CHAPITRE I : Les approches scientifiques de la décision
Il y a deux façons d’expliquer le processus décisionnel en relations internationales. D’une part, il est possible d’analyser le comportement étatique dans ce qu’il a de plus vaste, soit le système international et son environnement, et d’autre part on peut se concentrer exclusivement sur les facteurs internes de la politique étrangère d‘un Etat.
Dans le premier cas, l’analyse systémique met l’accent sur l’intégration des Etats dans le système politique, stratégique et économique international, et vise à savoir de quelle manière le système influence la place de l’Etat dans le monde. Dans le second cas, l’analyse de la politique étrangère accentue les particularités des pays et étudie la politique internationale par les comportements de chacun des Etats.
Au lieu de tenter d’appliquer ceux-ci de manière exclusive, il est plus utile de tenter de les réconcilier en les rendant complémentaires. Pour atteindre cet objectif, nous devons percevoir le phénomène décisionnel à travers une vision multidimensionnelle, c’est-à-dire centrée autour du décideur, des institutions, de la société et de l’environnement international.
Par conséquent, nous observons que l’étude du processus décisionnel peut être soumise à plusieurs grilles d’analyse. Ainsi, il est possible de découper le phénomène décisionnel en cinq grandes approches : l’approche rationnelle, perceptuelle, sociologique, bureaucratique et systémique..
1.1. L’approche rationnelle
L’approche rationnelle suppose qu’il soit possible de parvenir en tout temps à une décision qui soit optimale face à un problème donné. Le critère principal du processus décisionnel repose sur une analyse rationnelle des coûts et bénéfices de chaque option dans la prise de décision. L’approche rationnelle voit essentiellement dans la décision un choix entre diverses alternatives, guidé par une analyse raisonnée des coûts et bénéfices liés à chacune des options envisageables. La décision s’explique en termes d’options préférentielles prises par un décideur rationnel et parfaitement informé. Sur le plan organisationnel, l’approche se caractérise par une conception unitaire ou intégrée de la décision : seule une volonté unique (un homme ou un petit groupe de décideurs) peut opter rationnellement pour l’alternative la plus profitable. L’élimination de diverses alternatives s’explique au nom du principe de l’efficacité maximale au moindre coût.[1]
Le processus rationnel de décision se fait donc selon un schéma bien précis[2] :
1. phase du diagnostic : rassembler l’information nécessaire sur une situation, puis en faire une analyse adéquate, afin qu’il soit possible de déterminer et d’évaluer la nature du problème.
2. phase de recherche : considérer l’ensemble des valeurs et des intérêts en jeu, afin de permettre la description des objectifs et la préparation des options.
3. phase d’évaluation : comparer de manière exhaustive les options et leurs conséquences, soit leurs coûts et leurs bénéfices, en vue de réduire l’incertitude.
4. phase de révision : réévaluer toute option qui est mise à l’essai et qui ne semble pas fonctionner ou celle qui est mise en œuvre de façon déficiente.
5. phase du choix : choisir la meilleure option et exécuter la décision.
Ces étapes posent de nombreux problèmes. En effet, dans les faits, il est impossible d’obtenir un si haut niveau de qualité, car la pratique démontre que les rapports internationaux sont avant tout le fruit de décisions très imparfaites et incomplètes. Par conséquent, les cinq étapes, étudiées ci-dessus, peuvent être reprises de manière critique[3] :
1. l’information est rarement parfaite en ce qu’elle est souvent incomplète, tronquée ou teintée selon les objectifs de ceux qui la fournissent, pour être ensuite interprétée en fonction des préjugés de ceux qui la reçoivent ;
2. la considération des valeurs et intérêts, ainsi que des options, est faite de façon largement subjective, en fonction des croyances et des structures bureaucratiques des décideurs ;
3. l’évaluation des options est souvent fortement biaisée ;
4. les décideurs ferment souvent les yeux devant les problèmes que crée la solution que l’on a mis de l’avant. Ils s’obstinent à justifier leur choix et à poursuivre l’application de leur décision ;
5. l’appréciation ultérieure des conséquences de la décision permet de constater que le processus décisionnel ne mène pas toujours à l’adoption de la meilleure décision.
