toute la guerre et englobe des pays entiers. La seconde s’occupe des règles fixant les dispositions à prendre dans le combat et se limite au champ de bataille et à ses environs. Comme la stratégie, la tactique permet d’acquérir des avantages décisifs par des attaques de flanc, par des démonstrations, par la marche de corps avancés masquant le déploiement de l’armée se préparant à attaquer. Chaque manœuvre de la stratégie a son équivalent dans la tactique15.

En 1829, Thellung publia à Saint Gall un Versuch über die ehemalige und gegenwärtige Milizverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft16, ouvrage important ayant nécessité d’amples recherches historiques. Dans une première partie, il retrace l’histoire des guerres de la Confédération, de sa fondation à son écroulement en 1798. Il la fait suivre d’une description de l’organisation militaire sous la République helvétique, durant la Médiation et de la Suisse de la Restauration, après 1815. Dans la seconde partie, il décrit les diverses institutions militaires de la Suisse, présente les ouvrages militaires qui y ont été publiés, traite de différentes questions comme l’armement, la discipline, l’organisation des troupes et enfin celle des capitulations qu’il désapprouve, bien qu’ayant été lui-même au service de la Hollande17.

En 1827 Thellung, qui souffrait de plus en plus de sa surdité, demanda son licenciement et retourna dans sa patrie, s’installant à Berne. Il continua a y être fort actif, devenant même pour un temps rédacteur en chef d’un journal et rédigeant des études sur les sujets les plus divers même si, à partir de 1830, il n’imprime plus rien18. Thellung toutefois n’avait pas oublié la mer et les navires sur lesquels il avait fait ses premières armes. En 1829, il leur adressa un dernier adieu en publiant à Constance, en deux volumes, la traduction des Aventures de Robinson Crusoe (Der vollständige Robinson Crusoe) avec une carte de l’île de Robinson, des notices biographiques sur Alexandre Selkirk et Daniel Defoë et un petit glossaire des termes de marine, réduction de celui se trouvant dans la Description. Il s’éteignit à Berne, le 18 mai 1842, âgé de 81 ans. Célibataire, il ne laissait aucune descendance.

Thellung n’oublie jamais qu’il est un amoureux de la muse et c’est bien naturellement que la Description de la marine s’ouvre par l’extrait d’un chant du poème didactique et descriptif La Navigation (1805) de Joseph-Alphonse Esménard (1769-1811), qui savait de quoi il parlait car il avait beaucoup sillonné les mers19. Et chacun des chapitres est précédé par un extrait du poème, se rapportant au sujet qui va être traité. Dans son avant-propos, Thellung souligne l’importance de la navigation pour le développement de la civilisation mais déplore la méconnaissance qui règne dans ce domaine.

Même dans les États qui possèdent une imposante marine de guerre et de commerce, une ignorance crasse règne parmi les habitants qui ne sont pas eux-mêmes marins ou en contact avec les problèmes maritimes. Leurs connaissances se bornent, au mieux, à quelques rudiments et à quelques expressions maritimes qui paraissent courantes à Londres, Amsterdam, Marseille, et dans d’autres grands ports, à celui qui est étranger mais qui en réalité sont mêlées à une foule de notions curieuses et erronées. Le seul avantage que ces gens possèdent par rapport à ceux qui habitent l’intérieur du pays est de contempler la mer, les bateaux et autres objets maritimes 20.

Il n’est que de voir ce qui se raconte sur la possibilité d’une descente en Angleterre ou sur les expéditions maritimes pour mesurer l’ampleur de cette ignorance qui se retrouve, dès qu’il s’agit de question maritimes, aussi bien dans des livres pour enfants, comme le Robinson pour les jeunes (1806) de J.H. Campe ou des ouvrages didactiques comme l’Encyclopédie (1784) de G.S. Klügel. Les ouvrages concernant le domaine maritime sont nombreux mais ils sont surtout des manuels d’instructions concernant les différentes branches du service en mer ou des essais relatifs à des aspects techniques particuliers (la boussole, le chronomètre marin, la construction et l’utilisation de l’ancre, etc.). Ils sont donc destinés à des savants ou à des marins mais ne peuvent être utiles au grand public. Thellung se propose donc, en se basant sur les meilleurs ouvrages qu’il a pu se procurer, et en tenant compte de son expérience, de brosser un tableau clair de la navigation et du service militaire en mer. Le livre qu’il place au-dessus de tous les autres, car « aucune des nations maritimes ne possède un ouvrage semblable, aussi exhaustif et complet, concernant la marine« 21, est l’Allgemeines Wörterbuch der Marine de J.H. Röding (Hambourg, s.d., avec 115 gravures et 798 illustrations). En ce qui concerne la tactique sur mer, il accorde la préférence à Bourdé de Villehuet et son Manœuvrier ou essai sur la théorie et la pratique des mouvements du navire et des évolutions navales (qu’il cite selon l’édition de Paris, 1769). En revanche, il adopte une attitude critique envers Clerk of Eldin et son Essay on Naval Tactics (Londres, 1790) qu’il oppose à Bourdé de Villehuet et auquel il reproche son postulat de « possibilité pour l’armée sous le vent de forcer au combat« 22.

