LA  BATAILLE  AÉRIENNE DE  VERDUN

Gaëtan Sciacco

 

            Lors d’un récent colloque sur la guerre aérienne, le chef d’état-major des armées, le général Douin, déclarait :

            « En 1916, la bataille de Verdun a été pour la première fois un événement majeur dans la guerre aérienne, car elle fut aussi une bataille pour la maîtrise de l’air [1]. »

            Je me garderais bien de contredire ces paroles et renchérirais plutôt en affirmant que la bataille aérienne de Verdun est bien la première bataille aérienne de l’Histoire au sens où elle oppose deux flottes de combat qui luttent dans le but avoué de s’approprier la maîtrise du ciel au-dessus d’un espace donné. C’est la première fois également que cette notion de maîtrise de l’air est complètement admise et soutenue par les états-majors des deux camps.

            Mais pour en arriver à ce stade de l’emploi de l’avion, il a fallu que ce dernier s’impose comme véritable arme. Que de chemin parcouru, et en si peu de temps, quand on songe qu’aux premiers jours du conflit, l’aéronautique militaire française n’est qu’un service auxiliaire de l’armée de terre. Un auxiliaire auquel le commandement n’accorde d’ailleurs que peu de confiance.

            Le génial visionnaire Clément Ader, qui a fait voler son Eole le 8 octobre 1890, a eu beau exposer dans son ouvrage L’aviation militaire, paru en 1911, l’emploi de l’avion au combat au travers des missions de chasse, de bombardement, de reconnaissance tactique, les militaires regardent l’aviation comme un sport plus que comme une arme.

            A la veille de la Première Guerre mondiale, l’armée s’est dotée d’une composante aéronautique, sous l’action de précurseurs tels le capitaine Ferber et le colonel Renard qui expérimentent des avions dès 1910 pour le compte du Génie. De même, le général Roques commandant de l’Inspection Permanente de l’Aéronautique (IPA) et le général Hirschauer, son successeur, mènent une politique d’acquisition de machines.

            Mais, à l’intérieur de systèmes stratégiques basés, ne l’oublions pas, sur une guerre courte, l’emploi de l’avion se limite à des missions d’observation pour le commandement. Et encore, ce commandement reste sceptique sur les possibilités des machines. Le bombardement et l’appui tactique sont évoqués par les plus hardis, quant à la chasse – le combat entre avion – l’idée rencontre une objection quasi unanime [2].

            Comment est organisée l’aviation en août 1914 ?

            A l’Avant, la base de l’organisation est l’escadrille. L’aviation française entre dans le conflit avec 23 formations, dont 2 de cavalerie. Chacune comporte 6 appareils, sauf les escadrilles de cavalerie (3 appareils), de même type. En tout 132 avions, contre 34 escadrilles soit 252 appareils coté allemand.

            L’escadrille est commandée par un chef faisant partie du personnel navigant. Par contre, les observateurs sont rattachés à l’armée pour laquelle les reconnaissances sont menées. Dans chaque armée, un officier est désigné comme directeur de l’aviation, conseiller technique du général commandant. Enfin, au GQG [3], un officier général directeur du service aéronautique est attaché au haut commandement.

            A l’Arrière, au ministère de la Guerre, l’aéronautique est représentée par une modeste 12e Direction, chargée de régler les questions de production et de formation. A cette direction politique s’ajoute une direction technique animée par le Service des Fabrications de l’Aviation (SFA), créé le 21 février 1914 et basé à Chalais-Meudon. Le SFA est chargé d’assurer les achats d’appareils et, par l’intermédiaire de son atelier de réparation, de la maintenance des machines (cellules et moteurs). Dernière composante du SFA, un Service Technique chargé d’étudier les caractéristiques des nouveaux avions [4].

            Quel est le matériel utilisé par les aviateurs français en août 1914 ?

            L’avion est à peine sorti de sa période « sportive », il n’est pas encore une machine de guerre.

            Les avions en service peuvent se répartir en trois catégories :

            – biplan sans fuselage : Maurice Farman MF 7, Henry Farman HF F 20, Voisin 3, tous à moteur arrière et le Caudron G 3 à moteur avant ;

            – biplan à fuselage : Breguet AG 4 et Dorant ;

            – monoplan : Blériot XI, Deperdussin TT, Nieuport 6M, Morane H et REP N.

            Les performances de ces machines sont modestes [5] :

            – vitesse entre 95 km/h et 120 km/h pour les biplaces, de 110 à 135 km/h pour les monoplaces ;

            – plafond de 1 500 à 4 000 m ;

            – autonomie de 2 à 4 heures de vol ;

            – armement aucun.

            Mais les combats du début du conflit donnent à l’avion une importance jusqu’alors insoupçonnée. Les aviateurs improvisent de nouvelles missions et le haut commandement français tire rapidement les leçons de ces expérimentations.

L’adaptation de l’aviation à la guerre

            Le 3 août 1914, l’Allemagne déclare la guerre à la France. Après un mois de crise, l’Europe est jetée dans le premier conflit mondial. L’aviation, elle aussi, entre en guerre et démontre rapidement qu’elle a d’autres capacités que celles d’exécuter des missions de reconnaissance.

            Les initiatives des aviateurs

            Le peu d’importance que le commandement accorde à l’aviation devient un avantage dans la mesure où les aviateurs jouissent d’une grande initiative. Pilotes et observateurs imaginent et expérimentent de nouvelles utilisations de l’avion [6].

            Au retour d’une reconnaissance, les équipages lancent sur les lignes adverses des fléchettes par paquets de 500 (fléchettes Bon) ou des obus d’artillerie de 90 ou 120 (le 75 est réservé à l’artillerie) modifiés par ajout d’un empennage à ailettes. Ils procèdent également à des réglages de tirs d’artillerie. D’autres emportent des appareils photos pour prouver au commandement le bien-fondé de leurs observa-tions. Certains, enfin, s’arment de revolvers et de carabines pour tirer sur les appareils allemands.

            Quelques-unes de ces improvisations sont entrées dans l’Histoire en même temps qu’elles ébauchaient pour l’avion ses nouvelles missions.

            Le 10 septembre 1914, grâce aux renseignements et réglages de l’aviation, la moitié de l’artillerie du 16e Corps d’Armée (CA) allemand est détruite par les canons français dans la région de Thiaucourt.

            Le 3 août 1914, un Taube allemand lâche trois bombes sur Lunéville. Mais le 14 août, les Français répliquent par l’intermédiaire de deux Voisin 3 pilotés par le lieutenant Césari et le caporal Prudhommeau qui bombardent le hangar à Zeppelin de Metz. Leurs avions sont équipés de lance-bombes imaginés par le capitaine Mauger-Devarennes qui permettent de larguer des obus fuselés de 150 mm. Le 18 août, l’aviateur Finck survole et bombarde ces mêmes hangars touchant un Zeppelin.

            Le 5 octobre 1914, le pilote Frantz et son mécanicien Quenault remportent la première victoire aérienne de l’histoire en abattant un Aviatik à l’aide d’une mitrailleuse Hotchkiss monté pour expérimentation sur leur Voisin 3.

            Mais, c’est la bataille de la Marne qui donne à l’avion ses lettres de noblesse et l’assure de la confiance du haut com-mandement.