Aussi, ce système rationnel souffre de manière générale de trois défauts[4] :
a) il ignore la complexité des affaires étrangères ;
b) il ignore la dimension humaine ;
c) il ignore les conflits politiques dans la prise de décision.
Cette approche est plutôt abstraite, car, le fait qu’une décision puisse sembler rationnelle n’implique pas nécessairement que le processus décisionnel a lui-même suivi des étapes qui satisfont aux critères de rationalité. Bien qu’elle soit jugée rationnelle, une prise de décision peut n’être, en fait que le reflet de certaines perceptions, valables ou contestables, qui influencent le raisonnement des décideurs dans le processus menant à la sélection d’une option.
1.2. L’approche perceptuelle /cognitive
1.2.1. L’approche générale
L’approche perceptuelle, privilégie l’explication voulant que dans une situation donnée, les décideurs adoptent le comportement le plus satisfaisant à leurs yeux, compte tenu des perceptions qu’ils ont des circonstances entourant cette situation. Leur représentation est constituée de valeurs, émotions, perceptions de comportements et de croyances qu’ils ont adoptées au fil des années.
Les décideurs ne réagissent donc pas seulement en fonction de leur connaissance ou expérience immédiate, mais aussi en fonction de certains événements formateurs, formative events, qui créent des images stables.[5] Mais comme l’explique Göran Rystad : « More important, however, is the discrepancy resulting from the distortion of reality by perceptual predispositions, especially those originating from pre-existing images of the past. »[6] Le grand danger est d’obtenir alors des images incorrectes des faits (misperceptions) si certains événements sont interprétés à travers des analogies historiques non-appropriées.
1. The mind can be fruitfully viewed as an information-processing system. Individuals orient themselves to their surroundings by acquiring, storing, appraising, and utilizing information about the physical and social environment.
2. In order to function, every individual acquires during the course of his development a set of beliefs and personal constructs about the physical and social environment.
3. These beliefs and constructs necessarily simplify and structure the external world.
4. Much of an individual’s behavior is shaped by the particular ways in which he perceives, evaluates, and interprets incoming information about events in his environment.
5. Information processing is selective and subject to bias ; the individual’s existing beliefs and his attention-set at any given time are active agents in determinig what he attends to and how he evaluates it.
6. There is considerable variation among individuals in the richness-complexity as well as the validity of their beliefs and constructs regarding any given portion of the environment.
7. While such beliefs can change, what is noteworthy is that they tend to be relatively stable. They are not easily subject to disconfirmation and to change in response to new information that seems challenge them.
8. Individuals are capable of perceiving the utility of discrepant information and adopting an attitude of open-mindedness with regard to new information that significantly goes counter to their current beliefs.
Source : A.L. GEORGE , Presidential decisonmaking in Foreign Policy, Boulder, Colorado WestivewPress, 1980, pp. 56-57.
Cette approche scientifique explique ainsi la prise de décision par la perception que le décideur se fait de la réalité objective. Comme le déclare J. Barréa : « l’environnement cognitif ou mental du décideur comprend les filtres ou prisme des attitudes et une image de l’environnement opérationnel externe et interne. Plus le prisme des attitudes fonctionne comme une lentille déformante, plus la décision est prise sur base non pas de faits eux-mêmes, mais de l’idée, de l’image que le décideur s’en est faite »[7] De plus Festinger postule qu’il existe un besoin inhérent de maintenir une certaine cohérence dans le système cognitif humain, et que les mécanismes psychologiques fonctionnent de sorte qu’ils réduisent ou même évitent les discordes en éliminant systématiquement toute information perturbante. Ceci mène vers ce que Jarvis appelle irrational consistency.[8] Si l’information est en cohérence avec une image existante, un décideur politique répond positivement. Si ce n’est pas le cas, il tente de dissimuler la dissonance par une perception sélective ou une interprétation fortement partiale.