Ce qu’il a voulu faire, dit-il, n’est pas un manuel, mais un livre de lecture, il n’a pas voulu décourager les intéressés, mais au contraire les rapprocher des problèmes liés à la navigation.

Initialement, le contenu de l’ouvrage devait se réduire à décrire une flotte, son service au port, en haute mer, dans la tempête, dans la bataille et devait être publié dans la deuxième partie de mes Essais militaires, pour y former le noyau du septième chapitre. Mais ce projet souleva une foule de questions et exigea de nombreux commentaires qui m’apparurent d’abord superflus mais qui, après réflexion, me semblèrent indispensables pour la compréhension du tout. J’en fis des notes ce qui contribua plus à brouiller ma présentation qu’à la clarifier. Je décidai alors de retravailler la matière en étant aussi exhaustif que possible, les encouragements de mes amis et l’agréable souvenir de mon service en mer m’encourageant dans cette voie 23.

Ainsi, à partir d’un simple traité de tactique maritime prévu initialement, Thellung a fait un « ouvrage total », qui englobe tous les aspects de la navigation et les présente didactiquement.

Thellung commence par décrire la mer, avec ses différentes propriétés, les moyens et instruments dont dispose le navigateur pour s’orienter, les types de navires de guerre existants, du vaisseau de ligne à la canonnière, les préparatifs qui doivent être faits avant d’entreprendre la construction d’un navire (plans, chantiers, matériaux, coûts, lancement, etc.). Il passe ensuite à la description du navire, sa structure interne, sa structure externe, sa mâture (cordages, gréements, haubans, etc.), sa voilure, son équipement (ancres, chaloupes, configuration et organisation des ports), l’artillerie et les munitions, les vivres, les rations, la pharmacie de bord. La composition de l’équipage – pour les navires de guerre comme pour les navires de commerce – retient particulièrement son attention (la hiérarchie, la répartition des officiers et des hommes à bord, la discipline, les punitions, les qualités requises pour être un bon marin, les superstitions du matelot, etc.). Ces différentes parties sont suivies par la présentation du service en mer avec les manœuvres et exercices, le service dans les ports, les préparatifs nécessités par l’appareillage, le service en haute mer, le calme plat, la tempête, les réparations à entreprendre après une tempête, l’arraisonnement d’un navire, son inspection, la préparation de la bataille, les signaux (cinq sections) et, enfin, le combat. Pour montrer comment se déroule une bataille navale, Thellung prend l’exemple récent de Trafalgar.

Le second volume s’ouvre par une théorie de l’effet des vents et des courants sur la marche d’un navire. Puis notre auteur traite de la haute tactique. Il ne s’agit pas là, pour lui, de stratégie navale à proprement parler mais de la formation de l’ordre de bataille, des espaces à respecter, de la formation de la colonne. Il analyse ensuite les différentes évolutions de l’armée du vent, de dessous le vent, la chasse, l’ordre de retraite, la manière de disputer le vent à l’ennemi, la modification de l’ordre de bataille si le vent tourne, la façon de forcer l’ennemi au combat ou comment éviter ce dernier. Pour Thellung, la situation tactique suivante est la plus favorable :

