LA PENSÉE NAVALE SUÉDOISE APRÈS 1945

Lars Wedin

Après la Seconde Guerre mondiale, la Marine perdit sa « racine théorique » en se trouvant enfermée dans un cadre stratégique étroit et figé. Cependant, grâce à des circonstances particulières et à un renouvellement technique, elle retrouva un nouvel élan après plus de vingt années difficiles. Cet élan se traduisit par la redécouverte de la stratégie maritime classique.

Le cadre historique

La Suède était restée neutre pendant la Seconde Guerre mondiale, comme pendant la Première. Dans cette neutralité armée, la Flotte jouait une grande importance pour dissuader les tentatives d’invasion ainsi que pour la défense des approches maritimes et la navigation côtière. Cette importance était soulignée par le ministre de la Défense, M. Sköld, en mars 1945 : « En parlant de l’armée de Terre et de l’armée de l’Air, on pense qu’elles ont contribué au fait que la Suède s’est tenue à l’écart de la guerre. En parlant de la Flotte1, on sait que sans elle, nous n’aurions pas pu mener la politique de neutralité« 2.

En 1945, la montée en puissance décidée en 1942 était toujours en cours. Ainsi y avait-il en chantier deux croiseurs légers d’environ 8 000 tonnes et deux destroyers d’un type nouveau, plus puissants que ceux d’avant guerre3. La flotte existante se composait d’un croiseur, de dix destroyers, de 19 vedettes lance-torpilles, de 26 sous-marins ainsi que de forces légères. Enfin, il y avait encore trois cuirassés de la classe « Sverige » construits avant 19184. La Suède possédait une flotte relativement forte mais d’une conception d’avant-guerre. Il s’agissait donc d’introduire les nouvelles techniques qui avaient vu le jour chez les Alliés pendant la guerre. Cependant, la guerre étant terminée, il fallait diminuer les ressources consacrées la défense. L’importance de la Flotte, reconnue par beaucoup, fut rapidement été oubliée.

Cependant, le coup de Prague et la crise de Berlin montrèrent que le désarmement voulu n’était pas possible. De plus, le projet suédois d’une alliance nordique ayant échoué, la Suède choisit la politique de neutralité armée fondée sur une défense nationale forte. Grâce à cette évolution, la Flotte fut en mesure de maintenir une force respectable. Pendant les années 1950, encore six destroyers ainsi qu’un bon nombre de bâtiments légers furent mis en service, et le développement technique poussé était encouragé, notamment dans le domaine des missiles anti-navires. Les premiers essais de « torpilles de l’air » eurent lieu dès 1957 à partir d’un destroyer de type « Halland ».

Avant de poursuivre, il faut dire quelques mots sur la situation stratégique de la Suède pendant la guerre froide. La Scandinavie se trouvait prise entre l’Atlantique, maîtrisé par l’OTAN, et la grande masse terrestre dominée par l’Union soviétique. La Suède est le pays nordique le plus grand et elle possède le littoral baltique le plus étendu. Ainsi, le pays se trouvait dans une situation stratégiquement importante qui allait encore se renforcer tandis que l’URSS commençait à devenir une importante puissance navale. Le discours de 1945 du major général des armées, le général de corps d’armée Ehrensvärd, témoigne de la conscience de cette situation : « Nous sommes très éloignés de l’idylle malentendu des dernières années d’après-guerre. L’expression la plus simple, c’est que la Suède est devenue un État de frontière. Bien entendu, cela ne veut pas dire que nous nous trouvons nécessairement dans une situation d’opposition à l’une ou l’autre grande puissance« 5.

À l’époque de la guerre froide, on parla souvent de l’équilibre « nordique » entre la Norvège, le Danemark, la Finlande et la Suède. Les deux premiers étaient membres de l’OTAN. La Finlande était neutre mais sa politique de sécurité fut restreinte par le traité d’amitié et d’assistance avec l’URSS. La Suède fut « non-alignée afin de rester neutre en cas de guerre ». Cependant, on sait aujourd’hui que la Suède a entretenu des liens militaires importants avec l’OTAN, surtout avec les États-Unis, et que la neutralité n’était pas aussi sacro-sainte qu’on l’a prétendu. Cela s’explique par l’appréciation de la menace qui donnait la priorité presque absolue à une invasion russe. Une telle invasion pouvait survenir soit par la terre du grand nord, soit à travers la mer Baltique. On doit remarquer que cette appréciation est traditionnelle depuis la guerre de 1808-1809, quand la Suède a perdu la Finlande6.

Pour la Marine, la loi de programmation de 1958 fut une catastrophe. Elle privilégiait l’armée de l’Air au détriment de la Flotte. Cette décision fut prise, entre autres, sur fond d’un projet en cours d’arme nucléaire. La Marine fut contrainte d’annuler deux destroyers. Un nouveau plan naval fut arrêté : le « plan naval 60 », qui donnait la prépondérance à une flotte légère pour la défense contre une invasion. Le mot d’ordre fut : « plus petits mais plus nombreux ». Pour la défense des routes maritimes, le plan prévoyait la construction de frégates.

La loi de programmation de 1958 :
un tournant désastreux pour la Flotte

La loi de programmation de 1958 est remarquable à plus d’un titre. L’idée fondamentale que la défense serait si forte que même une grande puissance jugerait une attaque trop coûteuse par rapport aux bénéfices éventuels. Cependant, grâce à l’équilibre stratégique, l’une comme l’autre des deux alliances ne pourrait utiliser qu’une faible partie de ses forces contre la Suède neutre. Cette idée, la « doctrine marginale », devint un leitmotiv dans le débat politique à venir. Dans ces circonstances, l’objectif des forces armées était de frapper l’assaillant dès à l’extérieur du territoire ou de la côte suédoise – doctrine « la défense en profondeur ».

Dans ce cadre, le projet d’une arme nucléaire constituait un aspect important. Dans son étude pour la loi de programmation (ÖB 57), le commandant en chef avait exigé une telle arme7. Le chef de la Marine, l’amiral Ericson, restait sceptique :

Dans l’étude, on tire des conclusions d’une grande portée du comportement de l’ennemi sous la menace atomique. Dans les dix ans à venir, notre pays n’aura vraisemblablement pas d’armes atomiques, en tout cas trop peu pour que l’ennemi en soit fondamentalement influencé. De mon point de vue, l’appui par des armes atomiques sur le territoire suédois est peu sûr et sa valeur discutable, surtout au début d’une guerre. Les conclusions de l’étude ont une influence exagérée sur la composition de notre défense8.

Plusieurs raisons commandaient cette prise de position. D’abord, il y avait des doutes réels sur la valeur de ces armes pour la Suède et les conséquences vraisemblables pour la défense. De plus, l’arme nucléaire se situait plutôt dans la cadre d’une guerre mondiale brève où il y aurait peu de missions pour la Marine, pour la lutte anti-invasion ainsi que pour la protection des voies maritimes.

Dès son étude suivante – ÖB 62 -, le commandant en chef se montrait plus réticent. L’arme coûterait cher et plusieurs hommes politiques, notamment le ministre des Affaires étrangères, M. Undén, étaient contre. Il y avait donc un risque de déroute financière9. Dans la loi de programmation de 1968, le projet fut finalement abandonné.

Pour la Marine, l’effet le plus néfaste de la loi de 1958 fut la réduction de son enveloppe budgétaire. Celle-ci diminua de 18 à 13 % – un chiffre qui demeura malgré tous les changements techniques et stratégiques. Outre le projet d’arme nucléaire, la raison en était la prépondérance donnée à l’armée de l’Air. On pensait que des avions d’assaut seraient plus polyvalents que des bâtiments de surface. Aussi, dans cette logique, la menace aérienne devrait rendre difficiles des opérations avec des bâtiments de surface dans la Baltique. En conséquence, les croiseurs et les destroyers seraient progressivement restirés sans remplacement. Des bâtiments légers domineraient la Flotte. Ainsi, le nombre de bâtiments de surface serait réduit de 50 %10.