En définitive, les perceptions influencent la prise de décision de quatre façons :
Ø restructurent la réalité, en la simplifiant, en la faussant ;
Ø tendent à rendre cohérentes les informations reçues avec les valeurs des décideurs ;
Ø peuvent mener jusqu’à l’adoption d’un cadre de référence qui assimile de manière cohérente des intentions diverses et contradictoires, en fonction de croyances et d’images préétablies des décideurs ;
Ø font comprendre et situent un problème en fonction d’analogies personnelles ou historiques.
En suivant le raisonnement d’auteurs comme Janis, George ou David, nous pouvons pousser l’analyse de l’approche cognitive plus loin , en s’intéressant à la dimension de la cognition dans le processus de prise de décision.
1.2.2. La cognition dans le processus de décision
Nous pouvons définir cette approche comme l’étude des comportements ou des attitudes qu’une personne, un groupe ou une organisation adopte pour favoriser une option, compte tenu de ses valeurs et de ses perceptions dans un contexte d’incertitudes causant un stress important.[9] Il existe ainsi une variété de comportements psychologiques auxquels les décideurs ont recours en vue de réduire ou d ‘éliminer l’incertitude et l’anxiété que provoquent chez eux le manque d’information et le besoin de faire un choix difficile. Ces comportements sont l’analogie historique, la cohésion (rendre cohérentes les perceptions entre elles), la simplification, la stabilité, la mise en œuvre d’une stratégie de petits pas, recours à des principes idéologiques,….[10]
L’ensemble de ces réactions peuvent aider les décideurs dans leurs tâches décisionnelles, mais elles ont souvent des effets néfastes sur la qualité et la rationalité de la prise de décision. Nous retrouverons cette problématique ultérieurement quand nous aborderons le comportement de groupe dans la quatrième partie consacrée à Johnson.
1.3. L’approche bureaucratique
L’approche bureaucratique se base sur le principe que le pouvoir national est fractionné entre diverses administrations et que l’Etat n’est qu’un regroupement d’organisations plus au moins reliées entre elles, au sommet desquelles siègent les dirigeants politiques.
De manière générale, les principales caractéristiques de la bureaucratie sont une tendance à sous-évaluer le rôle et le pouvoir du président, à se concentrer presque exclusivement sur ce qui se passe au sein de son département et à négliger les relations avec les autres acteurs de la prise de décision. D’autres caractéristiques sont que la bureaucratie forme une organisation hiérarchique, divisée en différents services selon les domaines, avec des niveaux de promotion et fonctionnant par le biais de notes de service. Aussi, les différentes bureaucraties se préoccupent moins de l’intérêt national, que de l’intérêt de leur propre organisation.
Par conséquent, l’objectif de la bureaucratie est d’influencer le président en faveur des positions qu’elle défend. Ce jeu d’influence comprend des manoeuvres pour inclure et exclure du processus de planification d’autres organisations, selon leurs positions. Pour faire contrepoids à l’influence des organisations, le pouvoir central dispose d’agences interorganisationnelles dont la mission est de coordonner le travail bureaucratique en vue d’atteindre le seuil optimal désiré dans l’élaboration des politiques.(cfr.infra le rôle du C.N.S.)
En conclusion, les organisations définissent leurs intérêts en termes d’enjeux bureaucratiques, plutôt qu’en termes d’intérêt national.. La décision apparaît dès lors comme le résultat d’une lutte politique entre diverses préférences.