L’armée du vent peut décider de la durée et de la distance du combat, rompre plus aisément la ligne ennemie et, étant donné que le vent pousse la fumée vers l’ennemi, elle peut, sans être aperçue, détacher des navires ou des brûlots, afin de la tourner, de couper ses bateaux ou de les brûler. Les signaux peuvent être plus clairement transmis, l’ordre plus aisément maintenu et les mouvements exécutés avec une plus grande célérité. En revanche, les navires endommagés ne peuvent que difficilement échapper au danger de se trouver pris entre les deux flottes ou de tomber aux mains de l’ennemi car ce n’est qu’avec la plus grande peine que l’on parvient à les sortir de la ligne en les faisant remorquer par des frégates, cotres ou chaloupes. Les navires sont également contraints de fermer les sabords de la batterie basse si le vent souffle fort et ne peuvent ainsi faire usage de leur batterie la plus efficace. Étant donné que les vagues pénètrent plutôt par le vent dans les sabords, la flotte de dessous le vent se trouve dans la même situation.

Il est plus facile à cette dernière d’éviter le combat et se retirer plus aisément, et d’éloigner ses navires avariés, d’utiliser chaque modification du vent pour couper la retraite de l’ennemi et, dans ce cas, lui prendre le vent. En revanche, elle peut être attaquée, avant que la ligne ne soit formée et elle ne peut que difficilement rompre la ligne ennemie vers laquelle on ne peut envoyer des brûlots. Enveloppée dans la fumée de ses propres canons et des canons ennemis, elle court le risque d’être brûlée et les mouvements de l’ennemi ainsi que ses propres signaux sont masqués.

Il découle de tout cela que la flotte du vent possède des avantages décisifs par rapport à la flotte de dessous le vent et Monsieur Bourdé de Villehuët [sic] en conclut que « l’on doit par conséquent éviter absolument d’accepter un combat de dessous le vent, si l’on n’y est pas contraint par des circonstances défavorables »24. […] Les Britanniques ne cherchent pas à partager, ou à diminuer, l’avantage du vent mais au contraire à l’augmenter en utilisant toute sa force pour pénétrer avec le maximum de puissance dans la ligne ennemie, déranger son ordre et l’anéantir. Il est tellement évident que cette façon de procéder est presque impossible pour une ligne de bataille de dessous le vent agissant contre une armée qui est au vent qu’il n’est pas nécessaire d’administrer d’autres preuves25.

Dès qu’il s’agit de livrer bataille, l’idéal est de procéder comme Nelson à Trafalgar.

Une flotte qui veut opérer de cette manière se place sur deux ou trois colonnes parallèles, les navires se suivant dans les sillages les uns des autres. Quand ils auront pris le vent, ils tenteront sur plusieurs points différents, surtout sur le centre et à l’endroit où se trouvent les navires amiraux, de rompre la ligne, d’empêcher celle-ci d’envoyer les signaux nécessaires, ce qui entraînera la confusion puis la perte de la bataille 26.

Il est toujours délicat, car le plus souvent arbitraire, d’établir une comparaison entre la guerre navale et la guerre terrestre, tant les conditions dans lesquelles se déroulent l’une et l’autre sont différentes. Toutefois, en ce qui concerne Thellung de Courtelary, ce rapprochement revêt une certaine légitimité. N’a-t-il pas en effet été officier de marine et officier d’infanterie ? N’a-t-il pas rédigé – fait extrêmement rare – un traité du service militaire en mer et un essai sur la tactique et la stratégie terrestre ? Entre les deux, on discerne un certain nombre d’analogies. Thellung se veut le défenseur d’une tactique résolument offensive, tant sur terre que sur mer. À ses yeux, celui qui est au vent possède un avantage décisif par rapport à celui qui est dessous le vent. La manière dont il conçoit l’engagement naval, mené avec des colonnes de vaisseaux, recoupe sa conception agressive de l’engagement terrestre, mené avec des colonnes d’infanterie qui se déploient au dernier moment :

Dans la bataille, il est de la plus haute importance de disloquer l’ordre de bataille ennemi, ce qui revient soit à diviser ses différents éléments, qui ne peuvent plus se soutenir mutuellement, soit à introduire le plus grand désordre dans l’armée ennemie. C’est pourquoi on doit s’efforcer d’amener sur le point attaqué des troupes en nombre supérieur, qui refouleront irrésistiblement tout ce qui s’opposera à elles et le chasseront du champ de bataille, avant que l’ennemi ne parvienne à amener des renforts suffisants qui, s’ils interviennent, ne le feront qu’au moment où le combat est déjà décidé et qui devront soit affronter la supériorité du vainqueur sans pouvoir espérer un appui quelconque, soit prendre la fuite 27.