            Le 2 septembre, le caporal Breguet et son observateur Watteau sont les premiers à déceler le mouvement de la Ière armée de von Kluck vers le Sud-Est. Dans le même temps, le capitaine Bellenger, commandant l’aviation de la VIe armée Maunoury, envoie ses escadrilles (REP et MF) en inspection vers Creil et Senlis. Les appareils signalent un mouvement allemand identique. Enfin, le 3 septembre, ces observations sont confirmées par les pilotes Prot et Hugel, les Allemands présentent leur flanc droit aux Français. Le général Gallieni, commandant du camp retranché de Paris, avise Joffre le 5 septembre. Celui-ci décide d’attaquer, c’est la bataille de la Marne (6-13 septembre) qui permet aux Français et aux Anglais de redresser une situation dramatique en repoussant l’envahisseur.

            Dès les premiers mois de la guerre, l’aviation diversifie ses tâches. De ces improvisations le commandement tire les enseignements et réorganise l’aéronautique militaire dans le sens d’une spécialisation des missions des aviateurs.

            La réorganisation de l’aviation aux armées

C’est de la zone de l’Avant que part la réorganisation de l’aviation. Dès le mois de septembre, Joffre a pris conscience de l’importance de ce nouvel outil. Le 25 septembre, il nomme, pour réformer l’aéronautique, le com-mandant Barès, jusqu’alors commandant de l’aviation de la IVe armée, au poste de directeur du service aéronautique, en rem-placement du général Voyer, partisan des dirigeables.

            L’œuvre de Barès s’exerce dans trois directions, la spécialisation des missions, la qualité des appareils, l’augmen-tation du nombre de machines.

            Dès le début, le nouveau directeur s’attache à remodeler les structures des services aéronautiques dans le sens d’une spécialisation des missions. A ce titre , il est l’inspi-rateur de la note de Joffre à Alexandre Millerand, ministre de la guerre, datée du 10 novembre 1914. Joffre y déclare :

            « L’organisation de l’aviation aux armées doit désormais correspondre à ces nouveaux rôles, les escadrilles doivent se spécialiser au moins dans une certaine mesure [7]. »

            C’est le bombardement qui est la première mission promue par le GQG. Le 27 septembre est créé le 1er Groupe de Bombardement (GB) formé de 3 escadrilles de Voisin LA 5 ayant pour tâche d’attaquer les objectifs militaires sur les arrières immédiats de l’ennemi en appui des frappes de l’artillerie.

            Barès donne à chaque armée une aviation de recon-naissance et de chasse. De même, au niveau des CA, il met à disposition de ces unités des escadrilles pour l’observation et le réglage de tirs d’artillerie [8].

            En 1915, chaque armée compte deux escadrilles, chaque CA une formation et chaque régiment d’Artillerie Lourde (AL) une section d’avions.

            A coté de la réorganisation des unités au front, Barès se préoccupe de donner aux aviateurs des matériels de qualité. Il fait disparaître la mosaïque d’appareils en service pour ne plus conserver que les plus aptes au combat. Il écarte ainsi les Blériot, Nieuport, Dorant, REP et Deperdussin. Quatre machines sont jugées capables d’accomplir les missions :

            – Voisin LA 5 pour la reconnaissance et le bombar-dement ;

            – MF 7 pour l’observation ;

            – Caudron G 3 pour l’exploration et le réglage de tir ;

            – Morane-Saulnier Parasol pour la chasse.

            Enfin, Barès s’attache à renforcer la production des appareils en lançant, le 8 octobre, un premier programme d’équipement. Ce plan prévoit de porter le nombre des escadrilles de 31 à 65 en 3 mois [9]. Ces formations doivent être spécialisées dès leurs entrées en ligne. Il est prévu de créer :

            – 16 escadrilles d’armées pour la chasse d’armée et la reconnaissance ;

            – 30 escadrilles de CA pour l’observation et le réglage de tir ;

            – 16 formations de bombardement, soit quatre GB

            La réorganisation des services de l’Arrière

            A l’Arrière, le directeur de l’aéronautique militaire au ministère de la guerre est le général Bernard, un artilleur, en poste depuis le 28 mars 1913.

            Bernard croit, comme la plupart de ces contemporains, à une victoire rapide. Cela explique les décisions qu’il prend dès le début des hostilités. Il ferme les écoles de pilotage, renvoi le personnel du SFA en unités et stoppe les commandes d’avions aux constructeurs.

            Rapidement, le combat dément l’idée de guerre courte, dans laquelle l’avion ne jouerait qu’un modeste rôle d’observateur. Le 11 octobre, le général Bernard est démissionné et cède sa place au général Hirschauer, ancien Inspecteur Permanent de l’Aéronautique militaire d’avril 1912 à septembre 1913, qui entreprend la réforme de l’aviation à l’Arrière [10].

            Le nouveau responsable de la 12e Direction fait porter ses efforts sur deux points :  remise en fonctionnement des services militaires de l’aviation et rationalisation des productions chez les constructeurs.

            Il réactive les structures militaires, ainsi le SFA, à qui il demande de perfectionner les machines et leurs armements, et les écoles de pilotage de Pau et Avord qui reprennent leurs activités. Il créé l’école de Chartres et militarise celles de Buc et d’Etampes.

            Dans le même temps, il décide de réorganiser les productions pour donner aux GQG les avions qu’il a choisis. Blériot fabrique des Caudron, Nieuport, Breguet et REP des Voisin [11].

            Parallèlement, les constructeurs reprennent rapidement leurs activités et mettent au point des machines plus puissantes et plus adaptées au service armé. Entrent en unité dès le début de l’année 1915 :

            – le Caudron G 4 bimoteur qui prend la succession du G 3 ;

            – le Voisin LA 5 S pour le bombardement ;

            – le MF 11 à moteur propulsif qui remplace le MF 7.

            Sous l’action conjuguée de Barès à l’Avant et Hirschauer à l’Arrière, les productions et les livraisons augmentent : 100 avions au mois d’octobre, 137 en novembre, 192 en décembre, 262 en janvier 1915 et 431 en mars.

            Le début du conflit a démontré que l’avion est apte à un service armé dépassant largement le simple cadre de la reconnaissance. 1915 voit l’aéronautique militaire « mûrir » ses missions dans le sens d’une spécialisation toujours plus grande. Mais 1915 est également une année de tensions à l’Avant comme à l’Arrière.

1915 : une année de réforme et de crise

            1915 est une année difficile pour l’aviation française. En pleine mutation, elle se dirige vers une spécialisation des missions qui amène un renforcement du rôle de l’avion dans la bataille. Ces nouvelles théories d’emploi apportent des succès initiaux aux ailes françaises, mais l’aviation allemande, suivant une évolution doctrinale similaire, s’adjuge, dès l’été, une supériorité aérienne qui trouve son origine dans la supériorité technique des matériels aériens utilisés.

            Dans le même temps, une crise secoue l’Arrière. Les réformes du sous-secrétaire à l’aéronautique René Besnard soulèvent de vives critiques de la part des parlementaires et des industriels, qui obtiennent du gouvernement la démission de René Besnard et le retour à une 12e Direction.