1.4. L’approche systémique
Les facteurs systémiques rendent compte de traits qui sont spécifiques au système international. L’approche systémique part du principe qu’il est inutile de regarder à l’intérieur de la société et d’examiner les processus décisionnels. Il suffit de comprendre le contexte environnemental pour éclaircir la nature des prises de décision. Cette approche met en évidence la structure du système international (bipolaire, multipolaire,…)
1.5. L’approche sociologique de Rosenau
Pour expliquer la décision en politique étrangère J. Rosenau propose un schéma général recherchant les causes de la décision en politique étrangère. J.Rosenau identifie cinq catégories de variables indépendantes. Les cinq variables regroupent la variable d’ordre individuel, les facteurs d’ordre gouvernemental, la variable dite sociétale, les facteurs d’ordre systémique ainsi que les facteurs dits de rôle.
1.5.1. La variable d’ordre individuel
La variable d’ordre individuel renvoie à toutes les données qui relevant du caractère du décideur, de son expérience antérieure, de ses talents personnels,….sont de nature à influencer la décision à ce seul titre.[11] L’intelligence, la vision, l’imagination, l’idéalisme, le pragmatisme, le dogmatisme,…. sont des caractéristiques attribuées aux hommes d’Etat.
Il est très difficile d’établir la pertinence de cette variable dans la prise de décision. Aussi à notre sens il ne faut pas tomber dans le piège d’exagérer l’influence de cette variable. A certaines exceptions près, la variable d’ordre individuel dans les sociétés démocratiques a un rôle limité. En effet, les individus une fois en fonction se conforment aux habitudes et croyances de leurs prédécesseurs. Il y a alors une certaine répétition régularité qui s’installe. Aussi, nous rejoignons le point de vue d’A.J. George : « Awareness of the complexity of personality should serve to discourage the tendency to explain behavior by going for the jugular of the unconscious and other forms of psychological reductionism that bypass attention to the situational, institutional, and role context in which the executive functions. »[12]
Aussi, si l’approche de Rosenau concernant la variable d’ordre individuel est intéressante, il faut aller au-delà et analyser ce que nous appelons le style présidentiel.
Le caractère d’un président, sa vision du monde et son comportement définissent le style présidentiel. Ce style présidentiel se définit à partir de deux approches. La première approche se fait sous l’angle actif-passif. Il y est question de savoir, quelle énergie le président investit dans sa présidence. Dans la seconde approche, la présidence est définie sous l’angle négatif-positif. On analyse la manière dont le président vit sa vie de président. S’amuse-t-il en politique ? Est-ce une obligation ?,….
J. Barber, en combinant les deux approches (actif-passif et négatif-positif) présente quatre styles présidentiels : le style actif-positif, le style actif-négatif, le style passif-positif et le style passif-négatif :[13]
1.5.1.1. Le style actif-positif
Il s’agit d’un président qui s’engage à fond dans son travail, qui est toujours productif, aime son travail et transmet cette attitude à tous les niveaux de son environnement. Il est flexible, a peu de patience et de compréhension pour les facteurs irrationnels.
1.5.1.2. Le style actif-négatif
Il génère une hyperactivité dans les efforts, sans jamais atteindre un niveau jugé convenable de satisfaction personnelle, a un caractère compulsif, impatient, parfois agressif,…
1.5.1.3. Le style passif-positif
Une approche marquée principalement par la volonté de coopération et de consensus devant mener à l’harmonie dans les prises de décision. Le président est très réceptif à l’opinion des autres, recherche l’estime de ses collègues, sans devoir investir lui-même l’énergie nécessaire pour entraîner chez ceux-ci un effet d’émulation.
1.5.1.4. Le style passif-négatif
Un président peu intéressé par l’emploi et qui cherche à accomplir si peu, délègue aux autres, la tâche de s’occuper des affaires de la Maison Blanche.
1.5.2. variable dite sociétale
La variable dite sociétale regroupe les facteurs d ‘explication en provenance de la collectivité humaine au nom de laquelle la décision est prise. Ce sont tous les groupes qui exercent des pressions en vue d’infléchir les décisions dans le sens de certains intérêts particuliers.