Parmi les effets de cette loi, il en est un qui allait avoir des conséquences particulièrement malheureuses. Le gouvernement avait jugé que les moyens de la Flotte ne devaient servir qu’à la défense anti-invasion et non à la défense des voies maritimes. Il fallait donc renforcer la défense économique (stockage de pétrole etc.)11. Plus tard, cela mena à la décision de 1972 d’abandonner la capacité de lutte anti-sous-marine. Il n’y eut plus alors besoin de bâtiments pour cette mission – nécessairement plus grands que ceux conçus pour une mission anti-invasion près de la côte. Il faut noter que la côte occidentale est la fenêtre vers l’Atlantique et le monde. Généralement, il y faut des bâtiments plus grands que sur la côte orientale qui mène vers l’ennemi probable – l’URSS.

Cependant, le projet d’abandonner des bâtiments plus lourds au profit de ceux plus légers n’allait pas à l’encontre de la vision du chef de la Marine. En effet, il était l’architecte de la flotte légère par son « plan naval 60 » (marinplan 60).

Le « plan naval 60 » : vers une flotte légère

Pour comprendre le débat qui va suivre, il est nécessaire de décrire la zone d’opérations principales des forces maritimes suédoises. La mer Baltique est peu profonde (60 mètres en moyenne) et étroite. Cela veut dire que le littoral suédois est beaucoup plus long que la distance qui le sépare de la côte soviétique – d’où découle la menace. La côte suédoise est également souvent protégée par des archipels avec d’innombrables îles et îlots. Ces archipels offrent à la Flotte des bases protégées et des points d’appui excellents. Ainsi, leur utilisation tactique se trouve au cœur de la pensée navale suédoise.

L’idée d’une flotte légère n’était pas nouvelle. Déjà, dans les années 1930, le capitaine de corvette Stig Ericson avait proposé une flotte centrée autour de croiseurs ou de grands destroyers au lieu des cuirassés lents qui étaient alors en discussion12. Vers la fin de la guerre, ce problème redevint d’actualité. Que fallait-il faire avec les trois anciens cuirassés « Sverige » qui avaient constitué le noyau dur de la Flotte pendant la guerre ? Devait-on les moderniser ou les mettre au rebut ? Les avis étaient très partagés13.

Ericson devint chef de la Marine en 1953 avec le grade de vice-amiral d’escadre et occupa ce poste jusqu’en 1961. À l’époque où il prit son commandement, il esquissa une flotte légère dans son journal. Elle serait composée de quatre escadres, chacune de quatre flottilles, avec un bâtiment de commandement (2 000 tonnes, artillerie à tir rapide, torpilles, lutte anti-sous-marine), 6 vedettes d’artillerie de 200 tonnes ainsi que 6 petites vedettes lance-torpilles14.

En 1955, l’amiral Ericson écrit :

Pour la Flotte, l’évolution mène aux unités légères, rapides et aptes à l’offensive, ainsi qu’à des sous-marins… Des armes sous-marines et des missiles auront un rôle de plus en plus prééminent dans la panoplie navale… Pour la défense des voies maritimes, il faut des bâtiments d’escorte15.

Cependant, quelle est la taille d’un bâtiment « léger » ? Les officiers étaient d’accord pour que la flotte de l’avenir soit apte à l’offensive mais, quant à la taille de ses bâtiments, les vues différaient d’un noyau important de destroyers type « Halland » (2 800 tonnes) à des bâtiments d’environ 300 tonnes16.

Le « plan naval 60 » fut remis au gouvernement en 1958. Il était fondé sur des analyses très approfondies de l’état-major de la Marine ; recherches opérationnelles et scientifiques, études de l’étranger, etc. Il sera déterminant dans l’évolution de la défense maritime des années 60. Dans ses mémoires, Ericson le décrit ainsi :

Le plan se basait sur le fait que la grande panique du blitzkrieg atomique est en train de s’atténuer… Des guerres limitées pourraient bien toucher la mer Baltique… Il avait également pris en compte le fait que les forces navales devaient être adaptées aux formes de guerre les plus diverses, c’est-à-dire aussi bien à la neutralité qu’à la préparation de guerre… Nous comprenions que la mission de la Marine était de permettre au pays de demeurer en dehors d’une guerre, de retarder le début d’une guerre inévitable le plus longtemps possible et, finalement, de tenir le plus longtemps possible. Ensuite, les conclusions pour résoudre ces problèmes ont été adoptées. En résumé, il faut redistribuer les moyens d’assaut entre un nombre plus grand d’unités plus petites – augmenter l’efficacité des sous-marins et diversifier leur missions – donner aux armes basées à terre le rayon d’action, la mobilité et l’endurance nécessaire – enfin, toujours garder en mémoire les notions de mobilité et d’endurance17.

La « vedette blindée canon » était une innovation du « plan naval 60 ». Sa conception découlait des sinistres expériences des ravages de la flotte russe dans les archipels suédois en 1721. Selon l’amiral Ericson, il fallait un bâtiment pour la lutte dans des eaux étroites et très peu profondes. Il s’agissait d’un bâtiment d’environ 100 tonnes, avec une artillerie à tir rapide et des missiles filo-guidés. Sa mission consistait à frapper des bâtiments de guerre et à assurer l’appui des forces terrestres comme des batteries de l’Artillerie côtière. Malheureusement, à cause de ces qualités elle devient une pomme de discorde entre la Flotte et l’Artillerie côtière. En conséquence, il faudra attendre vingt ans pour que la vedette-patrouilleur de type « Hugin » fasse son entrée dans la Marine18.

Cependant, la lutte contre une flotte amphibie ne constituait qu’une partie de la stratégie d’Ericson. L’autre était la protection des voies maritimes. Il fallait des bâtiments aptes à protéger les approches des plus grands ports de la côte occidentale.

Comme nous l’avons déjà vu, cette dernière partie de sa stratégie était peu comprise. Cela est difficile à saisir. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Marine avait été contrainte d’utiliser « tout ce qui flottait » afin de protéger ses approches maritimes ainsi que la navigation côtière. Maintenant, les leçons en étaient évidemment oubliées. Cela s’explique par la concentration totale de la doctrine suédoise sur la menace d’une invasion d’envergure19. En toile de fond, la primauté de l’armée de Terre était dépendante d’une telle menace. Comme l’armée était totalement dépendante d’une mobilisation pour sa capacité d’agir, elle n’avait que peu d’intérêt pour d’autres scénarios.

La primauté de l’armée de Terre fit que la Marine eut des difficultés à marquer des points auprès du ministre. « De plus, pendant les discussions régulières (entre le commandant en chef et le gouvernement) tous les problèmes militaires ont été présentés par deux généraux formés dans l’armée de Terre. » (À l’époque, le commandant en chef et le major général des armées appartenaient à l’armée de Terre)20.

Le « plan naval 60 » fut bien reçu par les autorités. On était d’accord pour réduire la taille des bâtiments tandis que l’augmentation de leur nombre était beaucoup plus douteuse. Le ministre de la Défense déclara : « C’est clair, on doit désormais suivre le plan naval 60 ; cependant, la difficulté est de trouver des crédits dans la mesure prescrite dans le plan« 21. L’avenir montrerait que c’était un jugement tout à fait juste. Certainement, les bâtiments devenaient plus petits, mais ils ne devenaient pas plus nombreux. En conséquence, le plan naval 60 resta une illusion parce que les objectifs quantitatifs ne furent jamais remplis22. Sur le plan tactique, la conséquence en était, que la mission anti-invasion devenait primordiale et que l’emploi des bâtiments se faisait de plus en plus près de la côte.

L’amiral Ericson est aussi le père de la tactique des bases navales. Par là, il ne s’agit plus des ports mais des vastes zones dans l’archipel où les moyens de soutien et de défense terrestre se trouvent dispersés. Là, les bâtiments sont camouflés et protégés contre la menace aérienne et de sabotage. Déjà vers la fin de la guerre, on avait commencé à discuter de la construction de tunnels afin d’y protéger les bâtiments. Ainsi, la base navale de Muskö, presque entièrement souterraine, fut inaugurée en 1969.

