Chapitre Trois . Courte Histoire de l’Escadrille Lafayette

Une brève histoire de l’Escadrille Lafayette et du Corps d’Aviation Lafayette sera présentée pour rappeler au  lecteur ses origines, ses accomplissements et ses contributions à l’effort de guerre. Cette histoire ne sera pas très poussée et présentera seulement un bref résumé de l’unité. Le but ici n’est pas de recréer l’histoire de l’Escadrille Lafayette – que l’on peut trouver partout.

 

Les origines de l’Escadrille Lafayette

 

Lorsque les armées d’Europe sont entrées en conflit en août 1914, l’Amérique en tant que nation a décidé de rester neutre. Ceci ne correspondait pas aux aspirations de certains de ses citoyens qui pensaient que l’Amérique devait choisir l’un ou l’autre des belligérants. Les citoyens américains pour nombre de raisons se sont précipités pour rejoindre les deux côtés du combat. Certains hommes Américains, qu’ils se soient trouvés en Europe au moment de la guerre, ou qu’ils aient rejoint l’Europe autrement, ont cherché une façon d’aider dans le combat. Certains ont entendu l’appel, poussé par leur sens du droit et de la liberté ; certains étaient des aventuriers et cherchaient la gloire et la fortune ; d’autres encore étaient des jeunes hommes curieux – mais quelque soit le cas, ils venaient pour se battre ou pour offrir leurs services.

Bien sûr, la question de la neutralité était un problème pour ces Américains, et la nationalité en était un autre. Le Président des Etats Unis Woodrow Wilson avait déclaré :

 

« Personne sur le territoire et sous la juridiction des Etats Unis ne prendra part, directement ou indirectement à la guerre, mais observera une neutralité stricte et impartiale. »1

 

L’article 6, Chapitre 1 de la Convention V de 1907 de la Haye a expressément traité le problème de ressortissants étrangers combattant pour d’autres pays ; les personnes étaient autorisées à offrir leurs services à l’un des belligérants, sans pénalité. Cependant, l’Article 4 de la même Convention interdisait aux pays de recruter des candidats auprès de pays neutres. De plus, une loi américaine votée en 1907 déclarait que tout Américain qui s’enrôlait ou prêtait serment auprès d’un service étranger « serait considéré comme s’étant expatrié. » 2

Dans le cas des Français, afin de contourner le problème de citoyenneté, il était généralement admis qu’en joignant la Légion Etrangère Française, on n’était pas déchu de sa nationalité parce que le serment d’allégeance n’était pas fait à un autre pays, mais seulement  à l’unité de combat elle-même.3 Certains robustes Américains ont trouvé leur entrée dans les forces française de cette façon. Au tout début du conflit, quelques Américains se battant sous la Légion Etrangère ont eu l’idée de créer une unité d’aviateurs américains volontaires. L’origine de cette unité est généralement attribuée au Légionnaire William Thaw qui était pilote avant la guerre. Au même moment, un jeune homme du nom de Norman Price était également de son côté en train de réfléchir à l’idée. Prince avec vécu ici et là en France la plus grande partie de sa vie et son père détenait des propriétés à Pau dans le sud de la France. Son idée était de former une escadrille américaine au sein du Service d’Aviation Français en utilisant comme noyau d’autres jeunes hommes qui aimaient l’idée y compris les légionnaires volontaires qu’il avait rencontrés à son arrivée en France, hommes tels que William Thaw, Elliot Cowdin, Frazier Curtis, Bert Hall et Didier Masson. 4

Prince devait venir en France au début de l’année 1915 et à raison de l’influence et de la fortune de son père, il a commencé à songer à l’idée d’une unité d’aviation. Ses efforts ont tout d’abord été repoussés parce que la neutralité des Etats Unis était un problème et parce que le service d’aviation à ses débuts en France avait largement assez de pilotes. Prince a fini par rencontrer un M. Jarousse de Sillac qui s’est épris de l’idée du jeune homme. M. de Sillac, qui était le Sous-Secrétaire du Ministre français des Affaires Etrangères, avait une position qui lui permettait de faire connaître cette idée et en février 1915, il persuadait le Ministre de la Guerre de permettre aux Américains de s’enrôler dans l’Aviation Française. A la fin mars 1915, les pilotes Thaw, Hall, Cowdin, Curtis, Prince et James Bach étaient affectés aux écoles d’aviation françaises et les détails de l’unité devaient être mis en place. 5

Concomitamment et indépendamment des efforts de Prince et des autres, un autre Américain vivant à Paris, le Dr Edmund Gros, un des hommes en charge du Corps d’Ambulances Américain, a eu une idée similaire d’organiser une unité d’aviation américaine. Il avait pensé que les nombreux volontaires qu’il avait rencontrés dans le corps d’ambulances seraient d’excellents candidats pilotes pour l’unité d’aviation française, alors il a entrepris d’utiliser ses contacts et son prestige à Paris pour former une unité. 6

Par chance, le Dr Gros avait rencontré Curtis et certains des autres aviateurs débutants et par leur intermédiaire, M de Sillac. M. de Sillac et le Dr Gros ont commencé à fomenter l’enthousiasme nécessaire pour supporter leur idée. Finalement, le 8 juillet 1915, le Général Hirschauer, Chef de l’Aviation Militaire Française a rencontré le Dr Gros et M. de Sillac ; bien qu’au début complètement opposé à l’idée d’un groupe d’aviateurs américains sur le front pour des raisons diplomatiques, il a considéré les avantages d’avoir une telle unité. Il a accepté de donner des ordres pour la formation d’une escadrille américaine qui serait connue sous le nom de « l’Escadrille Américaine ».7

Ce n’est qu’en avril 1916 que l’unité a été en fait mise en place et désignée comme « Nieuport 124 » ou « N-124 » escadrille de chasse. Le 21 mars 1916, des ordres officiels étaient reçus du Département de l’Aviation, indiquant que le Commandant en Chef avait finalement approuvé la formation de N-124, mais qu’il faudrait encore un moment pour réunir les pilotes américains. Les pilotes qui devaient former le noyau de la nouvelle unité étaient dispersés dans des écoles en France à Buc, Pau et Avord et certains d’entre eux comme Thaw volaient déjà avec les unités françaises sur le front. Les candidats ont été réunis à Plessis Belleville. Le capitaine Georges Thenault devait commander l’escadrille ; son assistant serait le lieutenant deLaage de Meux. La liste initiale des pilotes était la suivante, et il est généralement admis que ces sept hommes étaient les pilotes d’origine de l’Escadrille Lafayette : William Thaw, Elliot Cowdin, Kiffin Rockwell, Norman Prince, Bert Hall, Victor Chapman et James Rogers McConnell.  Malheureusement, Eugene Curtis, blessé lors d’un entraînement de vol, était dans l’incapacité de voler et James Bach s’est écrasé et est devenu prisonnier de guerre. 8

Pour assister l’unité qui commençait à attirer pas mal d’attention, le Dr Gros et M. de Sillac ont fondé le « Comité Franco-américain » (qui devait devenir par la suite le « Corps d’Aviation Franco-Américain »), comité destiné à gérer les finances et les affaires des Américains qui auraient besoin d’argent en plus de ce que les Français leur allouaient pour les uniformes, les frais et divers. Il était composé du Dr Gros, de M. de Sillac et de divers bienfaiteurs fortunés et hommes d’affaires américains de haut standing intéressés par la France comme William K. Vanderbilt et J. Pierpont Morgan qui finançaient et se préoccupaient du bien être des pilotes de l’Escadrille Américaine. 9

Le Corps d’Aviation Franco-Américain a également facilité les démarches pour les candidats aviateurs potentiels américains. Un formulaire d’enrôlement spécial était adopté avec les Français, qui permettait au candidat de s’enrôler mais qui lui donnait également de façon non équivoque le droit de retourner aux Etats Unis sans pénalité et sans coût s’il devait s’avérer inapte en tant qu’aviateur. Pour ce qui est de la nationalité, le candidat n’était pas tenu au serment d’allégeance aux Français mais devait promettre d’obéir aux ordres et de se soumettre à la discipline – il ne perdrait pas sa nationalité américaine. 10

Les Allemands ont protesté à raison de la neutralité américaine et demandé que la référence aux Etats Unis dans l’Escadrille Américaine soit stoppée. Peu de temps après, les Français ont changé le nom pour adopter « Escadrille de Volontaires » . Mais comme les Américains détestaient ce titre, on leur a permis de le changer au profit du titre diplomatique mais cependant très symbolique de « Escadrille Lafayette ». Ceci a été officiellement accepté. 11

 

L’escadron en combat

 

L’Escadrille Lafayette aura été transférée onze fois et aura servi dans neuf lieux différents pendant sa période de service d’environ vingt trois mois sur le front, afin de se trouver à proximité de la plupart des combats. En conséquence, ils volaient sur tout le secteur du Front Ouest. Le lecteur pourra se référer aux Cartes Un et Deux. 12