1.5.3.facteurs d’ordre systémique
Le système international lui-même est susceptible de marquer les décisions de politique étrangère indépendamment des autres influences exercées. (cfr. supra)
1.5.4.variable dite de rôle et facteurs d’ordre gouvernemental
Indépendamment de la personnalité du décideur, son rôle est susceptible d’affecter le contenu de la décision d’une manière propre. Le facteur d’ordre gouvernemental est lié à l’équilibre institutionnel. Tout comme nous l’avons fait pour la variable d’ordre individuel, il faut dans ce cas-ci également dépasser l’approche de Rosenau, pour approfondir la variable dite de rôle et la variable d’ordre gouvernemental.
L’ensemble des acteurs et organisations d’une société forment le moteur de la décision et de son exécution. Si nous prenons la société américaine, les acteurs principaux sont le président, le secrétaire d’Etat, le secrétaire à la Défense, le secrétaire de la trésorerie, le JCS, le directeur de la CIA et le Conseiller de la sécurité nationale. A côté de ceux-ci nous avons ce que G.T. Allison appelle les acteurs ad hoc : les partis politiques, le Congrès, les groupes d’intérêts et en dernier lieu l’opinion publique et la presse.[14]
Par conséquent, l’influence de l’acteur dans la prise de décision dépend de sa position dans la société. Selon cette position les intérêts peuvent varier. Ainsi, les questions, quelle est la solution ? Que faut-il faire ?, vont être déterminées par la position que les acteurs occupent dans la société et donc dans le système décisionnel. Aussi, l’acteur principal , qui est dans notre cas le président, doit tenir compte de cela au moment de sa décision. Il lui revient d’harmoniser ces intérêts afin de rendre l’exécution de la décision la plus efficace possible.(Cfr.infra le problème de dilemmes)
Mettant surtout l’accent dans ce mémoire sur l’équipe décisionnelle, les points qui suivent, concernent une approche théorique de la structure décisionnelle et de la relation entre les conseillers et le président. Les autres institutions sont abordées aux moments opportuns à travers la relation des faits.
1.5.4.1. La structure décisionnelle
Chaque président en fonction doit décider comment structurer et diriger la politique étrangère dans son administration. Le point qui suit est basé sur l’analyse d’A. L. George.
1.5.4.1.1. La structure compétitive
La structure compétitive fonctionne tel un système de poids et de contrepoids qui encourage l’expression et la formulation d’intérêts divergents. La compétition favorise en théorie l’innovation au sein de la bureaucratie, stimulant la recherche des options. Cependant, cela peut avoir également un effet négatif : une concurrence féroce entre les départements qui fragmente et paralyse la prise de décision. Aussi, la structure compétitive se caractérise plus par le marchandage que par l’analyse. Ce modèle convient le mieux au style actif-positif.
1.5.4.1.2. La structure formelle
Ce modèle ressemble à une pyramide, comportant une série de couches décisionnelles qui filtrent l’information et les analyses circulant de bas en haut à l’intérieur de l’échelle administrative. Il se caractérise également par des débats restreints, une gestion centralisée, rôle influent des conseillers,… Comme l’explique C-P David : « c’est une structure pensée en fonction d’une participation départementale relativement discrète au sein du processus décisionnel, ce modèle poussé à l’extrême peut créer une véritable dictature présidentielle sur les organisations. » [15] Par conséquent la compétition se produit entre les départements et la Maison Blanche. L’aspect le plus négatif de cette structure est l’absence d’expertise bureaucratique.
1.5.4.1.3. La structure collégiale
Cette structure encourage un travail d’équipe, centrée autour du président. C’est une structure qui se situe à mi-chemin entre les deux autres. Dans cette structure, il y a moins de marchandage et de compromis, mais également un meilleur contrôle du président . Il peut ainsi plus facilement inclure et exclure des conseillers. Le danger le plus sérieux est la tendance à la conformité au sein du groupe et la volonté de maintenir à tout prix l’esprit d’équipe. Ce qui empêche un véritable débat.
