POLITIQUE ARGENTINE DES COMMUNICATIONS

Étendue internationale du réseau ferroviaire argentin et sa répercussion directe sur le versant du Pacifique et indirecte sur le bassin amazonien.

Le réseau de communications de La Plata est une des preuves les plus éclairantes de ce que peut devenir l’homme en tant qu’acteur de première grandeur dans le domaine géographique. De même, c’est la preuve parfaite de la flexibilité de la géographie politique comme superstructure de l’anthropogéographie, l’éventail de ses variations, depuis la plus rationnelle des hypothèses jusqu’au phénomène le plus déraisonnable.

Des aspects comme celui des communications de La Plata ne laissent aucun doute sur ce que la géographie politique n’est vraiment pas autre chose qu’une géographie animée par l’homme. Observons encore qu’une fois convaincu que, sans l’homme comme acteur géographique, toute la géographie devient un vrai corps sans âme, le sens politique dans toute l’étendue de ses acceptations est bien l’âme des réalités géographiques pour lesquelles l’action de l’homme est tout.

Dans les cas particuliers des communications de La Plata, cette action se montre en outre intéressante puisque ces routes vont se concentrer au cœur même d’un des pays du bassin du Rio de La Plata, de Buenos Aires, la Distributrice au bord de ce même fleuve sur le littoral atlantique. Une fois réalisé, cela honorera grandement la nation argentine pour la portée de ses investissements nationaux, malgré l’importance de la coopération étrangère.

En effet, le système politique argentin est, sur notre continent, l’exemple le plus évident de ce qui est considéré comme meilleur du point de vue dogmatique sur ce sujet. Il ne manque à ce système ni l’ampleur, ni l’équilibre ; il traduit exactement une action coordonnée sur les facteurs géographiques et humains conditionnés par la nation argentine, Il définit avec précision les tendances, les nécessités et les possibilités du peuple argentin, en soi et en relation avec les autres.

En partant d’une quelconque de ses expressions politiques, on peut remonter finalement et spontanément aux instructions de la politique nationale. Globalement, ses activités constituent un réel système de forces selon les aspirations de la nation elle-même pour lequel la politique de l’État argentin en est la résultante logique.

Représentation ferroviaire argentine

Tout ceci se comprend et s’entend quand on se rend compte de l’aspect expansionniste de la politique des communications de La Plata, tellement l’état des communications (étant donné le caractère économique des sociétés modernes) est significatif en tant que sûre indication de l’orientation et de la stabilité d’un sens politique déterminé.

Le schéma qui matérialise l’effort ferroviaire de l’Argentine donne de lui-même une idée de l’importance économique et politique du système de communications argentin. Il laisse percevoir dans toute sa manifestation le caractère concentrique du système, comme l’indique dès maintenant le degré de son incidence sur les réseaux circonvoisins.

Comme on le voit, Buenos Aires est reliée directement par chemin de fer avec les capitales de trois pays limitrophes. De Buenos Aires à Asunción, la ligne double la voie fluviale et assure la liaison (Concordia – Salto) entre les réseaux argentins et uruguayens. Avec Santiago (et Valparaiso), Buenos Aires est reliée par la voie ferrée de montagne qui assure le trait d’union entre l’Atlantique et les richesses andines. Avec La Paz, la jonction du réseau argentin avec les chemins de fer boliviens se fait à Tupiza après un parcours de 1 795 kilomètres depuis Buenos Aires jusqu’à La Quiaca.

Quant au caractère concentrique du système dont l’importance est évidente, il faut en montrer certaines particularités. D’abord, les voies navigables n’ont rien perdu de leur intérêt et il n’y a pas compétition mais coopération. En outre, le service portuaire et les conditions techniques de navigation fluviale se développent tous les jours de plus en plus et l’État argentin maintient, grâce à des dragages constants, la navigabilité des rivières. Par ailleurs, les transports peuvent utiliser soit l’un ou l’autre moyen de communication, où grâce à des transversales on peut passer d’un système à l’autre ; c’est ce qu’on peut aisément constater sur une carte des chemins de fer argentins.