Thellung achève son ouvrage en présentant à ses lecteurs les différentes puissances navales du début du xixe siècle, à savoir la Russie, la France, la Grande-Bretagne, l’Espagne, la Hollande, la Suède, le Danemark, le Portugal, Naples, l’Italie, la Turquie et les États-Unis d’Amérique. « Les marines du royaume d’Étrurie, des États de l’Église, de Malte sont si insignifiantes qu’elles n’exercent aucune influence. L’Autriche et la Prusse ne sont pas non plus des puissances maritimes, bien que leurs pavillons flottent fréquemment sur les mers. Quant aux villes hanséatiques, dont la force fut jadis si grande, elles se limitent désormais au commerce« 28. Thellung rappelle brièvement l’histoire maritime de ces puissances, décrit leur organisation, fournit des statistiques et une appréciation de la qualité de ces différentes flottes. En ce qui concerne la France, il écrit :

Par sa position sur l’Atlantique et sur la Méditerranée, cet Empire est fatalement une puissance maritime. Son étendue, ses ressources, le nombre, le courage, le génie de ses habitants paraissent devoir lui assurer le premier rang parmi les puissances maritimes. Toutefois, bien qu’elle ait à certaines époques tenu une digne place parmi elles, elle n’occupa jamais le premier rang.

Cet état de fait semble surtout résulter du rôle subalterne joué par la marine. Cet Empire s’est d’abord constitué comme puissance terrestre et c’est en tant que tel qu’il exerça son influence en Europe, la marine n’étant jamais considérée comme un élément central mais comme un simple moyen de soutenir sa grandeur et ne jouissant pas de la considération de l’armée. L’expérience nous apprend toutefois qu’un État qui n’a pas le sentiment d’être le premier n’atteindra jamais le plus haut niveau d’instruction et de confiance en soi que confère à chacun un traitement distingué. Comme les dangers que l’on doit affronter dans la marine sont plus grands et plus fréquents que dans l’armée de terre, il faut surmonter une certaine répugnance pour y faire carrière car l’ambition et le penchant au plaisir et au confort n’y sont pas si facilement satisfaits. […] Les marins français sont très courageux. Dans toutes ses branches la science nautique y a fait de grands progrès, surtout en ce qui concerne la tactique et la construction des navires. Il ne faudrait qu’un peu plus d’encouragements, de récompenses, de distinctions, non seulement à l’égard de la profession mais aussi à l’égard des individus pour que la marine retrouve l’état qui était le sien sous Louis XVI29.

Mais, en dépit de tous les efforts qui pourront être entrepris dans le domaine maritime – et ceux de la jeune république américaine sont considérables -, la puissance de la Grande-Bretagne demeure écrasante.

Il en résulte qu’en 1806 la Grande-Bretagne avec 210 navires de ligne et 219 frégates – sans parler des vaisseaux de 50 canons – est presque aussi forte que toutes les autres flottes réunies, y compris celle de la république d’Amérique du Nord, qui comptent 278 navires de ligne et 281 frégates. Si l’on tient compte, en outre, du fait que les 6 navires de ligne et les 20 frégates de l’Italie n’existent probablement pas pour une bonne part et que la flotte britannique obéit à une volonté unique alors que les autres flottes sont soumises à des intérêts divergents, qui favorisent partiellement la Grande-Bretagne, la suprématie anglaise sur mer apparaît comme évidente 30.

L’ouvrage s’achève par un lexique des termes maritimes et trente-huit planches, certaines coloriées, permettent au lecteur de mieux suivre les explications de l’auteur. Elles présentent entre autres un navire de ligne, une frégate, une corvette, un brigantin, un cotre, une canonnière française destinée à la descente en Angleterre, la coupe d’un deux-ponts, le profil d’un vaisseau hollandais de 74 canons, le gréement, la voilure, les ancres, l’artillerie, les différentes évolutions, les pavillons, les instruments nécessaires à la navigation, ainsi qu’un plan de la bataille de Trafalgar. La foule des renseignements réunis, la précision de l’exposé, l’ordonnance rationnelle et systématique des sujets, la qualité des illustrations firent de la Description de la marine un instrument didactique d’une haute valeur. Grâce à elle, le lecteur germanophone put pénétrer de plain-pied dans un art dont les arcanes lui apparaissaient, jusque-là, comme difficilement déchiffrables.