            La spécialisation des escadrilles

Avec la stabilisation du front et l’organisation des tranchées, on peut dire que le contact est partout le long du front. La guerre d’usure remplace la guerre de mouvement. Pour gagner, il faut percer. Toute manœuvre repose sur la rupture du système fortifié adverse.

            Pour l’aviation, cela signifie que trois missions deviennent essentielles.

            Premièrement, les missions de reconnaissance au-delà du front, qu’on pourrait qualifier de stratégiques, perdent de leur importance au profit d’une exploration détaillée des tranchées à détruire pour accomplir une percée.

            Deuxièmement, l’avion apporte son appui à l’artillerie, arme de rupture par excellence, en réglant les tirs des canons.

            Enfin, l’avion devient lui-même artillerie en bombardant les lignes ennemies et au-delà le territoire allemand.

            L’observation du champ de bataille

            L’aéronautique se met à la disposition des opérations qui préparent la percée. Les avions opèrent des missions d’observation du front. Pour cela, les aviateurs prennent des photographies des lignes ennemies [12]. Ces clichés permettent de connaître le réseau des tranchées, d’apprécier la valeur des défenses, de juger des points forts et des points faibles du dispositif adverse. De plus, ils permettent d’établir les cartes indispensables à l’état-major.

            Le réglage de tirs

            Les réglages de tir d’artillerie sont, au début des hostilités, victimes des difficultés de liaison entre air et terre. La batterie dont le tir est contrôlé doit ouvrir le feu à une heure convenue, l’avion en observation informe des résultats du tir en jetant un message lesté ou plus rarement en descendant rendre compte de la précision du tir et si besoin des rectifications à y apporter [13].

            Plus tard, la communication s’effectue par évolutions de l’appareil ou par artifices lumineux codés (projecteurs ou fusées). La TSF apporte une amélioration. L’avion muni d’un poste, émetteur uniquement, transmet instantanément ses observations aux batteries intéressées en morse. Au sol, les artilleurs communiquent par projecteur ou par drapeau de type marine. 

            En 1915, lors de l’offensive d’Artois (mai-juin) et surtout de Champagne (septembre-octobre), l’observation et le réglage de tirs par avion jouent un rôle important. Chaque CA dispose de 2 avions d’observation, d’un appareil et d’un ballon pour le réglage.

            On peut lire dans le règlement du 12 août 1915 sur l’emploi de l’aviation en liaison avec l’Artillerie Lourde (AL) :

            « Le nombre de sous-groupement d’artillerie lourde à créer dans un secteur est égal au nombre d’avions TSF que l’on peut y mettre en place [14]. »

Le bombardement « stratégique »

            De toutes les nouvelles tâches de l’avion, le bombardement est celle qui a eu le moins de mal à s’imposer et les résultats demandés ont toujours dépassé les moyens mis en œuvre.

            Deux types de missions ont été effectués par les GB :

            – un bombardement qu’on peut qualifier d’appui tactique, au travers des attaques de colonnes en marche ou de batteries d’artillerie.

            – un bombardement qu’on peut qualifier de stratégique dans le sens ou il prend pour cible les villes, les gares ou les usines allemandes.

            C’est cette dernière utilisation qui est jugée la plus rentable par les militaires comme par les politiques.

            Les matériels sont adaptés et perfectionnés pour accomplir ce type de mission. Les Voisin sont équipés de casiers à bombes et de viseurs. Jusqu’à l’été 1915, aucune tactique n’est adoptée, les missions se font de jour, à une altitude de 1 500 à 2 000 mètres d’altitude. Aucune DCA ni chasse ne s’oppose aux bombardiers, cela explique les succès français dans ce domaine.

            En mai 1915, le nombre des GB s’élève à quatre. Le 27 mai 1915, 18 appareils du GB 1 attaquent les usines chimiques de Ludwigshafen larguant environ 80 bombes, seul un avion ne rentre pas. Le 15 juin, 23 avions attaquent Karlsruhe.

            Face à ces attaques, la DCA allemande est renforcée, ce qui amène une évolution dans les formations de bombardement. Désormais, ce sont d’importantes masses d’appareils qui attaquent pour multiplier le nombre de cibles. Le 25 août, 62 appareils bombardent les haut-fourneaux de Dillingen. Et les raids se succèdent sur Sarrebruck, Trêves.

            La crise à l’Avant

            Mais la période de supériorité de l’aviation française se termine. L’Allemagne s’appuyant sur des innovations tech-niques et sur les Fokker E (pour Eindecker monoplan), le premier véritable chasseur du conflit, reprend l’ascendant.

            La plus importante des innovations réside sans nul doute dans la mise au point par Anthony Fokker du système de tir synchronisé à travers l’hélice.

            Ce sont pourtant les Français qui ont débuté les recherches pour améliorer l’armement des chasseurs. En mai 1914, Raymond Saulnier dépose un brevet portant sur un dispositif de tir synchronisé avec l’hélice, mais ce système se révèle peu fiable. Le constructeur se rabat alors sur un procédé moins ambitieux alliant une certaine synchronisation et un blindage de la partie de l’hélice située face à la sortie d’une mitrailleuse Hotschkiss. Certaines balles passent, les autres s’écrasent contre le blindage. Pour viser, il suffit de pointer l’avion lui-même.

            C’est avec la collaboration de Roland Garros, pilote à la MS 23, qu’il perfectionne ce dispositif et le rend opérationnel sur un Morane Saulnier type N. Ce dispositif monté sur un MS Parasol L permet au pilote de remporter trois victoires du 1er au 18 avril sur le front Nord. Mais le 19 avril 1915, Garros touché est contraint de se poser derrière les lignes allemandes. Il ne parvient pas à détruire son appareil.

            Le système est envoyé à Anthony Fokker qui travaillait sur le même sujet. Le Hollandais l’étudie et parvient à mettre au point un tir synchronisé à travers l’hélice d’une grande fiabilité avec une mitrailleuse Parabellum. Ce système est installé sur un monoplace M.5K d’avant-guerre sous la désignation Fokker M.5K/MG (MG pour Maschinengewehr; mitrailleuse), puis sur un Fokker E I.

            Quand il apparaît à l’été 1915, le Fokker E I manque de puissance avec son moteur Oberursel de 80 ch. Mais rapidement des modèles améliorés, E II, mais surtout E III à partir de décembre, entrent en ligne, équipés d’un Oberursel rotatif de 100 ch et de deux mitrailleuses Parabellum ou Maxim.

            L’ère du « fléau des Fokker » débute, servie par de remarquables pilotes tels Oswald Boelcke et Max Immelman. La tactique d’emploi du chasseur est identique en Allemagne et en France. Les Fokker patrouillent à deux recherchant les ennemis isolés, ou escortent les avions de reconnaissance Aviatik. 

            Coté français, les Voisin utilisés pour les missions de bombardement sont trop lents et trop vulnérables face à ces redoutables chasseurs. Il en va de même pour les avions d’escortes. Les pertes françaises augmentent alors dans de telles proportions que le bombardement de jour est arrêté. A partir de juillet 1915, les missions sont accomplies de nuit au détriment de la précision. L’intensité des attaques baisse.