Quant à l’influence du système sur les réseaux circonvoisins, c’est un des aspects qui méritent une attention particulière. Si dans les liaisons Buenos Aires – Santiago et Buenos Aires – Asunción, cette influence ne dépasse pas les limites de ses conséquences naturelles, il n’en va pas de même pour la liaison Buenos Aires – La Paz pour laquelle sont apparues des conséquences capables même d’avoir une incidence jusque sur l’économie du continent.

Influence sur le Pacifique et sur l’Amazonie

Si on examine à nouveau le schéma, on peut, dans une rapide analyse, évaluer l’importance politico-économique des incidences de caractère continental consécutives à la liaison Buenos Aires – La Paz.

Si on évalue tous les facteurs, on conclut dès lors que ces incidences se manifestent suivant deux processus différents ; ils se présentent sous deux aspects, pour ainsi dire opposés mais complémentaires.

En premier lieu, il y a la multiplication des contacts avec le Pacifique. La liaison avec le port de Valparaiso est multipliée par celles avec les ports d’Antofagasta, de Mejillones, d’Arica au Chili et de Mollendo au Pérou. Malgré le caractère indirect de ces liaisons, on ne peut nier leur incidence sur le continent. Il suffit de considérer la signification politique des routes d’Antofagasta à La Paz et d’Arica à La Paz (Guerre du Pacifique), les formes de vie plus ou moins artificielles de ces ports (absence de milieu maritime) ou bien l’ »isolement » des eaux au bord desquelles ils sont placés et les conséquences aujourd’hui et dans l’avenir du Canal de Panama sur le trafic maritime du Pacifique. Telles seraient les circonstances qui feraient que ces voies pourraient avoir une finalité allant entièrement à l’encontre de celle qui inspira leur construction, car elles deviendraient des pompes aspirantes, transportant vers les hauts plateaux la richesse des vallées longitudinales du versant ouest des Andes, la ligne Buenos Aires à La Paz faisant le reste.

Ensuite, la signification de la liaison Buenos Aires à La Paz est plus nette par ses prolongements jusqu’à Cuzco. Même face aux hauts des vallées du Mamoré, du Béni et de Madre de Dios, sa voie représente une barrière économique efficace, une sorte de collecteur de trafic en faveur du Rio de La Plata.

Il est vrai qu’une quelconque conjecture qu’on pourrait faire à propos de la représentation politico-économique de la liaison Buenos Aires – La Paz se heurte à des questions difficiles à régler. Parmi celles-ci, il y a les distances énormes le long desquelles a été posée une voie unique et étroite, dont le trafic en de nombreux points est diminué dans les tronçons à crémaillère ou encore par les mauvaises conditions météorologiques locales. De Buenos Aires à Antofagasta il y a 2 701 kilomètres, à Arica, 3 020 kilomètres, à Mollendo (y compris la traversée du Lac Titicaca, 3 433 kilomètres ! Ce sont des chiffres réellement considérables qui entraînent des problèmes de tarifs, des questions de transbordement, en un mot des coûts de transport.

Il est sûr cependant que les impératifs économiques se chargeront beaucoup d’aplanir ces difficultés par des conventions (trafic réciproque) et par des solutions techniques tendant à accroître le rendement de ces lignes ; c’est ce que nous commençons à constater.

Enfin, de ceci on peut conclure avec une certaine assurance que le rôle de la liaison ferroviaire Buenos Aires – La Paz est le symbole de l’homogénéité en réponse aux antagonismes géographiques sud-américains, que ce soit ceux entre versants ou ceux d’un opposition entre les deux bassins principaux du versant atlantique. Cette ligne escalade le haut plateau brésilien et sa voie franchit les cols andins dans un effort neutralisant d’une bonne partie des aspects de ces oppositions, mais toutefois au profit de La Plata.

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