L’unité était à l’origine stationnée à Luxeuil-les-Bains, ancienne ville d’eau aux pieds des Vosges, près de la frontière suisse du 20 avril au 19 mai 1916. L’escadron partageait le terrain d’aviation avec des aviateurs anglais du Service d’Aviation de la Royal Naval et les unités devaient protéger les bombardiers du Capitaine Felix Happe, de Farnam et Bequet lors de raids. L’escadron a effectué sa première patrouille officielle le 13 mai et a marqué sa première victoire par Kiffin Yates Rockwell le 18 mai qui a abattu un avion de reconnaissance. 13

L’unité est partie pour Bar-le-Duc, dans le Secteur Verdun, du 19 mai au 14 septembre 1916 afin de prendre part à la Bataille de Verdun  où elle a intégré le Groupe de Combat 12. Raoul Lufbery, Clyde Balsley, Chouteau Johnson, Lawrence Rumsey, Dudley Hill, Didier Masson et Paul Pavelka ont rejoint l’escadron à Bar-le-Duc, portant le nombre des pilotes à 16. Le 22 mai, Bert Hall a enregistré la seconde victoire de l’escadron et le 24 mai, William Thaw a marqué la troisième. Le 17 juin, Victor Chapman a enregistré sa première victoire mais a été tué au dessus de Haumont le 23 juin, premier disparu de l’escadron. Deux jours plus tard, Elliot Cowdin a été transféré de l’unité « pour raisons de santé ». Le 23 juillet, Bert Hall a enregistré un second avion abattu ; deLaage en a abattu un autre le 27 juillet. Les 30 et 31 juillet, Raoul Lufbery a abattu les deux premiers de ce qui allait devenir une longue liste. Lufbery devait enregistrer deux autres points, Norman Prince un et Bert Hall son 3ème durant le mois d’août. Norman Prince et Kiffin Rockwell ont réussi à abattre des avions le 9 septembre. Pendant la bataille de Verdun, l’unité a pris part à 146 combats, enregistrant 13 victoires confirmées, déplorant un mort et trois blessés. L’escadron a également cédé ses vieux Neuport 11 à une autre escadrille et adopté les nouveaux Nieuport 17. 14

Du 14 septembre au 18 octobre 1916, l’unité N-124 était de retour à Luxeuil, dans le Secteur des Vosges. Robert Rockwell, le cousin éloigné de Kiffin Rockwell, a rejoint l’unité lors d’un passage à Paris et l’unité est retournée à Luxeuil le 19 septembre 1916. Là encore, l’unité devait assurer la protection des bombardiers anglais et français. Le 23 septembre, Kiffin Rockwell, un des membres les plus populaires de l’escadrille, était tué en combat près de Rodern et le 12 octobre, Norman Prince, un autre membre bien connu de l’Escadrille était mortellement blessé dans un crash en revenant d’une mission de combat, après avoir lui-même abattu un avion au cours de sa mission. Lufbery est devenu un as avec son 5ème avion abattu lors de cette même mission avec Prince. De Luxeuil, l’unité a été transférée à Cachy. 15

L’unité a reçu des pilotes de remplacements William Haviland, Frederick Prince (le frère de Norman Prince) et Robert Soubiron en allant à Cachy, Secteur de la Somme, où l’unité devait être stationnée du 18 octobre 1916 au 26 janvier 1917. Elle a été assignée au Groupe de Combat 13 et devait y demeurer pour le reste de son existence pendant la guerre. De la mi-novembre à la mi-janvier, il n’a été possible de voler que douze jours au cause du temps. Le 1er novembre, Bert Hall a dû quitter l’unité à la demande de ses collègues d’escadron, à raison de conflits de personnalité et autres problèmes. Le 16 novembre, comme mentionné ci-dessus, l’escadron a dû changer son nom pour adopter celui d’Escadrille Volontaire à raison de la pression diplomatique. Le 6 décembre, elle était renommée Escadrille Lafayette sur la suggestion d’un de ses membres et était officiellement reconnue en tant que tel à partir de ce moment. Lawrence Rumsey a dû quitter l’unité après son transfert à Cachy et Paul Pavelka a quitté l’unité de son propre gré pour être transféré dans une unité d’aviation du Front Est dans les Balkans. Pendant cette période, les pilotes remplaçants Russell Hoskier, Edward Genet et Edward Parsons ont également rejoint l’unité. Lufbery a enregistré les seuls avions abattus pendant cette période , en descendant un avion le 27 décembre et le 24 janvier. 16

L’escadron a été transféré dans les Secteurs de l’Oise et de l’Aisne à Saint Juste (Ravenel) du 26 janvier au 7 avril 1917. Edward Hinkle, Stephen Bigelow, Walter Lovell, Harold Willis, Kenneth Marr, William Dugan et Thomas Hewitt ont rejoint l’escadron alors qu’il se trouvait stationné à Ravenel, alors que Didier Masson et Frederick Prince l’ont quitté pour devenir instructeurs d’aviation. Le 19 mars 1917, James Rogers McConnell était tué au combat. Pendant cette période, l’ennemi était dans un mouvement de repli vers la ligne Hindenburg et l’Offensive Neville devait connaître des résultats désastreux. Mais rapidement, Ravenel s’est avéré comme étant trop éloigné du front et l’unité a une fois encore été transférée à Ham. 17

Le transfert de l’Escadrille Lafayette à Ham dans le Secteur de la Somme a duré du 7 avril au 3 juin 1917. Le 16 avril, premier anniversaire de l’escadron, Edmond Genet a été tué par un obus anti-aérien. Le 23 avril, Ronald Hoskier était tué. Le 23 mai, le commandant en second de l’escadron Alfred de Laage a été tué alors qu’il effectuait une acrobatie au dessus du terrain d’aviation de Ham dans son nouvel avion de combat Spad VII. Andrew Courtney Campbell, Ray Bridgman, Carl Dolan, John Drexel et Henry Jones ont rejoint l’Escadrille Lafayette alors qu’elle était stationné à Ham. L’unité à pris part à 66 combats aériens pendant cette période de deux mois, abattant officiellement 7 avions ennemis. Lufbery a abattu 3 avions durant cette période, alors que William Thaw, Chouteau Johnson et Willis Haviland abattaient les autres. 18

Après Ham, l’Escadrille Lafayette était envoyée à Chaudun, Secteur de l’Aisne, du 3 juin au 17 juillet 1917. Pendant cette période, seul Lufbery a descendu un avion . James Norman Hall, Douglas MacMonagle, David Peterson et James Ralph Doolittle ont rejoint l’unité à Chaudun. Didier Masson a également réintégré l’unité après sa mission d’instructeur d’aviation. 19

L’unité a été envoyée à Dunkerque (St Pol sur Mer) dans le Secteur des Flandres du 17 juillet au 11 août 1917. L’Offensive des Flandres était lancée le 31 juillet 1917 mais la participation de l’escadron était maintenue à un minimum à raison d’un mauvais temps sur le secteur et aucun avion n’a été abattu. James Doolittle a été gravement blessé et n’a pas pu voler pour l’unité pendant cette période. 20

L’unité est retournée dans le Secteur de Verdun pour participer à l’Offensive de Verdun du 11 août au 28 septembre 1917. L’escadron a pris part à 150 combats au dessus de Verdun et Douglas McMonagle et Victor Campbell ont été tués au combat. Harold Willis a été abattu par l’ennemi et fait prisonnier de guerre et Stephen Bigelow a été suffisamment gravement blessé pour devoir quitter l’unité. L’unité devait abattre sept autres avions pendant cette période. 21

Du 29 septembre au 3 décembre 1917, l’unité a rejoint le Secteur de l’Aisne pour prendre part à l’Offensive Malmaisons. Raoul Lufbery a descendu six avions ennemis pendant cette période, en abattant quatre le même jour. Kenneth Marr, Walter Lovell et Chouteau Johnson ont quitté l’unité pendant cette période et Christopher Ford est arrivé en tant que nouveau pilote le 8 novembre, devenant le dernier pilote de remplacement de l’unité. 22

L’escadron a été transféré encore une fois à Chalons et La ferme  la Noblette dans le secteur de Campagne, du 3 décembre 1917 au 18 février 1918, son dernier jour d’existence officielle. Seul James Norman Hall a abattu un avion pendant cette période, descendant un avion le 1er janvier 1918. A leur arrivée à Chalons, les pilotes américains ont été libérés du Service Aéronautique Français pour passer sous commandement américain. Tous les pilotes ont été relevés, sauf Edward Parsons qui était retourné aux Etats Unis en permission. Du 1er décembre 1917 jusqu’à ce que leurs papiers soient en règle, les pilotes américains ont volé en tant que civils. Le 16 janvier, le Capitaine Georges Thenault a quitté l’unité et William Thaw l’a remplacé au commandement. Au 18 février 1918, tous les ordres de missions étaient arrivés. A cette date, l’Escadrille Lafayette est passée sous commandement américain et est devenue le 103ème Escadron Américain de Poursuite Aérienne. 23