            Même si les Allemands n’engagent les Fokker qu’à l’intérieur de leurs lignes pour garder le secret du tir synchronisé, la chasse détient un avantage majeur qui met les Français et les Anglais en position d’infériorité.

            La crise de l’Arrière

            L’aviation française est une arme en plein essor. Pourtant, elle est confrontée à une crise de jeunesse dès l’été 1915. C’est que l’aéronautique militaire est dirigée par deux services parallèles : le GQG à l’Avant et la 12e Direction à l’Arrière, entre lesquels il n’existe aucune liaison, aucune coordination. Cette dualité de commandement est à l’origine de la crise de croissance que connaît l’aviation.

            Les productions ne progressent plus, les constructeurs ont du mal à mettre au point les nouveaux modèles de machines adaptées à la guerre (biplan Breguet, Farman F 40, Nieuport-Delage 11), les moteurs propulsant les avions man-quent de puissance.

            Ces problèmes n’échappent pas aux politiques en charge de l’aviation. Le 28 mars 1915 est créée une sous-commission à l’aéronautique à l’Assemblée Nationale. Le 5 juillet [15] puis, le 23 septembre [16], elle réclame une collabo-ration accrue entre les zones Avant et Arrière.

            En fait, les problèmes entre les deux zones trouvent leurs origines dans le statut et la position des organes ayant en charge l’aviation. Au GQG, le général Barès est en première ligne, il est confronté quotidiennement aux innovations d’une arme naissante et il doit adapter, au jour le jour les structures aux nouvelles utilisations de l’avion. Au contraire, la 12e Direction n’a pas de pouvoir de décision immédiat, elle n’est qu’un bureau qui passe des commandes. S’il n’est pas possible d’obtenir des avions mieux armés, plus rapides et des moteurs plus puissants, c’est que les conditions techniques du moment ne le permettent pas. Les constructeurs font leur maximum pour perfectionner leurs appareils et les produire en masse, cela prend du temps.

            Pour régler cette crise, le domaine politique reprend en main la nouvelle arme. Afin de donner à l’aviation une seule et unique direction, le gouvernement créé, le 13 septembre 1915, un sous-secrétariat d’Etat à l’Aéronautique militaire, confié au député René Besnard.

            Ce dernier prend rapidement des mesures contre le désordre et le gaspillage : création d’un bureau de statistique afin de tenir un compte exact des matériels livrés, création d’une Inspection générale des matériels aériens confiée à des officiers de l’Avant et d’un organe similaire à l’Arrière.

            Pour accroître la production, René Besnard réforme les services de l’Arrière. Le Service Technique voit son domaine d’investigation étendu vers tous les types d’armement. L’Atelier de réparation acquiert son indépendance [17]. Le SFA est restructuré. Enfin, un Service industriel est mis en place avec la mission de fournir aux industriels la main d’œuvre, les matières premières, les usines qui leurs sont nécessaires [18].

            René Besnard met en place une véritable politique industrielle. En accord avec la Chambre Syndicale des Industries Aéronautiques, il établit un système de conventions provisoires des commandes liant l’Etat et le constructeur [19]. Cette convention détermine l’importance de la commande, les délais de livraisons, un prix unitaire provisoire des machines. Ce texte entre en application après la démission du sous-secrétaire d’Etat.

            Le 21 novembre 1915, constatant l’infériorité des appareils français, le GQG décide de lancer un plan en grande partie constitué de matériels nouveaux, visant à aligner, dès le printemps 1916, 1 310 avions. L’état-major s’oriente vers des appareils triplaces, bimoteurs, en état de se défendre vers l’arrière comme vers l’avant et de mener à bien des missions de bombardement, de reconnaissance et de chasse. Pour cela, le commandement compte s’appuyer sur deux atouts :

            – le moteur Hispano-Suiza 150 ch qui a été évalué par l’état-major en juin 1915 ;

            – le bimoteur triplace Caudron R 4 qui a volé au cours du premier semestre 1915.

            René Besnard soutient ce plan d’équipement. Mais ce programme est vivement critiqué par les industriels car il implique l’abandon progressif des constructions en cours et des investissements importants et par les parlementaires qui mettent en doute le choix des appareils. A cela s’ajoute le fait que la refonte des structures de l’aviation, mise en route par le sous-secrétaire, ne remporte pas une adhésion unanime.

            Les attaques contre René Besnard et le plan du GQG s’amplifient à tel point que le gouvernement, inquiet, décide de réunir une commission d’enquête sur le programme du 21 novembre. Celle-ci conforte les décisions prises et maintient le programme [20]. Cela n’est pas suffisant pour calmer les esprits, soumis à une violente campagne de presse. René Besnard démissionne le 8 février 1916. Le gouvernement restaure la 12e Direction à la tête de laquelle est nommé le colonel Régnier qui poursuit dans la même voie que René Besnard. Quelques mois plus tard, la Chambre des députés, réunie en comité secret, rend hommage à l’œuvre de René Besnard [21].

            A la veille de la bataille de Verdun, la situation n’est pas bonne, mais les germes du redressement sont présents.

            A l’Avant, les Fokker ont stoppé les raids de bombardement stratégique pratiqués par les GB. Les chasseurs allemands sont supérieurs aux appareils français. Le Nieuport XI, dit « Bébé », qui commence à entrer en unité est par bien des points supérieur aux avions allemands. A Verdun, le Nieuport, utilisé selon une nouvelle doctrine d’emploi de la chasse, donne la maîtrise de l’air aux Français. A l’Arrière, le sous-secrétariat de René Besnard n’a pu se maintenir face aux critiques, mais les réformes qu’il a entreprises ont préparé le terrain à une véritable politique industrielle.

VERDUN

            Les avions allemands dominent le ciel de Verdun

Le généralissime allemand von Falkenhayn est convaincu du rôle important dévolu à l’aviation sur le champ de bataille, c’est pourquoi il décide d’utiliser en masse l’avion à Verdun. Il réunit dans la zone des combats :

            – 12 escadrilles (Feldfliegerabteilung) de 8 avions chacune ;

            – 4 escadres de combat (Kampfgeschwader) composées de 6 escadrilles de 6 avions polyvalents (chasse, protection, bombardement léger) chacune.

            A ces forces viennent s’ajouter 40 chasseurs Fokker E et Pfalz E. Au total, le 21 février 1916, 280 appareils allemands opèrent sur le front de la RFV (Région Fortifiée de Verdun). La zone des combats est divisée en 2 secteurs à l’intérieur desquels opèrent 2 escadres chargées de faire barrage aux avions français.

            Si du point de vue des forces, les Allemands ont réussi à masser devant Verdun une véritable armada aérienne, du point de vue de l’organisation l’unité n’est pas parfaite. Von Falkenhayn n’a pas réussi à créer un commandement unique pour toute cette force. L’aviation allemande reste divisée entre les armées, ce qui nuit à la coordination des mouvements.

            Les effectifs de l’aviation française de la RFV le 21 février 1916 se résument à quatre escadrilles :

            – 2 de Corps d’Armée ayant pour mission l’observation, la MF 63 et la C 18 ;

            – 2 d’Armées, la C 11 pour l’observation et la N 23 pour la chasse ;

            – 1 section de photographie aérienne ;

            – 2 compagnies d’aérostiers, la 28 et 31e, pour le réglage des tirs d’artillerie .