La négation de la stratégie navale.
La défense des années 1960-1980

Avant les intrusions sous-marines des années 1980, la défense en temps de paix n’était vue que comme une institution d’entraînement. L’alerte n’était pas un objectif en soi mais simplement un produit secondaire du système d’entraînement23. Pour leur capacité opérationnelle, l’armée de Terre et l’Artillerie côtière étaient totalement dépendantes d’une mobilisation. La Flotte n’avait qu’une faible partie de ses bâtiments en état opérationnel. L’idée que la défense se trouve soit en état de paix soit en état de guerre est une particularité suédoise. Dans le premier cas, l’entraînement (ce qu’on appelle « la production » aujourd’hui) constitue la priorité absolue ; dans le deuxième cas, c’est la guerre totale. Dans cette doctrine « noire et blanche », il n’y avait pas de place pour la gestion de crise.

La conséquence en était que la décision de mobiliser ou, du moins, d’améliorer l’état de préparation était primordiale. Ainsi, cette question se trouvait au cœur de la planification opérationnelle. Il y avait deux scénarios principaux d’invasion côtière, qui étaient conçus autour de l’idée que l’agresseur serait contraint à faire un choix entre deux alternatives : « l’attaque massive » ou « l’attaque surprise ».

Dans le premier cas, l’agresseur s’efforcerait d’avoir une nette supériorité par rapport aux forces suédoises. Comme cela prendrait du temps, il serait contraint de se battre contre une défense mobilisée et préparée. Alors, il lui serait nécessaire de faire des attaques préparatoires avant qu’il n’ose essayer de mettre ses troupes à terre, ce qui prendrait quelques semaines.

Dans le deuxième cas, l’agresseur jouerait sur la surprise et attaquerait avec moins de forces et après peu de préparations. Alors, la défense suédoise n’aurait pas le temps de se mobiliser pleinement avant que l’invasion ne soit lancée. Cependant, une « foudre dans un ciel clair » n’était pas jugée crédible. Il y aurait toujours, croyait-on, des avertissements pour que la défense puisse renforcer son état de préparation.

« L’attaque massive » était le scénario principal des années 1960. Puis, dans les années qui suivirent, la situation stratégique changea, avec la montée en puissance de la marine soviétique. Ainsi, l’importance stratégique de la zone nordique se renforçait. Dans ces circonstances, la préférence évolua lentement vers le scénario de « l’attaque de surprise ».

La doctrine politique prescrivait qu’une agression armée contre la Suède ne serait concevable que dans un conflit généralisé entre les deux alliances, l’une comme l’autre ne pourrait utiliser qu’une faible partie de ses moyens contre la Suède neutre – doctrine dite « marginale ».

Dans le scénario « d’attaque massive », le rôle de la Flotte devenait en premier lieu celui d’une « flotte en vie », c’est-à-dire de survivre aux assauts aériens préliminaires de l’ennemi24. L’attitude serait donc assez passive jusqu’au moment où l’invasion serait lancée. Alors, tous les efforts seraient concentrés contre la flotte amphibie selon la doctrine de « la défense en profondeur »25.

Ce système de défense signifiait l’emploi successif des moyens en s’efforçant d’exploiter les conditions géographiques de la Baltique. Au large – près de la côte de l’agresseur, c’est-à-dire le pacte de Varsovie -, se trouveraient des sous-marins. Avant que l’invasion proprement dite ne commence, leur mission consisterait à faire du renseignement et à répondre à la question « quand et par où viendra la force amphibie ? » Ils devraient aussi mouiller des mines dans les parages de l’ennemi. Quand l’invasion commencerait, ils devraient attaquer avec leurs torpilles. Puis, la flotte d’invasion aurait à subir les assauts de l’armée de l’Air. Enfin, protégée par des champs de mines et l’artillerie côtière, la « flottille de destroyers » mènerait l’attaque, si possible plusieurs fois. L’objectif principal de tous ces efforts serait de couler le plus grand nombre de bâtiments de transport et de chalands de débarquement. Après la mêlée résultant de cette action, l’ennemi s’emparerait d’un port ou d’une plage pour mettre ses forces à terre où il serait combattu par les forces terrestres.

Il est évident que ce scénario était envisagé pour des invasions du genre de celle de Normandie. En principe, il s’agit d’une seule bataille continue, entre les forces suédoises et le premier échelon de l’ennemi. Ainsi, il s’agit plutôt d’une doctrine tactique que stratégique. Au cours des années, elle se transforma en un dogme qui laissait peu de liberté pour la pensée navale stratégique. On en parlait souvent comme « la maudite flèche rouge ». Par ailleurs, elle formait un cadre commun, bien connu, pour des exercices innombrables et pour la formation tactique des officiers.

Les deux « flottilles de destroyers » constituaient l’arme principale de la Flotte. À l’époque, chacune d’elles contenait trois destroyers (un « Halland » et deux « Östergötland ») ainsi que cinq à six vedettes lance-torpilles (« Plejad » puis « Spica »). En général, le « Halland » se trouvait au centre, entouré par deux groupes constitués d’un « Östergötland » et de deux à trois vedettes. Au total, une flottille formait une ligne souple d’une longueur d’environ 10 km. La torpille filo-guidée était son arme principale. Comme son trajet prenait du temps et que la concentration du feu était primordiale, le commandant devait s’efforcer de tenir tous les bâtiments sur la même distance par rapport au gros de l’ennemi. De plus, il devait former sa flottille dans l’archipel de protection pour pouvoir former cette ligne rapidement après la sortie, c’est-à-dire face à l’ennemi. L’aptitude à faire des mouvements latéraux rapides et cachés dans l’archipel était donc une condition essentielle26.

En bref, la flottille devait commencer son attaque dans l’archipel où elle pouvait se sentir protégée des attaques aériennes ou des missiles anti-navires de l’ennemi. Là, pratiquant des activités de renseignement, elle attendait le moment propice pour l’attaque contre la flotte amphibie. Avant de partir, le « Halland » lançait ses missiles RBS 08, ce qui prenait du temps27. Puis, la flottille sortait de l’archipel en lançant des leurres électroniques afin de camoufler sa manœuvre. Ayant trouvé sa liberté de mouvement à l’extérieur de l’archipel, elle développait sa « ligne de bataille » et, à moins d’une vingtaine de kilomètres de l’ennemi, elle ouvrait le feu avec l’artillerie des trois destroyers. Les mouvements étaient commandés par les exigences techniques de l’artillerie du « Halland ». Ces destroyers avaient 4 pièces automatiques de 120 mm en deux tourelles jumelées et une cadence de 48 tirs/mn. Pour chaque pièce, il y avait deux magasins de 26 tirs chacun28. Quand il fallait changer de magasins dans la tourelle avant, la flottille virait, puis, en ouvrant le feu avec leurs deux tourelles, les destroyers lançaient leurs torpilles. En même temps, les vedettes lance-torpilles lançaient les leurs et viraient. Quand le magasin avant du « Halland » était vide, la flottille se retirait en faisant feu avec les tourelles arrière et en dirigeant les torpilles. Cette tactique complexe, exécutée près de la côte, était l’objet de très fréquents exercices et le résultat en était généralement une grande habilité.

L’assaut de la flottille devait être synchronisé avec celui des avions d’assaut armés de missiles air-mer et de roquettes.

En attendant le déclenchement de l’assaut amphibie, les forces navales devaient préparer ce qu’on appelait « le système d’opérations navales ». Les champs de mines en étaient une composante essentielle. Par eux, on s’efforçait d’ »élargir la côte » afin de barrer l’ennemi et de protéger ses propres forces. Par exemple, par une utilisation astucieuse, il est possible de transformer la zone située entre le littoral suédois et l’île de Gotland en « lac ». « Par des champs de mine combinés avec d’autres moyens de défense, nous sommes en mesure de construire les obstacles dont nous avons besoin pour gagner du temps. Par ces mêmes champs de mines, nous pouvons canaliser les mouvements de l’assaillant dans des zones géographiquement favorables pour la défense. Les parages étroits y prennent une importance particulière« 29. En conséquence, tous les bâtiments de guerre suédois ont des rails pour mouiller des mines.