Les accomplissements de l’Escadrille Lafayette

 

Les accomplissements de l’Escadrille Lafayette pendant un an, dix mois et 28 jours de service n’étaient pas prodigieux, mais ont contribués à l’effort de guerre. Pendant cette période les 42 pilotes de l’Escadrille ont effectué plus de 3.000 sorties de combat et ont enregistré officiellement 40 avions abattus. Neuf hommes ont été tués dans l’action ; un a trouvé la mort dans un accident, cinq ont été blessés, dont deux sont restés invalides. Trois ont été faits prisonniers de guerre. Les pilotes américains ont enregistré trente cinq de ces 40 avions abattus et les officiers français ont enregistré les cinq autres. Le célèbre Charles Nungesser, pilote en visite qui n’a effectué d’une seule sortie en vol avec l’Escadrille Lafayette, a abattu un de ces avions. Raoul Lufbery a abattu 17 de ces 40 avions. 24

Le nombre total d’avions descendus par l’Escadrille Lafayette excède sans doute 40 et les « probabilités » sont de l’ordre de 100 avions au total. Mais le Service d’Aviation Français était très strict quant à la politique de confirmation ; en conséquence, un grand nombre d’autres avions probablement abattus par l’unité n’ont pas pu être revendiqués. Conformément au règlement, pour qu’un avion, un dirigeable ou un ballon d’observation soient considérés comme ayant été abattus, ils devaient tomber sur les lignes françaises et la destruction devait être attestée soit en vol, soit au sol par une personne autre que le pilote lui-même ou un de ses coéquipiers d’escadron.

Ainsi qu’il a été dit précédemment, l’Escadrille Lafayette a participé à des actions dans tous les secteurs et a pris part à la plupart des offensives majeures, de 1916 au début 1918.

Bien sûr, la plus grande contribution que l’Escadrille Lafayette ait offerte était sa participation même, d’une qualité incommensurable. La présence de l’escadron, représentant les Américains, a donné à ceux qui combattaient, une lueur d’espoir que leur cause était juste et l’espoir qu’un jour l’Amérique se joindrait au combat.

 

Escadrille Lafayette par opposition au Corps d’Aviation Lafayette

 

Au cours des années, il y a eu une grande confusion  entre les noms Escadrille Lafayette et Corps d’Aviation Lafayette. L’Escadrille Lafayette est l’unité elle-même, établie à l’origine le 16 avril 1916 et dissoute le 18 février 1918. Ses membres étaient composés uniquement des 38 Américains et 4 Français qui ont volé pour l’Escadrille pendant cette période. Comme indiqué ci-dessus, l’Escadrille a été dissoute et recomposée pour former le 103ème Escadron Américain de Poursuite Aérienne.

Le Corps d’Aviation Américain (connu également sous le nom de Corps d’Aviation Franco-Américain) n’a jamais été en lui-même une unité ; c’est un nom utilisé pour désigner tous les pilotes américains, y compris les pilotes de l’Escadrille Lafayette, qui ont volé pour les Français pendant la Première Guerre Mondiale. Le nombre exact de pilotes qui ont effectivement volé pour les Français est une question sans réponse et de nombreux chiffres différents selon les sources, ont été avancés. Les nombres varient de 180 à plus de 300. Le nombre généralement retenu et le plus souvent mentionné d’hommes considérés comme ayant effectivement suivi la formation d’aviation ou reçu leurs « brevets », est de 209. Sur ces 209, 180 se sont effectivement battus sur le Front. Gardant ce nombre à l’esprit, 180 pilotes américains ont volé dans 66 escadrilles de poursuite françaises et 27 escadrilles de bombardiers/observateurs.

Les raisons pour lesquelles les Américains ont volé avec les Français plutôt qu’avec l’USAS après  l’entrée de l’Amérique dans la guerre étaient aussi variée qu’il y avait de pilotes. Certains comme le pilote  de l’Escadrille Lafayette Edward Parsons, préférait rester avec les Français plutôt que de suivre des ordres américains. Certains étaient rejetés par l’USAS aux Etats Unis pour une raison ou une autre et pensaient que c’était plus simple de rejoindre les rangs français. Il y a également ceux qui avaient combattu avec les Français dans la Légion Etrangère sur le terrain et qui pensaient que c’était plus facile de rester dans le système français plutôt que de retourner en Amérique.

Le Corps d’Aviation Lafayette a enregistré un nombre total de victoires confirmées de 199. Treize hommes sont devenus des héros. Trente neuf sont morts au combat et six lors d’accidents d’entraînement. Dix neuf ont été blessés et quinze ont été faits prisonniers de guerre. 25

 

* * *

 

Dans le cadre de cette dissertation, lorsque l’auteur mentionne l’Escadrille Lafayette, il fait référence spécifiquement à l’unité d’origine et aux 42 hommes qui volaient pendant cette période du 16 avril 1916 au 18 février 1918. C’est important parce qu’une grande partie de la discussion traitera de l’Escadrille Lafayette. Lorsque l’auteur parle du Corps d’Aviation Lafayette, il fait spécifiquement référence à tous les Américains qui ont volé pour les Français pendant la guerre. Si l’auteur se réfère aux deux noms dans la même phrase, son but est alors de parler de l’Escadrille Lafayette et du Corps d’Aviation Américain pour une raison ou dans un but bien déterminé.

 

 

  1. Link, Arthur S., The Papers of Woodrow Wilson, 1856-1924, Volumes 40 (Princeton University Press, 1982), p. vi. 
  2. Flammer, Philip M., The Vivid Air (University of Georgia Press, 1981), p. 13, et Robins, Benjamin S., American Angels (University of Nebraska, 2000), p. 2.
  3. Hall, Bert W., One Man’s War (The New Library, NY, 1980), p. 24. 
  4. Gros, Dr. Edmund, A Brief History of the Lafayette Escadrille (Unpublished manuscript, National Archives II, Maryland), p. 2.
  5. Ibid., p. 3.
  6. Ibid., p. 3.
  7. Ibid., p. 4.
  8. Ibid., p. 4 et 5.
  9. Ibid., p. 6.
  10. Ibid., p. 7.
  11. Ibid., p. 9.
  12. Gordon, Pilot Biographies, p. 27.
  13. Ibid., p. 27 ; et Journal des Marches et Opérations : Escadrille N° 124 (National Air and Space Museum Archives (NASMA), Washington, D. C.) ; et Bailey, Frank W. et Christophe Cony, The French Air Service War Chronology (London, Grub Street Press, 2002).  L’auteur a fait la comparaison entre les trois sources pour vérifié les faits. 
  14. Ibid.
  15. Ibid.
  16. Ibid., p. 28 ; et Journal : Escadrille N° 124 ; et The French Air Service War Chronology
  17. Ibid., p. 29 ; et Journal : Escadrille N° 124 ; et The French Air Service War Chronology.   
  18. Ibid.
  19. Gordon, Pilot Biographies, p. 30.
  20. Ibid., et Journal: Escadrille N° 124 ; et The French Air Service War Chronology.
  21. Ibid.
  22. Ibid.
  23. Ibid.
  24. Gordon, Pilot Biographies, p. 52. 
  25. Hudson, James J., Hostile Skies (Syracuse University Press, 1968), p. 236. 
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Chapitre Deux. L’Escadrille Lafayette : Unité Volontaire de Combat Oubliée de l’Amérique

L’Amérique a-t-elle oublié les hommes de l’Escadrille Lafayette et du Corps d’Aviation Lafayette ? Les historiens de l’aviation qui connaissent leur histoire ne seraient pas de cet avis. Peut-être feraient-ils référence à nombre de livres écrits par eux et à leur sujet. Ils mentionneraient peut-être Raoul Lufbery, le plus grand héros de l’Escadrille Lafayette et citeraient le Mémorial qui leur a été dédié. Cependant, la vérité est que les aviateurs de Lafayette ont disparu du paysage de l’histoire américaine.

 

L’Histoire Américaine des Unités Volontaires

 

L’Amérique a une tradition ancienne et riche de volontarisme et d’unités de combat composées de volontaires. Le « citoyen soldat » a représenté une part importante de l’histoire militaire américaine depuis la Révolution Américaine lorsqu’un groupe de colonies se sont battues pour être libérées des Anglais. Par la suite, les nouveaux états ne voulaient pas d’armée imposante et les volontaires sont demeurés le pivot des forces armées américaines au début de son histoire. Cette tradition a continué avec des Américains se portant volontaires si nécessaire pour participer aux guerres impliquant leur pays et pour défendre sa liberté. L’esprit de volontarisme a eu une énorme influence à travers l’histoire américaine.