            En tout 70 appareils ce qui est insuffisant pour résister à l’aviation allemande qui s’octroie rapidement la maîtrise du ciel.

            Falkenhayn a l’intention dès le début de l’offensive d’aveugler l’artillerie française en la privant de ses ballons et des avions de Corps d’Armée.

            Contre l’aviation d’observation, il met en place un barrage d’avions « Luftsperre », constitué de patrouilles d’appareils biplaces interdisant le ciel aux français. Derrière ce barrage, volent les Fokker chargés d’abattre les ennemis réussissant à passer. Contre les ballons, il imagine une nouvelle tactique consistant à utiliser les canons par paires, l’un tirant sur le ballon en ascension, l’autre sur le treuil au sol. Cette technique réussit parfaitement.    

Les aérodromes sont pilonnés par l’artillerie, celui d’Ancemont par exemple reçoit les 21 et 22 février près de 1200 obus de 130 mm.

            Les escadrilles de Verdun sont complètement débordées et numériquement incapables de remplir les missions demandées. Elles sont jetées hors du champ de bataille, tandis que les canons les expulsent des terrains.

            Côté français, deux escadrilles, la N 67 et la MS 72, arrivent en renfort dans les premières heures de la bataille. A cela s’ajoutent deux compagnies d’aérostiers la 39e et la 52e. Le pilote Navarre est détaché à l’escadrille N 67. Dix-huit escadrilles de reconnaissance sont envoyées le 24 février. Puis, le 25 février, suivent huit formations de reconnaissance, cinq pour le réglage de tir (plus quatre ballons), une pour les missions photographiques.

            Mais même si l’avantage sur le plan de la bataille reste faible, les Allemands ne disposant pas de bombardiers lourds de jour et de nuit, ils obtiennent la maîtrise du ciel de Verdun, ce qui rend l’artillerie française aveugle.

            La réaction française : un nouvel emploi de la chasse

            Quand le général Pétain prend le commandement de la IIe armée le 25 février, la situation de l’aviation française est désespérée. Face à l’urgence et afin de reconquérir la maîtrise du ciel, pour aider l’artillerie et faciliter les reconnaissances, le général Joffre, le colonel Barès et le général Pétain décident d’adopter une nouvelle conception de l’utilisation de la chasse.

            La réaction française du point de vue aérien face à la domination allemande se situe sur trois plans : l’emploi de la chasse, l’emploi de matériels de pointe et l’emploi de pilotes expérimentés. Pour mettre en place cette triple parade, Pétain fait appeler au commandement de l’aviation engagée à Verdun le commandant Jean Baptiste Charles de Rose, directeur de l’aviation de la Ve Armée et chef de la MS 12 qu’il a créée le 1er mars 1915. Il est secondé par les capitaines Le Révérend et Broccard.

            Le 28 février le général Pétain demande à de Rose de balayer le ciel de Verdun et lui donne carte blanche. Du 28 février au 2 mars, de Rose rassemble dans le secteur de Bar-le-Duc/Verdun les formations de chasse : N 65 (la première escadrille dotée de Nieuport XI), N 37, N 15, N 57 et N 69. Ce sont ces formations qui constituent l’outil d’une nouvelle doctrine d’emploi des chasseurs.

            L’œuvre du commandant de Rose : le Groupement de Combat (GC)

            Depuis 1915, la chasse est menée ponctuellement pour la protection des avions de CA ou des bombardiers. Il n’était pas envisagé une permanence dans le ciel et encore moins le gain de la maîtrise de l’air sur un grand espace et sur le long terme.

            De Rose donne une organisation de la chasse rigoureusement inverse. Il décide de créer une grande formation de combat, groupant plusieurs escadrilles, opérant offensivement et sous commandement unique. Les escadrilles sont détachées des armées auxquelles elles appartiennent et sont réunies au sein d’un Groupe de Combat (GC) commandé par de Rose.

            Il expose ses principes dans une note datée du 29 février 1916 :

            « Des reconnaissances offensives seront effectuées suivant des tours réguliers, à heures fixées. Ces reconnaissances bien qu’exécutées en force devront être aussi nombreuses que possible. La mission des aviateurs est de rechercher l’ennemi pour le combattre et le détruire sur tout le front, de Saint-Mihiel à Sainte-Menehould. (…) L’objectif est de créer une zone de danger pour l’ennemi [22]. »

            « Il faut placer l’ennemi sous la menace constante d’une attaque en force et de toute part [23]. »

            « A toutes les heures, des groupes d’avions passent les lignes ennemies, parcourent de vastes itinéraires à la recherche des appareils adverses qu’ils doivent absolument détruire [24]. »

            Deux maîtres mots sous-tendent la réflexion du tacticien, permanence et masse. Ces deux impératifs s’exercent à travers un double vecteur :

            – des patrouilles régulières de trois à cinq avions opèrent au-dessus du front et attaquent l’ennemi présent dans ce secteur ;

            – des groupes plus importants de dix à vingt appareils mènent, à heures variables, des rondes et poussent des pointes offensives à l’intérieur même des lignes ennemies.

            Les croisières des petites unités comme de forces plus importantes sont d’autant plus faciles à régler qu’elles sont décidées par un responsable unique de l’aviation de chasse pour tout le secteur de Verdun. Le travail en patrouille rationalisé, imposant une discipline de vol, fait passer au second plan le combat individuel, apanage de la chasse, même si finalement c’est toujours au cours d’un duel que ce termine l’affrontement.

            Ainsi assurant une permanence en masse dans le ciel, la situation de l’aviation française s’améliore au cours de la première quinzaine de mars.

            Mais l’idée d’un GC important privant les armées de leurs chasseurs a du mal à s’imposer. Au GQG, nombreux sont les militaires qui ne croient pas dans la chasse, comme nouvelle spécialisation de l’avion après l’observation, le réglage d’artillerie et le bombardement. Ils sont plutôt favorables à l’idée d’équiper les avions de CA (observation, réglage) d’armes défensives.

            Le 21 mars le GC est dissous. De Rose est éloigné.

            Les escadrilles de chasse sont à nouveau réparties entre les secteurs aéronautiques d’armées et n’assurent plus qu’une mission de protection rapprochée des avions d’observation et de réglage de tir. Il n’y a plus de patrouille permanente dans le ciel de Verdun, les Allemands se font de nouveau plus menaçants dans le ciel. Devant cette constatation, le Groupement est recréé, dès le 28 mars, sous les ordres du commandant Le Révérend, qui applique à nouveau la doctrine du commandant de Rose.

            La doctrine d’emploi de la chasse doit avoir une certaine souplesse. Les croisières de grande formation de chasse sont efficaces car elles créent une zone d’insécurité pour l’ennemi qu’elle dissuade de prendre l’air, mais elles excluent tout effet de surprise d’une attaque en un point du front visant à la destruction de nombreux appareils en même temps. La situation s’améliorant, les as français demandent et obtiennent, à partir d’avril, de pouvoir effectuer, à côté de leurs patrouilles en groupe, des raids à un ou deux appareils pour surprendre l’ennemi. Ainsi, le combat singulier se trouve intégré dans une tactique de suprématie aérienne globale.