La flotte de surface connaît surtout deux problèmes qui ne font que s’aggraver au cours des années soixante et soixante-dix. Il s’agit d’un manque en missiles anti-navires modernes pour les vedettes d’une part, et de la menace aérienne d’autre part.

Dès après la guerre, la Suède fit des essais de missiles anti-navire. Cependant, par manque de moyens, le développement en fut abandonné. Plus tard, la Marine acquit et fit convertir le CT-20 français, désormais baptisé RBS 08. Malheureusement, il était trop gros pour des vedettes. De plus, la procédure de tir étant très lente, et il n’était pas adapté à un duel tactique. Le manque de missiles pour les vedettes devint manifeste en 1967, quand les Égyptiens montrèrent ce qu’un missile soviétique pouvait faire contre un destroyer conventionnel. Or, en Baltique, les Soviétiques avaient beaucoup des vedettes OSA plus modernes que le célèbre Komar égyptien. Le problème s’aggrava encore avec la mise en service des corvettes Nanutchka, avec leurs SS-N-9, de sorte que les bâtiments suédois n’étaient plus au niveau pour un duel contre l’URSS.

La menace aérienne du futur fut le sujet de nombreuses études. Cependant, celles-ci prévoyaient que l’aéronavale soviétique suivrait les mêmes idées que la Suède (avions d’assaut armés de roquettes et de missiles air-mer comme le A-32 Lansen ou le AJ-37 Viggen). Ce ne fut pas le cas puisque l’aéronavale soviétique donna la priorité aux avions lourds pour la frappe contre les forces aéronavales américaines. Néanmoins, le résultat fut l’idée reçue selon laquelle les bâtiments de surface suédois ne pourraient pas mener des opérations à l’extérieur de la zone côtière. Le fait qu’ils s’équipèrent de systèmes antiaériens de plus en plus perfectionnés ne changea rien. La liberté de manœuvre opérationnelle se rétrécissait.

Pourtant, l’acquisition d’un missile suédois aurait été possible. Pendant les années 1970, il y eut de nombreux projets, tant suédois qu’étrangers, comme l’Exocet ou l’Otomat. Malgré l’accent mis sur ce problème par la Marine, aucun ne devait aboutir.

Sur le fond, le problème de la Flotte n’était pas simplement une question d’appréciation de menace mais un problème de stratégique : la stratégie navale n’était pas comprise. Toute la pensée stratégique suédoise s’articulait autour de la « défense en profondeur », devenue un dogme figé au sein duquel les armées de Terre et de l’Air auraient les rôles principaux. La première le faisait par tradition et à cause du service national – où faire servir les appelés s’il n’y a pas une grande armée ? La seconde était soutenue par une puissante et habile industrie aéronautique ainsi que par une très bonne aptitude à communiquer.

Au fond, l’origine du problème était une absence de discussion stratégique. Les états-majors privilégiaient les questions techniques de programmation. Le rapport coût/efficacité devint l’argument principal. Pour en juger, il fallait des scénarios de guerre bien décrits, ce qui mena à une vision stratégique figée. La planification économique – héritage néfaste des États-Unis et de McNamara – devint une obsession dans les armées. C’était le matériel existant et son remplacement qui déterminaient la doctrine navale plutôt que le contraire30.

L’absence de débat stratégique apparaît bien lorsqu’on entreprend le dépouillement de la revue de l’Académie royale de Marine, fondée en 1772, le Tidskrift i Sjöväsendet (TiS). La plupart des articles concernent des sujets techniques, d’organisation ou de programmation. Quand un auteur aborde un sujet stratégique, il s’agit des problèmes globaux comme la stratégie navale des États-Unis ou la montée en puissance de la flotte soviétique sur les océans.

On se trouve certainement là devant un vrai problème pour une petite marine côtière. Le débat naval international n’évoquait que la situation sur les océans et en mer du Nord. Presque personne n’écrivait sur le sujet des missions de la flotte soviétique dans la Baltique ou les autres mers étroites. On était encore loin de la doctrine « From the Sea » américaine d’aujourd’hui. En conséquence, il n’y avait pas de place à une influence l’étrangère qui aurait pu donner des idées et servir de source d’inspiration.

À titre d’exemple, en 1973, un groupe de réflexion de l’École supérieure de Guerre présenta une étude sur la stratégie de la présence navale. L’inspiration en était le livre très connu Gunboat Diplomacy de Sir James Cable. Le groupe fit une étude de fond et en tira plusieurs conclusions. Cependant, il n’y en avait pas une seule concernant la flotte suédoise. Par exemple, la présence navale ne fut perçue que comme une affaire des grandes puissances31. On peut remarquer que cette école est interarmées depuis 1961. Le fait que, surtout à l’époque, l’enseignement était largement dominé par l’armée de Terre est sans doute une explication du niveau lamentable du débat stratégique au sein de la Marine.

En revanche, on discuta souvent la situation matérielle. À l’occasion d’un colloque à l’Académie royale de la Marine en 1973, on constata que la situation matérielle s’aggravait sans cesse par rapport à la marine soviétique. On releva notamment le manque particulièrement inquiétant de missiles anti-navires. Les Soviétiques avaient déjà des missiles de la deuxième génération tandis que le RBS 08 suédois était démodé. Le besoin d’une capacité de commandement renforcée fut également évoqué : il fallait trouver un successeur pour les destroyers. Une corvette de 800 tonnes avec un armement polyvalent fut jugée comme la meilleure solution à ce besoin. Elle pourrait aussi répondre aux missions de protection maritime32. Malheureusement, il faudra attendre jusqu’en 1990 avant qu’un tel bâtiment voie le jour (le Göteborg).

La guerre du Kippour en 1973 fut un de ces rares exemples de batailles entre des flottes légères. Naturellement, elle devint le sujet de discussions et d’analyses. En somme, on pouvait en tirer des enseignements encourageants pour une flotte comme celle de la Suède – si toutefois l’on disposait de moyens de guerre électronique et de missiles. En outre, cette guerre montra l’importance des voies maritimes ouvertes. « Cette expérience – fondée sur l’observation de nombreuses guerres – doit aussi être une approche instructive pour nos propres politiciens et pour ces « experts militaires », qui considèrent que l’on peut protéger les voies maritimes par « d’autres moyens »… Beaucoup d’arguments plaident en faveur d’unités navales légères, de préférence en nombre élevé, armées des missiles anti-navire, comme solution pour aujourd’hui mais aussi pour l’avenir aux problèmes d’opérations navales« 33.

Enfin, en 1979, la Marine réussit à emporter la décision d’acquérir un nouveau missile anti-navire. Il s’agissait du Harpoon américain. Or, quelques jours avant la décision finale, le gouvernement tomba. Son successeur décida de renoncer au projet américain afin d’en développer un national (qui sera baptisé RBS 15). Après toutes les déceptions antérieures, presque personne dans la Marine ne crut à cette idée. Le moral tomba au plus bas depuis 1958.

Comme nous l’avons vu, la doctrine officielle n’envisageait que la menace d’une grande invasion. Dans ce cas, il devait y avoir un avertissement permettant des mesures préparatoires. « Par une organisation du renseignement ainsi que par des formes de décision souples, on doit être en mesure de prendre connaissance et d’utiliser des possibilités d’avertissement« 34. En conséquence, et d’une façon générale, il n’y eut que peu d’attention portée à l’alerte des forces. Ainsi, au cours des années 1970, la vie dans la Flotte se « civilisa » de plus en plus. Les horaires de travail furent réglés sur ceux des civils. On parla de la « flotte de paix », ou « flotte de huit à cinq (heures) ». L’esprit militaire tendit à disparaître. Les officiers ne tinrent plus à suivre l’évolution internationale de leur métier. À bord des bâtiments, on ne trouva plus de journaux ou de livres professionnels, et les officiers supérieurs n’encouragèrent que rarement des discussions professionnelles35.