Du début du siècle jusqu’au début de la Seconde Guerre Mondiale, nombre d’Américains se sont portés volontaires pour se battre à l’étranger. En fait, cette période pourrait s’appeler l’âge d’or des unités volontaires de combat américaines. Les unités spéciales de volontaires ont été créées pour combattre les Espagnols à Cuba durant la Guerre hispano-américaine. Nombreux sont ceux qui ont quitté par groupe l’Amérique neutre pour conduire des ambulances en tant que volontaires ou pour combattre sous les drapeaux d’autres pays en 1914, 1915 et 1916, avant que l’Amérique n’entre officiellement dans la Grande Guerre en 1917. Des Américains ont volé aux côtés des Polonais en 1919 contre les Russes. Dans les années 30, ils sont partis en Espagne combattre les fascistes durant la guerre civile de ce pays. Des Américains ont volé et ont combattu les Japonais bien avant Pearl Harbor. Ils ont volé pour la Royal Air Force contre les Allemands durant la Bataille d’Angleterre. Et bien entendu, les hommes de l’Escadrille Lafayette ont volé et ont combattu aux côtés des Français une année avant que l’Amérique n’entre dans la Première Guerre Mondiale.

Nombre de ces unités de volontaires ont une tradition glorifiée en Amérique. La 1ère Unité de Cavalerie de Volontaires, connue sous le nom de « Rough Riders », conduite par le futur Président des Etats Unis, Theodore Roosevelt, a attaqué San Juan Hill à Cuba dans une des plus célèbres attaques de l’historie américaine. Le Corps Motorisé de Volontaires américain fondé par Richard Norton et leur unités jumelles de la Première Guerre Mondiale, le Service au Sol Américain et le Corps d’Ambulances Américain comprenant des volontaires américains célèbres comme Ernest Hemingway, Ford Maddox Ford et d’autres futurs auteurs célèbres. Le Groupe de Volontaires Américain également connu sous le nom de « Tigres Volants » a enchanté l’Amérique avec ses exploits contre les Japonais et le Général Chennault et l’as du combat « Pappy » Boyington, sont devenus des noms connus de tous. La Brigade Abraham Lincoln, qui a combattu pendant la Guerre Civile Espagnole, a été rendue célèbre par Ernest Hemingway et d’autres écrivains qui ont rapporté au monde ce qu’ils avaient vu.

L’Escadrille Lafayette n’a jamais conquis l’imagination et l’esprit américain comme l’ont fait ses cohortes. Pourquoi l’histoire de l’Escadrille Lafayette n’a t-elle pas résisté au temps ? Pourquoi ces hommes ne représentent-ils pas une part aussi formidable de la tradition et mémoire du volontarisme américain ? Qu’est-ce qui a été perdu dans la traduction de l’histoire de la vie de ces nobles hommes ? Pourquoi ne sont-ils pas aussi connus que d’autres unités de volontaires du XX ème siècle – unités qui dans certains cas n’ont accompli ni plus ni moins que ce qu’a fait l’Escadrille Lafayette ? Pourquoi l’Amérique n’a-t-elle pas tenu sa promesse de se souvenir de ces hommes et de leur noble contribution ? Pourquoi leur Mémorial a-t-il sombré dans un tel état de négligence ?

 

Un sur Cinq

 

La suspicion et les observations de l’auteur sont-elles justifiées ; Les aviateurs Lafayette sont ils-oubliés ? Afin de tester la légitimité de son hypothèse, l’auteur a songé à approcher la question d’une façon basique – par le biais d’une simple enquête.

Trois groupes totalisant 500 Américains ont été choisis comme cible. La majorité des 500 personnes étaient militaires et avaient un niveau universitaire ou supérieur. Le but de l’auteur était d’établir que même avec une formation à dominante militaire, les résultats montraient que l’Escadrille Lafayette et le Corps d’Aviation Lafayette sont considérablement moins connus que d’autres organisations de volontaires.

L’auteur a tenté, avec toute l’impartialité possible, de rester en totale conformité avec les techniques d’enquête appropriées. Le premier groupe de personnes sondées n’avaient pas de contact direct avec l’enquêteur. Ces personnes, choisies parmi une population générale, ont reçu les questionnaires par courrier ; questionnaires qui devaient être immédiatement remplis et retournés à l’auteur. Aucune influence de l’auteur n’était possible. Les deux autres groupes sondés étaient des cadets militaires. Ces groupes ont été sondés par les officiers militaires, utilisant un processus similaire ; l’auteur est certain que la même fidélité a été apportée.

L’enquête en elle-même était composée de cinq questions de type « Oui ou Non » ; soit la personne savait la réponse, soit elle ne la savait pas et il/elle devait répondre en conséquence. Cinq unités de volontaires américaines de diverses tendances et significations historiques ont été choisies pour l’enquête. L’Escadrille Lafayette était bien entendu l’une d’entre elles : le célèbre 1er Régiment Volontaire de Cavalerie de la Guerre Hispano-américaine, le célèbre Service au Sol Américain et le Corps d’Ambulances Américain de la Première Guerre Mondiale, la Brigade Abraham Lincoln de la Guerre Civile espagnole et le célèbre Groupe de Volontaires Américaines de la période précédant la Seconde Guerre Mondiale ont été choisis comme autres unités volontaires.  L’enquête demandait simplement si la personne sondée avait déjà entendu parler de l’unité de volontaires – « Oui » ou « Non » était la seule réponse possible à cette question. L’enquête est présentée ci-dessous.

 

Enquête/questionnaire sur les Organisations Volontaires Américaines

Merci de bien vouloir répondre aux questions suivantes en entourant simplement « oui » ou « non ». Il est important pour la recherche en cours que vous répondiez aussi honnêtement que possible, aussi merci d’indiquer « oui » seulement pour celles que vous connaissez effectivement.

 

  1. Avez-vous entendu parler du 1er Régiment Volontaire Américain, les « Rough Riders » qui ont participé à la Guerre Hispano-américaine ? Oui Non
  2. Avez-vous entendu parler du Service au Sol Américain du Corps d’Ambulances Américain qui a pris par à la Première Guerre Mondiale ? Oui Non
  3. Avez-vous déjà entendu parler de l’Escadrille Lafayette ou du Corps d’Aviation Lafayette  qui ont pris part à la Première Guerre Mondiale ? Oui Non
  4. Avez-vous déjà entendu parler de la Brigade Abraham Lincoln, qui a participé à la Guerre Civile Espagnole ? Oui Non
  5. Avez-vous déjà entendu parler du Groupe de Volontaires Américains, les « Tigres Volants », qui ont participé à la guerre contre le Japon ? Oui Non

 

 

Le premier groupe représentait la population générale ; il était constitué de 100 personnes de formation, sexe, race, et éducation différentes, âgés de 17 à 70 ans. Ce groupe a été sondé par questionnaires envoyés par courrier. Le second groupe, composé de 233 cadets de l’United States Air Force Academy (USAFA) [Académie des Forces Aériennes des Etats Unis] à Colorado Springs, Colorado, ayant de 18 à 22 ans, a été sondé en mai 2002 par un officier enquêteur désigné personnellement, le lieutenant colonel stationné à l’Académie en tant que conseiller. Ce groupe représentait une audience militaire captive spécialisée dans l’étude de l’histoire de l’aviation et des traditions USAF [Forces Aériennes Américaines]. Le dernier groupe de 167 comprenait des cadets de l’USMA [Académie Militaire des Etats Unis] à West Point, New York. Les membres de ce groupe avaient entre 18 et 22 ans et représentaient une audience militaire captive spécialisée dans l’étude de l’histoire militaire et des traditions de l’Armée américaine. Les cadets ont été questionnés par un officier désigné personnellement, un professeur de l’université USMA. L’enquête a également été menée en mai 2002. Ce groupe a été choisi pour contre-balancer le groupe de contrôle de personnel militaire pour compenser le groupe USAFA.

Parmi toute la population des 500 personnes interrogées, seulement 18% reconnaissaient le nom d’Escadrille Lafayette ou Corps d’Aviation Lafayette. En comparaison, 86% reconnaissaient les Rough Riders, 76% reconnaissaient les Tigres Volants et 43% reconnaissaient le Service au Sol ou le Corps d’Ambulances Américain de la Première Guerre Mondiale. Seule la Brigade Abraham Lincoln, organisation relativement obscure aux Etats Unis et peu populaire à raison de ses connections communistes, a obtenu un score inférieur avec 15%.