            La tactique du GC est coûteuse car elle oblige les appareils français à travailler au-dessus du dispositif allemand. Du 21 février au 1er juillet 1916, l’aviation perd plus d’une centaine de pilotes et observateurs [25]. Mais c’est la seule technique pour s’assurer la maîtrise du ciel. Elle porte ses fruits, l’équilibre est rétabli fin février, les Allemands connaissent à leur tour de sérieuses pertes. Début mai, les Français ont reconquis la maîtrise du ciel et les avions de CA (réglage de tir et observation) peuvent reprendre leurs activités.

            Le Nieuport XI, outil du GC

            La doctrine mise en œuvre par de Rose ne peut réussir que si elle est servie par des machines capables d’assumer le nouveau rôle que le commandement veut donner à la chasse. A cela s’ajoutent des innovations techniques telles les fusées Le Prieur.

            Toutes les escadrilles de Verdun sont équipées du meilleur chasseur français du moment le Nieuport XI, dit « Bébé » à cause de sa petite taille.

            On a vu que dès le début des hostilités, en septembre 1914, les Nieuport disparaissent des formations françaises. Les usines de Suresnes et d’Issy-les-Moulineaux reçoivent l’ordre de construire des Voisin.

            Mais le bureau d’études de la société, sous la direction de Gustave Delage, poursuit l’étude et la réalisation d’avions. C’est ainsi qu’est mis au point le N X A2, biplace d’observation présenté au SFA en mai 1915, équipé d’un moteur Gnome ou d’un Le Rhône 80 ch, et armé d’une mitrailleuse Hotschkiss servie par l’observateur.

            Delage transforme cet appareil de reconnaissance en monoplace de chasse. Cela donne un appareil très compact : le Nieuport XI (7,55 m d’envergure, 5,80 m de longueur, 480 kg au décollage, 13 m² de surface portante) rapidement surnommé « Bébé ».

            Commandé initialement par l’armée britannique qui l’utilise sur le front d’Orient, le N XI entre peu à peu dans les escadrilles françaises à partir de la fin de l’été 1915.

            Le « Bébé » Nieuport est un avion qui dispose d’une grande vitesse ascensionnelle, qui est très maniable et très agile, bien plus que le Fokker E III. Son seul point faible réside dans son armement : une mitrailleuse Hotchkiss montée sur la partie centrale de l’aile supérieure et tirant par dessus le champ de l’hélice. Cette arme doit être rechargée régulièrement, car le tambour ne contient que 25 cartouches. Elle est bientôt remplacée par une Lewis avec 47 puis 97 cartouches. Le tir est commandé par un câble aboutissant à la détente de l’arme.

            Un autre outil mis en pratique à Verdun doit être cité. C’est la fusée Le Prieur, du nom du lieutenant de vaisseau qui l’a mise au point. Cet engin peut être considéré comme l’ancêtre du missile. Les fusées sont mises à feu électriquement et doivent être tirées à une distance inférieure à 200 mètres pour être efficaces. Elles sont employées pour la première fois le 22 mai contre les ballons d’observation allemand, les Drachen. Huit chasseurs N XI équipés de huit fusées chacun incendient la totalité des Drachens situés sur la rive droite de la Meuse.

            Le facteur humain : les pilotes

            Dernier élément de la réaction française face au péril de Verdun, mais pas le moindre, la réunion sur le front aérien des pilotes français les plus expérimentés du moment.

            A coté des matériels les plus performants, de Rose prélève dans toutes les escadrilles du front les meilleurs pilotes.

            Boillot, Dorme, Lufbery, Deullin, Brocard, Chaput, Nungesser, Madon, Pelletier d’Oisy, Auger, Boyau, Flachaire, Chainat et Guynemer, viennent épauler Navarre, surnommé « la sentinelle de Verdun ».

            Les leçons de Verdun pour la chasse

            La bataille de Verdun met à jour les techniques de base et l’organisation de la chasse qui passe des combats individuels aux sorties structurées de grandes formations aériennes. De Rose met en place une nouvelle doctrine d’emploi basée sur l’offensive à outrance et en masse. Pour cela, il peut être considéré comme l’un des pères fondateurs de l’aviation de chasse.

            Cette nouvelle doctrine d’emploi de l’arme aérienne amène des modifications dans l’organisation des escadrilles [26].

            Ces formations importantes imposent une discipline de vol rigoureuse et la mise au point d’un code du travail aérien en groupe. Peu à peu, les vols en groupe sont organisés et codifiés. C’est là un des enseignements majeurs de la bataille de Verdun pour l’aviation.

            Le vol en groupe demande un entraînement, une habitude. Dans la formation, chaque appareil doit pouvoir être identifié. Il faut prévoir des distances de sécurité entre les appareils. Chaque groupe est structuré avec un chef, appelé guide, qui commande la manœuvre, règle la vitesse et décide du combat. Il est assisté par un serre-file, toujours placé à l’arrière de la formation, veillant à l’ordre et à la discipline du groupe.

            Les figures de marche sont très variées. La formation de trois appareils est le noyau initial de tout groupe, car elle est très manœuvrable. Les appareils peuvent naviguer à la même altitude ou s’étager sur plusieurs niveaux. Dans les grandes formations, il est organisé deux ou trois sous-groupes répartis sur plusieurs paliers.

            Le principe de permanence n’est pas aisé à mettre en œuvre, il faut tenir compte des contingences techniques importantes. Les appareils ne peuvent tenir l’air que deux à deux heures trente au maximum. Ils se fatiguent vite et il faut prévoir un temps de maintenance entre chaque vol. A cela s’ajoute la fatigue des pilotes qui ne peuvent effectuer que deux ou trois sorties par jour. Il est donc indispensable de pallier ces problèmes par la dotation d’appareils supplémen-taires dans chaque formation et la disponibilité d’escadrilles de garde prêtes à partir à toute heure.

            A partir de mars 1916, l’organisation et la tactique de chasse du commandant de Rose permettent à l’aviation française de reconquérir la maîtrise du ciel. Ce nouvel emploi de l’avion repose sur un postulat simple qui est de réunir une grande masse d’appareils patrouillant en quasi-permanence dans l’espace aérien du front, de manière à interdire toute incursion ennemie. La chasse s’étant assurée de la supériorité aérienne, elle donne à l’aviation de CA une plus grande sécurité pour mener l’ensemble de ces missions.

            L’aéronautique des Corps d’Armées

            Une fois acquise la supériorité aérienne dans le ciel de Verdun, l’aviation de Corps d’Armée peut reprendre ses activités : reconnaissance pour le commandement, réglage des tirs d’artillerie, appui-feu pour aider les troupes au sol.

            Pour ces missions, comme pour la chasse, la bataille de Verdun marque également un tournant. L’organisation est bouleversée en vertu des nécessités du combat. Les missions de commandement sont amplifiées, les liaisons aviation-artillerie et aviation-infanterie sont profondément remaniées pour un meilleur rendement, dans des conditions difficiles.

            La réforme de l’organisation des escadrilles d’appui

            Avec la formidable concentration de moyens aériens amenés dans le secteur de Verdun, de profondes réformes de l’organisation de l’aviation de CA, autrement dit de l’aviation d’appui, interviennent.