Ch-P David représente la structure et le style présidentiel à travers un tableau.
styles et structures présidentiels
STYLES STRUCTURES |
ACTIF- POSITIF |
ACTIF-NEGATIF |
PASSIF-POSITIF |
PASSIF-NEGATIF |
COMPETITIVE |
Roosevelt |
Carter |
x |
x |
FORMELLE |
Truman |
Nixon |
Ford |
Eisenhower |
COLLEGIALE |
Kennedy Bush Clinton |
Johnson |
Reagan |
x |
Source : C-P DAVID, Au sein de la Maison-Blanche, Canada,Presse Université de Laval, 1994, p. 138.
Ce tableau résumant l’analyse de Barber et George, permet de classer les présidents selon leur style et leur manière de prendre leur décision. Ainsi chaque président a son propre style et sa propre structure. Toutefois l’approche de Barber et A. George représentée par le tableau de Ch-P David est selon nous trop catégorique. Aussi, elle ne peut servir qu’en tant que grille d’analyse, afin d’avoir une meilleure compréhension du processus décisionnel. En outre, le plus grand reproche que nous puissions faire à ce tableau est l’absence de la structure « formelle-informelle ».(Cfr. Infra)
1.5.4.2. Les conseillers (Advisory system)
Dans la prise de décision, un point souvent esquivé est l’influence dans la prise de décision des rapports entre le président et ses conseillers. Or, il ne faut pas oublier que le processus de prise de décision est avant tout un processus politique.
1.5.4.2.1. Rôle
Il n’existe pas de définition de conseiller à la présidence. Cependant, il est possible de le définir à travers les fonctions qu’il remplit. Ch-P David en s’appuyant sur une série d’auteurs estime que le conseiller, de manière idéale remplit une série de fonctions[16] :
1. conseiller le gouvernement sur ses objectifs et priorités ;
2. formulation de programmes opérationnels, c’est-à-dire concevoir des plans concrets d’action visant à réaliser les objectifs ;
3. évaluation de ces programmes ;
4. coordination et liaison entre les programmes, avec la participation de toutes les organisations gouvernementales ;
5. l’analyse prévisionnelle ;
6. l’expertise.
Nous sommes donc en présence d’un groupe qui transmet connaissances, informations, évaluations et prévisions au sujet de problèmes complexes. En outre, les conseillers ont l’avantage de posséder un mandat et un appui tels, qu’ils peuvent court-circuiter les hiérarchies organisationnelles. Le nombre de conseillers réguliers auprès du président doit se situer entre quatre et sept. Au-dessus de sept, il y a un manque d ‘efficacité. En dessous de quatre, c’est-à-dire trois nous nous retrouvons alors dans une situation deux contre un. Or un système décisionnel est trop fragile, sensible pour maintenir une situation pareille, aussi il y a automatiquement un certain conformisme, une certaine unanimité entre les conseillers ou à plus long terme un nombre plus élevé de conseillers.
1.5.4.2.2. Les dysfonctionnements
Dans ce point, nous insistons sur les dysfonctionnements qui peuvent naître entre les conseillers et le président. Si nous suivons l’approche d’A.George il y a moyen en théorie d’identifier dans la relation conseiller-président neuf dysfonctionnements :[17]
1. quand le décideur et ses conseillers acceptent facilement la nature du problème et la réponse à y donner ;
2. quand les conseillers prennent des positions différentes et débattent de celles-ci devant le président, mais que toutes les options et hypothèses ne sont pas analysées ;
3. quand il n’y a pas de défenseur d’une option impopulaire ;
4. quand des conseillers débattent d’une série d’options et confrontent le décideur à une recommandation unanime ;
5. quand les conseillers s’accordent entre eux que le décideur doit prendre une décision cruciale, mais aucun de ces conseillers ne veut le lui annoncer ;
6. quand le décideur, confronté à un important problème, est dépendant d’une seule source d’information ;
7. quand une option n’a été analysée que par les défenseurs de cette option ;
8. quand le décideur demande à ses conseillers leur opinion, mais n’exige pas d’un groupe de spécialistes d’examiner de manière détaillée les points négatifs abordés ;
9. quand le décideur est surpris du consentement au sein de ses conseillers, sans que ces derniers parviennent à le convaincre de comment ils y sont parvenus .