Sur le groupe de 100 civils interrogés, seul un sur 4 ou 25% ont reconnu le nom de l’Escadrille Lafayette. Dans cette population, 81% ont reconnu les Tigres Volants, 77% ont reconnu les Rough Riders, 47% ont reconnu le nom d’organisations d’ambulances et 23% ont reconnu le nom de brigade Abraham Lincoln. Parmi cette population, on a pu percevoir deux autres tendances : sur la population qui est allée à l’Université de Virginie – que deux des membres de l’Escadrille Lafayette ont fréquentée – James Rogers McConnell et Andrew Courtney Campbell – et qui ont des statues et plaques érigées en leur honneur sur le campus – 13 sur les 15 personnes interrogées n’avaient jamais entendu parler des aviateurs Lafayette. Sur 18 aviateurs militaires interrogés représentant l’USAF, la Marine Américaine et le Corps de Marine des Etats Unis, 8 des personnes interrogées n’avaient pas entendu parler d’eux.

Des résultats très surprenants sont venus de l’USAFA. Parmi les 233 cadets interrogés, 47 avaient entendu parler de l’Escadrille Lafayette, ce qui veut dire que 186 ont répondu qu’ils n’avaient jamais entendu parler des hommes de Lafayette – seulement 20% de l’institution qui inculque les traditions de l’USAF. En comparaison, 100% avaient entendu parler des Tigres Volants et 98% avaient entendu parler des Rough Riders. 46% avaient entendu parler d’unités d’ambulances et seulement 11% avaient entendu parler de la brigade Abraham Lincoln.

L’USMA a suivi la tendance des autres groupes interrogés, seulement cette fois l’Escadrille Lafayette a eu des résultats encore pires. Seuls 9% avaient entendu parler des aviateurs Lafayette. En comparaison, 75% des 167 qui avaient entendu parler des Rough Riders, 45% des Tigres Volants, 36% des unités d’ambulances et 16% de la Brigade Abraham Lincoln.

Le tableau ci-dessus présente les résultats de l’enquête.

 

Nom de l’organisation                population civile (100)   USAFA (233) USMA (167)

1)1er Régiment Volontaire de cavalerie             77%                             98%                 75%

2) Service ambulances 1ère GM                  47%                             46%                 36%

3) Escadrille Lafayette                                  25%                             20%                 9%

4) Brigade Abraham Lincoln                         23%                             11%                 16%

5) Groupe de Volontaires Américains            81%                             100%               45%

Note :

  1. a) population civile : 100 questionnaires retournés sur 187.
  2. b) USAFA : 233 questionnaires retournés sur 300.
  3. c) USMA : 167 questionnaires retournés sur 200.

 

L’auteur n’a pas été mesure de désigner une organisation indépendante professionnelle pour mener son enquête, malgré ses efforts, le coût étant prohibitif. Cependant, l’auteur a pu consulter une source indépendante sur la validité de l’enquête. Il a été estimé par le critique indépendant que l’enquête était sujette à  une marge d’erreur de 3 à 5%. 1 Néanmoins, il est considéré que les chiffres parlent d’eux-mêmes. Trois différents groupes de contrôle, constitués de 500 personnes sont arrivés aux mêmes proportions et à la même conclusion. Un sur cinq, soit 20%, renforce la suspicion que l’Escadrille Lafayette a été oubliée.

 

Raisons possibles

 

Aucune fiction ne pourrait être écrite qui dépasserait l’histoire des membres de l’Escadrille Lafayette. C’est l’histoire d’une unité pittoresque d’hommes, seuls Américains sur le Front Ouest, se battant pour les Français sans le consentement de leur nation. Ils ont véritablement montré le chemin dans un combat contre un ennemi commun, tout cela au nom de la liberté. Ce qui rend cette histoire encore plus incroyable est le fait que ces hommes se battaient dans une nouvelle arène, l’air, et pour un service de l’air qui en était à ses balbutiements lors de cette guerre. Le Service de l’Air des Etats Unis (USAS) n’existait même pas encore techniquement à l’époque où ces hommes se sanglaient à leur machine et s’envolaient pour combattre l’ennemi. Ils étaient véritablement les pionniers américains dans ce nouveau domaine.

Cependant, le fait que les actions héroïques d’une poignée d’hommes courageux formant une unité unique soient oubliées par la nation n’est pas réellement significatif de ce qui s’est passé à grande échelle.  Toutes les nations ont leurs unités, hommes ou guerres qui ont été oubliés au fil du temps. Peut-être l’Escadrille Lafayette est-elle une de ces unités destinées à être oubliées. Il y a sans doute des raisons plus probables qui les ont rendues moins mémorables. Il faut considérer le contexte historique de l’unité. La Grande Guerre n’était pas une guerre populaire. Elle a en effet créé une grande aversion pour tout ce qui concerne la guerre parmi la génération qui a suivi. Les périodes entre deux guerres produisent les plus grands mouvements anti-guerre et contre culturel au XX ème siècle. La guerre et ses coûts étaient des choses que nombre de personnes ont oubliées très rapidement. Et l’aviation, toute nouvelle arme de combat qu’elle était, a joué un rôle relativement peu important dans l’intégralité du conflit. En comparaison de tous les efforts massifs déployés sur le sol, les aviateurs ne représentaient qu’un petit pourcentage sur la totalité. Pendant des années, les stratégistes n’ont pas compris le rôle de l’aviation et l’aviation a continué à être traitée comme un service d’arme de renfort nouvelle et de seconde catégorie.

Il y a des raisons plus tangibles qui ont influencé la situation historique des hommes de Lafayette. A l’origine, l’Escadrille Lafayette était de petite taille ; seulement 38 hommes volaient dans ses rangs pendant ses quelques 23 mois d’existence. Le nombre a sensiblement augmenté pour atteindre 42 si on compte les commandants français qui ont volé pour l’Escadrille également pendant cette même période. Seuls 209 hommes ont volé pour le Corps d’Aviation Lafayette durant toute la guerre. 209 hommes ne représentent qu’un petit iota en comparaison des centaines de divisions comprenant des millions d’hommes qui se sont battus pendant tout le conflit. Qu’est-ce que ce petit nombre d’hommes pouvait bien accomplir qui resterait dans l’histoire ? A moins qu’ils aient pu avoir une influence significative quelconque sur l’histoire de la guerre ou qu’ils aient abattu un nombre qu’aucune autre unité d’aviation sur le front ne pouvait égaler, ils étaient destinés à l’oubli. Malheureusement, les archives de combat ne sont pas remarquables.

Une partie du déclin de l’unité peut être attribuée à des événements pendant la guerre et après l’entrée des Etats Unis dans la guerre. Bien qu’ils aient été les premiers réels aviateurs de combat américains, l’Escadrille Lafayette a souffert d’un sort honteux lorsque le Service de l’Aviation des Etats Unis (USAS) est finalement arrivé en Europe. L’USAS voulait faire les choses à sa guise et la Force Expéditionnaire Américaine également (AEF). L’unité de l’Escadrille Lafayette a été disloquée et les hommes ont été intégrés dans des unités différentes et bien que le 103ème Escadron de Poursuite Aérienne était sensé porter ses couleurs, ses traditions et son histoire, l’Escadrille Lafayette s’est perdue dans la bataille. C’est presque comme si l’Escadrille Lafayette était une curiosité destinée à être traitée comme un orphelin ou une pièce rapportée non désirée par l’USAS. Le fait que l’USAS n’ait pas honoré et intégré l’Escadrille Lafayette en l’incluant dans ses rangs a scellé le sort historique de l’unité.

Le manque de signification historique donnée à l’Escadrille Lafayette a continué longtemps après la guerre et jusqu’à nos jours. Aucune unité ne porte les traditions et couleurs de l’Escadrille Lafayette, ni de son successeur le 103ème Escadron de Poursuite Aérienne. Aucun monument collectif n’a été érigé aux Etats Unis pour honorer ces hommes. Il n’existe que des statues, monuments et plaques financés par des fonds privés. Ces derniers sont dédiés à des individus et non pas à l’unité. Aucun musée n’est dédié à leur mémoire. Aucun bâtiment, ou institution centrale ne relate leur histoire ou leurs exploits. Les musées de l’aviation américaine ne font rien pour rendre hommage à ces hommes et à leur héritage. Ce qui existe en termes d’institutions de recherches est limité, incomplet et souvent mal organisé. La plupart des histoires et archives de l’USAS et de l’USAF  ignorent l’Escadrille Lafayette, bien que le personnel de direction de l’USAF en parle souvent comme étant l’unité pionnière de combat de l’aviation américaine. Comme les résultats des enquêtes de l’Académie USAF pourraient le suggérer, l’USAF ne parle même pas à ses jeunes officiers de ses premiers pionniers. Et il est triste de constater que l’héritage global des membres de l’escadron n’est pas heureux. Comme dans toutes les unités, il existait des dissensions et discordes et l’Escadrille Lafayette avait un problème d’egos, de jalousie et de partage de la gloire qui  devait souiller son héritage. L’escadron était partagé en cliques et les hommes pouvaient être méchants et méfiants les uns à l’égard des autres. Certains des hommes détestaient être en escadrille et certains même détestaient voler et étaient considérés comme des tire-au-flanc qui évitaient les combats. Malheureusement, le mauvais sang devait se répandre dans les années futures et affecter le moral et la cohésion de l’unité. Il y a même eu une querelle concernant la construction du Mémorial de l’Escadrille Lafayette et au sujet de la liste des hommes qu’il était supposé honorer. Nombre des membres du groupe initial de 38 hommes devaient mourir jeunes, alcooliques, reclus et/ou hors la loi. Ceux qui ont réussi à mener une vie normale n’ont pas fait suffisamment d’efforts pour promouvoir leur héritage face aux détracteurs et aux arnaqueurs. Lorsqu’un petit nombre de survivants se sont retrouvés pour sauver leur réputation et leur nom, le groupe était trop faible et c’était trop tard. Avec un héritage malheureux, l’histoire et la mémoire de l’unité devaient souffrir encore plus. Tous ces points devaient contribuer à la mort de l’Escadrille Lafayette et du Corps d’Aviation Lafayette. Pris séparément, aucun de ces facteurs n’aurait porté atteinte à la vie de ces hommes mais ensemble, ces problèmes constituaient des obstacles trop importants à surmonter. C’est pour ces raisons et d’autres que les hommes et leur héritage se sont ternis.