Le tournant

Au cours des années 1970, l’importance stratégique de la zone nordique s’accrut sans cesse. Une des principales raisons en fut l’évolution technique des missiles de croisière. À partir des navires américains dans la mer de Norvège, ceux-ci étaient en mesure de traverser la Suède en route pour leurs cibles en URSS. La montée en puissance de la marine soviétique fut un autre facteur. La menace d’une attaque surprise se fit sentir graduellement. Les intrusions sous-marines, vraisemblablement soviétiques, dans les eaux territoriales suédoises parurent en être la preuve36. Ainsi, la loi de programmation de 1982 mit-elle l’accent sur la défense face à une attaque surprise37. Le rôle de la Marine s’accrut d’autant, celle-ci étant moins dépendante d’une mobilisation que l’armée de Terre.

En conséquence, l’année 1980 vit plusieurs changements décisifs dans la Marine. On accorda surtout plus d’attention à l’état de préparation. Ainsi la Marine abandonna-t-elle le système dit d’ »enveloppe de protection antimite »38. Celui-ci prévoyait le maintien de bâtiments, dont on n’avait pas besoin pour l’entraînement, sans équipage et sous une protection étanche afin de les protéger contre la corrosion. En théorie, cela devait permettre une mise en service rapide – mais, en pratique, ils ne fonctionnaient guère. Désormais, on devait maintenir ces bâtiments opérationnels avec un équipage réduit. Le bien-fondé de cette amélioration de l’état de préparation se tarda pas à se manifester, avec la crise de Pologne en 1980-81.

La crédibilité accrue du nouveau système de missiles RBS 15 fut un autre facteur important. Suivant un développement rapide, il entra en service dès 1985 sur les vedettes de type Norrköping modernisées39.

Cependant, le 12 mars 1980, un incident, dont l’importance ne fut pas immédiatement comprise, bouleversa la Marine. Déjà, depuis la guerre, on relevait des signes d’une activité sous-marine étrangère dans les eaux territoriales de la Suède. Il n’y avait jamais eu de preuves tangibles et la classe politique les rejetaient comme des fantaisies ayant pour but de voir donner plus d’argent à la Marine. Aussi la presse écrite les avait-elle appelés les « sous-marins budgétaires ».

Pourtant, ce jour-là, le destroyer Halland, dernier bâtiment disposant de moyens de lutte anti-sous-marine efficaces, entra en contact avec un sous-marin étranger au sud de Karlskrona (la base navale sud de la Suède). Cette fois, le sous-marin ne fit pas comme d’habitude, c’est-à-dire qu’il ne quitta pas immédiatement le territoire suédois, au contraire. Après une longue chasse, le destroyer largua une grenade anti-sous-marine et perdit le contact. Ce fut la première fois en 15 ans que la Marine utilisa de vraies armes40.

Dans les années qui suivirent, il y eut un grand nombre d’autres intrusions sous-marines. La plus fameuse fut celle du U-137 (« le Whiskey on the rocks ») soviétique, qui s’échoua dans une zone militaire près de Karlskrona. Ainsi, la lutte anti-sous-marine devint la mission prioritaire de la Marine. De 1982 jusqu’au début des années 1990, elle mena une véritable guerre contre ces sous-marins. En conséquence, la « flotte de paix » disparut et ce fut la fin du rythme de vie « de huit à cinq ». Une flotte d’alerte allait naître. Lentement d’abord, puis de façon accélérée, la Flotte acquit des moyens adaptés, inventa une tactique efficace et mit le système naval en fonction. Vers la fin des années 1980 – et la fin de la guerre froide ! – la Suède se dota d’une force anti-sous-marine bien entraînée et adaptée à la situation hydrographique très particulière de la Baltique et des archipels à faibles fonds. Comme il n’y avait pas d’autres marines connaissant les mêmes besoins, il fallait soi-même concevoir le matériel et la tactique nécessaires. Le progrès en moral et en état d’esprit fut considérable.

L’histoire de cette « guerre » est évidement d’un très grand intérêt. Cependant, elle concerne plutôt des aspects tactiques et techniques que des aspects stratégiques. Elle est aussi largement secrète. Il faut donc la tenir à l’écart de cet article même si elle en constitue un fond important.

En 1978, le vice-amiral d’escadre Rudberg fut nommé chef de la Marine. Il allait commander la Marine pendant ne « tournant », ces années « charnières ». Afin de donner un aperçu de l’évolution de la pensée au sein de sa marine, il paraît utile de donner quelques extraits de ses discours annuels à l’Académie de Marine.

Il nous faut une défense en profondeur qui soit à la hauteur des nouvelles possibilités de l’agresseur… Évidemment, une invasion navale nous frapperait sur notre côté le moins large – dans le sens est/ouest. Il faut donc créer la plus grande profondeur (opérationnelle) possible à l’extérieur de notre côte et sur le littoral. Il faut chercher des solutions facilitant l’affaiblissement de l’agresseur au moment où il s’est rassemblé dans les bateaux et dans les avions et avant qu’il ne soit à terre où il peut développer sa force et sa mobilité41.

Plus tard, il constata que de nouveaux moyens de transport, surtout des bâtiments Ro-Ro rapides, doteraient l’ennemi d’une capacité à décharger par des quais démolis et sous protection de l’archipel. « À mon avis, … des archipels et des golfes ayant des communications vers l’arrière-pays seront plus intéressants pour un agresseur, peut-être beaucoup plus que des plages ouvertes du style Normandie. » On peut remarquer que cela exigerait plus de souplesse de la part de la défense et, surtout, une aptitude renforcée à se battre dans les archipels. Cette évolution fut évidement positive pour la Marine.

Les nouveaux moyens exigèrent un renouvellement de la tactique. Des hélicoptères et des avions devaient fournir des renseignements aux vedettes lance-missiles afin d’éviter à celles-ci d’utiliser leurs radars et donc de se faire découvrir.

Des armes à long rayon d’action – en premier lieu des missiles – permettent l’utilisation parfaite de cette information par les unités. Il faut l’utiliser par des groupes dispersés et mobiles afin de produire une concentration des effets des armes sur la cible éloignée… La malédiction du faible – le duel sur les termes de l’adversaire – est compensée par l’aptitude à opposer une menace à l’ennemi quand il se trouve dans une situation sensible, menace qu’il ne peut pas négliger.

Dans son discours de 1980, il mit l’accent sur les nouvelles données stratégiques42 :

Pour la plupart des Suédois, la représentation du monde comporte une Suède qui sépare les blocs de puissance de l’OTAN et du Pacte de Varsovie. Or, le renforcement naval fondamental, qui a eu lieu autour du flanc nord de l’Europe, a complètement modifié cette situation. Le réarmement naval soviétique est la cause de ce changement dans notre région du monde, en Baltique ainsi qu’en mer de Norvège (l’Atlantique Nord). La Suède et la péninsule Scandinave se trouvent maintenant au centre d’une zone où les intérêts des blocs et des superpuissances se croisent à un degré antérieurement insoupçonné, où les frontières sont fluides dans une double sens et, ainsi, fortement instables.

Il apprécia également les nouvelles techniques de débarquement. Désormais, il y avait des bâtiments spéciaux pour la descente sur une côte ouverte ainsi que des bâtiments d’effet de surface et des grands bateaux Ro-Ro. Grâce à ces derniers, l’ennemi serait en mesure de faire un déchargement tactique très rapide par ses propres rampes sur des quais rasés. « Ainsi, les possibilités d’une attaque surprise directement du groupement de paix de l’agresseur se sont accrues de façon spectaculaire.« 

La loi de programmation de 1982 confirma la commande de deux corvettes Stockholm et Malmö43. Initialement, celles-ci étaient conçues comme des vedettes lance-missiles un peu plus grandes que les « Norrköping ». À cause des besoins nouveaux de lutte anti-sous-marine, elles furent construites comme des corvettes polyvalentes – un fort armement de surface ainsi que des sonars remorqués et des armes anti-sous-marines. Avec leurs 310 tonnes, elles marquèrent une rupture avec la tendance observée depuis vingt ans, à la diminution de la taille des bâtiments de surface. Pour la première fois depuis l’époque des destroyers, la Flotte posséda des bâtiments de combat en mesure de tenir la mer pendant plusieurs jours44. En suédois, ces bâtiments furent désignés comme des « corvettes côtières » pour des raisons politiques. La désignation « côtière » avait un connotation plus « politiquement correcte » – comme on dirait aujourd’hui – que des appellations comme « d’attaque » ou « lance-missiles ».

