Introduction

Lorsque la Victoire, comme un torrent que rien n’arrête, s’élança de Moscou, franchissant le Niémen, fran­chissant les frontières de la Prusse et de la Pologne, on vit se briser les rênes au moyen desquelles la tyrannie d’un conquérant prétendait diriger à son gré les peuples alle­mands courbés sous son joug. Ils étaient attelés, comme des esclaves à son char triomphal qu’ils avaient dû traîner. Mais, comme sur un ordre de Dieu, fers et rênes, tout vola dans les airs. Délivrés de cette étreinte, échappés à cette ignominie, rendus enfin à la liberté, quelle honte pour ces peu­ples si dociles et consentants, venus se soumettre à leurs oppres­seurs, offrir d’eux-mêmes leurs fronts au joug ! Même pour l’animal le plus vil l’esclavage n’a pas tant d’attraits, et quelle corruption il faut au cœur de l’homme pour se ravaler ainsi au-dessous de la bête!

Au travers de la neige et des forêts de la Courlande, sans bruit, en ordre, le cœur vaillant, se retirait la petite armée prussienne, oubliée, abandonnée par les Français auxquels la fuite donnait des ailes ; elle venait reprendre sa vraie, sa seule mission : servir son roi et lui obéir. Un corps russe l’avait devancée sur la frontière et lui barrait la route ; mais des deux côtés la raison et le cœur guidaient les chefs et l’on s’entendit vite. C’est sous la contrainte que les Prussiens avaient envahi la Russie ; c’est le droit du plus fort qui les y avait poussés. Ce droit n’existait plus. En employant incon­sidérément la force, l’empereur français lui en avait de lui-même enlevé sa valeur. Les Prussiens pou­vaient se permet­tre de ne plus se considérer comme les ennemis des Russes ; tant qu’ils avaient gardé leur indépen­dance, ils ne l’avaient pas été, et la seule obligation qu’ils pussent désormais se re­connaître était d’aller au-devant des nouveaux ordres de leur roi. Quant aux Russes, croyant à l’union prochaine de tous les peuples mûrs pour la délivrance, leur intérêt leur com­mandait évidemment de mettre fin aux effets de cette al­liance forcée de la Prusse avec la France, et d’ouvrir les voies vers une étroite union.

Sans amitié, ni haine, mais respectueux de leur indé­pen­dance mutuelle, les deux corps se retirèrent chacun de son côté et les Prussiens regagnèrent les cantonnements de leur pays où ils gardèrent la neutralité.

Mais à peine cette petite armée se fut-elle arrachée au joug de l’oppresseur, à peine le peuple eut-il vu ces conqué­rants superbes revenir en débris, misère ambulante, pauvres men­diants méprisés de conquérant doit toujours réussir s’il ne veut être justement honni, qu’alors, emporté par la force de sa destinée, ce peuple aspira à une existence libre et indé­pendante et comprit qu’il devait rassembler toutes ses for­ces ; car, il fallait cette fois défendre cette indépendance mieux et plus énergiquement que dans la malheureuse an­née 1806.

Le roi et ses ministres entendirent la voix du peuple et partagèrent ses sentiments ; ils comprirent que leur devoir était de l’appuyer de toutes les forces de l’autorité et de l’ordre établis ; ils se rendirent compte qu’en ce court mo­ment d’indépendance, il fallait faire l’impossible pour réunir au plus tôt toutes les forces, livrer le grand combat et conquérir encore une fois une existence libre parmi les peu­les de l’Europe.

C’est ainsi que la, Prusse modifia sa position et que dans la nouvelle lutte pour l’indépendance de l’Europe, elle fut la première alliée de la Russie.

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