 

Note au sujet de cette dissertation

 

Le but du chercheur dans cette dissertation n’est absolument pas de fustiger ou critiquer ce qu’il pense être une unité d’hommes réellement inspirés. C’est une des histoires les plus originales et irrésistibles de l’histoire du volontarisme américain. Cependant, l’auteur considère qu’il est important de déterminer la raison pour laquelle l’Escadrille Lafayette n’a pas généré le même support et la même admiration de la part des Américains que certaines des unités de volontaires dans son histoire. C’est seulement en comprenant ce qui a porté atteinte à la gloire de ces hommes que l’on peut commencer à rectifier l’histoire de Lafayette.

Le but de cette dissertation n’est pas d’arriver à des conclusions précises ; il est impossible pour l’auteur de parler au nom de l’Amérique dans sa globalité. Le but de l’auteur est plutôt de présenter des preuves aux quelques lecteurs qui connaissent l’Escadrille Lafayette et le Corps d’Aviation Lafayette pour leur permettre de comprendre peut-être pourquoi ces hommes n’ont pas trouvé dans l’histoire la place à laquelle ils pouvaient assurément prétendre. Bien que les documents étudiés de façon complète par le chercheur soient apparus dans d’autres endroits avant, dans d’autres endroits, les mêmes documents n’ont, à la connaissance de l’auteur, jamais en Amérique ou en France, été étudiés avec un tel objectif. L’auteur pense qu’il a consulté pratiquement toutes les sources principales disponibles dans les musées, archives et collections spéciales (les collections privées constituent des exceptions car elle sont inaccessibles à l’auteur). En conséquence, l’auteur a tenté de relier les documents disponibles de toutes ces collections afin de générer une piste à suivre par le lecteur.

Les personnes qui ont aidé l’auteur, lui ont manifesté une grande part d’intérêt pour sa recherche. Il espère seulement qu’il sera à même de fournir un éclairage intéressant sur cette question embarrassante. Il espère que tous comprendront mieux les hommes de Lafayette.

 

  1. La source indépendante : Le Major Brandi S. Barham USAF, diplomé d’un « Bachelor of Science Degree in Behavioral Sciences » de l’U. S. Air Force Academy, 1992.
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Chapitre Un. Un mémorial oublié

Le Mémorial de l’Escadrille Lafayette est situé à moins de treize kilomètres du centre de Paris. Si on part de l’Arc de Triomphe et on coupe par le Bois de Boulogne, en traversant la Seine au pont de Suresnes ou de St Cloud, il n’y a qu’une courte distance à travers la banlieue nonchalante de St Cloud et Garches pour arriver au Mémorial situé à Marnes-la-Coquette. Après avoir passé la station de train de Garches qui se trouve sur la ligne de Paris – St Nom la Bretèche, il n’y qu’environ 400 m pour aller sur le Boulevard Raymond Poincaré (anciennement Boulevard Michel Brezin). Il faut chercher au numéro 5 sur la gauche – l’entrée du parc du mémorial ; l’entrée était majestueuse mais à présent il faut prêter attention pour voir l’insigne de la Tête d’Indien décolorée – emblème de l’Escadrille Lafayette – sur les colonnes du portail, car il est pris dans une végétation luxuriante (voir photos 1 et 2).

Une fois entré, il faut se garer immédiatement sur la droite car le trafic est interdit dans l’enceinte du parc, excepté lors d’occasions formelles et cérémonies. Les quelques hectares sur lesquels sont situés le parc sont idylliques, les feuillages sont denses et magnifiques, dont on peut profiter en empruntant le chemin de 100 m qui conduit au mémorial. Il faut emprunter le pont qui enjambe l’étang Marche et le lac Villeneuve, et ensuite suivre le chemin sur la droite. Au tournant, se trouve un panneau en français qui indique :

 

Passant

Ici repose côte à côte unis

Dans la mort comme ils furent

Dans l’action, les plus valeureux pilotes

Américains et leurs chefs français

Passant

Respecte leur sommeil, n’entre dans

Ces lieux que pour te recueillir

Médites leur exemple et pries

L’armée de l’air française.

 

Ensuite, lorsqu’on dépasse le panneau à travers la pelouse soignée et épaisse qui couvre la distance jusqu’au Mémorial, on est frappé par la taille et la majesté du monument. Ce Mémorial, construit en l’honneur des aviateurs américains qui ont volé et se sont battus pour la France avant et après l’entrée de l’Amérique dans la Grande Guerre présente un témoignage puissant de l’esprit et du courage des hommes de l’Escadrille Lafayette et du Corps d’Aviation Lafayette. Le Mémorial de l’Escadrille Lafayette est étonnamment important considération prise de ce qu’il est si proche des voies publiques mais cependant si complètement caché à la vue des passants.

Le Mémorial est d’un style très caractéristique des années 1920. Il se situe sur une pente et surplombe un plan d’eau. Il est composé d’un arc de triomphe flanqué de part et d’autre de portiques à colonnes, qui sont à leur tour appuyés sur des arcs plus petits. L’arc de triomphe, ou arc central, qui représente exactement la moitié de la taille de l’Arc de Triomphe, domine la construction, surplombant les arcs et portiques latéraux du Mémorial. 1

L’arc central dominant nous donne l’impression de rapetisser au fut que l’on approche, permettant d’apprécier pleinement la grandeur du monument. Le grand nombre de détails ornementaux, d’inscriptions et de gravures qui couvrent densément les façades du monument est impressionnant.  L’arc de triomphe porte en grandes lettres l’inscription suivante sur ses faces avant et arrière :

 

En mémoire des hommes

de l’Escadrille Lafayette

qui sont morts pour défendre

le droit et la liberté.

 

Les « Têtes de Guerriers Indiens Sioux Hurlants » sont aisément identifiables sur chaque arc latéral et sont les reproductions les plus grandes du Mémorial. Une autre Tête d’Indien gigantesque en mosaïque se trouve sur le sol du Mémorial directement sous l’arc central.

Toutes les batailles auxquelles les aviateurs Lafayette ont pris part sont gravées sur le Mémorial et se retrouvent le long des portiques latéraux et entourent les arcs latéraux. Ils se lisent comme une référence encyclopédique à la Première Guerre Mondiale. Même ceux qui ne connaissent rien à l’Escadrille Lafayette et au Corps d’Aviation Lafayette, reconnaîtront certainement et frémiront aux noms qui hantent encore la mémoire collective mondiale : Dunkerque, Soissons, Reims, St Mihiel, Arras, Verdun, Noyons, St Quentin, Flandres, Somme, Aisne, Marne, Vosges, Oise, Alsace, Argonne, Champagne et Mont Didier. Selon cette longue liste de noms, on peut savoir que les hommes ont participé à pratiquement toutes les batailles principales de la Grande Guerre après 1915 et qu’ils ont servi dans tous les secteurs du Front Ouest. C’est quelque chose à quoi peu d’hommes peuvent prétendre.

En levant les yeux sous l’arc de triomphe, on peut voir le nom de 209 hommes qui se sont battus et dans la plupart des cas, sont morts pour la France. Certains des noms sont sanctifiés et représentent les premiers as américains comme Raoul Lufbery. Certains des noms représentent les familles de l’élite américaine comme Rockwell et Prince. Certains sont très américains : Hall, Johnson, Jones ; dans d’autres cas, des noms comme Genet et Masson sont aussi français que les ancêtres de ces aviateurs. D’autres noms encore comme Hoskier, Soubiran et Pavelka reflètent le melting-pot qu’était et que sera toujours l’Amérique.