Dorénavant, les « deux flottilles de destroyers » allaient être remplacées par des « flottilles d’attaque de surface ». Chacune avait une division de six vedettes lance-missiles Norrköping et une de quatre Hugin. À l’une des deux s’ajoutent les deux Stockholm.

Avec les nouvelles armes à long rayon d’action – le RBS 15, les torpilles filo-guidées 613 des « Norrköping » et des « Stockholm » et le RBS 12 (la Penguin norvégienne) des « Hugin »45 – la flottille fut en mesure de couvrir une large partie de la Baltique. On privilégiait toujours la protection des archipels, mais, grâce aux moyens antiaériens efficaces et à une tactique de silence électronique, on fut désormais en mesure de répondre également à une menace de « l’autre côté » – c’est-à-dire jusqu’à la côte soviétique.

Une réévaluation de la menace aérienne contribua à l’optimisme naissant. Comme nous l’avons vu, on avait mené des études importantes sur la menace aérienne du futur. Dorénavant, on pouvait constater que l’aéronavale soviétique n’était pas conçue comme l’avaient envisagé les anciennes études prospectives. « (Ces études) se trouvent aujourd’hui exagérées, peut-être faites dix ans trop tôt. Des avions lourds avec de gros missiles sont conçus pour des cibles dans l’Atlantique et dans notre zone proche, les autres avions ont des possibilités limitées contre des cibles petites et rapides, surtout dans l’obscurité. Aujourd’hui, des missiles à partir de bâtiments de surface constituent la menace principale. Cependant, ici, notre attaque de surface a la capacité de faire jeu égal parce que ses moyens d’action au large se sont accrues« 46. L’évaluation antérieure de la menace aérienne était un cas typique de « jeu de miroir » par lequel on avait appliqué un logique suédoise à l’appréciation de l’évolution soviétique. De plus, les bâtiments modernes disposaient d’une défense antiaérienne très puissante.

Enfin, la flotte de surface avait une capacité permettant des manœuvres stratégiques. Mais, pour ce faire, il fallait aussi une pensée stratégique. Or, pendant la réorganisation de l’attaque de surface, la structure navale théorique était tombée dans l’oubli. « Ainsi, nous avions des bâtiments excellents avec des systèmes d’armes éminents, mais il y avait une confusion quant aux missions et aux notions fondamentales« 47.

Dès le début des années 1980, on peut observer une discussion tâtonnante autour des problèmes navals fondamentaux. L’un des premiers essais est un article du commandant Hägg, qui propose l’élaboration de règles de comportement pour des missions de paix et de neutralité48. Il faut rappeler que la stricte délimitation entre missions d’entraînement et de guerre avait entraîné une négligence quant à l’utilisation des forces dans des missions de crise. Mais la crise de Pologne en 1980-81 et les intrusions sous-marines conduisirent à une meilleure appréciation des possibilités de la Flotte comme outil politique.

Le discours de réception à l’Académie royale des Sciences militaires du commandant Tornberg, en 1984, est particulièrement édifiant49. Il s’appuyait sur la définition de la puissance maritime de Gorchkov : la puissance maritime est une partie intégrante des moyens politiques. « Nous ne parlons de la notion de puissance maritime qu’en traitant des superpuissances. Notre propre besoin d’une puissance maritime dans le cadre de la défense totale puis dans la politique de sécurité s’est effacé« 50. Sir Julian Corbett avait souligné que l’objectif de la guerre navale devait toujours être lié, directement ou indirectement, à la maîtrise de la mer ou à la prévention de cette maîtrise par l’ennemi. En revanche, « en Suède, nous nous sommes focalisés sur une planification stéréotypée contre une invasion côtière et nous avons oublié les facteurs majeurs de la guerre navale« 51.

Le commandant Tornberg rechercha un débat intellectuel libre et fertile afin de développer une pensée stratégique, surtout dans le domaine naval. De son point de vue, la connaissance des principes des opérations navales dans les états-majors interarmées était beaucoup trop restreinte. Aussi fallait-il un nombre accru d’officiers de marine travaillant avec ces questions navales, y compris placés à l’étranger52.

Quant à son propre programme, il constatait que les opérations navales suédoises devaient se fonder sur un comportement actif. Il fallait prendre l’initiative et mener des opérations pour obtenir la supériorité locale et temporaire par la surprise et par la vitesse. Face à un tel comportement, l’ennemi serait contraint à prendre des mesures défensives. Il aurait donc plus de difficulté à concentrer ses forces pour gagner la supériorité et mener des opérations offensives. La défense suédoise gagnerait ainsi du temps53.

Cet article marquait une rupture importante. C’était la première fois depuis des années qu’un officier, futur amiral, menait une telle réflexion en s’appuyant sur des grands penseurs navals. Pendant longtemps, personne n’avait osé dire que les opérations navales suédoises pourraient avoir une fin stratégique. D’où venaient ses idées et pour quelle raison étaient-elles proposées à ce moment ? Dans une interview, alors qu’il était devenu vice-amiral, Tornberg, indiquait qu’il y avait plusieurs raisons. Premièrement, la rupture avec une pensée plutôt technocratique était dans l’air du temps – « the great revival » aux États-Unis. Et Tornberg avait suivi le cours supérieur au Naval War College où il avait fait la connaissance de cette pensée navale qui n’existait plus dans l’enseignement suédois. Un deuxième facteur très important était la « crise des sous-marins ». Il fallait ancrer les mesures tactiques que la Marine prenait dans un cadre opérationnel. Mais c’était précisément ce cadre qui n’existait pas. Personne à l’extérieur de la Marine ne comprenait la pensée opérationnelle ni de l’envahisseur ni des marins suédois. Le troisième facteur était la nécessité de trouver un fondement stratégique pour la nouvelle tactique exigée par des armes d’un rayon d’action allongé comme le RBS 1554.

Sans doute inspiré par l’article de Tornberg, le commandant Hägg constatait à son tour – dans un article intitulé « La stratégie navale : une visite de retour » – que la stratégie navale n’avait pas été en débat depuis longtemps. Dans la bibliothèque de l’École Supérieure de Guerre suédoise, les livres de Corbett, Roskill et Cable n’ont pas été empruntés pendant des décennies. Puis l’auteur faisait un tour d’horizon en résumant, entre autres, Bacon, Castex, Corbett, Mahan, Brodie et Grenfell55.

Cependant, certains n’estimaient guère ce nouvel esprit audacieux au sein de la Flotte. Il était un danger pour la doctrine strictement interarmées dont la bataille terrestre constituait la pierre angulaire. L’ancien général de division Skoglund, personnage toujours très en vue dans le débat de défense suédois, se livra à une attaque sévère contre la pensée de Tornberg. Le débat suivant est instructif et il en faut donner quelques extraits.

Le sens de l’offensive et l’ardeur belliqueuse sont des éléments nécessaires chez toutes les parties de la défense avec ses systèmes d’armes et d’unités différentes. Or, il faut aussi du réalisme dans l’action. Quand les jeunes guerriers s’imaginent revenir au passé et commencent à parler de puissance maritime et de maîtrise de la mer, certes dans des formes limitées, contre la superpuissance, il y a là de quoi mettre en garde dans le plus grand intérêt de la Flotte et de son avenir56.

