Santa Cruz de la Sierra

Santa Cruz sollicitée par toutes les directions de la boussole

Les conditions géographiques du haut plateau bolivien traduisent bien toute l’instabilité politique qui naît du territoire du pays.

Comme certains auteurs l’ont noté, les sollicitations qui assiègent le territoire bolivien sont d’une telle importance qu’elles arrivent à créer en Bolivie une instabilité réellement dangereuse pour la paix en Amérique du Sud.

En fait, la Bolivie est liée au territoire du Pacifique par la contexture andine de la partie occidentale de son territoire et, dans sa partie orientale et centrale, elle est brutalement dissociée par la répulsion des deux bassins de La Plata et de l’Amazone.

La contrainte politique qui marque la vie de la nation bolivienne est évidente, car elle est obligée de se tourner vers l’Occident parce qu’amputée par la guerre du Pacifique, alors que d’autres revendiquent la richesse économique de son prestigieux territoire si bien défini par le triangle Sucre – Cochabamba – Santa Cruz de la Sierra.

Dans la fidèle expression de cette image, il faut faire ressortir Santa Cruz de la Sierra qui est justement la région dans laquelle tendent à se manifester toutes les forces dissociatrices de la Bolivie « méditerranéenne », région dans laquelle ces forces trouvent leur point d’application.

Le triangle symbolique du haut plateau bolivien

De fait, Santa Cruz, avec son altitude de 400 mètres, est située au pied même du triangle si nous considérons la différence de niveau de plus de 2 000 mètres par rapport aux deux autres sommets (Cochabamba et Sucre). Elle représente le centre économique de tout le versant est et nord-est du haut plateau et, outre d’innombrables produits, dont l’exploitation intensive date de la chute du caoutcouc (viande fumée, sucre, café, céréales, bétail, etc.), elle possède des gisements pétrolifères dans lesquels la prospection est déjà avancée.

Pour ces raisons, les influences les plus actives convergent vers Santa Cruz de la Sierra venant de tous les horizons, depuis Cochabamba, Oran par Yacuiba, de Puerto Suarez et enfin de Guajara-Mirim.

C’est par Cochabamba que se manifeste la menace la plus inquiétante ; elle vient directement de l’ouest (Arica) et indirectement du sud (Buenos Aires). Elle a cependant contre elle les routes qui grimpent à partir de Santa Cruz pour atteindre les voies ferrées.

En outre, le Beni dispose de l’embranchement La Paz – Yungas qui peut détourner vers le nord une grande partie du trafic venant de Cochabamba. La direction d’Oran est, du fait de la distance, moins propre à un tel détour. L’extrémité de la voie ferrée va à peine au-delà du Rio Bermejo et, quand elle aura atteint Yacouba, il lui faudra encore parcourir près de 600 kilomètres pour arriver à Santa Cruz. Toutefois, nous ne pouvons oublier que cette direction vers le sud mène directement à Buenos Aires, vers l’exutoire naturel du bassin de La Plata. Cette circonstance peut, d’un moment à l’autre, rendre cette voie de dérivation des plus dangereuses.

La direction de Puerto Suarez, relative à l’attraction qu’elle exerce sur Santa Cruz, peut être considérée comme reliée à la voie fluviale du Paraguay. Cela signifie que, malgré cette tendance vers l’est, la direction de Puerto Suarez peut être interprétée, dans ses aspects politiques et économiques, comme s’orientant vers le sud, jalonnée par le tronçon Yacuiba – Oran.

La Convention appelée Carrillo-Gutierrez en administre la meilleure preuve. Cependant, on doit tenir compte de deux actions neutralisantes : les meilleures conditions de navigabilité du Paraguay en amont d’Asunción et le rôle fonctionnel du nord-ouest, s’il y existe une liaison convenable avec le port de Santos.

Enfin, la direction définie par Guajara-Mirim, extrémité de la route du Madira-Mamoré, est l’expression de la capacité routière et donc de transport qui lui est naturelle, notamment après la construction du tronçon Santa Cruz – Cuatro Oyos.

Santa Cruz sollicitée de tous les points de l’horizon

Comme on le voit, Santa Cruz de la Sierra est un carrefour2 économique important situé au centre du continent. Cependant, on doit admettre que les sollicitations économiques qui s’y rencontrent n’ont pas toutes la même importance. De même, on doit reconnaître que l’intérêt de chacune d’elles est plus ou moins aléatoire, selon la progression ou la régression des autres.

L’attraction de l’ouest diminue beaucoup à partir de Cochabamba à cause des insuffisances de la côte du Pacifique ; quant à l’attraction du sud, elle rencontre à son tour de sérieux obstacles ; via Cochabamba la distance jusqu’à l’exécutoire de La Plata est de 3 285 kilomètres par Santa Cruz – Cochabamba – Buenos Aires. Via Yacuiba, cette distance est inférieure de près de 600 kilomètres et la liaison est plus directe mais reste encore à construire.

L’attraction de l’est (Puerto Suarez), si on la prolonge dans cette direction avec l’énergie nécessaire, deviendrait une réelle et sérieuse concurrente des attractions venant du sud puisqu’elle conduirait vers l’Atlantique en un point de la côte situé au nord de Santos (Foz de Prata), après 2 576 kilomètres, c’est-à-dire 700 kilomètres de moins que pour Buenos Aires.

Pour cela, il faudrait qu’on construise la ligne allant de Santa Cruz de la Sierra à Puerto Suarez.

Si cependant, le Nord-Ouest ne manifeste pas le degré d’efficacité désiré, la construction de cette ligne représenterait une véritable arme à double tranchant, renforçant l’énergie du Paraguay en tant que voie fluviale de transport.

Finalement, il reste l’attraction qu’exerce le Nord par la voie Madeira – Mamoré, canalisant les transports vers le Rio Grande, parfaitement navigable depuis Cuatro Oyos (200 kilomètres en aval de Santa Cruz, dont 100 de route macadamisée) et pouvant être doublée par des transports routiers quand on établira la liaison Portachuelo – Cuatro Oyos – Trinidad – Exaltación (centres des plus florissants) avec Santa Cruz et Guajara-Mirim.

Selon notre point de vue, l’attraction qu’exerce le Nord sera décisive. Elle intéresse les 3/5 du territoire bolivien si nous tenons compte de la vallée du Beni comme variante. Les transports se déplacent toujours dans le même contexte de caractéristiques amazoniennes, malgré les milliers de kilomètres. Le transport fluvial prédomine, moins onéreux que celui par chemin de fer, et il débouche dans l’Atlantique, à l’Équateur.

Seulement, l’attraction de l’Est pourra compenser celle du Nord, si les moyens nécessaires sont plus que suffisants pour vaincre les influences fluviales et ferroviaires de Buenos Aires, ou bien pour compenser ses propres insuffisances, y compris la zone des marais à l’aboutissement des lignes de chemin de fer. Enfin, remarquons que ces deux forces d’attraction (celle du Nord et celle de l’Est) sont naturellement liées aux possibilités de transports du Brésil.

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Notes:

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