1.5.4.2.3. La relation au sein de l’équipe décisionnelle : compétitive ou collégiale
La relation entre le président et ses conseillers dépend fortement des objectifs politiques. Quand les objectifs et les moyens de les atteindre sont communs à la société, à l’environnement politique, la prise de décision va se caractériser par une certaine collégialité, amitié entre le président et ses conseillers. L’harmonie et l’homogénéité sont tellement grandes que le groupe reste indifférent aux points de vue dissidents. C’est ce que Barret appelle clanlike.
Quand les objectifs et les moyens de les atteindre sont controversés ou impopulaires dans l’environnement, la relation entre les conseillers et le président sera compétitive. (marketlike).
Enfin, quand il y a cohésion au niveau des objectifs mais pas au niveau des moyens, on se retrouve dans un système intermédiaire : collégial et compétitif.[18]
Dans la majorité des cas, les auteurs se limitent à analyser une problématique sous un seul angle : soit systémique, soit bureaucratique,… Quant à l’approche de Rosenau, elle n’établit pas les interactions entre les différentes variables.
Aussi, notre objectif est d’analyser la prise de décision à travers l’ensemble de ces approches, Car à certaines exceptions près, aucune décision prise peut être éclaircie par une seule approche. Aussi afin d’atteindre cet objectif il faut constituer un modèle décisionnel qui reprenne ces différentes approches et qui mette l’accent sur la prise de décision au sein de l’Exécutif.
[1] J. BARREA, Théories des Relations Internationales, LLN, Artel, 1994, p. 38.
[2] T.L. BREWER,American foreign policy : A contemporary introduction, USA, Prentice Hall,1992, p. 25.
[3] C-P DAVID, Au sein de la Maison Blanche, Canada, Presses de l’Université de Laval, 1994, p. 18.
[4] T.J. BREWER,op.cit., p. 26.
[5] B. WHITE, M. CLARKE, Understanding foreign policy: The Foreign Policy Systems Approach, Washington, Edward Elgar, 1989, p. 144.
[6] G. RYSTAD, « Images of the past » in J.P. KIMBALL, To reason why : the debate about the cause of U.S.involvement in the Vietnam war, New York, Mc Graw-Hill Publishing Company, 1990, p. 53.
[7] J. BARREA, op.cit, p. 43.
[8] B. WHITE, M. CLARKE, op.cit, pp. 146-148.
[9] Ch-P DAVID, op.cit., p. 20.
[10] A. GEORGE, op.cit.., pp. 35-47.
[11] J. BARREA, op.cit., p. 38.
[12] A.J. GEORGE, op.cit., p. 6
[13] COLLECTIF, The Making of American Foreign and Domestic Policy, Demetros & M.A. Epstein, Dabor social science publications, 1978, pp. 55-56.
[14] G.T. ALLISON, « Conceptual models and the cuban missile crisis »,in R.G. HEAD & E.J. ROKKE, American Defense Policy, New York, The John Hopkins University Press, 1973, p. 291.
[15] C-P DAVID,op.cit., p. 139.
[16] Ch-P DAVID, op.cit., p. 37.
[17] A.L GEORGE, op.cit., pp. 23-24.
[18] D.M. BARRET, Johnson and his Vietnam Advisers, Kansas, University Press of Kansas, 1993, p. 10.