La réponse de Tornberg fut intitulée : « Il est temps de réfléchir et de développer d’une façon moderne les vérités stratégiques et tactiques« . Tornberg écrit que « Skoglund ne comprend pas la différence profonde entre la guerre sur terre et sur mer… Non, dans la guerre navale, il n’est question que d’une chose, c’est-à-dire la mer comme voie de communication« 57. Dans sa réplique, Skoglund critiquait l’idée même d’une stratégie navale : « Or, l’idée ou la tendance dans certains milieux des officiers navals de voir la Marine comme un système tournant presque sur soi-même sans une liaison forte avec la défense en général n’est pas sans danger« 58.

En même temps, l’évolution internationale donna plus de valeur à la mer Baltique ainsi qu’à la stratégie navale. L’exercice de l’OTAN en Baltique, BALTOPS-85, avec la participation du cuirassé Iowa, en fut un exemple parfait. Elle fut menée dans le cadre de la  » Maritime Strategy » américaine. À l’époque, elle fut très discutée. La conséquence en sembla de soudainement rendre le littoral baltique de l’URSS plus faible59. « Les petits États nordiques se sont tirés dans le champ constitué par des forces de la stratégie navale« 60.

En somme, on assista à une meilleure appréhension de l’importance des forces navales aussi bien dans le temps de paix que pour la gestion de crises. Le chef de la Marine l’exprima dans son discours de 1988.

La structure et l’activité de la Marine de l’avenir doivent être en mesure de répondre aux exigences nouvelles dès le temps de paix. Les forces navales ont un rôle de plus en plus dominant – dans la première ligne de la défense – qui n’est pas seulement lié à la protection contre des sous-marins. Par une présence régulière sur la mer, elles doivent inspirer le respect et avoir un effet dissuasif à l’égard des formes différentes de violations et d’autres comportements qui nous menacent 61.

Le développement des années 1980 est résumé dans ces lignes publiées par la revue de l’Académie de Marine :

Par la flottille d’attaque de surface, la flotte légère a été réalisée selon le Plan Naval 60. Son avantage majeur, c’est qu’elle est dorénavant une force en mesure d’être utilisée sur toute la zone maritime. On peut attaquer l’ennemi où et quand il présente une faiblesse. Le problème quant à son effet par rapport à sa vulnérabilité a entièrement trouvé des proportions raisonnables… Nous nous sommes éloignés de la vue restreinte où le transport amphibie était l’objectif principal. Si on peut rendre les transports de concentration plus difficiles ou impossibles par la contestation de la maîtrise de la mer, il n’y aura pas d’invasion 62.

Ironiquement, au moment même où la Marine est enfin dotée de moyens adaptés et où elle retrouve une pensée navale, tout le système international s’effondre avec la chute du mur de Berlin. Il faut alors trouver des stratégies nouvelles.

Conclusion

La Marine entra dans l’après-guerre avec une flotte récente mais aussi traditionnelle. La guerre froide et la politique de neutralité exigèrent une défense suédoise forte. La menace d’une invasion soviétique fut la priorité des armées. L’arme atomique parut bouleverser la stratégie. La menace aérienne déjà démontrée pendant la guerre sembla s’aggraver sans cesse. Dans ces circonstances, la flotte de surface rencontra des problèmes de crédibilité toujours accentués. Le Plan Naval 60 fut un effort sérieux pour relever ce défi. Cependant, même s’il fut approuvé en 1958, il ne fut mené à bien que 30 ans plus tard, dans un contexte bien différent.

Le plan fut fondé sur le caractère bipolaire de la guerre navale, c’est-à-dire la guerre d’escadres et la guerre des communications. Il s’appuya donc sur deux piliers. Le premier fut l’attaque de surface, avec des vedettes minuscules autour des bâtiments de commandement ainsi que des sous-marins. Le second mettait en jeu des frégates pour la protection maritime. Cependant, ce dernier ne put subsister au sein d’une défense exclusivement axée vers la défense anti-invasion. Il était trop facile d’en faire quelque chose de superflu par une simple manœuvre politique. Quand la mission de lutte anti-sous-marine ressuscita, en 1980, ce fut dans un contexte bien différent. Quant aux forces pour la lutte anti-surface, les bâtiments lourds furent certes remplacés par d’autres d’un tonnage plus faible, mais jamais dans le nombre envisagé. De plus, on ne put jamais acquérir les bâtiments de commandement prévus. Cependant, l’évolution technique fut favorable aux moyens toujours plus performants et moins encombrants.

Sur le plan technique, la Flotte des années 1960 et 1970 rencontra deux problèmes majeurs : la menace aérienne et l’absence d’un missile anti-navire performant. La première était probablement exagérée. À cette époque, l’URSS n’avait pas d’arme aéronavale conçue pour frapper des petits bâtiments dans la Baltique comme l’armée de l’Air suédoise. Quant au second, il est probablement une conséquence du premier. La Marine, ayant commencé le développement d’un missile anti-navire dès les années 1940, fut la première marine hors du Pacte de Varsovie à disposer d’un tel système opérationnel sur ses destroyers. Cependant, après le désastre de 1958, il fallut attendre presque 30 ans avant d’en voir un nouveau sur les vedettes.

Sans un missile moderne, les bâtiments de surface ne pouvaient pas affronter les navires soviétiques. Si l’on y ajoute la menace aérienne telle que perçue par les Suédois, la crédibilité de la Flotte était faible. Et, comme la doctrine militaire se bornait à ne traiter que d’une guerre totale, on ne vit pas l’importance des autres missions navales en temps de paix, de crise ou de neutralité. C’était un cercle vicieux.

Ce cercle se refléta sur le plan théorique. La planification opérationnelle se concentra sur la lutte anti-invasion – « la malédiction de la flèche rouge ». La planification fut également de plus en plus interarmées, c’est-à-dire dominée par l’armée de Terre. Le sujet même d’une stratégie navale n’exista plus au sein de l’École Supérieure de Guerre, intégrée de plus en plus à celles des autres armées. Comme la Suède n’était pas en mesure – sauf avec ses sous-marins – de frapper l’Union soviétique chez elle, il fallut attendre le commencement du transport amphibie – « la flèche rouge ». Comme cette action relevait plus de la tactique que de la stratégie, la stratégie disparut, au moins dans sa forme navale.

Dans cette situation de faiblesse, il n’y eut même plus de débat sur la stratégie navale, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, l’absence d’intérêt pour la planification opérationnelle la rendait inutile. De plus, la base théorique disparut au sein des écoles. Ainsi, le débat international traita de problèmes de haute mer qui n’avaient que peu d’importance pratique pour la Suède, confinée dans la mer Baltique étroite. Finalement, on n’osa pas parce qu’une discussion ouverte au sein de la Marine aurait pu donner des arguments aux autres armées.

Tout cela changea grâce à trois facteurs. L’évolution internationale rendit la zone nordique de plus en plus intéressante sur le plan stratégique. La possibilité d’une attaque surprise donna une plus grande importance à la Flotte du fait de son meilleur état de préparation que l’armée de Terre.

Le deuxième facteur fut les intrusions sous-marines. Grâce à elles, la Marine redevint une force militaire opérationnelle, même en temps de paix. Pendant toute une décennie, ces opérations se trouvèrent au cœur même de l’intérêt du public. La lutte anti-sous-marine exigea des moyens adaptés – surtout des bâtiments plus grands avec des systèmes d’armement adaptés et une tenue de mer plus grande que la « poussière navale ».

Le troisième facteur fut l’acquisition d’un missile anti-navire rendant possible le duel avec des vedettes soviétiques.

Soudainement, la pensée stratégique ressuscita, conséquence des évolutions décrites ci-dessus, mais peut-être aussi d’une maturité lentement acquise.