            Deux causes se conjuguent pour rendre l’organisation jusqu’alors en place inadaptée et inopérante.

            Dans les batailles précédentes (Champagne et Artois en 1915), les troupes françaises avaient l’initiative de l’offensive, les CA et donc leurs aviations étaient introduites sans à-coups dans les secteurs d’attaque. Ils menaient le combat de bout en bout avec leurs propres moyens et sans être relevés [27].

            A Verdun, ce sont les Allemands qui possèdent l’initiative, les Français se retrouvent sur la défensive. La doctrine d’emploi de l’aviation d’appui tactique n’est pas adaptée à cette situation.

            A cela s’ajoute, l’arrivée sur un front restreint, soumis à un feu quasi continu et dont les terrains d’atterrissage ne sont plus en état d’abriter des escadrilles, d’une grande masse d’appareils venus épauler les formations de la RFV. L’installation de ce dispositif rend caduque l’organisation existante qui ne correspond plus à l’ampleur prise par la bataille aérienne qui se livre.

            Un exemple significatif de cette inadaptation de l’organisation peut être trouvé dans le statut des observateurs embarqués sur les avions de reconnaissance [28]. Ces derniers ne sont pas rattachés à l’escadrille qui les emploie, mais à leur régiment d’infanterie ou d’artillerie. Ils quittent l’escadrille quand leurs unités sont retirées du front et sont remplacés par de nouveaux officiers ignorant tout du secteur.

            Constatant que l’organisation constitue un frein au déroulement des opérations, le Commandant Barès décide de réformer, en pleine bataille, les structures de l’aviation d’appui. Il prend sous son commandement direct l’aviation des CA de la IIe armée et procède à une refonte des services. Il met en place un bureau tactique composé de :

            – deux officiers chargés des relations avec l’arrière ;

            – deux officiers s’occupant des parcs de ravitaillement ;

            – un officier pour les sections photographiques ;

            – un officier pour les unités d’aérostation.

            Barès renforce le service de renseignement qui centra-lise et fusionne toutes les informations collectées par les esca-drilles. Ce service est en liaison étroite avec les sections de renseignement de CA et de l’artillerie. Un service photogra-phique est également constitué.

            Mais la grande innovation de la bataille de Verdun en matière d’aviation d’appui réside dans la création de secteurs aéronautiques [29]. L’idée est de calquer l’organisation de l’avia-tion sur celle des CA. Pour cela, sont mis en place cinq sec-teurs aériens correspondant aux positions des CA français :

            – deux secteurs à l’est de Vaux, sur la rive droite de la Meuse ;

            – un secteur sur Vaux-Douaumont ;

            – un secteur sur la Côte du Poivre ;

            – un secteur sur la rive gauche.

            A la tête de chaque secteur est placé un commandant de l’aéronautique, chef de tout le personnel aéronautique du secteur, notamment des chefs d’escadrilles. Mais contraire-ment au général commandant du Corps d’Armée qui peut être relevé avec son unité au cours de la bataille, le commandant de secteur aéronautique demeure en place, assurant la perma-nence de son poste.

            Cette rationalisation des structures de l’aéronautique de CA, en pleine bataille, permet d’accomplir les missions dans l’ordre et la discipline. Cela permet aussi de coordonner l’emploi de chaque unité en fonction des désirs de l’état-major.

Les missions de l’aviation de CA

            Ces missions sont au nombre de trois : observation, appui et réglage d’artillerie.

            L’utilisation des avions pour l’observation revêt une importance primordiale à Verdun au vue de la complexité de l’organisation au sol et des mouvements constants du front. La mission est assurée par une permanence des reconnaissances aériennes dans chaque secteur, ainsi toutes les deux heures les aviateurs font parvenir un rapport au commandant du secteur dont ils dépendent [30]. Parallèlement, des raids sous protection de groupes de chasseurs sont opérés au-delà des lignes ennemies.

            Les rapports se font par TSF à une unité ou à un PC et par compte-rendu écrit au retour de chaque patrouille. Les clichés photos sont développés dès l’atterrissage et transmis à l’état-major via l’officier responsable de la photographie au bureau tactique. Les épreuves sont diffusées en grand nombre, et parviennent aux commandants de compagnie et de batterie pour une meilleure connaissance de la situation. Dans un secteur, il est tiré en moyenne 90 exemplaires par clichés, certains jours sont pris jusqu’à 50 photos par secteur, environ 5 000 épreuves sont diffusées en une seule journée [31]. 

            L’offensive de Verdun surprend l’aviation de bombardement en pleine réorganisation. Au début de la bataille et malgré la chasse ennemie, la MF 25 basée à Vadelaincourt exécute quelques bombardements des lignes allemandes de jour. Elle est bientôt rejointe par la C 66, la V 110 du GB 5 et la V 101. Du 15 mars au 1er mai, plus de trente missions sont accomplies pour la plupart de nuit, car à partir d’avril, les bombardements de jour sont interdits en raisons des pertes qu’ils génèrent. 

            Les cibles à l’arrière du front sont toujours de même nature : le système ferroviaire pour couper la route au renfort, les bivouacs de troupes et les hangars de stockage de matériels. Mais la grande nouveauté de Verdun réside dans l’essor de l’appui-feu, dont les opérations bénéficient de la supériorité française. Ainsi, chaque contre-attaque française est soutenue par l’aviation qui harcèle l’ennemi. L’offensive sur Douaumont, le 22 mai, est accompagnée d’un feu aérien nourri sur la position allemande [32].

            Au même titre que la liaison aviation-infanterie, l’entente avion-artillerie fait de grands progrès durant la bataille de Verdun. L’action est compliquée ici par la difficulté à établir des liaisons directes, du fait des bombardements ininterrompus qui coupent les communications.

            Les missions à remplir sont les suivantes [33] :

            – contrôle des concentrations de feu sur les tranchées ;

            – réglage de destruction sur des points précis.

            Le système de compartimentage, dans lequel l’avion demande le feu suivant la zone d’action de chaque batterie se montre insuffisant. Il y a trop de demandes et la concentration de plusieurs batteries est souvent nécessaire pour réaliser une opération. De nouvelles conventions sont adoptées. L’avion contacte l’antenne de commandement de l’artillerie et celle des groupes susceptibles de faire feu. Chaque groupe disponible répond par drapeau. Si la liaison téléphonique entre le commandement et les groupes fonctionne, le commandement désigne les batteries qui doivent tirer, si ce n’est pas le cas, c’est l’aviateur qui sélectionne le groupe [34].

            L’aviation de CA à Verdun, s’adapte aux circonstances du combat. L’organisation en secteur est expérimentée avec succès à partir du moment où la supériorité aérienne est acquise. C’est là que réside la grande innovation de la bataille de Verdun au niveau des escadrilles de CA. Pour les missions, reconnaissance, réglage de tir ou appui-feu, la spécialisation des escadrilles a largement été défrichée avant 1916.  