L’étude publiée dans les Militärische Aufsätze de 1806 sur « La descente en Angleterre » mérite également une mention. Avant, pendant et après le camp de Boulogne en 1804, les écrivains militaires allemands se passionnèrent pour la question qu’ils traitèrent dans des ouvrages, libelles ou articles de revue, les uns affirmant l’entreprise possible, les autres impossible. Le fameux Heinrich Dietrich von Bülow s’enflamma particulièrement pour le projet et s’efforça de démontrer à ses compatriotes qu’il était parfaitement exécutable31. 200 000 Français répartis sur 2 000 bateaux plats, « les tirailleurs de la mer », traverseront la Manche en deux nuits, en novembre-décembre, sans chevaux, qui seront réquisitionnés sur place, ni artillerie et débarqueront dans le Sussex, à l’embouchure de la Tamise et sur la côte de l’Essex. Les Anglais, peu expérimentés et noyés sous la masse des tirailleurs, n’offriront qu’une faible résistance aux assaillants. Bülow reconnaît que son plan d’opérations n’est pas conforme à sa théorie de la base telle qu’il l’a exposée dans son Geist des neueren Kriegssystems, car si l’on débarque dans le Sussex, le Kent et l’Essex, l’ »angle objectif » se situerait dans le Derby, au centre de l’Angleterre, « où l’on pourrait s’emparer de la source de tous les fleuves« . Mais à la guerre il faut savoir faire des exceptions et, en l’occurrence, ce qui compte, c’est de s’emparer de Londres. La capitale tombée, la résistance cessera aussitôt.

Thellung, en professionnel de la mer et de la navigation, va s’employer à dissiper ce qu’il considère comme une chimère. L’embarquement d’une grande armée exige beaucoup de temps, au moins vingt-quatre heures pour 50 000 hommes, et ne passera pas inaperçue des Britanniques. Une opération aussi considérable ne peut être conduite qu’à partir de plusieurs ports, ce qui pose de difficiles problèmes de coordination, surtout en ce qui concerne l’appareillage des différentes flottes. En raison du courant, l’atterrissage est difficile. 50 000 hommes sont insuffisants pour venir à bout des Britanniques mais, si l’on postule un nombre de 200 000 hommes, comme le fait Bülow, le problème de l’embarquement et du débarquement, qui exigeront un temps énorme, deviendra insoluble. Thellung s’élève avec la dernière énergie contre l’opinion courante concernant la faiblesse de l’armée de terre britannique. Le gouvernement a beaucoup travaillé et l’armée permanente, soutenue par la milice et les volontaires, est devenue un instrument efficace. Mais même en admettant que les Français parviennent à prendre pied sur l’île, la flotte britannique, contre laquelle les envahisseurs ne peuvent rien, détruira les bateaux de débarquement et soumettra les troupes à terre à un impitoyable bombardement. « L’effet conjoint de la nature et de l’art nous convainc d’une vérité qui triomphe de tous les sophismes : une descente en Angleterre est extrêmement difficile, presque impossible« 32. L’histoire devait donner raison au professionnel Thellung contre l’ »excité » Bülow, comme il le nomme.

 

 

 

 

 

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Notes:

 

1 Présentation de la marine. Un essai sur le service militaire en mer par V.E. Thellung de Courtelary, lieutenant-colonel au service du roi de Hollande.

2 Entre autres, une adjonction concernant la capitulation de Copenhague du 7 septembre 1807 et la liste des navires remis par les Danois aux Britanniques.

3 Op. cit., p. IX.

4 Sur Thellung, cf. G. Scholl, « Notice biographique sur le colonel Victor-Emmanuel Thellung, de Courtelary », in Coup d’oeil sur les travaux de la Société jurassienne d’Émulation. Porrentruy, 1857, pp. 49-65 ; E. Bähler, « Viktor-Emmanuel Thellung, 1760-1842 », in Sammlung Bernischer Biographien, Herausgegeben vom historischen Verein des Kantons Bern, 4e vol., Berne, 1902, pp. 253-267 ; « Victor-Emmanuel Thellung de Courtelary, 1760-1842 », in Écrivains militaires de l’ancien Évêché de Bâle. Choix de textes et de documents, ouvrage publié par l’association Semper Fidelis. Pour la généalogie : Historisches-Biographisches Lexikon der Schweiz, 6e vol., Neuchâtel, 1931, pp. 720-721.