Tableau 

Caractéristiques des bâtiments de guerre
mentionnés dans cet article

Type

Classe

Nbre

Lancé

Déplacement
(tonnes)

Vitesse
(nœuds)

Armement
principal

Cuirassé

Sverige

3

1918

7275

22

4×283

Croiseur

Tre Kronor

2

7650

7650

33

7×152, 6 torp

Destroyer

Halland

2

1952

2790

35

4×120, 8 torp, RBS 0863

 

Östergötland

4

1956

2044

35

4×120, 8 torp

Vedette

Plejad

12

1954

175

39

6 torp

 

Spica

4

1966

210

40

6 torp

 

Norrköping

12

1973

220

40

1×57, 6 torp, 8 RBS 15 après 1983

 

Hugin

16

1978

150

30

1×57, 6 RBS 12 (Penguin)

Corvette

Stockholm

2

1984

310

30

1×57, 6 torp, 8 RBS 15

 

Göteborg

4

1990

320

36

1×57, 6 torp, 8 RBS 15

________

Notes:

 

1 Depuis 1905, la Marine suédoise se compose de la Flotte et de l’Artillerie côtière.

2 Stig Ericson, Knopar på logglinan, Stockholm, Bonniers, 1966, p. 184.

3 Les deux croiseurs HMS Tre Kronor et HMS Göta Lejon étaient le résultat d’un long combat pour la deuxième division de cuirassés qui a commencé après la Grande Guerre. Cf. Lars Wedin, « La pensée navale suédoise dans l’entre-deux-guerres », dans L’évolution de la pensée navale IV, pp. 194-199.

4 Pour les caractéristiques des bâtiments, voir le tableau en fin d’article.

5 Cars, Skoglund och Zetterberg. Svensk försvarspolitik under efterkrigstiden, Stockholm, Probus, 1986, p. 22.

6 Cf. Lars Wedin, « Kjellén, la naissance de la géopolitique » et « Le débat naval en Suède de 1895 à 1910 », L’évolution de la pensée navale, V et VI.

7 Le commandant en chef est nommé « ÖB » (överbefälhavare) en suédois.

8 ÖB 57, cité dans Hans Zettermark, « Inflytande under ytan », The Royal Swedish Academy of War Sciences, Proceedings and Journal, n° 1, 1997, p. 150.

9 Ibid., p. 156.

10 Cars et al., pp. 28-31.

11 Ibid., pp. 32.-33.

12 « La pensée navale suédoise dans l’entre-deux-guerres », p. 197.

13 Ericson, 1966, p. 183.

14 Stellan Bojerud, « Krigserfarenheter, ekonomi och marint nytänkande. Lätt flotta 1945-1963 », Tidskrift i Sjöväsendet (TiS, revue de l’Académie Royale de la Marine), 1984/2, p. 95. Quand l’auteur était jeune officier, à la fin des années 60, il avait toujours en mémoire les petites vedettes lance-torpilles proposées par Ericson ; il a d’ailleurs commandé l’une d’elles, appelée « petit fracas » à cause de sa coque trop petite et fragile.

15 Stig Ericson, Kuling längs kusten, Stockholm, Bonniers, 1968.

16 Ibid., p. 44.

17 Ibid., pp. 120-122.

18 Göran Frisk, « Från jagarflottilj till ytattackflottilj och ubåtsjatstyrka », TiS, 1994/2, p. 8.

19 Göte Blom et Per Rudberg, Vår beredskap var den god ?, Karlskrona, Marinlitteraturföreningen, 1996, p. 32.

20 Ericson, 1968, p. 39.

21 Ibid., p. 123.

22 Bojerud, pp. 103 et 107.

23 Blom et Rudberg, p. 57.

24 Sur l’influence de l’amiral Colomb et la doctrine de « Fleet in Being » sur la Flotte suédoise, cf. « Le débat naval en Suède de 1895 à 1910 », dans L’évolution de la pensée navale VI.

25 Sauf avis contraire, la description suivante est tirée de l’expérience personnelle de l’auteur qui passa la plus grande partie des années soixante-dix à bord de destroyers ou de vedettes lance-torpilles/missiles.

26 Expérience personnelle et Frisk, pp. 83-102.

27 Ce missile, d’un rayon d’action de plus de 40 km, était le premier système anti-navire opérationnel en dehors du Pacte de Varsovie.

28 Les « Östergötland », plus petits, avaient une artillerie de 120 mm semi-automatique. Ils pouvaient donc tirer plus lentement mais continuellement.

29 Göte Blom, « Säkerhets- och försvarspolitiska följder av utökat svenskt territorialhav », TiS, 1975/2, p. 59.

30 Bojerud, pp. 103 et 107.

31 Arbetsgrupp MHS, « Kanonbåtsdiplomati – den militära närvaron som strategi », TiS, mars-avril 1973, pp. 102-115.

32 « Estradsamtal mellan ledamöterna Schuback, Gärdin och A Gustafsson », TiS, juillet-août 1973, pp. 265-277.

33 Cay Holmberg, « Kommentarer till föredrag av israels CM amiral Telem, Sjöoperativa lärdomar av Yom-Kippur-kriget », TiS, 1977/1, pp. 20-21. L’expression « d’autres moyens » est une allusion à la loi de programmation de 1972 par laquelle le gouvernement décide que la protection maritime se fera avec « des moyens autres que militaires » – c’est-à-dire qu’il n’y aurait plus de bâtiments avec une capacité anti-sous-marine.

34 Loi de programmation de 1972, cité dans Blom et Rudberg, p. 32.

35 Lars Wedin, « Sjöofficeren och facklitteraturen », TiS, 1976/1, pp. 11-12.

36 Mis à part le cas du fameux U-137 – « le Whisky on the rocks » – qui s’échoua dans l’archipel de Karlskrona en 1981, il n’y a jamais eu de preuves véritables de leur nationalité. Cependant, et selon toute vraisemblance, la plupart d’entre eux étaient soviétiques.

37 Cars et al., pp. 52-58.

38 Blom et Rudberg, p. 39.

39 Cf. L. Wedin, « Le RBS 15M : un missile suédois pour la lutte anti-surface », Bulletin de liaison de l’École Supérieure de Guerre Navale, n° 112, avril 1996, pp. VII et 1-9.

40 Hans von Hofsten, I kamp mot överheten, Stockholm, 1993, pp. 66-68. Hofsten était le commandant du Halland pendant cette bataille.

41 Per Rudberg, « Marinens problem idag och i morgon », TiS, 1979/2, pp. 47-49. C’était là son premier discours, en 1979.

42 Per Rudberg, « Försvaret. Marinen. Samhället », TiS, 1980/2, pp. 55-56.

43 Cars et al., p. 57.

44 On peut faire remarquer que cette tendance s’est maintenue. Les corvettes suivantes (les Göteborg) font 400 tonnes et le projet en cours (le Visby) pèsera 600 tonnes.

45 Le RBS 15 a une portée de plus de 70 km, le RBS 12 de plus de 25 km et la 613 entre 20 et 30 km.

46 Bengt Schuback, « Antalets betydelse », TiS, 1986/1, p. 15.

47 Frisk, p. 96.

48 Christer Hägg, « Handlingsregler för konfliktsituationer på fritt hav », TiS, 1983/1, pp. 41-48.

49 Le discours a été reproduit dans Claes Tornberg, « Sjömakt eller vanmakt », TiS, 1985/3, pp. 197-204.

50 Ibid., p. 197.

51 Ibid., p. 199.

52 Ibid., pp. 201-202.

53 Ibid., p. 199.

54 Interview du vice-amiral Tornberg, commandant du Collège Interarmées de Défense à Stockholm, 3 avril 1997.

55 Christer Hägg, « Marin strategi – ett återbesök », TiS, 1985/4, pp. 293-305.

56 Claës Skoglund, « Gemensam Grundsyn », TiS, 1985/1, pp. 67-68.

57 Claes Tornberg, « Det är dags att begrunda och modernt utveckla de strategiska och taktiska sanningarna », TiS, 1985/2, p. 162.

58 Claës Skoglund, « Gemensam grundsyn – slutreplik », TiS, 1986/1, p. 89.

59 Schuback, 1986, p. 12.

60 Mats Lindemalm, « USA’s nya « Maritime Strategy ». En presentation och analys », TiS, 1987/1, p. 43.

61 Bengt Schuback, « Marina stridskrafter – nödvändigt att utnyttja dem ännu bättre som säkerhetspolitiskt verktyg redan i fred », TiS, 1988/1, p. 15.

62 Frisk, p. 93.

63 RBS = missile anti-navire.  

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