En dessous de ce même arc central, en regardant à droite et à gauche, on voit les marches descendant couvertes par les portiques à colonnes qui conduisent aux entrées de la crypte. Ce monument abrite également un caveau souterrain contenant 68 sarcophages de membres de l’Escadrille Lafayette et du Corps d’Aviation Lafayette. Au dessus des marches conduisant au caveau, on peut lire le verset de la Bible suivant :

 

Ils n’ont pas été séparés par la mort

Ils étaient plus légers que les aigles

Plus forts que les lions.

II Samuel 1.23

 

En descendant l’un quelconque des escaliers, ont arrive aux entrées de la crypte. Aux entrées, on peut lire la plaque suivante :

 

Aux morts de

L’Escadrille Lafayette

Cette crypte est consacrée.

Ils allèrent au trépas de leur plein gré

Pour la cause qu’ils

Avaient embrassée.

Ils reposent dans le sol

Qu’ils ont défendu.

L’intérieur de la crypte est austère et tamisé, contrastant avec les ornements caractéristiques du Mémorial situé au dessus. Les cercueils sont placés côte à côte par groupes de quatre, les aviateurs américains et leurs commandants français reposent ensemble dans la mort, aussi près qu’ils étaient les uns des autres quand ils étaient en vie. Les cercueils ne portent qu’une simple plaque. Par jour ensoleillé, la luminosité est très belle et très apaisante car sur le mur opposé de la crypte, loin des sarcophages, on peut voir treize petits vitraux rectangulaires merveilleusement ouvragés. Chaque vitrail recréée une scène de bataille à laquelle l’Escadrille Lafayette a pris part, avec les détails et points de repère des avions et signatures de chaque région de bataille. La lumière de ces vitraux ré-hausse de couleurs resplendissantes le nom des aviateurs ensevelis en face. En fait, dans les 68 sarcophages, se trouvent seulement effectivement 49 hommes mais ceux qui y reposent sont les plus célèbres : Raoul Lufbery, Douglas MacMonagle, Victor Chapman, Edmond Genet, James Rogers McConnell, Paul Pavelka, Andrew Courtney Campbell et le commandant français Georges Thenault.

En montant les marches et en s’éloignant du Mémorial par jour de beau temps, on peut apprécier à sa juste valeur la beauté du monument. La taille et la conception du Mémorial de l’Escadrille Lafayette sont à vous couper le souffle. Sa magnificence est tout à fait impressionnante, blotti majestueusement comme il l’est dans ce parc serein et paisible.

Tout n’est pas parfait

Cependant, tout n’est pas parfait concernant  ce Mémorial érigé à la mémoire de ces hommes courageux. La condition du monument est scandaleuse. Il se disloque. Son extérieur, comme son intérieur, ne souffrent pas seulement des ravages du temps, mais succombent aux dommages causés par l’eau, la négligence et la pollution.

Les surfaces de granite blanc « Euville » et « Rocheret », naguères immaculées, qui forment la face du monument ont été noircies par la pollution de l’air.  Malheureusement, le Mémorial est entouré et bordé de deux routes – le boulevard Raymond Poincaré et la nationale 407 ; une autoroute importante – la A13 ; et une ligne de chemin de fer double qui dessert la ligne Paris – St Nom la Bretèche. Le trafic sur ces  routes très fréquentées a généré une crasse épaisse et noire qui a obscurci la plus grande partie des surfaces de granite blanc du Mémorial, ce bien qu’il soit entouré par la végétation naturelle et luxuriante du parc.

Une inspection plus détaillée du Mémorial révèle qu’il est en piteux état. Les marches qui mènent au mémorial sont fissurées et la maçonnerie s’effrite. Les carreaux de la terrasse arrière du Mémorial sont cassés à de nombreux endroits, laissant apparaître des trous béants disgracieux. Les gigantesques blocs de granite du mémorial ne sont pas seulement noirs de pollution, ils présentent également des fissures importantes sur leur longueur. Des moisissures et mauvaises herbes balafrent également les énormes blocs de granite. Ceci continue à gâcher la beauté esthétique du granite déjà endommagé. L’intérieur des arcs et des portiques est resté blanc mais les plafonds sont écaillés et des morceaux sont tombés, laissant apparaître les armatures métalliques rouillées ce qui, à son tour, a décoloré les surfaces alentour.

La crypte est un désastre. Il n’y a pas de mots pour décrire correctement la façon dont les dommages dépouillent le lieu de repos de ces héros de son caractère sacré. Les entrées de la crypte sont couvertes de fissures. Le plafond de la crypte est littéralement un danger pour les visiteurs. Des surfaces importantes des arcs blanc qui constituent l’intérieur de la crypte se sont effritées comme atteintes d’un cancer de la peau et offrent à l’œil la vision disgracieuse de briques et mortier utilisés pour les fondations. Le sol de la crypte est jonché de flaques d’eau importantes, même en période sèche, et on a l’impression de se trouver dans un grand réseau souterrain d’égouts ou de conduites d’eau. Les sarcophages sont mis en danger par l’eau ; des efforts ont été faits pour consolider les dommages et arrêter le suintement mais les tentatives ont été bâclées et réalisées par des non-professionnels. La riche mosaïque composant le sol de la crypte, travail d’art sans prix, a été abîmé par le drainage ; le dommage est irréversible. Pour ajouter aux malheurs de la crypte, les alcôves qui étaient destinées officiellement à abriter des chapelles et sanctuaires de réflexion, sont vides car l’eau endommagerait tout ce qui serait placé dans leurs renfoncements.

Les superbes vitraux sont couverts de toiles d’araignées et crasseux. Par le passé, on a tenté de les recolorer mais le travail a été fait de façon non professionnelle et les vitraux sont pires à présent. La beauté originelle époustouflante a été affaiblie par le travail bâclé. A l’extérieur du monument, à l’arrière, où la crypte a une douve destinée à recueillir et canaliser les eaux, c’est  une horreur et un cauchemar architectural. La rouille et les dommages sont très importants et ce sera une entreprise très importante que de palier à l’effet nuisible qu’elle a sur le bâtiment.

A condition du Mémorial de l’Escadrille Lafayette est une honte. Le parc est vide toute l’année et le nombre des visiteurs atteint à peine 100 personnes. 2  Le Mémorial a été oublié.

Le Mémorial de Suresnes : une brève comparaison

Un peu plus près de Paris, mais toujours dans la même région que le Mémorial de l’Escadrille Lafayette, on trouve le Cimetière Américain de Suresnes qui se trouve dans la banlieue parisienne du même nom (voir photo 1).

Ce cimetière d’environ trois hectares est également situé de l’autre côté de la Seine , bien que sur une colline qui surplombe la ville. Ce cimetière contient les tombes de 1.541 Américains qui sont morts pendant la Première Guerre Mondiale et 24 Américains inconnus morts pendant la Seconde Guerre Mondiale. Les tablettes de bronze sur les murs de la chapelle listent les noms de 974 disparus, perdus ou abîmés en mer. Ce cimetière est également entouré par des routes et exposé aux éléments, sans toutefois avoir la végétation dense qui cache le Mémorial de l’Escadrille Lafayette. 3

Pourtant, ce cimetière est immaculé. Les stèles sont blanches et semblent avoir été érigées il y a peu de temps. Les rangs de tombes se trouvent sur des pelouses soignées, dont la rigueur des rangs et colonnes est très militaire. Le mémorial et la chapelle sont dans les mêmes conditions parfaites. Les ravages du temps et des éléments ont été tenus à distance ici et il faudrait regarder de très près pour savoir si le temps a endommagé l’endroit et ce qu’il contient.

Le Cimetière de Suresnes se trouve sur un site qui contraste violemment avec le Mémorial de l’Escadrille Lafayette à Marnes-la-Coquette et c’est l’exemple le plus direct et parlant de ce que quelque chose ne va pas ou est oublié au Mémorial des vaillants aviateurs de l’Escadrille .