5 La Suisse a fourni un certain nombre d’amiraux aux différentes marines du monde. Nous ne mentionnerons que les plus connus : le Genevois Le Fort, grand amiral russe et organisateur de la flotte de Pierre Ier, le Vaudois Pesme de Saint-Saphorin, vice-amiral de la marine impériale sous Léopold Ier, le Genevois Thomas-James Prevost, Rear-Admiral britannique au xixe siècle, le Grison William de Salis, Rear-Admiral britannique et aide de camp naval d’Edouard VII, le Bernois Rodolphe de Steiger, commandant l’escadre de protection de New York, le Saint-Gallois Walter Eberle, commandant l’école navale de Westpoint et, pendant la Première Guerre mondiale, la flotte du Pacifique, le Valaisan Raphaël de Courten, amiral et inspecteur de la flotte sous-marine italienne avant la Seconde Guerre mondiale, etc. Il ne faut pas oublier que depuis le xvie siècle les Bernois entretenaient une flotte de guerre sur le Léman pour s’opposer aux entreprises des Savoyards. À la fin du xviiie siècle, elle comprenait 16 barques, 2 grands bateaux plats, 5 brigantins et 27 barquettes. Cf. « Seewesen », in E. von Rodt, Geschichte des Bernerischen Kriegswesens. Von der Gründung der Szadt Bern bis zur Staatsumwälzung von 1798, Berne, 1834, pp. 170-185.

6 Sur cette époque, il écrit : « La déchéance de la marine [hollandaise] était telle que fin juillet 1781 on ne parvint que difficilement à rassembler une escadre de 8 navires de ligne et de 10 frégates pour protéger une flotte de commerce se rendant dans la Baltique. Cette escadre fit toutefois preuve d’un bel héroïsme dans le combat de Doggerbank le 5 août en combattant l’escadre anglaise qui comptait 7 navires de ligne et 4 frégates. Mais la flotte fut remise en état et en 1783 elle se composait presque entièrement de navires neufs. Un zèle nouveau anima le corps des officiers de marine, qui comprenait des Danois et des Suédois. Les autres marins se formèrent aussi grâce à de bonnes dispositions et à un bon enseignement« . Darstellung, op. cit., II, p. 141.

7 Description, op. cit., p. 4.

8 Francs ou Néofrancs (Neufranken) est le mot, péjoratif, couramment utilisé en allemand à cette époque pour désigner les révolutionnaires français.

9 Militärische Aufsätze von V.E. Thellung von Courtelary, vormals Hauptmann im löblichen Infanterie-Regiment Fürst von Nassau-Usingen, in Diensten Ihro Hochmögenden, die Herren Generalstaaten der vereinigten Niederlande. Erste Abtheilung. Mit Charten, Zürich et Leipzig, 1806, p. 3. L’ouvrage contient : 1) « Projet d’attaque des cantonnements des troupes franques dans le Val Saint Imier » ; 2) « Réflexions sur le plan attribué au général von Erlach pour une attaque contre les deux armées franques en Suisse en 1798 » ; « Réflexions sur le nombre et la force des troupes franques qui ont pénétré en Suisse en 1798 » ; « Tableau de l’armée hollandaise avant la révolution de 1795 » ; « Tableau du régiment d’infanterie Nassau-Usingen jadis au service de leurs hauts et puissants seigneurs » ; « La descente en Angleterre ».

10 Ibid., p. 5.

11 Ibid., p. 9.

12 Bemerkungen über die ehemalige Schweizerische Kriegsverfassung und ihren Einfluß auf die Verteidigung des Kantons Bern 1798, Francfort et Leipzig, 1799.