Conclusion

            D’août 1914 à mai 1916, l’aviation française devient une véritable arme de guerre. L’Avant a une responsabilité primordiale dans ce développement. Le commandant Barès peut être reconnu comme l’un des artisans majeurs de cet essor, par les réformes de structure et d’emploi qu’il a mises en œuvre comme par les programmes d’équipement qu’il a lancés. Mais, à l’Arrière, le général Hirschauer, puis le sous-secrétaire d’Etat René Besnard, ont également apporté leurs pierres à la construction d’une véritable force aérienne. Ils ont créé les conditions d’une politique industrielle propre à donner au commandement les machines qu’il souhaitait. Ce processus ne s’est pas fait sans heurts. 

            La bataille aérienne de Verdun marque un tournant pour l’aéronautique militaire française. Les leçons dans ce domaine, notamment de la chasse, sont rapidement tirées et, dès le 21 mai, une nouvelle organisation de l’aviation aux armées est promulguée. Elle donne une place privilégiée à la notion de supériorité aérienne. En juillet, le commandant Le Révérend établit un projet d’organisation pour un GC [35], texte définitivement adopté le 10 octobre.

            Tout ce qui a été mis en place à Verdun, les patrouilles de chasseurs, la permanence de la chasse, les secteurs aéronautiques, avait déjà été élaboré, en théorie, dès les premiers mois du conflit. Simplement, Verdun, de par le péril encouru, a focalisé l’urgence de la mise en place de ces inno-vations. Verdun a agi en révélateur.

            Dans la suite de la guerre, il ne reste plus qu’à perfectionner ces innovations. Le couronnement de cette évolution est sans doute la Division Aérienne du général Duval, mise en place le 14 mai 1918, qui constitue une force aérienne de près de 600 appareils, à la disposition du GQG qui la jette dans la bataille pour conquérir la maîtrise de l’air par des missions offensives.

* DEA d’histoire contemporaine, archiviste, Centre commun de recher-ches Louis Blériot, Aérospatiale.

[1] SHAA. Actes du colloque international, En 1944, l’aviation a-t-elle gagné la guerre ?, 452 p., page 19.

[2] SHAA. Dossier emploi et organisation de l’aéronautique militaire 1912-1917. « Instruction sur l’emploi et l’organisation de l’aviation en temps de guerre ». 27 octobre 1912, 28 p. page 12.

[3] Grand Quartier Général.

[4] Dossier cité, note 2, p. 17-21.

[5] SHAA. Ancienne numérotation A 1 Avions et moteurs 1913-1920. GQG « Le général en chef au directeur des services aéronautiques », 21 septembre 1914.

[6] Lissarague-Christienne, Histoire de l’aviation militaire française, Paris, Lavauzelle, 1980, 558 p.

[7] SHAA. Dossier emploi et organisation de l’aéronautique militaire. GQG « Au sujet du fonctionnement de l’aviation » Général Joffre. 10 novembre 1914.

[8] SHAA. Dossier emploi et organisation de l’aéronautique militaire. GQG « Instruction sur l’emploi et l’organisation de l’aviation en temps de guerre : nouvelle rédaction », 7 décembre 1914.

[9] JO. Chambre des députés, « Rapport sur les travaux de la commission de l’armée pendant la guerre 1914-1918 : aéronautique », Député d’Aubigny, 1920.

[10] Albert Etévé, La victoire des cocardes : l’aviation française avant et pendant la Première Guerre mondiale, Robert Laffont, 1970, p. 149.

[11] Ibid.

[12] SHAT. 19 N 480. GQG « Instruction au sujet de l’organisation et du fonctionnement du service de photographie aérienne aux armées », 16 avril 1915.

[13] SHAT. 19 N 481. QG IIe armée « Instruction relative à l’emploi des avions en liaison avec les sections d’artillerie », 28 septembre 1914.

[14] Commandant Orthlieb, L’aéronautique hier-demain, Masson, 1920, p. 25.

[15] SHAA, Ancienne numérotation A 17, Commission d’enquête sur les marchés à la Chambre des députés 1914-1918, « Rapport de P-E Flandin à la commission de l’armée », 5 juillet 1915.

[16] JO. Chambre de députés, séance du 19 octobre 1919, « Rapport sur les travaux de la commission de l’armée pendant la guerre 1914-1918 », André Dalbiez, p. 3 491, annexe 7 259.

[17] SHAA, Ancienne numérotation A 24, Sous-secrétariat d’Etat à l’Aéro-nautique, « Instruction pour la constitution en établissement autonome de l’Atelier de réparation de Saint Cyr », René Besnard, 5 octobre 1915.

[18] SHAA, Ancienne numérotation A 24, Sous-secrétariat d’Etat à l’Aéro-nautique, « Instruction sur la création d’un service industriel indépendant du SFA », René Besnard, 22 novembre 1915.

[19] SHAA, Ancienne numérotation A 17, Sous-secrétariat d’Etat à l’Aéro-nautique, « Instruction sur les conventions provisoires concernant les four-nitures aéronautiques », René Besnard, 10 février 1916.

[20] JO, Documents parlementaires, « Rapport de la commission d’enquête sur l’aviation », 10-11 janvier 1916.

[21] JO, Chambre des députés, « Comité secret du 20 novembre 1916 », pp. 272-275.

[22] SHAA, Ancienne numérotation A 47, IIe armée, service aéronautique « Ordre pour l’aviation de combat », commandant De Rose, 29 février 1916.

[23] SHAA, Dossier réflexion sur l’engagement de l’aviation, « Rapport sur le fonctionnement de l’aéronautique dans le secteur Vaux-Douaumont », Secteur Lebrun, 19 mars-4 avril 1916.

[24] Rapport cité, note 20.

[25] Icare, L’aéronautique militaire française 1914-1918, tome I, n° 85, 1978, p. 58.

[26] SHAA, Dossier réflexion sur l’engagement de l’aviation, « Rapport sur les avions de chasse : mouvement et combat d’après l’expérience de Verdun », capitaine Brocard, 26 juin 1916.

[27] L’aéronautique, L’aviation militaire 1914-1918, commandant Orthlieb, août 1919, n° 3.

[28] SHAA, Dossier organisation et emploi de l’aéronautique militaire, GQG « Statut des observateurs de l’aéronautique », 4 février 1916.

[29] SHAA, Dossier réflexion sur l’engagement de l’aviation. « Compte-rendu de l’emploi de l’aviation », Secteur Nudant, 4 avril 1916.

[30] SHAT, 19 N 480, IIe armée, service aéronautique « Instruction sur l’emploi de l’observation aérienne au service du commandement », 25 avril 1916.

[31] SHAA, Ancienne numérotation A 48, opérations du 25 avril au 3 juin 1916, IIe armée « Emploi de l’aviation d’armée au cours de la bataille de Verdun ». 12 mai 1916.

[32] Rapport cité, note 28.

[33] SHAT, 19 N 494, IIe armée, 3e Bureau « Instruction sur les rapports artillerie-aviation : instruction », 16 avril 1916.

[34] SHAA, Ancienne numérotation A 47, IIe armée, bureau aéronautique, « Première impression sur l’emploi combiné de l’aviation et de l’artillerie dans la région de Verdun », 22 mai 1916.

[35] SHAA. Dossier organisation et emploi de l’aéronautique militaire. « Projet d’organisation d’un groupe de combat de plusieurs escadrilles » Commandant Le Révérend. juillet 1916.

Ce contenu a été publié dans Uncategorized. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.