La Fondation du Mémorial de l’Escadrille Lafayette

L’inauguration du Mémorial de l’Escadrille Lafayette, dessiné par Alexandre Marcel, Architecte en Chef du Gouvernement Français, a eu lieu le 4 juillet 1928. La « Fondation du Mémorial de l’Escadrille Lafayette » a été établie peu de temps après en 1930 par William Nelson Cromwell, avocat new-yorkais distingué habitant Paris, en tant que « Fondateur », et sa mission est la suivante :

  • Assurer la conservation et maintenance permanente du monument érigé par l’Association du Mémorial de l’Escadrille Lafayette dans le parc de St Cloud sur un terrain cédé par le Gouvernement Français à ladite association, dans le but d’entretenir dans le cœur des hommes l’esprit qui a animé les membres de l’Escadrille Lafayette et le Corps d’Aviation Lafayette, tous les Américains, tous les volontaires pour la cause universelle de la liberté sous le drapeau français avant l’entrée de leur pays dans la Grande Guerre.
  • Prévoir les observances religieuses appropriées dans les lieux.
  • Eduquer la jeunesse française, américaine et d’autres nations sur l’histoire de leurs pays respectifs et des pays des autres, sous forme de discours publics, publications et autres. 4

L’idée initiale d’un monument en l’honneur du Corps d’Aviation Lafayette a été avancée par un de ses anciens membres, le pilote Edgar Guerard Hamilton, qui avait aidé dans la recherche des corps de ses camarades du Corps d’Aviation Lafayette après l’armistice. Cette récupération laborieuse des corps qui étaient enterrés partout sur le front français, et dans certains cas derrières les anciennes lignes ennemies, lui a donné une idée. Il voulait rassembler les corps de ce groupe unique d’hommes dans un seul et même lieu de repos et à cet effet, il a sollicité l’aide d’officiels américains et français. En mars 1923, une association dénommée « Association pour le Mémorial de l’Escadrille Lafayette » a été fondée afin de donner jour à cette idée. 5

Le monument a été construit dans les années 1927 et 1928. Le Gouvernement Français a donné un parc de quatre hectares et des fonds pour la construction ont été collectés par le biais de souscription publique en France et aux Etats Unis. William Nelson Cromwell a fait donation de la plus grande partie des fonds pour la construction. Après sa mort, il a laissé un trust additionnel de 1,5 million de dollars pour la maintenance du monument à la « Fondation pour le Mémorial de l’Escadrille Lafayette » qu’il avait fondée. 6

Le Mémorial est toujours administré par la même Fondation qui est exonérée d’impôts et sa contrepartie française, « La Fondation du Mémorial de l’Escadrille Lafayette » est également une association exonérée d’impôts. Les conseils d’administration des fondations sont entièrement identiques et sont composés de trustees français et américains. La Fondation emploie un jardinier et un gardien qui vit sur la propriété moyennant un loyer inférieur à la valeur du marché et s’occupe des lieux. La maintenance de routine du parc et du Mémorial coûte environ 50.000 USD par an en dollars de 2002.7

Le capital du trust original créé par Cromwell a régulièrement diminué au fur et à mesure des années. Ainsi qu’en fait état une étude réalisée par la Commission Américaine des Monuments de Batailles (CAMB), les réparations importantes pour arrêter les infiltration d’eau dans la crypte , les réparations déjà effectuées au fil des années sur la structure, des investissements malheureux  et l’augmentation des coûts de maintenance ont complètement asséché les fonds. La construction originelle a dépassé son budget de 3 millions de dollars, si bien que diverses économies ont été réalisées pour réduire les frais. Sur le long terme, ceci a affecté la structure du Mémorial. Aussitôt après son inauguration, des travaux d’amélioration ont dû être faits entre 1928 et 1936 pour restaurer et améliorer les imperfections et les dommages liés à l’eau à leur début. Des travaux de restauration ont également été entrepris entre 1980 et 1986 et certains des plans d’origine ont dû être changés. 8

En l’absence de fonds propres, le Mémorial de l’Escadrille Lafayette a lentement commencé à s’émietter et à se dégrader.

La différence à Suresnes : La Commission Américaine des Monuments de Batailles

La Commission Américaine des Monuments de Batailles (CAMB) est un petit organisme indépendant de la Division Exécutive du Gouvernement Fédéral des Etats Unis. Cette commission est en charge de l’entretien et de la maintenance des cimetières, monuments, mémoriaux et plaques américains à travers le globe. La Commissions remplit sa mission en :

  • Dessinant, construisant, faisant fonctionner et assurant la maintenance les cimetières militaires américains dans les pays étrangers ;
  • Etablissant des monuments sur le sol américain lorsque le droit public l’exige et en dehors des Etats Unis où des forces armées américaines ont servi depuis 1917 ;
  • Contrôlant la construction et les changements apportés aux mémoriaux militaires, aux monuments et plaques américains en terre étrangère, par d’autres citoyens ou organisations américains, publics et privés ;
  • Encourageant le parrainage pour entretenir correctement leurs mémoriaux, monuments et plaques. 9

La Région Européenne de la CAMB a son principal bureau près de Paris, à Garches, juste en dehors de Paris et du Mémorial de l’Escadrille Lafayette. Elle est en charge de 17 cimetières et 15 mémoriaux, monuments et plaques de Normandie en Tunisie. On y compte les cimetières de la Première Guerre Mondiale à Asine-Marne, Ardennes, Oise-Aisne, Somme, St Mihiel, Suresnes et Meuse-Argonne qui ont également des monuments impressionnants et au total abritent plus de 44.331 morts à la guerre. Le nombre de visiteurs de ces cimetières excède 207.000 en 2000, soit près de 30.000 visiteurs annuels par site (Suresnes a compté 14.662 visiteurs en 2002). 10

Cependant, ces cimetières et autres monuments composant la Région Européenne de la CAMB ne sont pas sans poser de problèmes. Ces sites souffrent d’une exposition extrême et de problèmes de corrosion, mais ainsi qu’il est exposé dans « Exploitation et Gestion des Sites », section du « Rapport Annuel 2000 de la CAMB », ils sont traités de façon agressive. Le degré de manque de réparations n’approche jamais celui du Mémorial de l’Escadrille Lafayette. Financées par le Gouvernement Américain, ces installations sur le sol français n’ont pas le droit d’être oubliées.

C’est impressionnant si l’on considère les distances séparant des Etats Unis. La CAMB gère et assure la maintenance de 24 cimetières militaires américains et de 27 mémoriaux, monuments et plaques dans 15 pays à travers le monde, qui ont reçu 3.998.312 visiteurs en 2000 avec un budget de 128.323.000 dollars. Ceci représente une prouesse considérable puisque seulement 369 employés se partagent ces responsabilités à travers le monde 11

* * *

Alors, comment se fait-il que le Mémorial de l’Escadrille Lafayette se trouve dans une tel état de décrépitude par rapport au cimetière de Suresnes et autres cimetières et monuments américains  en France ? La différence fondamentale est que le Mémorial, bien que dédié à des Américains, est géré de façon privée par une Fondation qui n’a pas de fonds.

Une analogie : Un Monument Oublié et l’Escadrille Lafayette Oubliée

C’est un fait que le Mémorial a été négligé. Ce qui est beaucoup plus irrésistible et gênant, est le fait que le sort du Mémorial est une exacte analogie du sort de l’Escadrille Lafayette et des hommes du Corps d’Aviation Lafayette, de leur histoire et héritage. Il est vrai que la Fondation de l’Escadrille Lafayette n’a pas de moyens, mais c’est en partie dû à un public et Gouvernements américains qui ont perdu tout intérêts dans l’histoire de l’aviation Lafayette. La mémoire des hommes de Lafayette, comme le Mémorial, sont pratiquement oubliés et négligés aux Etats Unis.

  1. Etude préalable à la restauration générale du Mémorial de l’Escadrille Lafayette, p. 6.
  2. Le chiffre de visiteurs cité par Secrétaire de la Fondation du Mémorial, 3 septembre 2002.
  3. Visite d’auteur, et l’ABMC Visitor’s Guidebook.  (American Battlefields Monuments Commission ou Commission Américain des Monuments de Batailles en francais)  
  4. Brochure de la Fondation du Mémorial de l’Escadrille Lafayette.
  5. Gordon, Dennis, Lafayette Escadrille Pilot Biographies (Missoula, Montana, 1991), p. 140.
  6. « ABMC Talking Paper » par Mme. Lillian Fluke.
  7. Ibid.
  8. Etude préalable, p. 28.
  9. ABMC Mission and Organization Statement, ABMC 2000 Annual Report. 
  10. Les chiffres viennent d’ABMC 2000 Annual Report.
  11. Ibid.

 

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L’Escadrille Lafayette : Unité Volontaire de Combat Oubliée de l’Amérique

Lieutenant Colonel Philippe D. Rogers USMC

Ecole Pratique des Hautes Etudes

Section des sciences historiques et philologiques  

DEA sous la direction de M. Hervé COUTAU-BEGARIE

Table des matières

Avant-propos

1  Un mémorial oublié

2  L’Escadrille Lafayette : Unité volontaire de combat oubliée de l’Amérique

3  Courte histoire de l’Escadrille Lafayette

4  Un tableau de combat moyen

5  Une Mauvaise intégration par le Service Aérien Américain de l’Escadrille  Lafayette

6  Dissensions dans les Rangs

7  L’Héritage des aviateurs Lafayette

8  La Défaillance de l’Amérique pour commémorer les aviateurs Lafayette

9  Un Mémorial dont on se souvient

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Correspondance militaire de Napoléon Ier

Correspondance militaire de Napoléon Ier

Extraite de la correspondance générale
Et publiée
Par ordre du ministère de la guerre

Tome premier

Tome 2

Tome 3

Tome 4

Tome 5

Tome 6

Tome 7

Tome 8

Tome 9

Tome 10

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