13 Versuch über die Taktik und Strategie, Leipzig, 1819. La même année, il publie également à La Haye Das Feldzugsspiel des Obrist Messmer, neu bearbeitet in deutscher, französischer une niederländischer Sprache. Il s’agit d’un Kriegsspiel trilingue. Dans les Militärische Aufsätze, op. cit., pp. 213-215, Thellung avait déploré le manque d’écrits militaires en Hollande qui auraient pu contribuer à l’instruction des officiers. « À part les règlements militaires et quelques insignifiants libelles et essais, je ne me souviens pas d’une œuvre militaire récente rédigée par une plume hollandaise. Je me souviens en revanche d’un certain capitaine qui avait entendu célébrer les préceptes tactiques de Saldern comme les meilleurs du genre et qui se les procura lorsqu’éclata la guerre de 1793, afin d’envoyer, comme il disait, les Français au diable. On ne peut que souhaiter qu’il ait réussi cette prouesse !« , op. cit., p. 215. Toujours la même année, il publiait encore à Utrecht les Observations sur le Précis des Batailles de Ligny et de Waterloo par le général Berton.

14 Après 1815, l’ouvrage de C. von Lossau (1780-1848), qui développe des vues volontaristes souvent proches de celles de Thellung, exerça une influence décisive sur de nombreux officiers, prussiens ou non.

15 Op. cit., pp. 115-119.

16 Remarques sur l’ancienne organisation militaire suisse et son influence sur la défense du canton de Berne en 1798.

17 Ces travaux d’histoire militaire n’ont jamais détourné Thellung de la poésie. L’Essai de tactique et de stratégie est précédé d’un poème à la gloire de Guillaume Ier et de la maison d’Orange. En 1822, il publie la traduction allemande d’un poème néerlandais de J. Schouten, La Franc-Maçonnerie. Dans les nombreux papiers qu’il a laissés figuraient en outre des Essais de poésie.

18 On a trouvé dans ses papiers, après sa mort « des extraits de l’histoire de l’architecture par Stieglitz, avec un complément tiré de divers auteurs sur les proportions géométriques ; des extraits de correspondances ayant trait à la Suisse, de 1815 à 1825, renfermant des notices fort intéressantes, tant sur un grand nombre de personnes que sur les événements de cette époque ; un travail sur la science forestière ; des notices diverses sur l’astronomie, la littérature et différentes branches des sciences ; des considérations sur la réunion du système décimal et du système duodécimal ; un travail sur l’échiquier des Chinois et le grand jeu des échecs ; puis en langue française : des extraits, des notices et des mélanges, avec des notes et réflexions fort originales sur quelques auteurs français ; un gros volume de morceaux détachés sur des sujets religieux ; un autre volume de travaux inédits sur toute espèce de sujets ; enfin trois autres, le 1er de mélanges philosophiques, le 2e de mélanges historiques, le 3e traitant des arts et des sciences. » M. Scholl, op. cit., p. 55, note 1. En outre Thellung collabora à diverses revues : Helvetische Monatsschrift, Gemeinnützige Helvetischen Nachrichten, Militärisches Archiv. Il donna à la Pallas de Rühle von Lilienstern une étude sur la conscription en France, n° 4, 1808.

19 Les vers d’Esmenard ont certainement contribué à éveiller de nombreuses vocations maritimes dans la jeunesse du Premier Empire.

20 Description, op. cit., I, p. IV.

21 Ibid., p. VI.

22 Sur cette problématique, cf. l’excellent ouvrage de M. Depeyre, Tactiques et stratégies navales de la France et du Royaume-Uni de 1690 à 1815, Paris, ISC-Économica, 1998, pp. 179-181.

23 Description, op. cit., I, p. X.

24 Ibid., II, pp. 32-33.

25 Ibid., II, p. 35.

26 Ibid., II, p. 36.

27 Versuch, op. cit., pp. 122-123.

28 Darstellung, op. cit., II, p. 107.

29 Ibid., II, pp. 111-113.

30 Ibid., II, pp. 161-162.

31 H.D. von Bülow, « Ueber die Landung in England », Europäische Annalen, vol. 5, 10e cahier, 1803, pp. 82-99. Un officier polonais anonyme ayant démontré dans la même revue (vol. 1, 1er cahier, 1804, pp. 3-14) que Bonaparte ne tenait pas véritablement à la descente, il s’attire une verte réplique de la part de Bülow : « Noch ein paar Worte über die Landung in England, als Antwort auf N° I dieses Heft » (vol. I, 1er cahier, 1804, pp. 81-82).

32 Descente, op.cit., p. 344. Une première mouture de cette étude a été publiée par Thellung dans le Neues Militär-Archiv, vol. 1er, 6e cahier, juillet 1804, pp. 438-447. Il l’a amplifiée dans les Aufsätze (cf. supra), pp. 309-344.

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